I.3. FACTEURS EXPLICATIFS DES COMPORTEMENTS SEXUELS DES
JEUNES.
Etant donné que la sexualité des jeunes reste un
problème aussi important pour la société et que les
conséquences ultérieures pour la santé sexuelle et
reproductive sont toujours néfastes, nous arrivons à dire que ce
comportement est à risque.
Rwenge (1999c), lors d'une recherche réalisée
dans le cadre du projet «Facteurs contextuels affectant les comportements
sexuels des jeunes en milieu urbain camerounais, il met en exergue certains
facteurs qui influencent les comportements sexuels des jeunes adolescentes,
à savoir : les facteurs socioculturels, facteurs
socioéconomiques et les facteurs politiques.
I.3.1. Facteurs socio culturels.
Ceux-ci se rapportent à la culture et qui mettent le
phénomène « sexualité » dans un
contexte de non isolement (désocialisation de l'activité
sexuelle), car les normes et valeurs culturelles définissent chaque
société (Rwenge, 1999c). Ce sont en fait, des facteurs
liés au milieu socioculturel qui se définissent comme
étant l'ensemble des caractéristiques et conditions qui
déterminent et modulent à des degrés divers les valeurs et
normes propres au groupe socioculturel d'origine (Lougoue, 2005).
De ce fait, l'appartenance socioculturelle des jeunes a une
influence sur leur comportement en matière de sexualité car les
normes et valeurs de la société véhiculées à
l'enfant portent souvent sur l'honneur familial et individuel, la pudeur, le
respect de soi-même, etc.
Ainsi, comme le démontre Modieli (2008), la
sexualité des adolescentes ne dépend pas d'elles, mais de leurs
parents et des responsables communautaires qui constituent des canaux de
transmission d'information dans le domaine de la sexualité tels que la
chasteté, la virginité pré maritale, la soumission
à leurs maris aux filles et le sens de la responsabilité pour les
garçons.
Plusieurs études antérieures ont pris en compte
certains facteurs comme l'ethnie, le milieu de socialisation, le milieu de
résidence, la religion, le niveau d'instruction pour concrétiser
le milieu socioculturel qui est régi par les normes, les valeurs, les
dogmes et les idéologies. Dans les lignes qui suivent, nous tenterons de
montrer les relations mises en exergue par ces études entre l'approche
socioculturelle et la sexualité des jeunes filles.
a. Ethnie:
Ce concept se définit comme étant « un
groupe naturel d'êtres humains, présentant entre eux certaines
affinités somatiques, linguistiques ou culturelles» (Dictionnaire
Démographique multilingue, 1976)
Pour Maïga (2003), l'ethnie se présente comme
« le cadre de production des modèles socioculturels propres
à chaque société, façonne et oriente les
représentations et pratiques des populations ». De ce fait, la
perception de la sexualité soit des comportements sexuels des jeunes
peuvent être en fait, liés à leur appartenance ethnique.
Cependant, plusieurs auteurs ont identifié
l'appartenance ethnique comme facteur important de différenciation des
comportements sexuels des jeunes adolescentes à cause des moeurs qui
régissent chacune des sociétés.
Pour Calvès (1996), il y a des ethnies qui ont des
moeurs sexuelles permissives et d'autres des moeurs sexuelles rigides. Ceci,
peut être sous d'autres cieux, responsable d'une grande propension ou non
à une conception précoce et d'une exposition accrue aux
IST/VIH/SIDA. Pour les ethnies à moeurs sexuelles permissives, peu
d'importance est accordée à la virginité de la femme avant
le mariage. Ces ethnies sont en d'autres termes, celles qui tolèrent ou
encouragent la sexualité et la fécondité avant le
mariage.
En ce qui concerne les moeurs sexuelles permissives, certaines
ethnies africaines autorisent les jeunes filles à contracter
précocement leur premier mariage et cela par décision des
parents, et ailleurs, c'est dans le but de prouver leur
fécondité avant de se marier (Rwenge, 1999c).
