Les conflits de lois en matière de contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques.( Télécharger le fichier original )par Patrice Ledoux DJOUDIE Université de Dschang Cameroun - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2010 |
Paragraphe III : La lex loci originis
La lex loci originis nécessite quelques clarifications et définitions (A) qui nous permettrons de mieux présenter son incidence dans le choix de la loi compétente (B). A- ClarificationsUne partie importante de la jurisprudence française84(*) considère que le problème du conflit de lois en matière de contrefaçon doit être réglé par la loi du pays d'origine de l'oeuvre. L'article 05, alinéa 04 de la Convention de Berne considère comme pays d'origine : (a) pour les oeuvres publiées pour la première fois dans l'un des pays de l'Union, ce dernier pays; toutefois, s'il s'agit d'oeuvres publiées simultanément dans plusieurs pays de l'Union admettant des durées de protection différentes, celui d'entre eux dont la législation accorde la durée de protection la moins longue; (b) pour les oeuvres publiées simultanément dans un pays étranger à l'Union et dans un pays de l'Union, ce dernier pays; (c) pour les oeuvres non publiées ou pour les oeuvres publiées pour la première fois dans un pays étranger à l'Union, sans publication simultanée dans un pays de l'Union, le pays de l'Union dont l'auteur est ressortissant; toutefois, (i) s'il s'agit d'oeuvres cinématographiques dont le producteur a son siège ou sa résidence habituelle dans un pays de l'Union, le pays d'origine sera ce dernier pays, et (ii) s'il s'agit d'oeuvres d'architecture édifiées dans un pays de l'Union ou d'oeuvres des arts graphiques et plastiques faisant corps avec un immeuble situé dans un pays de l'Union, le pays d'origine sera ce dernier pays. La détermination du pays d'origine d'une oeuvre dépend donc selon que celle-ci a été publiée ou non : En cas de publication, c'est la loi du pays de première publication85(*) et le cas échéant86(*), c'est la loi du pays dont l'auteur est ressortissant ou celle du pays de première divulgation87(*). Concernant l'interprétation de la lex loci originis comme loi du pays dont l'auteur est ressortissant et lorsque cet auteur est une personne morale, ce pays renvoie à celui dans lequel cette personne morale a son siège social. Pour les oeuvres cinématographiques dont le producteur a son siège ou sa résidence habituelle dans un pays de l'Union, le pays d'origine est ce dernier pays88(*). Ces clarifications concernant la lex loci originis ont une incidence certaine dans son choix, selon le cas qui est soumis au juge saisi. B- Incidence dans le choix de la loiSelon les cas présentés plus haut, la lex loci originis renvoie à une compétence législative bien précise. Ainsi par exemple, se serait la loi du pays de première publication « pour les oeuvres publiées pour la première fois dans l'un des pays de l'union... », ou alors la loi du pays dont l'auteur est ressortissant pour les oeuvres non publiées, etc. C'est ainsi que la Cour d'appel de Paris89(*) par déduction, a décidé dans son arrêt du 14 mars 1991, « qu'en l'espèce, la loi d'origine est la loi italienne, les têtes de mannequins ayant été conçues et réalisées en Italie, pays où elles ont été divulguées par la publicité commerciale d'Almax,... ». Nous pouvons aisément déduire de ces dispositions de la Cour d'appel de Paris qu'elle a considérée la loi d'origine comme la loi du lieu de divulgation de la création et notamment en l'espèce les têtes de mannequins. Il en a été de même avec la Cour de cassation française, dans son arrêt du 30 janvier 200790(*), dont il convient de revenir ici sur les faits de la cause : Un auteur avait agit en contrefaçon contre un éditeur français et une société de distribution cinématographique américaine aux motifs que la publication et la diffusion des romans et film Waterworld contrefaisait son ouvrage Tideworks enregistré au Copyright office de Washington en 1995. La Cour d'appel de Paris avait fait application de la loi américaine et la Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel dans les termes suivants : « Attendu que au sens de la disposition visée, la législation du pays où la protection est réclamée n'est pas celle où le dommage est subi mais celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux, l'obligation à réparation n'étant que la conséquence éventuelle de ceux-ci ; que la Cour d'appel a retenu que le film avait été conçu, réalisé et représenté aux Etats-Unis et que le roman tiré de celui-ci avait été édité dans le même pays ; qu'elle en a exactement déduit que le droit américain était applicable ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ». En matière de droit d'auteur, la Cour de cassation fait prévaloir la loi du pays d'origine de l'atteinte et non la loi du pays du dommage. Les atteintes trouvant leurs sources hors de France devraient donc être régies par le droit étranger et non par le droit français. En matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques, la Cour de cassation française91(*) fait prévaloir la loi du pays d'origine de l'atteinte à la propriété et non la loi du pays du dommage. Dans cette affaire, la contrefaçon trouvant sa source hors de France, le juge décida qu'elle devait donc être régie par le droit étranger, notamment le droit américain et non par le droit français. Ceci montre que le juge français a préféré l'application de la lex loci originis à la contrefaçon internationale dans cette affaire, cette lex loci originis étant entendue comme la loi du pays où le fait générateur s'est produit. Pour la victime, cette loi peut avoir l'inconvénient de l'oubli. Ainsi, la victime de la contrefaçon peut avoir oublié la loi de son pays d'origine ou du pays d'origine de son oeuvre au moment où les faits se produisent, si elle a par exemple quitté ce pays depuis longtemps92(*). Comme nous venons de le voir, la loi du pays d'origine est une autre solution proposée au problème de la contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques. Après la présentation des différentes thèses existantes en matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques, donnons maintenant le rattachement qui nous semble le mieux adapté. * 84Tels C.A. Paris, 4e ch. Section B, 14 mars 1991 ; Cass. Civ. 1ère, 30 janvier 2007, annexe 01. * 85 L'article 03, alinéa 03 de la Convention de Berne en retient une acception restrictive, que l'on pourrait qualifier d'éditoriale : « Par "oeuvres publiées", il faut entendre les oeuvres éditées avec le consentement de leurs auteurs, quel que soit le mode de fabrication des exemplaires, pourvu que la mise à disposition de ces derniers ait été telle qu'elle satisfasse les besoins raisonnables du public, compte tenu de la nature de l'oeuvre. Ne constituent pas une publication la représentation d'une oeuvre dramatique, dramaticomusicale ou cinématographique, l'exécution d'une oeuvre musicale, la récitation publique d'une oeuvre littéraire, la transmission ou la radiodiffusion des oeuvres littéraires ou artistiques, l'exposition d'une oeuvre d'art et la construction d'une oeuvre d'architecture ». * 86 C'est-à-dire en cas de non publication. * 87 C'est-à-dire de présentation au public ou de communication au public. Lire dans ce sens J. RAYNAUD, Droit d'auteur et conflit de lois : état de la question et perspectives, Paris, Litec, 1990. * 88 Tiré de l'article 05, alinéa 04 de la Convention de Berne. * 89 C.A. Paris, 4e ch. Section B, 14 mars 1991, SARL La Rosa c/ Sté Almax International SPA et Sté anonyme Cofrad, in www.google.com. * 90 Voir Cass. Civ. 1ère, 30 janvier 2007, en annexe 01. * 91 Voir dans ce sens Ibid, op. cit. * 92 Il peut également se présenter le cas de l'absence de maîtrise de la loi du pays d'origine, par exemple dû aux différentes mutations et évolutions survenues avec le temps écoulé. |
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