Les commémorations du 11 novembre en Belgique francophone pendant l'entre-deux-guerres. Les cas de Bruxelles, Liège et Mons( Télécharger le fichier original )par Emeline WYNANTS Université de Liège - Master en histoire 2012 |
2.2.2.2.2. Les participants et organisateurs.Il s'agit maintenant de présenter ceux qui se souviennent : Qui est présent ? Qui organise ? Ces manifestations officielles sont placées sous le haut patronage du Roi qui est présent en tant que chef de l'Etat mais aussi comme commandant en chef de l'armée. La présence de la figure royale est d'autant plus marquée sous le règne d'Albert 1er en raison de son rôle durant la Première Guerre mondiale. La présence du reste de la famille royale n'est pas une obligation. Seule la Reine Elizabeth est présente à chaque cérémonie et ce grâce à son rôle d'infirmière et d'écoute au chevet des malades et des blessés durant la guerre. Au côté de la famille royale, nous trouvons les représentants des institutions publiques : membres du gouvernement, sénateurs et parlementaires. Nous avons pu noter la présence du Bourgmestre de la ville de Bruxelles qui est pour la période étudiée Adolphe Max249(*). Autour d'eux, nous retrouvons différents ministres, les plus récurrents étant le ministre de la Défense et le Premier Ministre. Les membres du gouvernement sont libres de participer ou non à la cérémonie du moment où ils préviennent la commission organisatrice.250(*)A leurs côtés, sont présents en grand nombre les représentants militaires. Lors de pratiquement toutes les cérémonies, des représentants d'états étrangers, d'ambassadeurs, de consuls et de présidents d'associations d'Anciens Combattants. Cette présence internationale s'explique par le caractère international de l'Armistice. Enfin, parmi les participants identifiables, nous retrouvons les associations d'Anciens Combattants qui occupent le pourtour de la Place du Congrès, avec leurs drapeaux distinctifs. Chaque année, ils reçoivent un salut royal lorsque le Roi et la Reine quittent les lieux. Se joignent à cette catégorie, les familles des victimes La foule, quant à elle, n'est pas identifiable et est rarement qualifiée. Il est donc impossible de percevoir l'implication de la population dans la réalisation de ces cérémonies. Toutefois, nous avons pu constater que, pour les trois villes étudiées, il lui est demandé de pavoiser la devanture de sa maison ce qui semble être respecté.La participation populaire est confirmée par Olivier Standaert qui affirme que tout au long des vingt-deux années de l'entre-deux-guerres, la participation aux cérémonies n'est jamais prise en défaut.251(*) Au niveau de l'organisation, nous retrouvons les administrations communales accompagnés des membres dirigeants d'organisations patriotiques telles que l'Association des Officiers de la Campagne 1914-1919, la Fédération Nationale des Combattants, la Fédération Nationale des Invalides ou encore la Fédération Interalliée des Anciens Combattants. A leurs côtés, se trouvent également le ministre de l'Intérieur ainsi que des représentants militaires.252(*) C'est probablement cette forte représentation de soldats et ex-soldats qui explique le caractère militaire de la cérémonie et l'hommage presqu'exclusif que les soldats reçoivent. Nous verrons dans le point suivant que d'autres catégories sociales sont mises à l'honneur mais ce de façon ponctuelle et sur une volonté particulière du comité organisateur alors que l'hommage aux soldats semble naturel. En 1925, après trois années de pèlerinage à la tombe du Soldat Inconnu, le comité organisateur propose d'instituer ce pèlerinage national annuellement « afin de rendre un pieux hommage aux Belges qui ont fait le sacrifice de leur vie pour conserver intact le patrimoine légué par les fondateurs de notre Indépendance ». Aux vues de la pratique qui se développe, ce projet n'a pas été entièrement retenu. En effet, ce projet prévoyait l'intégration des enfants des écoles dans le cortège ainsi qu'une soirée dédiée aux concerts militaires.253(*)L'élément essentiel de ce projet est la participation de la Nation à ces manifestations, c'est-à-dire la présence du gouvernement et surtout du Roi-Chevalier. Les journaux reconnaissent qu'il a fallu un certain temps pour que ce processus, cette tradition se mette en place. La Libre Belgique souligne : « Il faut à toutes choses, un certain temps pour mûrir - tout comme aux fruits. Il a fallu attendre quatre ans pour arriver à la glorification de nos morts héroïques... »254(*). Et La Nation Belge ajoute : « La commémoration de l'armistice eut été incomplète, elle aurait négligé une intention essentielle