Les conflits de lois en matière de contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques.( Télécharger le fichier original )par Patrice Ledoux DJOUDIE Université de Dschang Cameroun - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2010 |
Paragraphe II : Sanction de la fraude à la loiLorsqu'une personne réussit à détourner une loi qui devait normalement s'appliquer en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques, il s'agit là d'une fraude. Et en tant que tel, en droit camerounais, elle est régit par la maxime « fraus omnia corrumpit » qui signifie que la fraude a pour effet d'entacher tout l'acte concerné. En droit international privé, l'effet de la fraude n'est pas aussi complet qu'en droit interne. Le contrefacteur verra sa manipulation taxée d'inopposable (A), ce qui produit des effets(B). A- L'inopposabilitéDepuis la vielle jurisprudence177(*), la fraude à la loi a pour sanction sa propre inefficacité. Ainsi, la fraude sera sanctionnée par la paralysie de l'effet recherché par le contrefacteur : impossibilité de se voir appliquer la loi à laquelle a conduit sa manipulation et application de la loi qui devrait normalement être compétente. En d'autres termes, l'acte pris ou effectué ne doit pas être opposable aux tiers et les effets recherchés irréalisables ou non mis en oeuvre. En droit international privé et même dans la logique, cette inopposabilité est considérée comme la sanction normale de la fraude à la loi. On se pose dès lors la question de savoir qu'est-ce-qui est inopposable ? Est-ce l'acte frauduleux tout entier ou seulement les conséquences frauduleuses que le contrefacteur se proposait de faire produire ? Nous sommes d'avis qu'il serait approprié que l'inopposabilité frappe tout l'acte et l'effet que se proposait de faire produire le contrefacteur178(*). Ainsi, s'il avait perpétré sa contrefaçon dans un pays179(*) tout en sachant que ce pays ne protège pas assez ou pas du tout la propriété littéraire et artistique, sa loi nationale, celle du juge saisi ou une autre loi selon les cas doit être appliquée en lieu et place de la loi de ce pays. Cette inopposabilité produit forcément des conséquences. B- Les suites de l'inopposabilitéL'inopposabilité entraîne l'éviction de la loi fraudée au profit soit de la loi du for (1), soit d'une autre loi étrangère (2). 1- Application de la loi du for Lorsque l'acte ou le fait frauduleux a été qualifié d'inopposable, le juge doit procéder à l'éviction de la loi à laquelle la règle de conflit aurait renvoyé dans une situation normale et il doit déterminer la nouvelle loi applicable. Cette nouvelle loi est généralement celle du juge saisi, qui fait recours au principe de la subsidiarité de la lex fori. Une fraude à la loi en droit international privé s'opère par le constat par le juge d'une manipulation de l'élément de rattachement. Ce dernier, prié d'exercer sa compétence dans une situation juridique internationale qui lui est soumise, doit déterminer la loi applicable. En cas de constat d'une fraude résultant des éléments qu'il a au préalable déterminé, c'est donc au premier chef en exerçant sa compétence internationale qu'il sanctionne la fraude à la loi étrangère par application de sa propre loi. L'éviction de la loi fraudée peut aussi bénéficier à une autre loi étrangère. 2- Application d'une loi tierce Il peut arriver que la loi étrangère évincée soit remplacée par une autre loi étrangère : c'est notamment le cas d'un contrefacteur qui commet une contrefaçon dans un Etat X, autre que le sien et est poursuivi dans un autre Etat Y. La loi applicable dans ce cas est celle de l'Etat X, d'après la lex loci delicti. Mais si le contrefacteur a usé des manoeuvres frauduleuses pour que cette loi soit désignée comme compétente, alors que c'est la loi d'un pays Z qui devait normalement s'appliquer, le juge de l'Etat Y évincera la loi de l'Etat X au profit non de sa loi, mais de la loi de l'autre pays étranger Z normalement applicable. Compte tenu des nombreux facteurs de rattachement, la décision du juge saisi doit être une décision largement muni d'équité. Sa mise en forme présente une certaine complexité du fait qu'il s'agit d'articuler plusieurs systèmes de droit international privé et que tous ne raisonnent pas nécessairement en termes de conflits de lois ou même de règles bilatérales ou encore que l'exception de fraude à la loi est une figure inconnue de la plupart des systèmes juridiques. Bref, la loi étrangère évincée étant supposée désigner par la règle de conflit du for, la sanction de la fraude peut être présentée comme une application soit du système étranger lui-même, soit comme une application du système du for. Le juge saisi désignera alors sa loi ou une autre loi étrangère180(*) comme compétente pour régir la situation juridique qui lui est soumise.
* 177 A l'instar de l'affaire Caron op. cit. * 178 C'est d'ailleurs ce qu'à retenu la cour de cassation dans l'affaire Bauffremont, dans laquelle elle affirme que la princesse est bel et bien restée française, avec toutes les conséquences que cela entraîne non seulement en matière de conflit de lois, mais aussi dans les autres domaines tel la nullité du divorce prononcé en Allemagne et celle du second mariage avec le prince BIBESCO. D'après le Dr. DJUIDJE CHATUE Brigitte, in cours de Master 1 op. cit., cette solution a l'avantage d'être tout à la fois mieux adaptée et d'une mise en oeuvre plus facile. En adoptant la solution inverse, c'est-à-dire en écartant juste les conséquences frauduleuses recherchées par la princesse, elle serait alors considérée comme ayant acquise la nationalité allemande. Mais, le juge français ne reconnaîtra pas dans son pays son divorce et son remariage. * 179 Dans lequel il n'y réside pas ou n'a aucun lien avec celui-ci. * 180 Autre loi que celle qui a été évincée. |
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