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Les conflits de lois en matière de contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques.

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par Patrice Ledoux DJOUDIE
Université de Dschang Cameroun - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2010
  

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Annexe 3 : Jugement Google Books, TGI Paris, 18 décembre 2009

Tribunal de grande instance de Paris

3ème chambre,

2ème section

Jugement du 18 décembre 2009

Editions du Seuil et autres / Google Inc et France

Droit d'auteur - internet - site - oeuvres - extraits - citation - droit moral - contrefaçon - loi applicable - condamnation - dommages-intérêts

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Faisant valoir d'une part que la société Google avait ainsi numérisé, sans leur autorisation et pour les besoins de ce site plus d'une centaine d'ouvrages sur lesquels ils sont titulaires de droits d'auteur, que la société Google permettait aux utilisateurs du site d'accéder à la reproduction complète des couvertures des ouvrages numérisés et à des extraits des ouvrages apparaissant à l'écran sous forme de bandeaux de papier déchirés, l'affichage desdits extraits s'opérant à l'aide d'une recherche par mot-clé, et d'autre part que ledit site reproduisait les marques susvisées dont le Seuil est titulaire, la société Editions du Seuil, la société Delachaux & Niestle et la société Harry N. Abrams ont, selon acte d'huissier en date du 6 juin 2006, fait assigner la société Google Inc et la société Google France sur le fondement des articles L 122- 1, L 122-2, L 122-3, L 122-4, L 122-5 et L 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle en contrefaçon de droits d'auteur et de marques pour obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication, paiement de dommages-intérêts destinés à réparer leurs préjudices ainsi que d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le Syndicat National de l'Edition, ci-après le SNE, est intervenu volontairement à la procédure par conclusions signifiées le 26 octobre 2006.

La société des gens de lettres de France, ci-après la SGDL, est intervenue volontairement à la procédure par conclusions signifiées le 1er décembre 2006.

(...)

DISCUSSION :

(...)

Sur l'action en contrefaçon et la loi applicable :

Attendu que les demandeurs incriminent l'exploitation contrefaisante par la société Google Inc et par la société Google France des ouvrages litigieux de par la numérisation non autorisée des ouvrages sur lesquels ils sont titulaires des droits d'auteur ainsi que la diffusion, sans leur autorisation, sur le réseau internet de tels ouvrages ;

Que pour s'opposer à l'action en contrefaçon les sociétés Google Inc et Google. France invoquent l'application du droit américain et soutiennent, par référence à l'article 5 § 2 de la Convention de Berne, que la loi applicable en matière de délits complexes commis sur le réseau internet serait celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements litigieux, sauf à établir une proximité particulièrement étroite avec la France, ce qui serait impossible en l'espèce dès lors que le processus de numérisation des ouvrages considérés a été effectué aux Etats-Unis, et qu'en conséquence seules les dispositions du Copyright Act et la notion de «fair use» doivent trouver à s'appliquer au présent litige, elles font valoir à titre subsidiaire que la représentation des titres des ouvrages en cause et des ouvrages sous forme de courts extraits répond aux conditions posées par l'exception de courte citation prévue par l'article L 122-5-3 du Code de la Propriété Intellectuelle et que la numérisation de ces ouvrages ne constitue pas une reproduction illicite, dès lors que les conditions d'enregistrement sur les serveurs de Google ne donnent pas aux internautes la possibilité d'afficher ces ouvrages sur leurs écrans ;

Qu'il convient de relever que les sociétés défenderesses ne revendiquent l'application de loi américaine que relativement aux actes de numérisation des ouvrages en cause qui lui sont reprochés ;

Or attendu que la loi applicable à la responsabilité extra contractuelle en matière de délit complexe est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui du lieu de réalisation de ce dernier ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le litige concerne des oeuvres d'auteurs français numérisées pour être accessibles par extraits aux internautes français sur le territoire national ; que par ailleurs il convient de relever, outre le fait que le tribunal saisi est le tribunal français, que les sociétés demanderesses sont établies en France pour la société Editions du Seuil ou filiales d'une société française pour les deux autres, que de même les intervenants volontaires habilitées à défendre les intérêts des auteurs et des éditeurs français sont de nationalité française, que la société Google France a son siège en France, que le nom de domaine permettant l'accès au site www.books.google.fr a une extension « fr » et que ce site est rédigé en langue française ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la France est le pays qui entretient les liens les plus étroits avec le litige, ce qui justifie l'application de la loi française contrairement à ce que soutiennent les défenderesses ;

Attendu que la responsabilité des sociétés Google Inc et Google France est donc susceptible d'être engagée pour les faits illicites commis au travers du site Google Recherche de Livres dans les termes du droit commun de la contrefaçon sur le fondement des articles L.335-3 et L716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Sur les atteintes aux droits d'auteur :