Cependant, certains rites liés à la
puberté favorisent aussi une entrée précoce des jeunes
filles dans l'activité sexuelle selon qu'ils appartiennent aux ethnies
qui en pratiquent. Pour Ntozi et Lubega (1990) cité par Rwenge (1999c),
certaines pratiques observées en Ouganda sont favorables à la
sexualité précoce des jeunes. Pour eux : « la
virginité n'est pas considérée comme importante en
Ouganda. Ce sont les parents en fait qui autorise l'activité sexuelle
avant le mariage tout en construisant des cases spéciales pour les
jeunes adolescents en âge d'avoir une activité sexuelle ».
Certaines autres études antérieures ont
montré que dans d'autres ethnies à moeurs permissives, le multi
partenariat, l'activité sexuelle occasionnelle et la sexualité
rétribuée restent fréquents (Rwenge, 1999c ; 2002;
Anoh , Talnan et Koffi, 2002). Certains autres auteurs comme Guérry
(1972) ; Aonon, (1996) que mentionne Modieli (2008), montrent qu'en
côte d'ivoire, ces comportements résultent du « rite de
lavement » si l'on en croit; ce rite qui est facteur clé
de la liberté sexuelle des filles baoulés avant le mariage.
Tandis qu'Anoh et al.(2002) constatent que l'appartenance ethnique influence
positivement le multi partenariat chez les adolescentes Krou.
Il en est de même au Niger où la plupart des
coutumes exigent que la femme n'ait ses premiers rapports sexuels que dans le
mariage. C'est fort de cela que les normes en matière de
sexualité, de nuptialité, et de fécondité sont
étroitement gérées par le groupe familial et ne sont
jamais laissé au seul soin de l'individu. Ces normes favorisent le
mariage et la fécondité précoces tout en focalisant
l'attention sur deux points : la virginité avant le mariage et la
fécondité après le mariage (Kouton, 1992). Dans ce
contexte, Kalambayi (2009) fait remarquer que les sociétés
congolaises se regroupent en deux groupes d'ethnies selon la morale
sexuelle : celles qui exigent et celles qui n'exigent pas la
virginité des jeunes avant le mariage. Pour l'auteur, l'analyse de
l'enquête MICS2-RDC sur l'abstinence sexuelle avant le mariage pour les
femmes en union des générations 50 à 80, il s'en sort une
tendance au relâchement de cette norme dans les provinces du Bas-Congo,
Bandundu et Maniema contrairement aux femmes des provinces du
Kasaï-Oriental, Kasaï-Occidental, Nord et Sud-Kivu où la
virginité est traditionnellement une condition pour la
célébration du mariage coutumier.
Or, la virginité est une valeur recherchée chez
la jeune fille, et les parents doivent veuillez à cela. Car, une fille
prise en mariage vierge, est un bel exemple de bonne éducation et de
fierté de sa famille et de son époux ou en d'autres termes, elle
honore ses parents. Comme les normes et les valeurs ne sont pas seulement
dictées par l'appartenance ethnique, il sied de ressortir le lien qui
existe entre la religion et la sexualité des jeunes filles.
b. Religion.
Appartenir à une religion pour une personne, se traduit
par l'acceptation des croyances, des dogmes, des rites et des pratiques y
afférents. Elle est en outre, un moyen de véhiculer un certain
nombre des valeurs morales qui régissent la vie des croyants sur le plan
comportemental et psychique (Akoto, 1985 cité par Modieli, 2008). De ce
fait, la religion impacte sur la perception, les comportements et attitudes des
fidèles en matière de sexualité à suite à
leurs croyances. Le fait d'être membre d'une religion peut modifier
l'activité sexuelle des jeunes et leur permettre l'adoption d'un
comportement non à risque.
