Paragraphe 2 : LA CONCEPTION PROFESSIONNELLE PREUVE DE LA
SELECTIVITE DE L'ASSURANCE SOCIALE
Outre son appartenance à une catégorie
socioprofessionnelle bien déterminée, le travailleur du secteur
public ou du secteur privé, ne peut être couvert par un
régime légal de protection (A) et par
la suite reconnaître un droit à la santé que par sa
contribution financière à ce régime
(B).
A. L'assujettissement à des régimes
légaux de protection
Selon la conception professionnelle, la protection contre le
risque maladie est subordonnée à l'exercice d'une activité
professionnelle.
Ainsi, la sécurité sociale est
réservée à ceux qui exercent une activité
professionnelle et qui, pour avoir la qualité d'assurés sociaux,
doivent contribuer au financement du système.
« L'obligation de contribution financière fait
la nature sélective du système de la sorte que ceux qui n'ont pas
un travail ou ceux qui sont inaptes au travail ne bénéficient pas
des prestations de la sécurité sociale.
Les conditions exigées par ce système, pour
pouvoir bénéficier de ces prestations sont parfois rigides et
difficiles à remplir, ce qui exclut les plus faibles
»2.
1 J-J. DUPEYROUX, Op. cit., p82.
2 A. SEFI, Art. préc., p2.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 90
En effet, qu'il s'agisse du régime légal du
secteur public (1) ou du régime légal
du secteur privé (2), le législateur
tunisien, ambitieux de corriger les insuffisances de la conception
professionnelle, a prévu des régimes spéciaux
nécessités par la spécialité de certaines
professions d'une part et par le souci d'étendre la
sécurité sociale au profit des plus faibles d'autre part.
1. Dans le secteur public
Dans le secteur public, le régime de base est celui des
pensions des agents de l'Etat organisé par la loi n° 85-12 du 05
mars 1985. En vertu de ce texte ainsi que d'autres décrets, le
bénéfice de sécurité sociale est accordé
:
1) Aux personnels, fonctionnaires et ouvrières de
l'Etat, des établissements publics à caractère
administratif et des collectivités publiques locales qu'ils soient
titulaires, temporaires, ou contractuels.
2) Aux personnels des établissements publics à
caractère industriel et commercial et des entreprises nationales, dont
la liste est fixée par décret1. Le régime de
sécurité sociale du secteur public géré par la
caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (C.N.R.P.S.)
couvre, ainsi, la majorité des fonctionnaires de l'Etat2.
Toutefois, une extension nécessaire de la
sécurité sociale au profit de certaines catégorie de
travailleurs dans le secteur public a fait naître des régimes
spéciaux dont notamment :
? Le régime des membres du gouvernement,
institué par la loi n° 83-31 du 17 mars 1983, couvre le premier
ministre, les ministres, les secrétaires d'Etat, les ministres et les
secrétaires d'Etat délégués auprès du
premier ministre, le secrétaire général du gouvernement,
le directeur du cabinet du premier ministre, le gouverneur de la banque
centrale.
? Le régime des gouverneurs, institué par la loi
n° 88-16 du 17 mars 1988.
1 Décret n°85-1025 du 2 août 1985
modifié et complété par des décrets
ultérieurs.
2 Au départ le régime
général de sécurité sociale dans le secteur public
ne couvre que les agents titulaires soumis au statut de la fonction publique,
mais avec la loi n°85-12 du 5 mars 1985, il s'étend pour couvrir
tous les agents du secteur public, quels que soit leur situation
administrative, les modalités de paiement de leur
rémunération, leur sexe et leur nationalité.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 91
Le régime des députés créé
par le décret-loi n°74-22 du 2 novembre 1974 et organisé
actuellement par la loi n°85-16 du 8 mars 1985.
