Usage des symboles dans Syngué Sabour Pierre de Patience d'Atiq Rahimi( Télécharger le fichier original )par Nadia Fatima Zohra SATAL épouse CHERGUI Université Abdelhamid Benbadis Mostaganem - Algérie - Magistère, option sciences des textes littéraires 2011 |
1-1-3- PERSONNAGES ET MODE NARRATIFLes personnages mis en scène dans cette histoire sont la femme, l'homme, le mollah, le beau-père, la tante, le soldat et les deux filles dont, la femme est l'unique protagoniste de laquelle, l'homme en est antagoniste ; l'homme et la femme, l'un comme l'autre peuvent passer pour des personnages ronds puisqu'au travers du récit fait par la femme, et celui fait par le narrateur, nous aurons une batterie d'informations susceptibles de nous administrer une assez bonne connaissance des personnages principaux. Cependant, du protagoniste et de l'antagoniste, l'un est dynamique et l'autre est statique. En effet, le personnage de la femme évolue tout au long du récit, et est sujet à plusieurs transformations qui régulent parfaitement l'évolution de l'histoire, le personnage de l'homme est statique, dans la mesure où, il reste invariablement le même, ne serait-ce l'unique transformation qu'il subit, lors de son passage de l'état inconscient au réveil. Des autres personnages, tous, sont plats et ne bénéficient d'aucune description, leur intervention dans le récit vise à en expliquer l'avènement des changements relatifs à l'évolution du récit. C'est un narrateur hétérodiégétique 109(*) placé en dehors de l'histoire et à laquelle, il ne participera guère. Le narrateur décrit les personnages de la femme et de l'homme. Néanmoins, il convient de préciser que le narrateur semble s'être entièrement consacré à l'héroïne, la femme, ainsi, il indiquera tout au long du récit l'état émotionnel du personnage, ses profondes pensées et les désirs qui l'animent, il racontera qu'elle est dans un premier temps : « perdue » (19), « abattue », « agressive » (20), « imperceptible » (21), « inquiète », « désespérée » (51), « paniquée » (58), « affolée » (59), « exaspérée » (67), « accablée » (76). Il conviendrait de préciser que tous les qualifiants précités font montre d'une condition d'extrême souffrance et de malheurs vécus par l'héroïne. Cependant, c'est une femme : « légère » (124), « calme et sereine » (147), « une voix étrangement solennelle » (152) , « illuminée » (152) que décrira le narrateur après qu'elle se soit résolue à ne plus subir le poids du silence. Le narrateur va également raconter les pensées (mêmes les plus intimes) de l'héroïne, ce qui nous emmène à dire que, c'est grâce à une focalisation interne qu'il nous sera possible de suivre le personnage principal jusqu'à ses plus profondes réflexions, nous aurons par exemple cette intervention du narrateur : « Son regard cherche quelque chose par terre. Les mots. Mais plus encore, l'audace » (65), où le narrateur semble minutieusement définir la volonté du personnage focalisé. Ou encore, interprétant un sourire sournois de la femme : « Un sourire jaune et court qui remplace mille et un mots pour exprimer ses regrets, ses remords...Mais très vite, les souvenirs l'emportent » (68). Le revoilà, interprétant son sourire : « Un sourire plein de secrets tire le coin de ses lèves » (150). Le narrateur reste parfois, distant puisqu'il n'en saura pas plus que ce l'héroïne laisse paraitre, ainsi, nous basculons vers une focalisation externe où le narrateur ignore carrément la pensée du personnage focalisé : « Comme toujours, on ne sait pas si elle suspend sa pensée, ou bien si elle cherche ses mots » (83). Incapable de définir à juste titre le sentiment de la femme, il annonce dans l'incertitude : « Le froid ou l'émotion, les larmes ou la terreur saccadent son souffle. Elle tremble » (121). Il installe par ce faire le doute et laisse le plus grand soin au narrataire d'opter pour l'une ou l'autre proposition. Toujours ignorant le véritable état d'âme de l'héroïne, le narrateur explique : « Elle marque une pause. On ne sait pas si c'est pour donner du suspens à son récit, ou parce qu'elle hésite à dévoiler la suite. Elle reprend enfin (...) » (74). Ces remarques mettent le récit au rang du récit à point de vue par moments, et également, le catégorise comme récit objectif par d'autres, ces deux typologies du récit, qui consiste pour l'une à ne livrer que se ce que laisse paraitre le personnage, ou, qui consiste pour l'autre, à ne guère savoir de quoi il en est ; ces typologies convient le lecteur à s'impliquer davantage afin de deviner plus ou moins le véritable sentiment éprouvé par le personnage. En oscillant entre les deux types de focalisation précités, le récit conditionne parfaitement la lecture ; tantôt, en mettant en évidence l'état de fait, permettant ainsi, au lecteur de se fonder une assez large perception de la situation relatée, et, tantôt, en le laissant carrément livré à sa propre intuition quant à l'attribution de telle ou telle interprétation aux situations racontées. La focalisation interne aura permis au lecteur de s'immiscer de très prêt dans la vie intime du personnage principal et par conséquent d'en supposer une certaine connaissance, la focalisation externe s'y succédant, va plutôt tenir le lecteur en haleine, en laissant les faits toujours en suspens. Ce procédé invite le lecteur à interagir, ce dernier s'implique, mais en fonction de la focalisation interne opérée auparavant qui fera en sorte que son interprétation soit grandement inspirée des prédicats énoncés en focalisation interne. Le narrateur installe également, le suspense en se limitant à reprendre littéralement les propos de l'héroïne (même quand ceux-ci sont suspendus), le narrateur n'y donne aucune suite et n'intervient point, au contraire, il laisse toute la tâche d'imaginer une suite possible, au narrataire. Aux points de suspension marqués dans le propos de la femme, le narrateur convie tout narrataire potentiel à s'impliquer afin d'imaginer une suite plausible : « Je vais tout te dire, ma syngué sabour, tout. Jusqu'à ce que je me délivre de mes souffrances, des mes malheurs, jusqu'à ce que toi, tu... » Le reste, elle le tait. Laisse l'homme l'imaginer (91). Il reste important de noter que le narrateur supplée quelque fois des commentaires décrivant de l'atmosphère qui règne en dehors de ce que l'héroïne peut dire, ces commentaires s'avèrent des plus révélateurs et déterminent non pas uniquement l'état d'âme de la femme, mais également celui relatif à toute la société fictive : Introduisant le thème de la guerre, il suggère : « Loin, quelque part dans la ville, l'explosion d'une bombe. Violente, elle détruit peut-être quelques maisons, quelques rêves » (17). Ou : Le soleil se couche. Les armes se réveillent. Ce soir encore on détruit. Ce soir encore on tue (77). Et pour résumer toute l'essence de l'histoire : Au-dehors : Un temps on tire. Un temps on prie. Un temps on se tait. (125). Ce genre de commentaires permet au lecteur de mieux saisir l'illusion créée par les évènements relatés, ils apportent également des informations essentielles à la mise en contexte, leur introduction demeurent un repère intéressant, en dehors des propos des personnages. Ces différentes techniques de narration donnent l'opportunité de créer une sensation de vraisemblance à partir de laquelle, le lecteur crée une sorte de sympathie envers l'héroïne, où, il se verra compatir à son malheur. Aux travers de ces différents usages narratifs, le lecteur se retrouve invité à découvrir profondément le personnage, allant jusqu'à ressentir son désarroi. * 109 Genette, Gérard. Figures III. Paris : Seuil, 1972, p. 252. |
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