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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE
INSTITUT CATHOLIQUE DE
YAOUNDE
FACULTE DE
SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION
Association pour la Promotion des Droits de
l'Homme en Afrique Centrale
Master 2 Droits de
l'homme et action humanitaire
---------------------------------------------------------------------
THEME :
PEUPLES AUTOCHTONES ET DROIT AU
DEVELOPPEMENT AU CAMEROUN : cas des pygmées
baka de l'Est Cameroun
Année académique 2009-2010
Mémoire rédigé et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Master droits de l'homme et action
humanitaire
Par :
KOLOKOSSO O. Marielle
Licence en Sciences Sociales
Sous la direction de :
Pr. Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO
Agrégé des Facultés de
droit
Maître de conférences à
l'Université de Yaoundé II-Soa
Maître de conférences à
l'Université Catholique d'Afrique centrale
DEDICACE
A
notre grand-mère bien
aimée,
Mme BOUAGNIMBEKE née
BEHEMI Odile
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail a connu le concours de
plusieurs personnes qu'il convient de remercier à juste titre.
- Au Seigneur Dieu Tout Puissant qui nous a donné la
vie, le mouvement et l'être et sans qui ce travail n'aurait pas vu le
jour ;
- Au Pr. GUIMDO pour sa disponibilité, son sens
critique et pour avoir accepté de diriger ce travail ;
- Au Pr BOUKONGOU, qui nous a offert l'opportunité de
recevoir une formation en droits de l'homme à l'APDHAC et pour tous les
moyens mis à notre disposition pour notre réussite ;
- A M. BIGOMBE LOGO Patrice dont les conseils ont
été bénéfiques et déterminants pour la
réalisation de cette étude ;
- A Mme AYE MONDO Hélène et M. OMGBA Magloire,
pour leur disponibilité et leur accueil à Abong Mbang, à
Missoumé et à Kwamb;
- A nos parents M. et Mme KOLOKOSSO A BEDIANG, pour leur
amour, attention et dévotion à notre endroit, qui ne
ménagent aucun effort pour notre épanouissement et notre
réussite ;
- A toute notre famille, particulièrement à M.
et Mme NDAYI MPINDA pour leur abondante assistance et à M. MEFOUTE
BADIANG Alphonse, pour l'apport considérable fourni pour ce
travail ;
- A nos amis les plus chers, pour les prières et les
encouragements, en particulier à MBALLA AMBELA Pierre Claude et NGUEULEU
Isidore ;
- A nos camarades pour l'ambiance maintenue tout au long de
l'année et pour toutes les expériences partagées.
RESUME
Les peuples autochtones font partie de la tranche de la
population mondiale la plus pauvre. De ce fait, la Communauté
internationale toute entière lutte pour l'amélioration de leurs
conditions de vie par le biais du développement. En effet, le droit au
développement, droit de la troisième génération,
est intimement lié à la lutte contre la pauvreté et
apparait comme la solution pour améliorer les conditions de vie des
peuples autochtones en général et des pygmées baka en
particulier. Toutefois, les textes internationaux qui consacrent le droit au
développement au profit des pygmées baka exigent que les acteurs
du développement intègrent pleinement la dimension liée
à leur dignité humaine dans la réalisation de leur
développement, au même degré que celle ayant trait à
l'accès au bien être.
Le Cameroun reconnait un droit au développement aux
pygmées baka, en tant que citoyens camerounais. De ce fait, un certain
nombre de prérogatives leur sont reconnues. Or, les pygmées baka
de par leurs particularités nécessitent une protection
spéciale, pour que le droit au développement soit pleinement
réalisé à leur profit. Sans cette protection, sa mise en
oeuvre devient difficile et partielle. En observant les pygmées baka de
Missoumé, l'on constate que la primauté est accordée
à l'accès au bien être, négligeant de ce fait la
dimension liée à leur dignité humaine. Les
conséquences immédiates sont l'acculturation qu'ils subissent et
la dépendance qu'ils développent vis-à-vis des donateurs.
La mise en oeuvre du droit au développement au profit des pygmées
baka de l'Est s'avère donc limitée, et nécessite que des
réformes soient au plus tôt adoptées pour que ce peuple
puisse jouir du développement, dans le respect de ses
spécificités.
