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La coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée à  l'épreuve de la criminalité transfrontalière. Etat des lieux et esquisse de solution

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par Vernuy Eric SUYRU
Université de Yaoundé II Cameroun - Master en relations internationales, option intégration régionale et management des institutions communautaires 2011
  

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Paragraphe II : Expressions et acteurs de la criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée

La conséquence immédiate pour tout pays et toute région en proie aux violences et à l'instabilité politique est la destruction que celles-ci infligent, au-delà des souffrances humaines, à l'organisation sociale, économique, légale et politique de la société, autrement dit aux institutions de l'Etat.

L'observation faite de la dynamique des actes de criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée nous permet de constater qu'elle abhorre une variété d'actions et une diversité d'acteurs. Sans prétention aucune à un inventaire exhaustif, nous allons les catégoriser en deux variables typologiques afin de mieux cerner les jeux et les enjeux de ce phénomène. De ce fait, nous distinguerons, bien qu'elles entretiennent des liens étroits l'une l'autre, la criminalité de conviction (A) de celle de situation (B).

A. La criminalité de conviction : une criminalité à connotation politique

Partant de la définition que nous donne le dictionnaire de français Larousse, édition 2008, du terme conviction comme étant une « croyance ferme », nous pouvons dire que la criminalité de conviction renvoie à une criminalité en laquelle les acteurs impliqués croient fermement comme étant vertueuse pour eux. C'est-à-dire un ensemble d'infractions criminelles commises à partir de croyances d'ordre politique, économique, voire idéologique solides et inébranlables. Autrement dit, c'est une criminalité qui est projetée avec la ferme intention de défendre une cause fédératrice de revendications d'ordre socioéconomique et politico-religieuse. En bref, la criminalité de conviction pourrait désigner, dans le cadre de cette étude, l'ensemble des activités illégales et illicites commises par un acteur ou un groupe d'individus organisés, dans un espace territorial diffus, dont l'intention ferme est de nuire délibérément et sensiblement à l'ordre établi en revêtant ainsi une connotation politico-idéologique, bien qu'elle ait des conséquences socioéconomiques.

Dès lors, il convient de souligner deux traits caractéristiques qui transparaissent dans cette définition. L'intention de nuire, c'est-à-dire la volonté ferme de porter atteinte à la stabilité politique et au climat de paix sociale qui règnent dans l'espace public en question d'une part. Et sa connotation politico-idéologique, cristallisant ainsi les revendications d'un groupe d'acteurs en marge du pouvoir politique d'autre part.

De ce fait, la criminalité de conviction met en jeu des luttes de pouvoir dans un espace politique donné pour le contrôle des positions de rente et la prédation des ressources naturelles. Elle est l'oeuvre de groupes et mouvements politico-armés ou paramilitaires qui s'investissent dans la compétition politique en contestant, par le biais de la violence, la légitimité des autorités centrales de l'Etat en question. Cette contestation porte généralement sur le contrôle et la gestion de la rente pétrolière et minière au bénéfice de la communauté nationale. Plusieurs acteurs dominants de ce type de pratiques, souvent assimilés invariablement à tort ou à raison aux groupes terroristes par la communauté internationale, ont été répertoriés dans le golfe de Guinée49(*). Il s'agit entre autres de l'ex groupe de rebelles de l'Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA), du Front de Libération de l'Enclave du Cabinda (FLEC) en Angola ; du Movement for the Survival of the Ogoni People (MOSOP), du Movement for the Emancipation of the Niger Delta (MEND) au Nigeria ; du Bakassi Freedom Fighters (BFF) dans la péninsule de Bakassi au Cameroun ; et des mouvements politico-armés aux velléités sécessionnistes et autonomistes du Sud-KIVU et de l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC) tel le Mouvement de Libération du Congo (MLC)... etc. Ces mouvements politico-militaires à consonance identitaire et nationaliste luttaient et luttent encore pour certains, les armes à la main, « pour l'émancipation des peuples opprimés qui s'en réclamaient »50(*).

Dès lors, les modes opératoires privilégiés par cette catégorie d'acteurs se résument en deux variables : la première qui concerne les pays producteurs de pétrole consiste à lancer des attaques contre des plateformes d'exploitation pétrolière offshore. Ces attaques se soldent généralement par le sabotage de celles-ci et les prises d'otages, voire des morts suite à un échange de tirs. La seconde concernant les pays non pétroliers mais diversement dotés en ressources naturelles, le mode opératoire consiste en une rébellion-invasion d'une partie du territoire richement dotée en ressources minières, pour leur exploitation à des fins criminelles. En tout état de cause, il s'agit dans les deux cas d'une criminalité dite « spectaculaire et publicitaire »51(*) qui inclut la piraterie maritime et l'insurrection organisée. Car, la criminalité de conviction qui sévit dans le golfe de Guinée s'apparente à un nouveau type de guerre, la « guerre des ressources »52(*) dont les desseins sont à la fois politique et économique et implique aussi bien des acteurs internes qu'externes.

Dans cette dernière hypothèse, notons qu'aussi bien les acteurs étatiques (Etats du Golfe de Guinée, Etats africains, puissances étrangères...) que non-étatiques (compagnies multinationales essentiellement) contribuent à sa production et ou à sa régulation, « soit par logique d'intérêts propres, soit par riposte ou représailles »53(*) et endossent une partie de la responsabilité. A cet effet, le rapport final du groupe d'experts de l'ONU sur le pillage des ressources de la RDC54(*) est très éloquent sur cette complicité entre les représentants des Etats55(*), les sociétés transnationales56(*) et les groupes criminels dans l'exploitation du coltan, des diamants et d'autres ressources et richesses de ce pays.

C'est donc à partir de la conception de la criminalité de conviction qui implique les acteurs de divers ordres et produit des conséquences désastreuses sur la stabilité politique et la viabilité économique d'un Etat, d'une région donnés qu'il convient d'analyser ce que nous appelons la criminalité de situation.

* 49Voir Marc Louis ROPIVIA, « criminalité et activités illicites dans le Golfe de Guinée : interprétation, critique et typologie », in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), Piraterie et Terrorisme : de nouveaux défis sécuritaires en Afrique Centrale, op.cit. PP. 221-234.

* 50 Idem, p.222

* 51 Ibid., p.228

* 52 Georges NZONGOLA-NTALAJA, « La dynamique des conflits en Afrique. Acteurs et processus », disponible sur www.google.fr

* 53 Marc Louis ROPIVIA, op. Cit., p.231

* 54 Voir Rapport final du groupe des experts de l'ONU sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République Démocratique du Congo, Conseil de Sécurité, Nations Unies, New-York, 16 octobre 2002.

* 55 Parmi les huit Etats impliqués dans la guerre interafricaine à savoir, le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi comme agresseurs, l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie et le Tchad comme alliés de la RDC, quatre sont considérés par ce rapport comme les prédateurs des richesses de la RDC : il s'agit de la RDC elle-même, du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe dont les parents et les proches collaborateurs des chefs d'Etat sont considérés comme pilleurs.

* 56 Les sociétés transnationales incriminées dans ce rapport proviennent de tous les coins du globe et comprennent de nouvelles compagnies montées pour la cause dans les pays suivants : Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Emirats-Arabes unis, Etats-Unis, Finlande, France, Hong-Kong, Israël, Kazakhstan, Malaisie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse, ainsi que les sociétés appartenant aux marchands d'armes tel que Victor BOUT.

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