Les régimes de personnels des services publics de
l'électricité du gaz et des
transports dont le régime de prévoyance sociale
est institué par le décret du 13 décembre 1951 et
modifié par un arrêté du 23 avril 1991 et le régime
de retraite organisé par le décret du 26 Août 1948 tel que
modifié par les arrêtés du 20 avril 1950, du 13 mars 1957,
du 14 septembre 1987, du 27 août 1988, du 23 avril 1991, du 08 juillet
1994 et du 27 janvier 1997.1
Ces régimes spéciaux ont été
dictés par la spécificité de ces catégories d'agent
publics, ainsi par ces régimes spéciaux, l'Etat trouve le moyen
« d'assurer et de maintenir pour ses hauts dignitaires, un standing de
vie en rapport avec leur statut d'activité au moment où ils
partent à la retraite »2.
Ainsi, par la loi n° 85-12 du 5 mars 1985 relative au
régime de pension des agents de l'Etat d'une part et par les textes
instituant et organisant des régimes particuliers en faveur de certaines
catégories d'agents publics d'autre part, l'assujettissement à
l'un des régimes légaux de sécurité sociale
s'étend pour couvrir la totalité des agents du secteur public.
Il y a lieu de noter que puisque la législation de
sécurité sociale est d'ordre public et s'impose donc
obligatoirement aux personnes visées d'une part, et puisque l'Etat, en
tant qu'employeur, assure la couverture sociale à ses employés
d'une façon systématique d'autre part, le problème de
l'omission d'affiliation des agents publics ne pose pas de difficultés
majeures comme c'est le cas pour les employés du secteur
privé.3
2. Dans le secteur privé
Dans le secteur privé, les conditions
d'assujettissement au régime général de
sécurité sociale (a) ont
été aménagées ou totalement abandonnées pour
étendre la
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1 Pour plus de détails, Cf. A.
MOUELHI, Droit de la sécurité sociale, Op.
cit., p111-113.
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2 K. ESSOUSSI, La sécurité sociale
dans le secteur public tunisien, ENA, 1994, p.42.
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DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 92
protection à certaines catégories de
travailleurs par la création de régimes particuliers
(b).
a) Le régime général
Le régime général de
sécurité sociale dans le secteur privé est le
régime de base qui est applicable aux catégories
socioprofessionnelles suivantes énumérées par l'article 34
de la loi n°60-30 du 14 décembre 1960 :
« 1) Les personnels
salariés de tous les établissements industriels et commerciaux,
des professions libérales, des coopératives, des
sociétés civiles, des syndicats et des associations ;
? les personnels salariés de l'organisation des
nations unies, de la ligue arabe et leurs institutions
spécialisées, des missions diplomatiques et de toute autre
personne morale relevant du droit international, exerçant en Tunisie ...
;
? les personnels de bureau et les personnels ouvriers
rattachés sous quelque formes que ce soit à toutes les personnes
morales de droit public ou de droit privé ayant leur siège en
Tunisie ... ;
2) les travailleurs occupés dans les entreprises
ou les établissements agricoles ... qu'ils aient ou non la forme
coopérative ... ;
3) les personnels employés dans les entreprises de
transport public de marchandises ou de personnes ;
4) les voyageurs de commerces, représentants ou
placiers ;
5) les personnels salariés occupés à
l'édification, ainsi qu'à la répartition ou à
l'aménagement des immeubles ...
6) les personnels occupés en qualité de
gardiens ou de concierges dans les immeubles réservés à la
location ».
L'assujettissement de ces personnes au régime
général exige aux termes de l'article 35 de la même loi un
lien de subordination qui peut prendre la forme d'un
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 93
5 M. DESPAX, « L'évolution du lien de
subordination en Droit du travail et de la sécurité sociale
», Dr. Soc. n°9-10, 1970, p457.
contrat ou n'importe quelle autre forme1. Ainsi, et
en application de l'article 6 du code du travail2, M.
Abdessatar MOUELHI voit que « l'assujettissement au
régime général résulte de l'appréciation de
la situation de fait dans laquelle les parties au contrat exécutent
leurs obligations contractuelles »3 et il évoque
à ce propos l'attitude de la cour de cassation tunisienne en date du 28
février 1974 considérant ainsi que le contrat de travail se
caractérise par la soumission du salarié aux directives et au
contrôle de l'employeur en contre partie de sa
rémunération4.
