ÉCOLE NATIONALE DE LA STATISTIQUE ET DE L'ADMINISTRATION
ÉCONOMIQUE 3, AVENUE PIERRE LAROUSSE - 92245 MALAKOFF CEDEX, FRANCE
Mémoire d'Actuariat présenté pour
l'obtention du diplôme de l'ENSAE et l'admission à
l'Institut des Actuaires
le
Par: GUILLAUME OMINETTI et MARIE TODD
Titre: Modélisation et couverture des Comptes
Courants Postaux
Confidentialité: NON OUI (Durée: 1 an 2 ans)
Les signataires s'engagent à respecter la
confidentialité indiquée ci-dessus
Membre présent du jury de l'Institut des Actuaires
Membres présents du jury de la filière Actuariat
de l'ENSAE
Entreprise
Nom: LA BANQUE POSTALE Signature:
Directeurs de mémoire en entreprise Nom: CHRISTOPHE LUNVEN
Signature:
Nom: LUDOVIC MERCIER Signature:
Invité Nom: Signature:
Secrétariat :
Bibliothèque:
|
Autorisation de publication et de mise en ligne sur un
site de diffusion de documents actuariels (après expiration de
l'éventuel délai de confidentialité)
Signature du responsable entreprise
|
Signature du candidat
1
Résumé
Une banque de détail effectue un service dit de
transformation, ou d'intermédiation, c'est-à-dire
qu'elle collecte les dépôts de ses clients et utilise ces
ressources pour investir sur les marchés, en particulier pour
prêter aux particuliers, aux entreprises ou sur le marché
interbancaire. Cette position d'intermédiaire financier expose la banque
à un risque majeur, appelé risque de liquidité :
elle investit en général à long terme des ressources sans
maturité définie, qui peuvent être potentiellement
exigées par les clients du jour au lendemain. C'est la raison pour
laquelle on parle de dépôts à vue. Ainsi, un
retrait important et brutal par de nombreux clients peut créer un
déséquilibre soudain dans le bilan de l'établissement.
Dans un tel scénario, ce dernier ne dispose plus des liquidités
pour faire face à la demande et se voit contraint de réemprunter
sur les marchés et/ou de vendre une partie de ses actifs financiers
d'échéance lointaine. Si le contexte de marché est
défavorable à cet instant, avec des taux d'intérêts
très élevés, la banque enregistre alors potentiellement
une perte.
Pour diminuer son exposition à ce risque, elle doit
donc placer une proportion suffisamment importante de l'encours à court
terme. Cependant, il est aussi dans son intérêt de placer
l'essentiel de ses ressources à long terme afin, d'une part, de profiter
de taux d'intérêts plus avantageux et, d'autre part, de lisser sa
rémunération au cours du temps. Un arbitrage doit être
effectué entre les deux types d'investissement. L'établissement
de crédit doit définir une politique de risque qui pilote ses
stratégies de placement sur les marchés. Ce pilotage
dépend étroitement des modèles statistiques
utilisés pour effectuer les projections sur le niveau des taux et des
encours futurs : on parle de gestion actif/passif. Cette gestion
nécessite une analyse régulière de la situation du bilan
et surtout de son évolution probable. L'estimation des besoins et des
excédents de liquidité aux dates futures y revêt une
importance capitale.
Ce mémoire explore la problématique de la
gestion actif-passif d'une banque de détail en proposant d'abord une
modélisation, puis une couverture, de l'encours des comptes courants de
l'établissement de crédit dans le futur.
La première partie de l'étude a consisté
à proposer des scénarios d'évolution de l'encours global
des comptes à vue. Ce dernier est défini comme l'agrégat
des sommes d'argent déposées par les clients sur leur compte
courant.
Les articles académiques que nous avons lus, pour
orienter notre démarche, ne proposaient que des modèles
d'évolution macroéconomiques insuffisants à nos yeux. Nous
pensons en effet que la dynamique de l'encours est un processus complexe
intégrant des effets très variés, aussi bien
économiques (le Produit Intérieur Brut, l'inflation) que
démographiques (structure par âge de la clientèle) ou
comportementaux (taux de sorties volontaires des clients). La
littérature académique consultée ne tenait pas
suffisamment compte de ces éléments.
Ainsi, nous avons bâti un cadre théorique
microéconomique beaucoup plus fin. Le modèle probabiliste
construit repose sur une ventilation de la clientèle par strates
«financières» et par âges et reproduit les mouvements
aléatoires sur les comptes courants de chacun des clients en
intégrant des facteurs variés comme l'inflation ou les taux de
mortalité par âge. Ensuite, nous avons implémenté
informatiquement la modélisation mathématique innovante que nous
avons construit. L'enjeu de ces simulations a été de valider le
comportement du modèle et d'analyser sa sensibilité aux
différents paramètres.
