CHAPITRE III. AUTOPSIE DES ARMEES CONGOLAISE ET
RWANDAISE
Ce chapitre tente d'examiner l'armée rwandaise,
armée de la R .D Congo, sa constitution (création), son emploi,
sa doctrine, ses missions ainsi ses moyens matériels et humains.
SECTION I. ARMÉE CONGOLAISE
Les Forces Armées de la République
Démocratique du Congo (FARDC) sont dans un processus de reconstruction
après la deuxième guerre
du Congo finie en 2003. Le gouvernement à Kinshasa,
les Nations unies (avec la MONUC d'un effectif total de 22 000 personnels
fin 2009), l'Union européenne (avec sa mission militaire EUSEC RD Congo
et sa mission en 2006 EUFOR RD Congo) et des partenaires bilatéraux
comme l'Angola, l'Afrique du Sud et la Belgique essaie de créer une
force viable capable de réaliser les missions qui leur sont
confiées, la plus importante étant la sécurité et
stabilité pour la nation.
Cependant, la réussite de ce processus paraît
incertaine car on assiste à un retour de la corruption et le
gouvernement congolais éprouve énormément de
difficulté à gérer et contrôler ses forces
armées. On note également un manque de coordination entre les
donateurs internationaux. Enfin, il est très important de souligner que
les FARDC se constituent en partie sur base d'une tentative de regroupement et
d'intégration (le "brassage" et le "mixage") au sein d'une structure de
commandement unique des forces militaires tant du gouvernement légal de
Kinshasa que des anciens mouvements de rébellion qui ont divisé
le pays, en particulier depuis la seconde guerre d'août 2008. Il s'agit
en particulier des mouvements Maï Maï, des troupes du RCD Goma, du
MLC de Jean Pierre Bemba. De vieux antagonismes existent entre ces forces qui
sont néanmoins censées opérer en harmonie au sein de
l'armée. Les tentatives récentes d'intégrer des
éléments militaires sous l'obédience du
Général Laurent Nkunda au Nord Kivu ont montré la
difficulté et les limites de cette stratégie. Les conflits
internes dans l'armée sont de plus en plus fréquents.
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Mais le problème le plus important ne se trouve pas
là. En dépit de l'aide internationale, la R.D.C. Auparavant le
Zaïre, au vu du profond sous-développement dans laquelle elle s'est
enfoncée, n'a pas les ressources suffisantes pour se doter d'une
armée régulière, bien gérée, dont les forces
sont casernées. L'impossibilité de survivre dans ces conditions
les amène à vivre sur le dos de la population par le biais
d'exactions et de spoliations constantes, principalement en zones rurales. La
paysannerie, déjà la partie la plus pauvre de la population, paye
le plus lourd tribut alors qu'elles sont celles qui devraient être
protégées par l'armée qui exerce en principe un rôle
de maintien de l'ordre public, aux côtés de la police nationale.
On assiste donc à un retour à la situation que le pays a connu
à la fin de l'ère mobutisme où les militaires
étaient devenus la crainte majeure de la population. La MONUC se voit
donc obligée dans certains cas de protéger les populations
civiles des violences qui sont le fait des forces armées.
Cette dramatique évolution s'est encore aggravée
par le nombre croissant de violences sexuelles perpétrées par les
militaires dans les campagnes dans un contexte de relative impunité, les
poursuites engagées contre les auteurs de ces sévices par la
juridiction militaire étant très limitées au regard de
l'étendue du phénomène.
L'Armée congolaise doit être :
? Apolitique
Pour cela, il faut débriefer sur la guerre et les briefer
sur la paix, leur
nouvelle mission. Dès lors, aucune mention ne devra
être faite des origines
politiques des éléments.
? Nationale
- Elle doit être ouverte à des Nationaux sans
distinction et sans
discrimination,
- Elle doit avoir :
- le même drill
- la même standardisation des équipements
- une seule langue de commandement
- un même uniforme
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- une même instruction de base
- une unité de commandement.
? Républicaine
En tant que telle, elle est au service des institutions et de
la communauté nationale, elle ne peut donc être attachée
à une personne ou à un groupe. C'est pourquoi il faut supprimer
le système des Gardes Présidentielles pour les remplacer par un
système de Garde Républicaine.