D'ailleurs, c'est la même attitude de la jurisprudence
Française5 qui a été amenée à
élargir l'assujettissement au régime général pour
élever le taux de couverture sociale.
La gestion de ce régime général est
confiée par l'article 5 de la loi n° 60-30, du 14 décembre
1960 à la C.N.S.S. qui gère le régime
général des salariés du secteur non agricole prévu
par cette même loi et qui va donner naissance à d'autres
régimes spéciaux ou encore dits particuliers.
b) Les régimes spéciaux
Après l'adoption de la loi n° 60-30 venant
instituer un régime de sécurité sociale au profit des
salariés non agricoles, d'autres régimes vont par la suite
être institués en faveur des salariés agricoles, des
pécheurs, des travailleurs non salariés, des travailleurs
tunisiens à l'étranger, des étudiants, des gens de maison
et artisans et des artistes, créateurs et intellectuels.
La particularité de ces catégories
socioprofessionnelles, vu la nature de l'activité exercée ou les
conditions de son exercice, ainsi que l'absence de revenu ou
1 Art. 35 Al. 1er prévoit
à ce propos : « Les régimes prévus par la
présente loi sont applicables à tous les employeurs et
travailleurs, liés par un contrat de travail ou réputés
liés par un tel contrat, et qui font partie des
établissements,
entreprises ou professions énumérées
à Art. 34 ci dessus »
2 Art. 6 du code du travail dispose : « Le
contrat de travail est une convention par laquelle l'une des parties
appelée travailleur ou salarié s'engage à fournir à
l'autre partie appelée employeur ses services personnels sous la
direction et
le contrôle de celle ci, moyennant une
rémunération la relation de travail est prouvée par tous
les moyens ».
3 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p. 98.
4 Ladite décision de la cour de cassation
tunisien comporte l'attitude suivante :
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DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 94
de revenu stable pour certaines catégories, explique et
justifie l'institution de ces régimes spéciaux.
Il y a lieu de noter que dans tous ces régimes, le
législateur n'a pas omis de reconnaître à l'assuré
social un droit aux prestations de soins nécessitées par son
état de santé ainsi que les membres de sa famille.
1) Le régime des salariés
agricoles
Institué et organisé par la loi n° 81-6 du
12 février 1981, le régime des salariés agricole est
institué « au profit des travailleurs salariés et des
coopératives de l'agriculture » et il « assure des
prestations en matière d'assurances sociales : maladie, maternité
... »1
En vertu de l'article 2ème de ladite loi
« bénéficient du régime prévu par la
présente loi, les travailleurs salariés et les
coopérateurs exerçant les activités
considérées comme agricoles au sens de l'article 3 du code du
travail.2
A l'exception de ceux qui seraient employés par des
entreprises affiliées à un régime légal, couvrant
les mêmes risques, l'affiliation à l'un ou à l'autre
régime doit couvrir l'ensemble du personnel ».
Pour bénéficier de l'application de ce
régime, le travailleur dans le secteur agricole doit être en
situation de subordination vis à vis de son exploitant. Cette
subordination, comme c'est le cas dans le régime général,
est justifiée par un contrat de travail en vertu duquel le
salarié agricole exerce son activité.
Toutefois, l'exercice de l'activité agricole en Tunisie
depuis longtemps a été et reste encore essentiellement de
caractère familial, ce qui pose le problème de la couverture
sociale pour ces travailleurs familiaux qui ne remplissent pas les conditions
de qualification de salarié agricole notamment le contrat de travail et
la rémunération. « C'est vraisemblablement le fait
d'appartenir au groupe familial et la
1 Art. 1er de la loi n° 81-6 du 12
février 1981.
2 Art. 3 du code du travail dispose dans son
alinéa 1er que : « Sont considérés
comme agricoles, les entreprises publiques ou privées, les
coopérations et les associations se livrant notamment aux
activités suivantes : céréaliculture, culture du lin, du
coton, du tabac, du riz, des pommes de terre, de la bettera, des plantes
médicales et aromatiques, des léguminérises, horticulture
marichére et florale, agrumiculture, oléiculture, arboriculture
fruitiére, phoeniculture, sylviculture, production ou semences et de
plants, production de fourrages, élevage, production du lait,
cuniculture, aviculture, apiculture ».