Attendu qu'aux termes de l'article L 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque » ;

que pour contester les actes non autorisés de numérisation d'ouvrages et de diffusion sur le site Google Recherche de Livres de ces ouvrages, les sociétés défenderesses font valoir qu'elles ne réalisent aucune représentation ni reproduction des ouvrages litigieux dans leur intégralité mais uniquement l'affichage d'extraits "dans des limites convenables» couvertes par l'exception de courte citation à un but d'information ;

Qu'elles précisent en substance que la numérisation suppose un acte de manifestation de la volonté de son auteur de communiquer l'oeuvre au public, ce qui ne serait pas le cas d'espèce dans la mesure où le site incriminé ne permettrait pas d'afficher l'intégralité des ouvrages en cause ;

Attendu cependant que la numérisation d'une oeuvre, technique consistant en l'espèce à scanner l'intégralité des ouvrages dans un format informatique donné, constitue une reproduction de l'oeuvre qui requiert en tant que telle, lorsque celle-ci est protégée, l'autorisation préalable de l'auteur ou de ses ayants droits ;

Que les sociétés Google ne peuvent sérieusement soutenir, sauf à remettre en cause la fonctionnalité même du système Google Recherche de Livres, que la constitution d'un fichier numérique ne serait pas un acte de reproduction pour ne pas reproduire en lui-même la forme intelligible de l'oeuvre dès lors que la fixation résultant de la numérisation des ouvrages et leur stockage dans une base de données numérique est toujours apte à communiquer l'oeuvre au public d'une manière indirecte ;

Attendu par ailleurs que les sociétés Google Inc et Google France ne contestent pas que le service litigieux permet l'accès, et partant la communication au public, du titre, de la couverture et d'extraits des ouvrages en cause réalisant ainsi des actes de représentation non autorisée des oeuvres concernées ;

Qu'elles invoquent cependant l'exception de courte citation prévue par l'article L 122-5 3° pour s'exonérer de toute responsabilité ;

Mais attendu que ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce dès lors que les couvertures concernées sont communiquées au public dans leur intégralité, même en format réduit, et que l'aspect aléatoire du choix des extraits représentés dénie tout but d'information tel que prévu par l'article L 122-5 3°du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Attendu que la contrefaçon des droits patrimoniaux d'auteur est ainsi réalisée au préjudice des sociétés d'édition demanderesses, du SNE et de la SGDL ;

Que par ailleurs l'affichage sur le site internet incriminé d'extraits d'oeuvres que la société Google Inc reconnaît tronqués de façon aléatoire et sous forme de bandeaux de papier déchirés portent atteinte à l'intégrité des oeuvres dont sont auteurs les six membres de la SGDL identifiés dans le cadre de la présente procédure ;

Attendu en revanche que la SGDL ne saurait invoquer une quelconque atteinte au droit de divulgation des auteurs dès lors que ce droit s'épuise par la première diffusion de l'oeuvre ;

(...)

Sur les responsabilités

Attendu qu'il est constant que les actes de contrefaçon ci-dessus caractérisés sont directement imputables à la société Google Inc qui procède à la copie numérique des ouvrages considérés et qui est titulaire du nom de domaine « google.fr » permettant l'accès au service « Google Recherche de Livres » qu'elle exploite ;

Attendu en revanche qu'il n'est pas démontré en quoi les actes de reproduction et représentation sur internet des ouvrages concernés seraient directement imputables à la société Google France, les sociétés demanderesses, ne pouvant sérieusement soutenir au titre de la contrefaçon que la société Google France est personnellement responsable de tels actes « pour avoir participé, facilité et fourni son assistance et ses moyens à la commission des actes dénoncés et s'être donc rendue complice de la commission de ces actes par Google Inc »;

Attendu par ailleurs que les demandeurs recherchent la responsabilité de la société Google France pour avoir manqué à ses engagements de retirer les ouvrages à première demande tels que figurant dans ses différents courriers ;

Mais attendu qu'il a été dit que faisant suite à l'assignation qui lui a été délivrée le 6 juin 2006, la société Google France a sollicité de Monsieur Hervé de La M. -Groupe de la Martinière- la communication du constat d'huissier du 5 juin 2006 «afin que la société Google Inc puisse procéder dans les meilleurs délais au déréférencement de ces ouvrages « ;

Qu'il en résulte que les demanderesses ne peuvent rechercher la responsabilité de la société Google France pour le motif invoqué ;

Sur les mesures réparatrices

Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'interdiction, sous astreinte compte tenu de la société Google Inc, dans les termes fixés au dispositif de la présente décision ;

