I.2. APPROCHES EXPLICATIVES DES COMPORTEMENTS SEXUELS DES
JEUNES ADOLESCENTES.
Après avoir parcouru plusieurs textes traitant
de la littérature sur la question de la sexualité des jeunes
adolescentes en Afrique subsaharienne, trois grandes approches ont
été mise en évidence pour expliquer les comportements
sexuels des jeunes filles célibataires, entre autres : l'approche
socioculturelle, l'approche socioéconomique et l'approche
institutionnelle.
I.2.1. APPROCHE SOCIOCULTURELLE.
Cette première approche se caractérise par deux
aspects : bio social et socioculturel.
· Le premier aspect « définit les
comportements sexuels comme étant une conséquence naturelle du
désir d'avoir des rapports sexuels, qui se manifeste plus fortement chez
l'homme que chez la femme » (Freud 1905 ; Tiger et Fox 1974 cité
par Rwenge, 1999c).
Il ressort de cet aspect, l'hypothèse selon laquelle
l'activité sexuelle serait l'expression d'un puissant désir
propre à l'organisme, pour lequel l'individu tenterait en tout cas
à satisfaire de façon directe soit indirecte. C'est ce que
Rwenge (1995) estime en disant que la satisfaction de ce désir peut se
faire à n'importe quel prix. Cependant, les contraintes, essentiellement
extérieures dont dispose la société et que celle-ci lui
impose, pourraient être les seules limites de l'activité sexuelle.
Pour Rwenge (1999c), l'accent mis sur la base biologique et pulsionnelle de
l'activité sexuelle découle d'une affirmation
«humaniste» stipulant que l'expérience humaine dans ce domaine
est universelle, et que les variations ne concernent que les mécanismes
de la répression. Cette façon de voire les choses suscita
certaines critiques par le simple fait qu'elle incarne l'esprit de la
désocialisation de l'activité sexuelle.
· Le second aspect, celui de l'approche socioculturelle
caractérisé par la socialisation, qui est un processus par lequel
une personne apprend et intériorise au cours de sa vie des
éléments socioculturels de son environnement et les
intègre à la structure de sa personnalité sous l'effet
d'expériences et d'agents sociaux significatifs et s'adapte au milieu
social dont il est sensé vivre (Rocher 1968, Gérard 1992
cité par Rwenge, 2000).
C'est à ce niveau que cet aspect diffère de
celui du bio-social du fait que l'approche socioculturelle a comme fondement la
socialisation de l'activité sexuelle. C'est ainsi, Foucault (1984) que
cite Bozon(1994a), estime que les comportements sexuels sont
déterminés aussi par les normes et valeurs socioculturelles en
matière de sexualité ; et l'ensemble de ces normes et
valeurs déterminent les circonstances dans lesquelles a lieu
l'activité sexuelle. Et en plus, Lougue (2005) montre lors de ses
travaux sur les déterminants des comportements sexuels des femmes dans
le contexte des IST/Sida au Burkina-Faso, que les effets du milieu
socioculturel sur les comportements sexuels des individus sont souvent
appréhendés sous l'angle des modèles culturels tel que
montré par Gérard et Piché (1995) : « Les
modèles culturels ne se réduisent pas aux normes sociales qui
n'en sont qu'une expression, ils sont englobant et beaucoup moins saisissables.
Ils sont fait de normes, d'images, d'habitudes, des idées, des
nécessités, des pratiques quotidiennes, etc. »
Une des affirmations expliquant cette approche est la
thèse de la « désorganisation sociale »
(Cherlin et Riley, 1986 cité par Kalambayi, 2007) qui stipule que les
comportements sexuels des jeunes en milieu urbain sont fonction de la faiblesse
du contrôle social ou au relâchement des moeurs. Et cela parce que
le comportement sexuel des individus reflète les valeurs et les normes
acquises dans leur milieu social (Miangator , 2010). De son côté,
Modieli (2008) souligne que cette thèse fait partie de la théorie
générale de modernisation, qui se fonde sur
« l'affaiblissement des structures familiales et le relâchement
du contrôle des ainés sur les cadets ».
Cependant, cette désorganisation sociale est la
conséquence des plusieurs situations modernes c'est-à-dire
l'acquisition des valeurs occidentales qui, en fait, ne sont toutes bonnes
à adopter (Kalambayi, 2007). Pour l'auteur, il faut noter que les
mutations culturelles issues de l'économie moderne et ses corollaires
ont profondément perturbés les structures familles. Et cette
économie, comme l'observe Rwenge (1999a) a augmenté le pouvoir
décisionnel des individus qui peuvent désormais choisir librement
leur moment du coït, leur partenaire sexuel et le pourquoi de leurs
rapports sexuels.
A l'issu de ce qui précède, les nouveaux
comportements sexuels qu'adoptent les jeunes sont dirigés vers la
satisfaction des besoins individuels et la gratification individuelle à
la place de la responsabilité familiale (DIOP, 1995 ; Modieli,
2008) ; ce qui conduit les jeunes à une certaine liberté
dans l'engament de l'activité sexuelle. Cependant, Kalambayi (2007),
estime que le relâchement du contrôle familial, trouve son bien
fondé au moment où l'on observe « le non-respect des
normes traditionnelles et la perte de l'intérêt à
l'égard de l'initiation coutumière de la sexualité des
jeunes ».
Dans le temps, les sociétés dites
« traditionnelles » avaient un certain nombre des valeurs
qui aspiraient à la bonne morale et conduite des jeunes dont les
ainés étaient dans l'obligation d'encadrer les cadets. Cet
encadrement avait pour fondement « la transmission des valeurs et
normes de la société ou du groupe social ou l'on
évolue ». Modieli (2008) montre que normes et valeurs de la
société véhiculées à l'enfant portent
souvent sur l'honneur (pour sa famille et lui), la pudeur, le respect de
soi-même, etc. Ceci étant, la sexualité des futurs
parents devrait être conforme à certains critères tels que,
la chasteté, la virginité, la tolérance et la patience.
Pour ce faire, l'insistance des ainés sur les jeunes filles et
garçons porté le plus souvent sur le sens et l'importance de la
responsabilité afin d'en faire des êtres capables de s'assumer et
de contribuer à la reproduction du groupe.
Mais, actuellement, il n'en est pas le cas à cause des
bouleversements sociaux que connait la planète depuis l'éveil de
la révolution industrielle qui a provoqué avec l'urbanisation
(création des centres villes, industries manufacturières) le
phénomène migratoire qui est à la base de l'acculturation.
La société moderne ne prévoit pas des fonctions sociales
précises pour les jeunes. On constate aujourd'hui que l'autorité
qu'avait la famille a baissé depuis un moment.
Par ailleurs, la famille qui était sensée
influencer les comportements des jeunes par rapports aux fonctions sociales, se
limite en fait, à la transformation ceux-ci, en vue de s'accommoder
affectivement à la vie de la communauté et les exhorte de toute
fonction sociale. Et par la suite, l'éducation qui était
familiale, est aujourd'hui l'apanage de l'école, des médias qui
du reste, sont les moyens les plus précieux de modifications des
comportements des jeunes.
Cependant, comme démontre (Diop, 1995),
l'éducation des jeunes à l'école ne les prépare pas
seulement à des rôles d'acteurs à l'intérieur de la
famille et dans un nouvel environnement où la réussite de
l'individu n'est plus liée à sa communauté, mais aussi de
sa capacité à assimiler un savoir "scientifique" et à
innover.
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