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 95
possibilité de succéder au chef de
l'exploitation qui privent les aides familiaux des qualités de
salarié et d'assuré social ».1
Il y a lieu de noter aussi que l'inconstance des revenus des
travailleurs agricoles et l'absence de leur organisation dans le cadre de la
sécurité sociale avant la loi n° 81-6 du 12 février
1981 expliquent les difficultés d'extension de la sécurité
sociale dans le secteur agricole en Tunisie. Ainsi du fait que le nouveau
régime est institué dans le cadre d'une politique de protection
sociale destinée au secteur agricole et dans le but d'embrasser les
couches les plus vulnérables de ce secteur, il paraît que la
vulnérabilité des personnes occupées dans l'agriculture et
l'absence de cultures et de traditions de couverture pour ces
catégories, dont le niveau culturel n'est pas très
élevé, expliquent qu'il est difficile d'obtenir une
démarche volontaire d'adhésion des personnes exerçant leur
activité dans le secteur agricole2.
D'autant plus, la dispersion des petites exploitations et
d'activité saisonnière pour des périodes de travail de
courte durée, rendent difficile leur localisation.
D'où la difficulté de contrôler le respect
des obligations des exploitants agricoles quant à la déclaration
de leurs salariés et par la suite la sous affiliation dans le
régime des salariés agricoles.
Pour toutes ces raisons, M. Kamel ESSOUSSI,
en invoquant le taux de couverture dans le régime des salariés
agricoles (23.37 %)1, voit que la sous évaluation
apparaît flagrante et ne permet pas d'assurer une protection consistante
et étendue pour cette catégorie de travailleurs.
Devant ces difficultés, le législateur tunisien,
conscient des insuffisances de la loi n° 81-6 vient d'adopter en date du 2
septembre 1989 la loi n° 89-73 pour remédier à
l'ambiguïté qui caractérise la définition du champ
d'application du régime des salariés agricoles en instituant un "
régime agricole amélioré " qui s'applique aux termes de
l'article 86 de ladite loi aux :
« - Coopérateurs salariés
employés par les entreprises agricoles ayant la forme de
société, les sociétés de mise en valeur, les
coopératives agricoles ainsi que
1 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.102.
2 K. ESSOUSSI, « L'extension de la couverture
sociale aux populations économiquement vulnérables vers un
nouveau système », R.T.D.S., n° spécial
sécurité sociale, n° 10,2004, p.143.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 96
1 K.. ESSOUSSI, Ibid., p142.
2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité
sociale, Op. cit., p.105.
toutes les personnes morales agricoles non assujetties
à un régime de sécurité sociale couvrant les
même risques ;
- tous les salariés des autres exploitants
agricoles employant 30 salariés permanents au moins ;
- pêcheurs employés sur des bateaux dont la
jauge brute est inférieure à 30 tonneaux, pêcheurs
indépendants et petits armateurs tels que définis par le code du
pêcheur promulgué par la loi n° 75-17 du 31 mars 1975.
»
Par cette nouvelle législation, la
sécurité sociale dans le secteur agricole devient beaucoup plus
diversifiée, « ce qui pourra faciliter les efforts
déployés en vue de sa généralisation
»2. Toutefois, l'exercice de l'activité agricole
par des non salariés qui ne peuvent pas bénéficier de la
protection par le régime des salariés agricoles va
nécessiter l'institution d'un régime pour les travailleurs non
salariés des secteurs agricoles et non agricoles.
2) Le régime des travailleurs non salariés
des secteurs agricole et non agricole
Dans la même logique d'adaptation des systèmes de
sécurité sociale Tunisiens professionnels aux
caractéristiques des populations précaires ou mobiles, le
décret n° 82-1359 du 21 octobre 1982 est venu instituer un
régime de sécurité sociale pour les travailleurs
indépendants exerçant une activité pour leur propre compte
dans le secteur non agricole alors que le décret n° 82-1360 de la
même date est venu instituer un régime en faveur des
indépendants et exploitants agricoles.
