Section II : L'ASSURANCE SOCIALE MOYEN DE PROTECTION DU
TRAVAILLEUR FACE AUX RISQUES PROFESSIONNELS
Au cours de l'exercice de son activité professionnelle,
le travailleur assuré social peut se trouver exposé à deux
risques majeurs ; il s'agit des maladies professionnelles et des accidents du
travail.1 A ce propos, deux régimes légaux de
réparation des dommages résultant des risques professionnels dans
les secteurs public et privé sont institués dans la
législation tunisienne et sont gérés par la C.N.A.M. comme
le prévoit l'article 8 de la loi n°2004-71 du 2 août 2004
portant institution d'un régime d'assurance maladie.
Ainsi l'identification des risques professionnels
(Paragraphe 1) permet de soumettre les travailleurs
assurés sociaux et victimes de maladies professionnelles ou d'accidents
du travail à un régime de réparation de ces risques
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'IDENTIFICATION DES RISQUES
PROFESSIONNELS
Le régime de réparation des accidents du travail
et des maladies professionnelles a connu sous l'égide de la loi
n°57-73 du 11 décembre 1957 des imperfections2 qui ont
nécessité une intervention législative par la loi
n°94-28 du 21 février 1994 dans le secteur privé et la loi
n°95-56 du 28 juin 1995 dans le secteur public3.
L'identification des risques professionnels permet de
distinguer entre les lésions à caractère professionnels et
les autres lésions qui n'ont pas eu lieu à l'occasion de
l'exercice de l'activité professionnelle.4 Cette distinction
permet de
1 Cf. M. TARCHOUNA, « La
problématique des droits de l'homme en Droit du travail », R.T.D.S.
n° 7, 1995, p 53-73.
2 M. KAAK, « La sécurité sociale en
Tunisie », Revue Tunisienne du service public (servir), n° 13, 1973,
p 50.
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3 La loi n°95-56 du 28 juin 1995 relative au
régime de réparation des accidents de travail et des maladies
professionnelles dans le secteur public reprend les mêmes
définitions retenues dans le secteur privé et qui sont
prévues par la loi n°94-28 du 21 février 1994. il s'agit des
mêmes définitions prévues par la loi de 1957.
4 Cf. C. JAQUES, « Travail et
santé, le point de vue d'un médecin » et N. MAGGI - GERMAIN,
« Travail et Santé : le point de vue d'une juriste », Dr.
Soc. n° 5 mai 2002, p. 479 et s.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 65
protéger le travailleur en cas d'accident du travail
(A) ou en cas de maladie professionnelle
(B).
A. Identification de l'accident du travail
La présentation d'une définition de l'accident
du travail (1) implique l'analyse des critères
de sa qualification (2).
1. La définition de l'accident du
travail
Dans le secteur public ainsi que dans le secteur
privé, le législateur tunisien prévoit deux régimes
différents mais qui se ressemblent.
Cette ressemblance fait que la définition
prévue par l'article 3 de la loi n°94-28 est presque la même
que prévoit l'article 3 de la loi n°95-56. Ainsi aux termes de la
loi de 1994 alinéa 1er, « est
considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause
ou le lieu de survenance l'accident survenu par le fait ou à l'occasion
du travail, à tout travailleur quand il est au service d'un ou de
plusieurs employeurs », et aux termes de la loi de 1995 «
est considéré accident de travail, l'accident qui survient
à l'agent par le fait ou à l'occasion du travail quels qu'en
soient la cause et le lieu » 1.
Par ces définitions, le législateur tunisien
adopte une conception large de l'accident du travail, visant tout accident
lié, d'une manière ou d'une autre au travail. C'est la même
conception adoptée par le législateur français dans
l'article 411-1 du code de la sécurité sociale2.
La jurisprudence, devant cette couverture étendue, a
été amenée à préciser encore plus cette
notion d'accident du travail.
Cette définition jurisprudentielle suscite l'analyse
des critères de qualification de l'accident du travail.
2. Les critères de qualification de l'accident du
travail
La définition retenue par la Cour de cassation
française met en relief des critères d'identification de
l'accident du travail qui présentent les éléments de sa
1 M. ZIADI, « Sur la preuve des accidents de
travail », mémoire de D.E.A. à la Faculté de Droit de
Sfax, 2000.
2 J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT, Op. cit.,
p.81.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 66
définition. Il s'agit du critère de la
soudaineté, le critère de la violence, le critère
d'extériorité et le critère de l'existence d'une
lésion corporelle.