En particulier, nous y avons établi que le
modèle retenu pour l'inflation conditionne fortement la dispersion de
l'encours : une inflation aléatoire, et plus volatile, élargit
les intervalles de confiance pour la valeur de l'encours, à une date
future donnée.
2
Le degré de mobilité des clients, qui
caractérise leur propension à changer facilement d'état et
à sortir plus facilement, est un déterminant essentiel de la
volatilité de l'encours. Cela signifie que, plus la base de
clientèle est mobile, plus notre pouvoir prévisionnel sur
l'évolution de l'encours aux pas de temps suivants est
dégradé. De même, les taux de sortie des clients,
utilisés dans la calibration du modèle, modifient de
manière importante la durée de vie des dépôts dans
une vision de vieillissement du stock existant, lorsque la banque arrête
toute ouverture de compte.
La démographie actuelle de la clientèle est,
quant à elle, un facteur déterminant de la croissance de
l'encours sur le court-moyen terme. Nous y avons mis en évidence que,
dans le cadre de notre modèle, l'arrivée de la
génération du baby-boom dans des âges avancés est
susceptible d'entraîner, dans un futur proche, une surperformance de
l'augmentation de l'encours par rapport à ce que l'on pourrait
s'attendre a priori, notamment parce que les personnes
âgées détiennent en moyenne plus de liquidités. Par
ailleurs, nous avons pu vérifier qu'une banque en ligne, qui se
caractérise par une clientèle très jeune, connaît
une surperformance sensible de la croissance de son encours. Cela est
lié au vieillissement de sa clientèle actuelle et à
l'augmentation de l'effectif de cette dernière. À l'inverse, une
base de clientèle initialement âgée peut entraîner
une stagnation de l'encours, voire une décroissance de celui-ci, sur le
court-moyen terme en raison de la perte prochaine des clients les plus
aisés.
La seconde partie de l'étude a consisté à
analyser les performances de différentes stratégies
d'investissement de l'encours bancaire. L'enjeu est d'y modéliser
l'arbitrage, entre l'investisse-ment à court-terme et l'investissement
à long-terme, qui se pose dans la recherche simultanée d'une
rémunération lisse et pérenne mais avec une faible
exposition au risque de liquidité. Pour atteindre cet objectif, nous
avons considéré une stratégie de placement simple pour la
banque de détail, consistant à investir à court terme une
proportion constante de l'encours de clientèle et à investir le
résiduel à long terme, sur des obligations à cinq ans. En
nous appuyant sur un modèle financier classique sur les taux (celui de
Hull et White), nous avons simulé des scénarios
d'évolution des taux de marché de différentes
échéances. Ainsi, chacune de ces simulations a fourni une
trajectoire possible pour les prix des obligations et les rendements des deux
supports. En couplant cette simulation avec celle sur l'encours bancaire
effectuée en première partie, nous avons alors simulé la
marge nette dégagée par l'établissement sur une
période donnée. Cette marge nette est définie comme la
rémunération qu'il perçoit à chaque date au titre
de ses placements passés sur les marchés. Nous l'avons
effectué pour différentes stratégies de placement,
correspondant à une allocation plus ou moins importante d'investissement
sur le support court-terme (respectivement long-terme). Pour analyser la
robustesse de chaque stratégie, nous avons également
simulé un scénario de stress, qui consiste en une sortie
subite et massive de clients, couplée à une hausse des taux.
Nous avons mis en évidence que plus la banque place une
part importante de l'encours des dépôts à vue à long
terme, plus elle diminue la volatilité de sa marge mais plus elle
s'expose à un fort risque de liquidité : sous le scénario
catastrophe que nous générons, la banque s'expose à une
perte d'autant plus lourde qu'elle a investi massivement à long terme.
Nous avons alors été en mesure de tracer des graphes illustrant
cet arbitrage entre lissage de rémunération et risque de
liquidité. L'optimalité de l'investissement a été
envisagée comme un problème de minimisation de la
volatilité de la marge sous contrainte d'une perte plafond, en cas de
scénario de stress. Ce programme d'optimisation doit être
résolu par la banque au regard de la ligne de conduite sur le risque
qu'elle s'est fixée. Toutefois, nous avons établi que la
structure par âge de la clientèle conditionne le choix de
stratégie de l'établissement de crédit. Ainsi, à
volatilité de marge donnée (correspondant donc à une
certaine allocation entre placements court-terme et long-terme), une banque
présentant une clientèle jeune (respectivement âgée)
s'expose à un risque de liquidité inférieur
(respectivement supérieur) sur
3
le scénario catastrophe généré. La
raison à ce résultat est le différentiel de croissance
dans l'encours de ces banques.
Finalement, dans le cadre de notre modélisation, sous
le problème de minimisation de volatilité avec contrainte sur la
perte, la banque de détail va donc choisir d'investir une proportion
d'autant plus importante de l'encours global sur le long terme que sa
clientèle est jeune.
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