Par la suite et en vue d'adapter ces deux régimes aux
besoins des assurés sociaux, le décret n° 95-1166 du 3 juin
19951 est venu pour fusionner les deux régimes en un seul
dénommé, désormais, régime des travailleurs non
salariés dans les secteurs agricole et non agricole.
Par l'article 16 de ce décret, le
bénéfice des prestations du régime des assurances
sociales, prévu par la loi n° 60-30 dont notamment le droit aux
prestations de soins et le droit à l'hospitalisation, est reconnu aussi
aux travailleurs non salariés.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 97
L'extension de la couverture sociale au profit de ces
catégories socioprofessionnelles vient de corriger certaines
insuffisances du régime général dans le secteur
privé pour couvrir « toute personne exerçant à
titre principal une activité professionnelle quelle que soit sa nature,
pour son propre compte ou en qualité de mandataire et également
les travailleurs du secteur de l'artisanat, titulaires d'une carte
professionnelle, ainsi qu'aux métayers »2.
L'évolution du droit de la sécurité
sociale montre bien que, par l'élargissement du champ d'application du
régime des travailleurs non salariés, les pouvoirs publics en
Tunisie cherchent à limiter au maximum le nombre des actifs ne
bénéficiant pas d'une couverture sociale par un autre
régime de sécurité sociale.
A ce propos, M. Ezzeddine BOUSLAH
considère que « tout système de
sécurité sociale dépend des choix des pouvoirs publics qui
décident de l'essentiel à savoir des cotisations et des
prestations, ainsi que de la politique en matière de santé qui
conditionne le rendement des modalités de couverture sociale contre le
risque maladie ».3
3) Le régime des travailleurs tunisiens à
l'étranger
Par le décret n°89-107 du 10 janvier 1989
étendant le régime de sécurité sociale aux
travailleurs tunisiens à l'étranger, cette couche sociale ainsi
que « les membres de famille à charge restés en Tunisie
»4 bénéficient des prestations du
régime des assurances sociales prévues par la loi n° 60-30
relative au régime général de sécurité
sociale.
Toutefois, l'adhésion au régime est facultative
et volontaire. Ce régime ne concerne dans son champ d'application que
les travailleurs salariés et non salariés qui sont occupés
à l'étranger et « qui ne sont pas couverts par une
Convention bilatérale
1 Tel que modifié et complété par
les décrets n° 2002-3018 du 19/11/2002 et n°2004-167 du
20/01/2004.
2 Art. 2 du décret n° 95-1166 du 3 juillet
1995.
3 E. BOUSLEH, « Désengagement de l'Etat
et effet redistributif de la sécurité sociale : le cas Tunisien
», R.T.D. 1992, p. 31.
4 Art. 16 Al. 2ème du décret
n° 89-107 du 10 janvier 1989.
DEUXIEME PARTIE : L'assurance sociale et l'inégal
accès au droit à la santé 98
de sécurité sociale ou par une
réglementation spéciale régissant leur affiliation
à la sécurité sociale ».1
Pour encourager davantage les intéressés
à adhérer au régime, la demande d'adhésion peut
être adressée à la C.N.S.S. directement ou indirectement
par l'intermédiaire des consulats de Tunisie à
l'étranger.2 Ensuite, l'affilié a le choix
d'appartenir à l'une des quatre classes prévues par l'article 6
dudit décret, et qui servent de référence pour le calcul
des cotisations dues.
Ainsi, la reconnaissance d'un droit à la
sécurité sociale pour les travailleurs tunisiens à
l'étranger s'est aussi faite à la base de la conception
professionnelle de la sécurité sociale qui assure la protection
à cette catégorie socioprofessionnelle selon le revenu et les
capacités contributives de chaque affilié à ce
régime.
De ce qui précède on peut observer que le
législateur, par l'institution de ces régimes particuliers, a
essayé d'étendre la couverture sociale en faveur de ceux qui
exercent une activité professionnelle sans qu'ils soient assujettis au
régime général ; et ceci par l'aménagement des
conditions d'assujettissement à ce régime dont notamment les
capacités contributives des assurés.
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