1.2 Un endettement supportable
Après la crise de l'endettement des années 80,
il y'a nombres de questions qui se posent : parmi tant d'autres, comment est-ce
que la crise de la dette a vu le jour? Un certain nombre de penseurs trouvent
que l'endettement extérieur est un facteur de développement
économique. L'emprunt extérieur vient accroître
l'investissement national et créer de la richesse supplémentaire
étant donné le faible niveau de l'épargne que connaissent
certains pays. Dans une telle situation l'emprunt extérieur vient
encourager l'investissement et par conséquent le développement
économique.
Force est de constater que l'emprunt extérieur
constitue certes un atout mais il y a un niveau supportable qu'on identifie
avec le modèle à deux disparités:
Les entrées de fonds étrangers peuvent combler
un des deux écarts possibles dans une économie : (1) le
déficit en devises étrangères, égal à la
soustraction des importations (M) et des exportations (E) de biens et de
services (à l'exception des revenus de facteurs), ou (2) l'écart
entre l'investissement (I) et l'épargne intérieure (Sd).
L'emprunt étranger peut également financer une troisième
disparité, le déficit du budget de l'Etat. Si le déficit
en devises étrangères est insurmontable, les entrées de
fonds extérieurs favorisent la croissance en augmentant la
quantité des importations. Dans toute la période, l'endettement
supplémentaire entraîné par ces entrées de fonds est
égal à:
?X 21
dD iD?M
Mahamat Ali MALLAH 22
dt
Où D représente le montant de l'endettement en
un moment quelconque, dD/dt, l'évolution de ce montant (la
première dérivée) et i, le taux d'intérêt
moyen payé sur toutes les entrées de fonds étrangers
(prêts, actions et dons inclus). Il est commode d'évaluer ces
entrées de la monnaie qui servent habituellement à mesurer
l'endettement, le dollar courant. Il est possible de résoudre
l'équation différentielle simple aux conditions suivantes, en
laissant E et M croître au même taux exponentiel gE et en trouvant
les conditions de l'équilibre à long terme d'une politique
d'emprunt supportable. Dans ce cas, le montant de l'endettement connaîtra
aussi, à gE, une croissance exponentielle et, à long terme, le
ratio de l'endettement par rapport aux exportations s'établira à
:
La dette extérieure et la croissance économique :
cas des pays de la CEMAC
2011-2012
Où a est le ratio de l'écart entre les devises
étrangères et les exportations (M-E)/E et est constant à
supposer que les importations et les exportations croissent au même
rythme.
L'équation 2.2 nous dit que, pour un écart
donné a de devises étrangères, il existe un taux
d'équilibre de l'endettement par rapport aux exportations qu'il est
possible de supporter. Si gE supérieur à i, le solde peut
demeurer positif, ce qui signifie que le pays peut continuer à emprunter
et à amortir sa dette sans augmenter le ratio de son endettement par
rapport à ses exportations. Si l'écart (M-E)/E était
égal à 10%, que le taux d'intérêt moyen atteignait
7% et que la croissance des recettes d'exportations gE en dollars était
égal à 12% par an, le ratio de l'endettement par rapport aux
exportations s'établirait à 2, soit environ la moyenne pour les
pays en développement dans les années 80. Si on pouvait faire en
sorte que la croissance des exportations dépasse celle des importations,
le ratio de l'endettement par rapport aux exportations chuterait. Si, d'un
autre côté, le rythme de croissance des exportations tombait
au-dessous du taux d'intérêt, le seul moyen de supporter
l'endettement consisterait à transformer le solde des devises
étrangères en un surplus et à engager le remboursement de
la dette, comme l'ont précisément fait les pays fortement
endettés d'Amérique latine. Dès lors, pour avoir un
endettement supportable en subissant les contraintes imposées par les
devises étrangères, un débiteur doit être capable
d'affecter, directement ou indirectement, ses ressources supplémentaires
à un emploi productif dans les secteurs exportateurs.