Mots clés :
Développement, Peuples autochtones, pygmées baka, droit au
développement, acculturation, protection, Cameroun,
spécificités culturelles, dignité humaine, lutte contre la
pauvreté.
ABSTRACT
Indigenous peoples are one of the poorest groups of people in
the world. Therefore, the entire international community is doing all in its
power to improve on their living conditions through development. In effect, the
right to development, a right for the Third Generation, is intimately linked to
the fight against poverty and seems to be the answer to improving the living
conditions of the indigenous people in general, and the Baka people in
particular. However, the international instruments that ratify the right to
development for the benefit of the Baka people requires that the development
actors fully integrate the dimension of human dignity in achieving development
for them to the same degree as that of access to their well being.
Cameroon recognizes the right to development for the Baka
pygmies, as citizens of Cameroon. However, the Baka people due to their
peculiarities require special protection for them to fully benefit from the
right to development. Without this protection, the implementation of the right
to development for their benefit will be difficult and incomplete. Observing
the Baka of Missoumé, it was noticed that emphasis is put on access to
their well being, and the dimension of human dignity is neglected. The
immediate consequences are that they suffer from acculturation and they develop
dependence vis-à-vis donors. The implementation of the right to
development for the Baka pygmies of Eastern region is very demanding, and calls
for reforms as early as possible so that people can enjoy this development,
while respecting its specificity.
Key words: Development, Indigenous
Peoples, Baka Pygmies, Right to development, acculturation, protection,
Cameroon, cultural specificities, human dignity, fight against poverty.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ASEDEF :
Association pour la Scolarisation Des Enfants de la Forêt
C169 :
Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes
et tribaux
CADDAP :
Centre d'Action pour le Développement Durable des Autochtones
Pygmées
CADHP :
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
CERAC :
Cercle des Amis du Cameroun
CPLE : Consentement Préalable,
Libre et Eclairé
DDPA : Déclaration sur les Droits
des Peuples Autochtones
DRSP : Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
GIC : Groupement d'Intérêt
Commun
JIPA : Journée Internationale des
Peuples Autochtones
MBOSCUDA: Mbororo Social and Cultural
Development Association
MINADER :
Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural
MINAS : Ministère des Affaires
Sociales
MINEDUB : Ministère de
l'Education de Base
ODM : Objectifs du Millénaire
pour le Développement
OIT :
Organisation Internationale du Travail
ONG : Organisation Non
Gouvernementale
PNDP : Plan
National de Développement Participatif
PPAV : Plan
pour les Peuples Autochtones et Vulnérables
RFA :
Redevances forestières annuelles
SOMMAIRE
INTRODUCTION
GENERALE
9
PREMIERE
PARTIE :
LA
RECONNAISSANCE EFFECTIVE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT AU PROFIT DES PYGMEES BAKA
DE L'EST
25
Chapitre
I:
La
Consécration du droit au développement des peuples autochtones au
plan international
26
Section 1: Le développement fondé sur
les droits de l'homme et les peuples autochtones
26
Section 2: Les peuples autochtones
bénéficiaires de droits
35
Chapitre
II:
La
consécration du droit au développement au profit des peuples
autochtones au niveau national
43
Section 1: L'inclusion du développement
fondé sur les droits de l'homme dans la législation
camerounaise.
43
Section 2 : La protection de
l'«accès au bien-être » dans la législation
camerounaise
50
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
56
SECONDE
PARTIE :
LA
MISE EN OEUVRE PARTIELLE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT PAR LES PYGMEES BAKA De
l'EST
57
Chapitre
I:
La
jouissance relative du droit au développement dans l'Est du
Cameroun.........
59
Section 1: La primauté accordée
à l'accès au bien être
59
Section 2: Les tendances timides de prise en compte
de la dignité humaine des baka et impact des actions de
développement
66
Chapitre II :
75
Section 1: Les difficultés d'ordre juridique
et politique
75
Section 2: Les difficultés d'ordre
sociologique et culturel
78
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
82
CONCLUSION
GENERALE
83
BIBLIOGRAPHIE
87
ANNEXES
90
TABLE DES MATIERES
115
=
INTRODUCTION GENERALE
Les questions relatives aux populations autochtones sont au
centre des débats sur la scène internationale. Cela s'illustre
aisément par toute l'attention portée à leur endroit par
la Communauté internationale. C'est ainsi que l'Assemblée
Générale des Nations Unies a proclamé la période
2005-2014 Deuxième décennie des Nations Unies pour les
populations autochtones.