§1. Constitution ou création
La constitution et l'emploi d'une armée
républicaine sont des tâches herculéennes. Leur
réalisation exige lucidité, détermination, courage,
patience, débat public entre Congolais, afin de dégager des
idées originales et oser faire table rase des forces armées
fabriquées de bric et des brocs pendant la transition, en vue de parer
au plus pressé et répondre à l'impératif de la
paix. A cette fin, deux préalables sont à accomplir : pas
d'armée républicaine sans une République
démocratique ; les FARDC sont l'antidote à une armée
républicaine.34
? Une République démocratique :
comme condition d'existence d'une armée
républicaine
L'horizon de la République démocratique
était une simple profession de foi, au moment où
s'éteignaient les lampions du dialogue intercongolais de Sun City, par
la signature de l'Accord global et inclusif (2002). Aujourd'hui, il est
plausible de penser, même s'il reste encore beaucoup de progrès
à faire, que les fondations d'une république démocratique
ont été érigées dans la constitution du 18
février 2006, qui ne demande qu'à être
améliorée par la réforme.
? Les FARDC : obstacle à l'armée
républicaine
Selon l'esprit de l'Accord global et inclusif (2002), les
FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du
Congo) désignent un conglomérat
34 Mwayila Tshiyembe : GUERRE ET PAIX : RECONCILIATION
NATIONALE, PREVENTION DES CONFLITS,
FORMATION ET CONSOLIDATION D'UNE ARMEE REPUBLICAINE. Essai sur
la République Démocratique du Congo (thème exposé
au Symposium du cinquantenaire tenu à Kinshasa du 29 Novembre au 02
Décembre 2010)
50
des soldats et des milices qui se sont affrontés, les
armes à la main, avant d'être malaxés en vue de
créer les conditions de la paix, par le partage de pouvoir d'Etat entre
les belligérants (leadership pentagonal 1+4) et la mise en commun de
leur capacité militaire. 35
Dès lors, le chantier FARDC doit être
pensé comme le label d'une armée de transition sinon un
laboratoire d'essais et erreurs, des succès et des échecs devant
servir à imaginer et à façonner les conditions optimales
à la naissance d'une Armée Républicaine de la RDC(AR-RDC).
Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'ingénierie de
l'Etat et de ses partenaires va dans le sens contraire. En effet, faute de
perception stratégique d'une armée républicaine, il est
à craindre que les intelligences ne soient pas réveillées,
les dévouements rassemblés, les efforts et l'argent
épargnés. Car, dans l'état actuel de la
déstructuration des FARDC, il est impossible d'en faire une armée
républicaine, même au prix du sang et des larmes.36
? Professionnalisation d'une armée
républicaine
Dire que l'armée républicaine est
professionnelle, c'est postuler qu'elle doit être une armée des
spécialistes détenant une compétence et un savoir-faire
toujours renouvelés, adaptés à l'évolution de la
stratégie militaire, selon les menaces, les technologies, les champs
d'action, les métiers de trois forces (terrestre, aérienne,
navale), selon l'article 187 de la constitution.
Il va de soi que l'armée nouvelle a besoin d'une main
d'oeuvre hautement qualifiée notamment dans les domaines de
l'électronique, l'aéronautique, l'automatique, la maintenance des
engins mécaniques ou robotisés, etc. Ce professionnalisme doit se
traduire également dans les modes de commandement, d'équipement,
d'entraînement, de formation, de gestion des carrières, de
recrutement, de la condition militaire, etc.
? Recrutement qualitatif
Le premier goulot d'étranglement du professionnalisme
à faire est sauter, est le recrutement des soldats. Celui-ci doit offrir
une quadruple
35 Idem
36 Mwayila Tshiyembe : Op cit.
51
garantie : garantie juridique (respect du droit à
l'égalité d'accès aux emplois publics, reconnu à
tout congolais ; garantie intellectuelle (la compétence ou le
savoir-faire) ; garantie physique (bonne santé) ; garantie
éthique (une moralité éprouvée), au sens de
l'article 189 de la constitution.
Compte tenu de la dégradation
généralisée du niveau d'instruction en RDC, le
diplôme d'Etat de l'enseignement secondaire doit être le seuil
minimal des compétences exigées au recrutement des militaires du
rang.