L'écart entre l'investissement et l'épargne peut
donner lieu à un calcul similaire. L'équation
différentielle se présente ainsi:
iD + I --
Sd
iD+(v--s)Y 23
Mahamat Ali MALLAH 23
Ou Y est le P11B, v, la part de l'investissement dans le PNB
et s, la propension à épargner à partir du P11B, Prenons
pour hypothèse, comme dans le cas du déficit en devises
étrangères, que l'endettement et le PNB augmentent au même
taux exponentiel gy. Par suite, le taux d'équilibre à long terme
de l'endettement par rapport au PNB est égal à :
(v ? s)
(gy ? i)
La dette extérieure et la croissance économique :
cas des pays de la CEMAC
2011-2012
Mahamat Ali MALLAH 24
La dette extérieure et la croissance économique :
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Dans ce cas, si v-s, était égal à 3% du
PNB, si i s'élevait en moyenne à 7% de toutes les entrées
de fonds étrangers et si le taux de croissance du PNB, exprimé en
dollars courant, s'élevait à 10% par an2, le ratio de
l'endettement par rapport au PNB s'établirait à 1 et pourrait
être maintenu indéfiniment à ce niveau. Même si, dans
les années 80, celui des pays latino-américains débiteurs
a rarement dépassé 50%. Vue sous l'angle du rapport entre
l'épargne et l'investissement, une saine gestion de l'endettement passe
par l'investissement des fonds étrangers dans des actifs suffisamment
productifs pour élever le taux de croissance du PNB et par l'adoption de
politique réduisant la part de la consommation dans le PNB.
Considéré à un niveau, le problème
que pose la gestion des prêts et dons étrangers pour l'obtention
de taux de croissance élevé est simple. Le pays qui se comporte
comme une entreprise n'empruntera qu'à la condition de pouvoir investir
dans des opérations dont les taux de rentabilité
dépasseront les coûts des emprunts. Il lui sera alors possible
d'amortir ses prêts au moyen des recettes tirées desdits
investissements. Une autre condition s'impose au pays: il faut que
l'investissement rapporte ou économise un montant de devise
étrangère suffisant pour permettre le transfert en monnaie
étrangère des intérêts et du capital payés.
Sous cet aspect, il ne faut rechercher des ressources extérieures que
dans le cas où celles-ci peuvent être investies dans des
opérations productives et génératrices de devises
étrangères.
Cette stratégie, toutefois, est trop restrictive. La
question posée, tant aux prêteurs qu'aux emprunteurs, est de
savoir si l'économie dans son ensemble peut générer une
croissance suffisante des revenus et des exportations pour amortir la dette
conformément au calendrier. L'attention portée à des
projets spécifiques constitue un aspect du problème, lequel est
secondaire par rapport à la question plus large de la qualité de
gestion macroéconomique. Si une économie a
bénéficié d'une bonne gestion et s'est montrée apte
à exploiter productivement ses ressources et à maintenir sa
croissance sur des longues périodes, les financements étrangers
ont pour rôle dans ce cas d'accroître le programme d'investissement
dans sa totalité. Les modalités précises d'investissement
de ces ressources n'ont pas d'importance: il est probable que
2 Ce pourcentage n'est pas aussi élève
qu'l y parait. Rappelons-nous que nous mesurons toutes les quantités en
dollars courants, lesquels forment la base d'amortissement de l'endettement.
Si, annuellement, le taux de croissance réel s'élève
à 6% et que le taux d'inflation en dollars atteint 4%, gy atteindra 10%
par an.
Mahamat Ali MALLAH 25
les prêts supplémentaires serviront à des
emplois productifs et que leur amortissement se fera conformément
à l'échéance fixé. A l'inverse, si
l'économie est mal gérée et à des faibles chances
de générer des ressources suffisantes pour assurer le service de
la dette nationale, l'affectation précise des prêts à des
opérations spécifiques, quelle qu'en soit la rentabilité,
ne protègera guère les prêteurs contre un défaut de
paiement.
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