Aussi, depuis quelques années, l'objectif est de
développer les pays, et de faire bénéficier au peuple
l'essentiel de ce développement. L'accès au développement
constitue aujourd'hui une nécessité qui interpelle chaque pays.
Ainsi, les Etats mobilisent pour y parvenir, tous les secteurs de la
société : politique, économique, social, et
même juridique. L'on observe de ce fait le déploiement des acteurs
étatiques et des acteurs de la société civile à
travers des politiques de développement menées au sein des
Etats1(*). Dans le domaine
juridique, le droit au développement est consacré par plusieurs
textes. Il s'agit entre autres de la Charte des Nations Unies, la
Déclaration Universelle des droits de l'homme, le Pacte International
des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
la Déclaration sur le droit au développement.
Faisant partie intégrante des Etats dans lesquels ils
se trouvent, les peuples autochtones doivent eux aussi bénéficier
du développement et participer à sa réalisation. Mais, de
par leurs spécificités et leur identité à
préserver, la problématique du développement des peuples
autochtones est sujette à de réelles controverses. Ainsi, dans le
souci de faire ressortir et d'étudier les enjeux et implications du
développement pour cette catégorie de peuples, la contribution
proposée, portant sur Peuples autochtones et droit au
développement trouve toute sa pertinence.
I. CONTEXTE DE L'ETUDE
Il convient, dans le souci de cadrer le sujet, de se pencher
d'une part sur le contexte politico-juridique (A), puis d'autre part sur le
contexte socio-économique (B).
A- Contexte politico-juridique
Le droit au développement en Afrique est garanti par
plusieurs textes, démontrant l'importance du développement dans
le monde en général et sur la scène juridique africaine en
particulier. La Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples fait
partie de ces textes. En effet, en son article 22, alinéa 2, elle
stipule : « les Etats ont le devoir,
séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice du
droit au développement ». Le développement est
assuré par les textes nationaux et internationaux à tous les
peuples et à chaque citoyen appartenant à un Etat, sans acception
de tribu, de langue, de race, de religion. Ainsi, même les populations
autochtones appartenant à un Etat peuvent se prévaloir du droit
au développement.
Comme le développement, les peuples autochtones font
aussi l'objet d'une attention particulière de la part des Etats. Et
à ce jour, il existe un instrument international qui traite
exclusivement des droits des populations autochtones. Il s'agit de la
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de
2007. La Déclaration complète et enrichit par ses principes
d'autres instruments internationaux tels que la Convention (n°169) de
l'OIT2(*) relative aux
peuples indigènes et tribaux de 1989. Celle-ci porte sur de nombreuses
questions, y compris les droits fonciers, l'accès aux ressources
naturelles, la santé, l'éducation, la formation professionnelle,
les conditions d'emploi et les contacts transfrontaliers.
Au Cameroun, le droit au développement et la protection
des droits des populations autochtones sont garantis par le préambule de
la Constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996. Il
dispose que l'Etat du Cameroun « affirme son droit au
développement ainsi que sa volonté de consacrer tous ses efforts
pour le réaliser ;
assure la protection des minorités et
préserve les droits des populations autochtones conformément
à la loi ; ». Ainsi, tous les citoyens camerounais et en
particulier les peuples autochtones, voient leur protection et leur
développement assurés. Mais, il est dommage de constater, avec
J.D. BOUKONGOU, que « les constitutions africaines garantissent
des promesses que les dieux installés au pouvoir ne sont pas souvent
pressés de réaliser »3(*). C'est à croire qu'ils
adhèrent à la ratification des textes pour attirer la sympathie
des organismes internationaux et non par souci de venir en aide aux
populations. Car, concernant la mise en oeuvre du droit constitutionnel au
développement, la réalité est toute autre. Les rapports
faisant état de la situation des peuples autochtones les
présentent comme vulnérables, marginalisés et
exploités par la population dominante et ne sont pas
représentés aux instances de prise de décision
(parlement, mairie...). En outre, les populations autochtones et
particulièrement les Pygmées, n'ont pas accès à
l'état civil. Or, sans pièces d'identification, sans actes civils
de naissance, mariage ou décès, sans inscription sur aucune liste
de recensement, ils sont en fait sans identité aux yeux de la loi. Pour
cette raison, ils ne peuvent ni participer de manière active à la
vie sociale ou politique, ni porter ester en justice pour des dommages subis,
ni bénéficier d'accès aux soins médicaux ou
à la scolarisation.
Malgré la protection qu'assurent les textes
internationaux et nationaux, l'effectivité de cette protection reste
encore douteuse. En effet, les peuples autochtones rencontrent de nombreux
problèmes tant sur le plan social qu'économique.
B- Contexte
socio-économique
Il est important de relever la diversité des termes
utilisés par l'Etat camerounais pour désigner les peuples
autochtones. Sa Constitution utilise le terme « autochtone ». Il en
est de même du Plan national de développement participatif et du
Plan pour les peuples autochtones et vulnérables conçu dans le
cadre du projet pipeline. Le texte portant organisation du ministère des
Affaires sociales fait quant à lui usage des termes « populations
marginales ». Le même terme est repris dans le rapport
périodique du Cameroun au Comité des Nations Unies sur les droits
de l'enfant.
Cette appellation « populations
marginales », entretient le « flou » qui existe
autour de la détermination du statut d'autochtone. Car, plusieurs
peuples ne cessent de se prévaloir le statut de populations marginales,
et réclament ainsi la protection de l'Etat. Mais au Cameroun, la CADHP
selon des critères bien définis, reconnait deux peuples comme
autochtones. Il s'agit des Mbororos et des Pygmées.
Les Mbororos vivent dans l'Est, le Nord-Ouest, l'Adamaoua, le
Sud-Ouest et le Centre. Ils sont environ 800 000 personnes et sont
regroupés au sein de l'association MBOSCUDA.
Les populations pygmées sont réparties au
Cameroun en trois grands groupes ethniques. Les bakas, les
Bagyélis/Bakolas et les Bedzangs repartis dans les provinces du Sud, de
l'Est, et du Centre. Ils comptent environ 50 000 personnes, soit 0,4% de
l'ensemble de la population du pays.
Mais, qu'ils soient Mbororo ou Pygmées, la situation
des peuples autochtones restent alarmante. En effet, la Commission africaine
sur les peuples autochtones d'Afrique a fait le point sur la situation des
droits humains des peuples autochtones en Afrique4(*). Il ressort de leurs travaux que, bien que la
situation des droits humains en Afrique soit diverse, complexe et varie de pays
en pays, elle montre également des similarités remarquables. En
effet, les peuples autochtones d'Afrique revendiquent leur droit à la
terre, à la santé, à l'éducation, souffrent de
discrimination, et sont victimes du déni de justice, de la violation de
leurs droits culturels. Cette présentation de la situation globale des
droits des peuples et communautés autochtones en Afrique montre d'une
part l'importance que revêt ce problème et d'autre part l'urgence
de la protection des droits des populations autochtones. Toutefois, il faut
noter le progrès de certains pays en ce qui concerne la reconnaissance
des droits culturels, la reconnaissance constitutionnelle et des politiques de
développement. Parmi ces pays, l'on peut citer l'Afrique du Sud,
l'Algérie, le Maroc, le Mali, la République du Congo, le Burundi
et le Cameroun.
Fort heureusement, l'Etat n'est pas le seul acteur
motivé par le désir d'assurer le développement aux
populations autochtones. Les Organisations non Gouvernementales et les Eglises
jouent elles aussi un rôle important dans la promotion et la protection
des minorités et des peuples autochtones. Plus proches des populations,
elles participent fréquemment aux médiations et sont à
même de sensibiliser l'opinion publique aussi bien internationale que
nationale lorsque les droits des peuples autochtones sont
négligés et violés5(*). Elles servent d'intermédiaires pour les
groupes opprimés, et participent activement à leur croissance,
épanouissement et développement.
La mise en contexte ainsi effectuée, il convient de
circonscrire l'étude.
II. DELIMITATION DE L'ETUDE
Dans l'optique d'établir des bases et de circonscrire
ce travail, il est important de procéder à une
délimitation spatiale (A) temporelle (B) et matérielle (C).