si elle n'avait retenu de la journée éblouissante que l'allégresse avec laquelle l'aube en fut saluée par les millions d'hommes enchainés depuis quatre ans à l'oeuvre de guerre ; On l'a compris chez nous. A mesure que le temps voilait l'éclat joyeux du souvenir, la signification austère du 11 novembre se dégageait. En creusant le sens de la date inoubliable, on découvrit qu'elle n'était pas de celles qui peuvent exalter les coeurs sans arrière-pensée. L'heure qui nous rendit la paix sonna au cadran de l'Histoire après un holocauste sans précédent, elle avait été hâtée par l'héroïsme et la valeur de nos soldats, la grandeur de leur sacrifice devait être évoquée pour que cet anniversaire ne fût pas une injustice posthume à leur mémoire. {...} Ce n'était pas assez des honneurs rendus chaque année depuis l'armistice à la tombe du Soldat Inconnu par l'Amicale des Officiers de la Campagne 1914-1918 et des pèlerinages patriotiques. La Nation devait s'associer officiellement ... ».255(*) Nous verrons, un peu plus loin, la question de la perception dans le temps de cette ritualisation. * 249Adolphe Max (30 décembre 1869-6 novembre 1939 : issu de la bourgeoisie intellectuelle dirigeante, Adolphe max possède pourtant une ouverture d'esprit qui lui vient probablement de la fréquentation de milieux très divers. Avocat, journaliste et homme politique, Adolphe Max est une figure emblématique du Bruxelles du début du vingtième siècle. En tant qu'homme politique, il commence ses activités dès l'université où il fonde la jeune garde libérale. De 1896 à 1910, il est membre du conseil provincial. Le 18 janvier 1898, il devient également auditeur du Conseil supérieur du Congo, en 1903, il est conseiller et en 1919, il en est le vice-président. 1903 est aussi l'année où il rentre au conseil communal de Bruxelles. En 1908, il est échevin du contentieux et de la bienfaisance publique ; en 1909, il devait devenir l'échevin de l'instruction publique mais le Bourgmestre meurt et Léopold II confie à Adolphe Max cette tâche. Jusqu'à la guerre, son activité principale est de redresser les finances de la ville. Pour ce faire, il n'hésite pas à mettre toute autre activité entre parenthèses. C'est son activité et son attitude durant l'occupation allemande qui vaut à Adolphe Max sa popularité. En effet, le 20 août, il se place avec quelques notables bruxellois comme otage volontaire de l'occupant. Il organise divers secours, apporte son aide calme et raisonnée à qui en a besoin, se montre ferme lorsque l'occupant trahi leur convention. Suite à son ordre de suspendre le payement du solde de contribution de guerre, il est mis aux arrêts le 26 septembre 1914. Il passe le reste de la guerre en prison. Cette arrestation arbitraire ne fait qu'accroitre sa popularité, d'autant plus, que du fond de sa cellule, il fait tout ce qu'il peut pour entretenir le moral des Belges. Après-guerre, il s'évertue de nouveau à rétablir les finances de la ville et il continue à aider ses compatriotes. En 1918, contre sa volonté, il devient ministre d'Etat. A sa mort, ce n'est pas que Bruxelles qui est en deuil mais le pays entier. Les grands journaux consacrent leurs unes à cet homme et lors de la cérémonie commémorative de l'armistice, la population lui rend un vibrant hommage. BERNARD C., « Max Adolphe » in Biographie Nationale de Belgique, tome 30, Bruxelles, Bruylant, 1958, p. 551-568. * 250ARCHIVES DE LA VILLE DE BRUXELLES, Fêtes et cérémonies: Participation des élèves à des manifestations, 1919-1925, AVB IP 2721 : Manifestations patriotiques, de 1922 à 1948 : Lettres adressées au gouvernement demandant la confirmation de la participation. * 251STANDAERT O., La mémoire d'une « Ville martyre » : manifestations et évolution de la mémoire de la Grande Guerre à Andenne 1918-1940, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 2005, p. 71. * 252 Peu de papiers de ce comité organisateur nous sont parvenus. Nous présentons donc ici un aperçu général des personnalités engagées. ARCHIVES DE LA VILLE DE BRUXELLES, Fêtes et cérémonies: Participation des élèves à des manifestations, 1919-1925, AVB IP 2721 : Manifestations patriotiques, de 1922 à 1948 : composition du comité organisateur des cérémonies de 1923, 1924, 1933. * 253ARCHIVES DE LA VILLE DE BRUXELLES, Fêtes et cérémonies: Participation des élèves à des manifestations, 1919-1925, AVB IP 2721 : Manifestations patriotiques, de 1922 à 1948 : projet d'instauration d'un pèlerinage annuel à la tombe du Soldat Inconnu. * 254La Libre Belgique, 13 novembre 1923, p.1. * 255La Nation Belge, 12 novembre 1925, p.1-3. |
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