SECTION 2. PERSPECTIVES ET
PROPOSITIONS EN VUE DE L'AMELIORATION DE L'EXERCICE DE LA LIBERTE DE
MANIFESTATION
La liberté de manifestation occupe une place de choix
dans la vie démocratique. Elle traduit la disposition d'un régime
à écouter toutes les opinions en cours dans la
société et à les laisser s'affirmer et s'exprimer.
Ainsi, pour surmonter les obstacles que nous avons
cités ci-haut, il convient de prendre certaines mesures qui vont
à coup sûr transformer le cadre d'exercice de ce droit de
l'homme. Ces mesures tiennent moins aux règles de droit qui
régissent la liberté de manifestation qui, malgré leurs
lacunes, ne sont que des éléments du système ; c'est
le système dans son ensemble qui est défectueux et c'est lui qui
doit être reformé. Le remplacement d'un mot par un autre dans la
constitution ne suffit pas pour imposer ce changement. Il faut que des
transformations de chaque élément soient mises en contribution
pour parvenir à l'amélioration de l'exercice de ce droit. Il faut
certes faire intervenir une loi en corrigeant les lacunes créées
par le vide dans la détermination de la compétence des
autorités dans le cadre du principe de l'information. Par ailleurs, les
reformes doivent aussi concerner les acteurs qui interviennent dans l'exercice
de ce droit.
Paragraphe I. L'adoption d'une
loi portant réglementation des réunions et manifestations
publiques en RDC
Il ne fait l'ombre d'aucun doute que le premier
problème qui est présenté par tous les observateurs de la
vie politique et sociale comme étant à la base des controverses
autour de la liberté de manifestation en RDC vient de ce que celle-ci
est proclamée par la constitution, mais que ce principe constitutionnel
n'est pas encore porté par une loi qui abrogerait le décret-loi
de 1999.
L'avènement de cette loi est un besoin ressenti par le
constituant et une exigence faite par lui à l'article 26 de la
constitution en ces termes : « La loi en fixe les
mesures d'application». Cela est salutaire en ce que cette loi va
préciser le sens et la portée du principe de l'information en
mettant en exergue ce que les autorités administratives doivent faire et
ce qu'ils ne doivent pas faire. Elle doit aussi définir très
clairement les responsabilités, les devoirs et les droits des
organisateurs des manifestations publiques. Il faut aussi que cette loi
réponde à la préoccupation de la responsabilité
pénale et surtout civile née à la suite des
événements qui ont lieu au cours des manifestations publiques.
Car, les procès intentés contre les paisibles manifestants
laissent le sentiment qu'aller manifester un point de vue, c'est aller exposer
sa vie et sa liberté.
A. Le principe
d'information
La constitution pose le principe que toute manifestation ou
réunion publique doit être annoncée au préalable au
près de l'autorité publique. Ce principe constitutionnel doit
être coulé dans une loi et celle-ci devra préciser que
l'information est différente de l'autorisation.
En effet, dans le cadre du régime d'autorisation
préalable, les autorités pouvaient interdire purement et
simplement une manifestation selon les opportunités en présence
et suivant les motifs avoués ou non. Très souvent, c'est la
raison de l'identification des organisateurs et le motif du maintien de
l'ordre public qui étaient mis en avant pour justifier l'interdiction
des manifestations. Les autorités administratives agissaient ainsi avec
un pouvoir discrétionnaire et de manière unilatérale.
Cependant, le principe posé dans la nouvelle
constitution est différente du précédent. Il signifie que
l'autorité administrative n'a que le pouvoir de recevoir l'information.
Il n'autorise pas les manifestations. Il n y a plus délivrance des
permis de manifestation. Son rôle reste celui de prendre acte de ces
informations. Mais lorsque ces informations indiquent clairement qu'il
pèse sur l'ordre public un risque moyen, l'autorité
administrative doit, ensemble avec les organisateurs voir ce qu'il convient le
mieux de faire.
Pour autant, le pouvoir d'interdire une manifestation qui
présente des risques graves à la moralité publique,
à l'unité nationale et à la paix, ne peut pas être
totalement refusé aux autorités administratives. Cela n'aurait
pas de sens et la sécurité en sortirait menacée. Ce qui
doit être fait dans ce cas, c'est de réduire les larges pouvoirs
des autorités en exigeant par exemple qu'en cas de controverse sur la
tenue d'une manifestation, un observatoire de manifestation constituée
des personnalités indépendantes examinent les arguments des uns
et des autres en vue de décider si les motifs invoqués pour
manifester menacent la paix ou la sécurité nationales.
Mais l'accent ne doit pas être mis sur la loi seulement.
Car, sous le régime de l'autorisation, on a déploré le
dirigisme excessif des autorités et sous le régime de
l'information, les mêmes autorités ne se départissent pas
de leurs habitudes. Cela veut dire qu'il y a un problème dans la
tolérance démocratique et non dans les textes. Car, l'ancien
texte faisait de l'autorisation une exception pendant que la pratique a fait de
cette exception un principe. Aujourd'hui, c'est l'information qui est le
principe mais la pratique comporte plusieurs interdictions comme sous l'ancien
régime qui sont déplorées. Le problème ne
réside donc pas dans le principe mais dans la mise ne oeuvre.
Il appartient donc au législateur d'apporter toutes ces
différences et d'indiquer comment les organisateurs peuvent participer
à la décision du report ou de l'annulation de la manifestation.
Il faut donc que la loi indique ce qu'il faut faire en vue d'obliger les
autorités administratives de respecter le principe de la
légalité de leurs décisions.
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