II. Les conséquences des
actions de développement sur les pygmées baka
Telles que menées au Cameroun, les actions de
développement ont plusieurs conséquences sur les pygmées
baka, mais il convient d'en relever deux plus importantes permettant de
percevoir l'impact de ces actions. Il s'agit de la dépendance
vis-à-vis des donateurs (A) et l'acculturation (B).
A- La dépendance vis
à vis des donateurs
Les pygmées baka de Missoumé et de l'Est
Cameroun en général, bénéficient de financements
importants émanant des bailleurs de fonds divers, nationaux et
internationaux tels que les ONG, les organismes d'appui au développement
et des Eglises, les catholiques notamment. Cela permet la mise en oeuvre de
nombreux projets dont ils sont les bénéficiaires directs, dans le
but d'améliorer leurs conditions de vie. Mais, en ce qui concerne cette
aide, le revers de la médaille est que les baka deviennent
dépendants de ces apports financiers ou en nature. Malgré les
efforts qui sont faits pour les rendre plus autonomes, les baka eux-mêmes
se rabaissent et se sous-estiment. Cette attitude paternaliste de la part des
donateurs est une manière de leur nier la capacité de prendre en
main leur propre destin. Ils n'ont à aucun moment intégré
qu'il leur revient de se prendre en charge pour obtenir ce qu'ils
désirent. Les donateurs se substituent le plus souvent à eux dans
la recherche d'une satisfaction aux besoins. Ainsi, ils ont été
habitués à tendre la main et à recevoir, sans que soient
fournis d'efforts particuliers. C'est pour cette raison que l'on observe une
réelle paresse au sein des villages baka. Ils désirent obtenir de
l'argent facilement, sans efforts considérables tant sur leur force
physique que sur la durée. Les baka négligent par exemple des
palmeraies qui s'étendent sur des hectares importants, car ils estiment
qu'elles sont pénibles à entretenir et ne rapportent pas de
l'argent de manière immédiate.
En dehors de la paresse causée par la
dépendance, l'on observe que de par toute cette aide reçue, l'on
arrive à les maintenir dans une nouvelle forme de pauvreté, en
voulant lutter contre la pauvreté. En effet, certains projets
s'étendent sur une longue période et sont durables, à
l'instar de la création d'un centre de santé, d'une école.
Or, une pompe tombe en panne, le bâti en béton des margelles d'un
puits se détériore, les outils agricoles s'abiment, et les
populations n'ont pas souvent les compétences et les moyens de pouvoir
réparer ces dommages. Cela les pousse à retourner à la
situation de départ, qui les poussait par exemple à consommer de
l'eau non potable. L'abandon de l'habitat de forêt les contraint à
vivre dans une insalubrité permanente, ce qui amène à
penser que les interventions qui sont faites aggravent leur situation de
pauvreté, en la remplaçant par une autre encore plus
néfaste.
Cette pauvreté nouvelle qui s'impose aux baka est
causée par le fait que les acteurs du développement se contentent
de plaquer sur eux les modèles de développement qu'ils ont
observés ailleurs et qui le plus souvent, sont propres à
améliorer les conditions de vie du groupe majoritaire. Pourtant, les
baka ne peuvent pas se développer de la même façon que les
bantous. Les programmes qui ont été définis et
présentés ci haut n'apparaissent pas être des solutions
plausibles aux attentes des baka du fait de l'inadaptation des méthodes
utilisées. C'est pour cette raison que, malgré les nombreuses
initiatives et l'importance des moyens qui ont été
déployés, les acteurs du développement ne semblent pas
atteindre leurs objectifs d'amélioration des conditions de vie et de
lutte contre la pauvreté. Les baka demeurent malgré les
nombreuses années durant lesquels les actions sont menées, plus
que jamais vulnérables, car, ils assistent sans le vouloir à leur
acculturation progressive.
|