I.3. La gestion des risques en finance islamique
Les modes de financement islamique proposés
présentent beaucoup de limites dans leur exécution, d'où
le souci de faire l'inventaire des risques financiers islamiques.
Les produits islamiques, vus leurs caractères
spécifiques, présentent d'abord des risques spécifiques
c'est-à-dire des risques qu'on ne rencontre pas
généralement dans la finance conventionnelle. Selon V. Sundarajan
: « la gestion des risques doivent être renforcée au
niveau de ces institutions... C'est parce que les IFI sont face à une
mélange unique de risque qui se pose à la fois de la conception
contractuelle de base sur le partage ».26
Selon le directeur de l'Institut Islamique de Recherche et de
Formation (IIRF), Mabid Ali Al-Jarhi, tout en reconnaissant que « le
concept de finance islamique contient des caractéristiques propres qui
renforcent la discipline de marché et la stabilité
financière », avance que « l'industrie de la finance
islamique génère un certain nombre de risques systémiques
»27. Selon lui cette exigence s'explique par la nouvelle
microstructure des modes de financement islamiques et des
caractéristiques particulières du risque unique lié aux
ressources et aux emplois. L'IIRF (2002), à travers ses études,
présentent les risques encourus par les IFI en deux catégories :
les risques communs avec les banques traditionnelles en tant
qu'intermédiaires financiers et les risques propres aux banques
islamiques liés à leur conformité aux règles de la
Charia.
Parmi les risques communs avec les institutions
financières traditionnelles, il y a le risque de crédit, le
risque de marché, le risque d'illiquidité, le risque
opérationnel. Cependant « le degré d'importance de
certains de ces risques diffère pour les banques islamiques à
cause de leur conformité à la Charia ».
En plus de ces risques, les IFI ont leurs propres risques qui
« émanent des caractéristiques propres de la structure
actif-passif des banques islamiques ».28
26 V. Sundararajan, 2003
27 BID, IIFR, 2002.
28 BID, IIFR, 2002.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 18
L'IIFR met en exergue le mécanisme de partages des
profits et des pertes qui engendre des risques supplémentaires tel le
risque de retrait, le risque fiduciaire et des risques commerciaux
déplacés.
Le risque commercial déplacé est très
important en finance islamique. Ce risque émane des comptes
d'investissement (Profit Sharing Investisment Account) qui nécessite le
partage des profits entre la banque et les titulaires de ces comptes. Si en
théorie les profits sont partagés en ratio préaccord et
que les pertes sur les actifs sont à la charge des titulaires des
comptes PSIA, en pratique le concept de partage des bénéfices
réels avec les titulaires des comptes d'investissement est loin
d'être la commune pratique des banques islamiques (Kaouther TOUMI, 2009).
L'analyse des rendements sur les dépôts bancaires montre qu'il ya
un lissage considérable sur les comptes PSIA car les banques absorbent
une partie des pertes et coûts normalement supportés par les
titulaires de ces comptes (Sundararajan, 2008 ; Toumi, 2009). D'après
une étude de l'IIFR (2002, p.67), le risque de marge (semblable à
celui du taux d'intérêt) est plus importante avec un score de 3,07
suivie du risque opérationnel (2,92) et du risque d'illiquidité
(2,81). Alors que le risque de crédit est le risque le plus
répandu au niveau des institutions financières, les
établissements financiers islamiques ne le perçoivent pas comme
étant un risque aussi important (2,71) et le risque de marché est
considéré comme étant la moins grave (2,50).
En ce qui concerne les risques liés aux
différents modes de financement, la Moucharaka est le plus
risqué parmi les modes de financement participatif (suivi par
Moucharaka dégressive et la Moudaraba) avec des scores
suivants : risque de crédit (3,69), risque de marge (3,4), risque
d'illiquidité (2,92) et risque opérationnel (3,18) (BID, 2002, p.
68). Pour les modes de financement avec coût plus marge Mourabaha
est le moins risqué parce qu'il est conçu comme le
prêt à intérêt classique. Ceci s'explique par le fait
que les normes internationales du Comité de Bâle II peuvent
s'appliquer sur le contrat Mourabaha en ce qui concerne la gestion des
risques. Contrairement aux produits plus proches de la philosophie musulmane
tels que la Moucharaka qui nécessite des clauses
spécifiques vu le degré élevé du risque. Selon
l'IIFR la plupart des spécialistess considèrent que les normes
proposées par le Comité de Bâle sont applicables aux
banques islamiques (BID, 2002, p.82). « Cependant, la
difficulté apparait au niveau de l'application des normes de risque
pondéré aux banques islamiques, à cause des
caractéristiques différentes des modes de financement
islamiques.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 19
Ce problème peut-être surmonté par
l'adoption de l'approche basée sur le rating interne prévue par
le Nouvel Accord de Bâle. » (BIB, 2002, p.169). Pour O.
ELKETTANI (2010)29, il a développé les règles
de gouvernance managériale qui ont pour objectif de concilier entre la
gestion et la minimisation des risques et l'objectif de performance de
rentabilité c'est à dire le choix prioritaire sur les
financements à caractère commercial comme la Mourabaha
tandis que la Moucharaka étant plus risquée, vient
en second lieu. Pour Mouhamed EL KORCHI (2005), il a de façon
générale montré quelques problèmes de
règlementation particuliers que rencontrent les banques islamiques,
à savoir l'absence de normes communes de déclaration et de
comptabilité. Il a souligné aussi l'effort considérable
des organismes de règlementation financiers islamiques sur le
contrôle des produits financiers islamiques basés sur le principe
des 3P (partages des pertes et des profits) qui sont la Mousharaka et
la Moudaraba.
La Moucharaka comporte une variété de
risques qui sont le risque sur le capital et le risque de crédit. Les
banquiers islamiques subissent beaucoup de pertes financières dans un
tel produit. Sa gestion est très complexe et méritent plus
d'ingéniosité de leur part. Ainsi pour réduire les pertes
sur le capital M'rad (2011, p.94) propose de combiner le contrat initial de
Moucharaka avec une vente différée. Ainsi au lieu de
fournir le capital en numéraire à la société,
l'investisseur vend une partie de sa participation à un prix
différé donné et couvre partiellement son risque financier
tout en gardant une participation aux gains de la société. Cette
approche reflète le principe du partenariat de la Charia qui
permet aux partenaires de ne pas gérer eux-mêmes la Moucharaka
s'ils ne le souhaitent pas.
De nos jours les banques islamiques utilisent davantage des
techniques classiques comme la Var ou le RAROC pour mieux gérer les
risques sur leurs produits. Par exemple le RAROC qui est utilisé
à 47,1 % par les banques islamiques constituent une technique fiable et
efficace pour atténuer le risque de crédit et les pertes
financières (BID, 2002). Le RAROC est utilisé pour
déterminer le capital propre assigné aux différents modes
de financements qui ont des profils de risques différents.
La Mourabaha par exemple est considérée
comme le mode de financement le moins risqué par rapport aux autres
modes de financement comme la Moucharaka.
A coté de cette documentation, notre travail permettra
de répondre à quelques questions liées à la finance
islamique notamment sur une bonne gestion de risques.
29 O. ELKETTANI, « Les services financiers
et la gestion des risques des banques islamiques ». Avril 2010.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
risques : Moucharaka et Mourabaha
DIOP Moussa 20
De même elle constituera une référence
pour les étudiants de la Faculté des Sciences économiques
et de Gestion (FASEG) qui s'intéresseront d'avantage sur la finance
islamique.
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