L'évolution de la jurisprudence ainsi que la doctrine a
permis de réduire ces éléments de définition
essentiellement à deux critères : la soudaineté et la
lésion corporelle1.
> Le critère de la
soudaineté
La notion d'accident suppose la soudaineté de
l'événement, ce qui permet de localiser l'accident dans le temps
et dans l'espace et par la suite identifier l'accident avec précision
par sa date et par le lieu dans lequel il s'est produit.
La soudaineté permet de distinguer l'accident de la
maladie professionnelle qui présente un événement
progressif dont l'origine ne peut pas être localisée dans le temps
et dans l'espace avec autant de précision.
Il est à noter, aussi, que la soudaineté
caractérise la survenance du fait et non pas la lésion puisque la
lésion corporelle peut être constatée progressivement et
ultérieurement à l'accident2.
> Le critère de la lésion
corporelle
La lésion corporelle est la raison d'être du
régime de réparation des accidents du travail. C'est une
condition nécessaire pour qualifier l'accident d'accident du travail.
« En effet, pour qu'il y ait accident du travail il doit y avoir une
lésion corporelle » 3.
1 A ce propos J.J. DUPEYROUX analyse
l'évolution jurisprudentielle relative aux critères
d'identification des accidents du travail et le rejet des critères
classiques pour retenir le critère de la soudaineté et la date
certaine et le critère de la lésion corporelle, V. J.J.DUPEYROUX,
Op.cit., p.414-424.
- La notion d'accident a été diversement
appréciée par la Cour de cassation française, dans un
premier temps, une action violente et soudaine causée par un
événement extérieur et provoquant une lésion de
l'organisme était exigée (Cass.soc. 20 mars 1952). Les
critères de violence et d'extériorité sont aujourd'hui
délaissés, deux exigences demeurent posées : une action
soudaine et une lésion corporelle (Cass. Soc. 24 avril 1969,
n°68-11090).
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- J.J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale,
Op. cit., p.424 : « La jurisprudence de la cour suprême
fait jouer une autre présomption : les lésions apparues dans un
"temps voisin"de la période de travail au cours de laquelle est survenu
un accident dont la " matérialité" est établie par la
victime ou ses ayants droit...sont présumées en être la
conséquence, sous réserve de la preuve du contraire
».
3 S. BLEL, Le nouveau dans le régime de
réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles, éd. les imprimeries de la presse, 1995, p.20.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la consécration
du droit à la santé 67
Cette lésion « s'entend de toutes atteintes
à l'intégrité physique de la victime »
1, il s'agit alors de toutes injures, blessures, brûlures,
intoxications, fractures, surdité, troubles physiologiques ou nerveux
... et en général toute atteinte à l'organisme humain du
travailleur lors de l'exercice de son travail.
La constatation de la lésion corporelle est facile
à prouver par un simple examen médical et/ou par des
témoignages directs2.
La législation de sécurité sociale dans
un souci protectionniste du travailleur lui a offert une protection aussi bien
sur les lieux du travail que dans le trajet liant le domicile et le travail.
L'accident de trajet intervient par définition en
dehors de l'entreprise sur un parcours protégé par la loi du 21
février 1994 qui définit sommairement l'accident de trajet en
prévoyant que : « est également considéré
comme accident du travail, l'accident survenu au travailleur alors qu'il se
déplaçait entre le lieu de son travail et le lieu de sa
résidence pourvu que le parcours n'ait pas été interrompu
ou détourné par un motif dicté par son
intérêt personnel sans rapport avec son activité
professionnelle » 3.
Le trajet protégé est généralement
le chemin parcouru habituellement par le salarié et qui devrait
être le plus court possible dans le temps et dans l'espace entre le lieu
de travail et le lieu de résidence du travailleur.
Ainsi, la protection contre les accidents du travail et les
accidents du trajet peut présenter une meilleure garantie pour le
travailleur face aux risques inhérents à son activité
professionnelle, et même si le législateur a opté pour une
conception restrictive de l'accident du trajet, l'option pour une conception
large de l'accident du travail paraît présenter un certain
degré de satisfaction pour les travailleurs face à ces
risques.
Notons, enfin, que l'intégration des risques
professionnels dans le cadre des assurances sociales obéit à
l'idée d'un traitement privilégié de la victime, ceci est
vrai aussi pour les maladies professionnelles.
1 Yves SAINT- JOURS, « L'influence de
l'évolution technologique sur la législative des accidents du
travail », Droit ouvrier, janvier 1992.
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3 Art. 3 de la loi n°94-28 du 21 février 1994.
PREMIERE PARTIE : L'assurance sociale et la
consécration du droit à la santé 68
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