Attendu que les sociétés demanderesses indiquent que Google utilise aujourd'hui plus de 10 000 ouvrages numérisés «leur appartenant» sur le service Google Recherche de Livres et sollicitent paiement de la somme de 15 000 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Qu'il résulte du constat d'huissier dressé le 5 juin 2006 par Maître Parker, huissier de justice associé à Paris que le site incriminé présente 23 900 pages pour l'éditeur Seuil correspondant cependant, comme le relèvent justement les défenderesses, au nombre total de pages pour l'ensemble des ouvrages de cet éditeur référencés par Google et non pas au nombre d'ouvrages édités par le Seuil ;

Que le constat du 26 septembre 2007 révèle de la même manière selon les demanderesses 9220 références en tapant le mot «Seuil», 5453 références en tapant les mots «Editions du Seuil», 893 références en tapant le mot «Delachaux», 517 références en tapant le mot «Delachaux & Niestle», 1126 références en tapant le mot «Abrams» et 783 références en tapant les mots «Harry N. Abrams» ;

Que cependant selon le procès verbal d'huissier dressé le 10 avril 2008 à la requête de la société Google Inc, par Maître Jérôme Legrain, huissier de justice associé à Paris, 112 résultats apparaissent pour les ouvrages publiés au Seuil, 147 pour les ouvrages édités par la société Abrams et 62 pour les ouvrages édités par la société Delachaux & Niestle ;

Attendu qu'en considération de ces éléments, il convient d'allouer aux sociétés Editions du Seuil, Delachaux & Niestle et Harry N. Abrams, qui feront leur affaire entre elles de la répartition, la somme de 300 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Que la société Google Inc ne saurait opposer à cet égard un règlement transactionnel de classe avec les éditeurs américains dont l'opposabilité aux demanderesses n'est pas démontrée et qui serait de surcroît en cours de validation par la justice américaine ;

Attendu que le préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent et par les six membres identifiés de la SGDL sera réparé par l'octroi au SNE et à la SGDL de la somme de 1 (un) euro symbolique chacun à titre de dommages-intérêts ; qu'il sera en outre fait droit aux mesures de publication sollicitée dans les termes ci-après précisés ;

Sur les autres demandes

Attendu qu'il y a lieu de condamner la société Google Inc, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser aux sociétés Editions du Seuil, Delachaux & Niestle et Harry N. Abrams, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 30 000 € ;

Qu'il sera alloué au SNE et à la SGDL la somme de 5000 € chacun au même titre ;

Attendu que les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.

DECISION :

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

(...)

Dit que la loi applicable au présent litige est la loi française.

Dit qu'en reproduisant intégralement et en rendant accessibles les extraits d'ouvrages objets du procès verbal d'huissier du 5 juin 2006 et sur lesquels les demanderesses sont titulaires de droits d'auteur sur le site dont l'adresse un est « http://books.google.fr", sans leur autorisation, la société Google Inc a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice des sociétés Editions du Seuil, Delachaux & Niestle et Harry N. Abrams.

Dit que ce faisant la société Google Inc a également commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice du syndicat national de l'Edition, de la société des gens de lettres de France et des six auteurs identifiés comme étant membres de la SGDL. Interdit à la société Google Inc la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé le délai de 30 jours après la signification de la présente décision.

Se réserve la liquidation de l'astreinte.

Condamne la société Google Inc à payer aux sociétés Editions du Seuil, Delachaux & Niestle et Harry N. Abrams, qui feront leur affaire entre elles de la répartition, la somme de 300 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de ce chef.

Condamne la société Google Inc à payer au syndicat national de l'édition et à la société des gens de lettres de France la somme de 1 (un) euro chacun à titre de dommages intérêts.

(...)

Autorise la publication du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou périodiques de leur choix et aux frais avancés de la société Google lnc, sans que le coût de chacune de ces publications ne dépasse, à la charge de celle-ci, la somme de 3500 € HT ainsi que sur la page d'accueil du site http://books.google.fr pendant une durée de 15 jours.

Condamne la société Google Inc à payer aux sociétés Editions du Seuil, Delachaux & Niestle et Harry N. Abrams, ensemble, la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société Google Inc à payer au syndicat national de l'édition et à la société des gens de lettres de France la somme de 5000 € chacun en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonne l'exécution provisoire.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société Google Inc aux dépens, lesquels pourront être directement recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le tribunal : Mme Véronique Renard (vice présidente), M. Eric Halphen (vice président), Mme Sophie Canas (juge)

Avocats : Me Yann Colin, Me Marie-Anne Gallot-Le-Lorier, Me Maia Bensimon, Me

Alexandra Neri

Source : http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2812

Annexe 4 : Loi Camerounaise n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux droits voisins.

1er. La présente loi régit le droit d'auteur et les droits voisins du droit d'auteur au Cameroun.

Titre I

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery