La coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée à l'épreuve de la criminalité transfrontalière. Etat des lieux et esquisse de solution( Télécharger le fichier original )par Vernuy Eric SUYRU Université de Yaoundé II Cameroun - Master en relations internationales, option intégration régionale et management des institutions communautaires 2011 |
B. Le traitement asymétrique des expressions de la criminalité dans le golfe de GuinéeA l'analyse du traitement réservé par les médias nationaux et internationaux des actes de criminalité transfrontalière dans la région, il ressort que ceux-ci sont sujets à une médiatisation asymétrique différenciée. Car, on note une sorte de d' « apartheid » dans l'information que rapportent les médias de ces actes. Tandis que le phénomène de la piraterie maritime, des vols à main armée en mer du golfe de Guinée et du trafic international des drogues dans les aéroports, de par leur nature spectaculaire, publicitaire et sensationnelle, font l'objet d'une hyper médiatisation, et donc d'une politisation, dans l'espace public, les autres expressions de la criminalité comme les trafics de tous genres (ossements et organes humains, enfants, ressource naturelles ...), le phénomène des « coupeurs de route », ainsi que le vol de grosses cylindrées, du fait de leur banalisation à outrance, font l'objet d'un traitement dans la rubrique « faits divers » des organes de presse. Cette différenciation médiatique induit indubitablement une asymétrie dans leur gestion par les politiques136(*). D'où le défaut d'une vision globalisante des différentes facettes de la criminalité transfrontalière et par conséquent, l'absence d'une réponse stratégique transversale permettant d'endiguer et d'éradiquer le phénomène. Aussi, observe-t-on en lieu et place d'une stratégie unique, la prépondérance d'initiatives plurielles, éparses, segmentées et sans cohérence entre-elles qui prolifèrent dans l'optique de sécuriser le golfe de Guinée. Dans ce sens, outre les Commissions Mixtes de Sécurité (CMS)137(*) dans le cadre bilatéral, des initiatives trilatérale138(*) et multilatérale139(*) ont été créées. Sans denier aux Etats de la région leur compétence relationnelle à pouvoir conclure des accords de toute nature avec qui bon leur semble, il convient de dire ici qu'aucune de ces initiatives de sécurisation du golfe de Guinée ne s'inscrit dans une vision globale140(*), transversale141(*) et globalisante142(*) préalablement définie au niveau supranational dans un document stratégique uniforme, afin de les rendre harmonieuse, cohérente et plus efficace. Car il apparait évident aujourd'hui que la fragmentation de la question sécuritaire dans la région ne permet pas d'apporter une réponse ferme, efficace, dans son entièreté au problème de la criminalité transfrontalière. Ce qui conforte la communauté internationale à travers les Nations Unies143(*), et sous la houlette des grandes puissances cherchant à préserver leurs intérêts pétroliers dans la région, à focaliser davantage l'attention et à déployer ses efforts pour la sécurisation des voies maritimes navigables du golfe de Guinée face à la recrudescence de la piraterie maritime. Pendant ce temps, les zones transfrontalières terrestres144(*) de la région continuent à être le terreau des seigneurs du crime et de la violence armée sans foi ni loi. A cet effet, la distorsion observée dans le traitement et la gestion des problèmes de criminalité transfrontalière et des questions de sécurité dans le Golfe de Guinée ne contribue pas à l'efficacité des initiatives de sécurisation de cette région de manière durable. Dès lors, la conception plurielle et insuffisamment coordonnée des initiatives de sécurisation du golfe de Guinée constitue une entorse à l'efficacité de la coopération sécuritaire mise en oeuvre dans ce sens. * 136 Et pourtant, nous convenons avec Michel LUNTUMBUE du Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) que, la stratégie de sécurité maritime, devrait, pour être efficace, englober les politiques visant à combattre les menaces posées par d'autres formes de criminalité transfrontalière. Voir Michel LUNTUMBUE, Insécurité maritime dans le golfe de Guinée : vers une stratégie régionale intégrée ?, op.cit. * 137 Le Cameroun a par exemple signé des accords de coopération instituant des CMS avec tous ses voisins, en dépit des difficultés d'application sur le terrain qui s'expliquent par les égoïsmes nationaux, les conflits internes et l'ignorance des règles en vigueur dans les pays d'accueil. * 138 Il s'agit notamment de l'initiative tripartite Cameroun-Tchad-RCA pour la sécurisation de leurs frontières terrestres communes. * 139 L'on pense ici au CRESMAC qui vise à sécuriser les intérêts vitaux en mer des Etats de la CEEAC du Golfe de Guinée. * 140 Une vision globale de la criminalité transfrontalière dans le Golfe de Guinée permettrait de traiter toutes les formes de criminalité (terrestre, maritime, voire cybernétique) avec la même détermination qui offrirait l'occasion d'apprécier leurs interactions, tout en différenciant les méthodes de prévention et de lutte. * 141 Une vision transversale de prévention et de lutte contre la criminalité dans le golfe de Guinée permettrait de ratisser large en prenant en compte toutes les sphères territoriales d'Afrique de l'Ouest et du Centre ayant un lien géographique ou une connexité géopolitique avec la région. * 142 La vision globalisante quant à elle aurait l'avantage de définir la place, le rôle et la contribution des partenaires étrangers qui ont leurs intérêts stratégiques à sécuriser et à préserver dans le Golfe de Guinée. * 143 En témoigne la réunion initiée par les Nations Unies le 31 Mai 2012 à Libreville. Celle-ci portait sur la mise en place d'un comité préparatoire au sommet des Chefs-d'Etat et de Gouvernement sur la piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée. Composé des experts de la CEEAC, de la CEDEAO, de la CGG, de l'UA, de l'UNOCA et de l'UNOWA, ce comité à pour objectif de favoriser « la réflexion sur les solutions pouvant permettre de juguler ce phénomène qui met en péril la navigation internationale, la sécurité et le développement des pays concernés. » Voir communiqué final en annexe. * 144 Si les regards semblent se focaliser sur la piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans le golfe de Guinée, les autres modalités de la criminalité continuent de sévir à travers les frontières terrestres en mettant sensiblement en péril la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la stabilité sociopolitique des Etats concernés ; sans que des efforts suffisants et des moyens conséquents ne soient mobilisés et déployés pour y remédier. |
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