Dans cette perspective, prenons le cas du Niger où 95%
de la population est musulmane (Modieli, 2008). Dans ce pays, cette religion
considère la sexualité comme tabou et par conséquent, les
jeunes adolescents doivent se conformer aux dogmes et principes qui
prônent la virginité avant le mariage pour les filles et la
chasteté pour les garçons. Pour les musulmans, le rapport sexuel
hors mariage et l'utilisation des méthodes contraceptives (le
préservatif en particulier) sont en fait, considérés comme
« péché » (Modieli , 2008).
En RDC, la population est en grande partie catholique
(MICS4-2010). La religion catholique rend la sexualité un tabou du fait
qu'elle tient à la virginité et à la chasteté avant
le mariage. Cependant, Kalambayi, (2008), lors d'une étude sur la
sexualité préconjugale des jeunes chrétiens à
Kinshasa, démontre que « les réactions et les
comportements des jeunes croyants en matière de sexualité avant
le mariage infirment la thèse du conformisme religieux ».
L'application des normes religieuses par les jeunes aujourd'hui est par contre
butée à plusieurs interprétations. La perception des
jeunes Kinois sur les lois religieuses en matière de la sexualité
préconjugale, n'est pas l'acceptation aveugle comme ce fut dans le temps
de leurs ainés (Kalambayi , 2008).
Dans certaines autres
sociétés, l'appartenance religieuse serait un
déterminant de la sexualité précoce pour jeunes
adolescentes. Au Cameroun par exemple, Kuate-Defo, (1998), fait observer que
les jeunes musulmanes et adeptes des religions traditionnelles sont
significativement moins susceptibles de retarder leurs premiers rapports
sexuels et cela partout où elles résident. Ce qui n'a pas
été le cas au Brésil, où uniquement les jeunes
garçons pentecôtistes retardent leur entrée en
activité sexuelle précoce (Bozon et al., 2006).
De tout ce qui précède, nous pouvons dire que
l'appartenance religieuse des jeunes peut avoir de l'impact sur leur
comportement sexuel et cela, selon les différentes
sociétés, par rapport au milieu de résidence et au niveau
d'instruction.
c. Milieu de résidence ou milieu de
socialisation.
Le lieu dans lequel les jeunes vivent revêt donc une
importance capitale dans l'étude des comportements sexuels dans la
mesure où il constitue le cadre structurel dans lequel évoluent
les jeunes adolescentes. Le milieu de résidence peut être confondu
au milieu de socialisation en cas où il ne s'observe pratiquement pas
les mobilités importantes entre le milieu urbain et le milieu rural.
L'urbanisation galopante que connait la plupart des
sociétés africaines peut expliquer cette différenciation
des comportements qu'adoptent les jeunes citadins par rapport à ceux de
la campagne. Plusieurs études antérieures ont montré que
les sociétés traditionnelles étaient formelles aux normes.
Et, en milieu rural, l'éducation des enfants se fait par la transmission
des valeurs normatives et religieuses de la société ; de plus
elle se réalise dans un contexte dominé et contrôlé
par les aînés (Bado , 2007). Et cela, est tout à fait
différent en milieu urbain où les comportements des jeunes en
matière de sexualité sont fonction de l'éducation et des
valeurs occidentales copiées.
La littérature sur l'activité sexuelle des
jeunes montre que les jeunes du milieu rural sont sexuellement plus actifs que
ceux du milieu urbain (Akoto et al, 2000 ; 2005, Guèye et al,
2001 ; Ouedraogo et al, 2006 cité par Modieli, 2008). En ce qui
concerne l'intensité et la précocité de l'activité
sexuelle, il reste à noter que les jeunes du milieu rural ont une
intense activité sexuelle et y commence précocement que ceux du
milieu urbain. L'âge aux premiers rapports sexuel comme
démontré par Rwenge (2000) diffère du milieu rural au
milieu urbain au Cameroun. Cet âge est précoce pour les
garçons que les filles en milieu urbain et est plus précoce chez
les filles que les garçons en milieu rural. Cependant en RDC, les
statistiques le prouvent ; car parmi les jeunes ayant eu des rapports
sexuels précoces (avant 15ans représentant ainsi 21% dans
l'ensemble du pays), ceux du milieu rural représentaient 25% contre 15%
du milieu urbain (MICS4-RDC).
d. Niveau d'instruction.