Pour atteindre cet objectif, l'armée nouvelle doit
être ouverte sur la société notamment les
universités, les instituts supérieurs, les centres de recherche,
sous forme de partenariat de formation et de brassage des savoirs sur les
études de défense devant être intégrées dans
le cursus universitaire. En amont, la construction ou la réhabilitation
des écoles et des centres militaires, doit être une
priorité des priorités.
? Gabarit réduit
Le second goulot d'étranglement à faire sauter
est le gabarit de l'armée, en ligne de mire du recrutement. Il s'agit de
répondre à la question suivante : combien faut-il des troupes ou
des soldats pour optimiser le rendement sinon l'efficacité de
l'armée nouvelle ?
Poser le problème en ces termes, c'est rompre
radicalement avec les vieilles lunes d'une armée révolutionnaire,
peuplée des soldats d'analphabètes, puisant leur force dans des
pratiques magico-religieuses.37
En finir avec ce passé milicien, c'est tenter de mettre
en adéquation les fins et les moyens de la défense nationale, en
fonction des mutations de la stratégie militaire, du profil du soldat du
21ème siècle (polyvalence, technicité), de la
mission de défense (défense des intérêts vitaux de
la RDC et contribution à la co-sécurité régionale),
des moyens (humains, matériels, moraux). L'enjeu d'une telle politique
de défense est de déterminer rationnellement le coût
à payer pour cette modernisation et dire qui doit payer, afin que la RDC
se dote d'une capacité de défense dissuasive. Alors, la
polyvalence et la technicité du soldat militent en faveur d'une
armée
37 Mwayila Tshiyembe : Op cit.
52
qualitative (sur la barre de 100.000 hommes), au
détriment d'une armée quantitative ou armée de masse
(au-dessus de la barre de 100.000 hommes).
Dans cet ordre d'idées, la sagesse commande qu'à
l'horizon de la dixième année d'existence des FARDC, les soldats
ne répondant pas aux exigences de l'article 189, soient
méthodiquement préparés à la retraite, dans
l'honneur et la dignité. A condition que, dès maintenant, le
gouvernement mette en oeuvre une nouvelle politique de formation
professionnelle cofinancée avec les partenaires, en vue de leur procurer
un métier plus tard.
Autrement dit, plus drastique sera la réduction des
effectifs, meilleure sera la perspective de constitution d'une armée
nouvelle.38
? La condition militaire
Par condition militaire, il faut entendre l'ensemble des
dispositifs organisationnels particuliers encadrant les conditions de travail
et de vie des personnels des armées. Par-delà les
modalités par lesquelles ces conditions de vie et de travail sont
érigées en politique publique par le gouvernement et les
états-majors confrontés au processus de professionnalisation des
armées, il faut souligner que la condition militaire est un
élément central de l'identité revendiquée par
l'institution militaire.39
Parmi les éléments constitutifs de la condition
militaire, il y a lieu de citer les droits civils et politiques, les
obligations, la gestion des carrières, la responsabilité, la
rémunération, la discipline, le logement, la nourriture,
l'habillement, la formation continue, l'entrainement, les soins de
santé, la mobilité, la féminisation, le retour à la
vie civile et la reconversion dans le secteur public ou privé,
l'équipement, le célibat, l'éducation des enfants, les
aides et les compensations diverses, etc.
En effet, aussi loin que l'on puisse remonter dans le temps,
la faillite de la condition militaire est l'une des
vulnérabilités absolues de la RDC. Chemin faisant, le pari de la
professionnalisation de l'armée républicaine ne
38 Mwayila Tshiyembe : Op cit.
39 Idem
53
peut être gagné, que si la condition militaire
était modernisée de fond en comble. Car, la condition militaire,
on ne le répétera jamais assez, est consubstantielle à la
disponibilité permanente des soldats et de l'encadrement corolaire
à l'efficacité exigée à la tâche.
Pour ce faire, force est de créer un Observatoire
permanent d'évaluation de la condition militaire dont la mission est
d'informer le Gouvernement, le Parlement et l'opinion publique sur les atouts
et les vulnérabilités de l'armée nouvelle ainsi que sur
les moyens d'éradiquer les disfonctionnements.
La publication des études annuelles sur l'état
de la défense nationale, l'organisation des débats de
sensibilisation du pays sur l'effort de la défense, peuvent contribuer
à améliorer la perception et le rendement de l'institution
militaire.
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