Celui-ci fait référence à
l'éducation formelle des enfants soit à la durée que l'on
passe dans le système éducatif (Lougoue, 2005). Diverses
études ont mis en évidence le niveau d'instruction comme
étant un facteur déterminant du comportement sexuel des jeunes
surtout en Afrique subsaharienne où la scolarisation formelle n'est pas
d'accès à tout le monde.
Le milieu scolaire reste en effet, un moyen de transmission
d'informations sur la santé sexuelle et reproductive aux jeunes qui y
fréquentent. Pour Lougoue (2005), l'éducation reçue par
une femme tout au long du temps passé à l'école lui permet
également de prendre des décisions qui lui permettront
d'éviter certains comportements sexuels.
Il existe une relation significative entre le niveau
d'instruction et l'âge d'entrée à la vie féconde des
jeunes adolescentes (Bado, 2007). Lors d'une étude
réalisée par Akoto et al, (2005) au Burkina-Faso sur la
fécondité des adolescents, il a été constaté
que le prolongement de la scolarité des adolescentes avait tendance
à freiner de manière sensible l'entrée en vie
féconde.
Or, en matière de sexualité, Lougoue (2005)
stipule que les femmes instruites échappent au contrôle familial
et s'engagent plus de l'activité sexuelle. En fait, l'affaiblissement
des structures traditionnelles et le relâchement du contrôle social
en particulier familial engendrent des comportements sexuels nouveaux. Pour ce
faire, Diop (1995) cité par Rwenge (1999a) montre que « les
comportements nouveaux qui en résultent sont plus orientés vers
la satisfaction personnelle et la gratification individuelle que vers la
responsabilité familiale ».
En effet, certaines autres études mettent en exergue
une relation négative entre le niveau d'instruction des parents (chefs
de ménages) et le comportement sexuel et procréateur des jeunes
adolescentes. Pour Evina (1998) cité par Bado (2007), « plus le
père ou la mère est instruit, moins la jeunes adolescente court
le risque d'avoir une grossesse non désirée. Le risque d'avoir
une grossesse à l'adolescence est de près de quatre fois plus
élevé chez l'adolescente dont le père n'a jamais
été à l'école par rapport à celle dont le
père a atteint le niveau supérieur ». Il reste à
noter alors que, les parents instruits encadrent mieux leurs filles surtout en
entretenant une communication susceptible de préparer leurs filles
à l'entrée à la vie sexuelle.
La fréquentation scolaire influence positivement aussi
bien la connaissance des IST/VIH/SIDA que les moyens de prévention
(Rwenge, 2002). Outre la connaissance des IST/VIH/SIDA et leurs mesures
préventives, certains autres auteurs comme Baya et al, (2001)
cité par Modieli (2008) ont observé que le niveau d'instruction
était un déterminant de l'utilisation des condoms aux premiers
rapports sexuels chez les jeunes Bobolais (Sénégal). Cependant,
Rwenge (2000) a par ailleurs observé, qu'à Bamenda, les jeunes
scolarisés au niveau du premier cycle secondaire étaient plus
susceptibles de ne pas utiliser le préservatif au moment de
l'enquête que leurs homologues lycéens. Ceci est aussi
confirmé dans les travaux de Guiella (2012) sur les Comportements
sexuels chez les adolescents en Afrique Sub-saharienne: l'exemple du Burkina
Faso, du Ghana, du Malawi et de l'Ouganda où l'on observe les
disparités de l'utilisation du préservatif selon le niveau
d'instruction. Les résultats de cette étude montrent qu'en ce qui
concerne le niveau d'instruction des adolescentes, la probabilité
d'utiliser systématiquement le condom en cas de multi partenariat est
plus élevée chez les adolescents ayant un niveau secondaire par
rapport à ceux qui ont un niveau inférieur.
|