A- Délimitation
spatiale
L'espace choisi pour mener cette étude se situe dans la
région de l'Est Cameroun, arrondissement d'Abong Mbang,
communauté de Kwamb où l'on retrouve les pygmées Baka. Le
choix s'est porté sur cette région parce que l'on y observe un
déploiement de divers acteurs oeuvrant dans le souci de
l'amélioration des conditions de vie des pygmées (Etat,
société civile, Eglises, etc.). Cela va permettre d'observer les
diversités d'approches de ces acteurs face au peuple Baka, et la
diversité d'effets que ces approches auront sur eux.
B- Délimitation
temporelle
Sur le plan temporel,
l'année 1996 constituera le point de départ de l'étude
car, c'est l'année de la révision de la Constitution, dans
laquelle l'Etat camerounais se réaffirmait garant du droit au
développement et préservant les droits des peuples autochtones.
Pour ce faire, il mettait en place un certain nombre d'initiatives. Cette
étude se situera donc entre les années 1996 et 2010, afin de
recueillir le maximum d'informations.
C- Délimitation matérielle
Pour réaliser l'étude portant sur les peuples
autochtones et le droit au développement au Cameroun, il est
nécessaire de s'appesantir d'une part sur le Droit International des
droits de l'homme, qui inclut les différents instruments cités
plus haut, c'est-à-dire ceux garantissant le droit au
développement et les droits des peuples autochtones. Il s'agit de la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Déclaration
des Nations Unies sur le droit au développement, la Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention
n°169 de l'Organisation Internationale du Travail sur les peuples
indigènes et tribaux.
D'autre part, il convient de se référer aussi au
droit interne, notamment le droit constitutionnel camerounais, le droit
administratif, le droit de l'environnement, ainsi que les décrets
d'application et lois s'y référant.
III. DEFINITION DES CONCEPTS
Dans l'optique de mieux cerner et comprendre le sujet, il est
important de définir les expressions « Peuples
autochtones » et « droit au
développement ».
A-
Peuples autochtones
Il n'existe pas de consensus global pour une définition
universelle de la notion de peuples autochtones, et il est
généralement admis aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire
de disposer d'une définition universelle officielle pour
reconnaître et protéger leurs droits.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones de 1992 ne donne pas de définition. La raison
avancée par le Groupe de travail sur les populations autochtones est que
des définitions strictes seront susceptibles d'empêcher des
groupes reconnus comme tels dans les pays de jouir des droits reconnus dans
ladite Déclaration. Toutefois, l'on retrouve une tentative de
définition dans l'étude relative au Problème de la
discrimination contre les populations autochtones6(*), réalisée par José Martinez
Cobo. Celle-ci fait ressortir quatre critères d'identification : la
continuité de l'occupation d'un territoire remontant avant la
colonisation, l'auto identification, la non-dominance ou la
vulnérabilité, la volonté de conserver leur territoire et
de perpétuer leur identité ethnique à travers leurs
institutions et leur culture. Mais, cette définition présente
des inconvénients, notamment du fait qu'elle limite la reconnaissance de
la qualité d'autochtones et subjectivise l'appréciation des
caractéristiques culturelles, sociales et économiques7(*).
Par ailleurs, la Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples8(*) (CADHP),
retient que les caractéristiques permettant d'identifier les populations
autochtones d'Afrique sont : la marginalisation, la discrimination, la
différence culturelle et l'auto identification. Ainsi, les peuples
africains qui appliquent le terme autochtone se répartissent entre
différents systèmes économiques, se différencient
tous par leurs cultures, leurs institutions sociales et leurs systèmes
religieux. De plus, leur culture et leur mode de vie diffèrent
considérablement de ceux de la société dominante, leur
culture est menacée, parfois même en risque d'extinction. La
survie de leur mode spécifique d'existence dépend directement de
l'accès et des droits liés à leur territoire traditionnel
et aux ressources naturelles qui s'y trouvent. Ils souffrent de discrimination
car ils sont considérés comme moins développés et
moins avancés que d'autres groupes plus dominants de la
société. Ils vivent souvent dans des régions difficiles
d'accès, géographiquement isolées, et souffrent de
différentes formes de marginalisation, à la fois politique et
sociale. C'est sur cette base que les pygmées et les mbororos sont
considérés comme autochtones au Cameroun.
L'on retiendra donc que les peuples autochtones sont des
peuples qui se distinguent des autres peuples de la communauté nationale
par leurs conditions sociales, culturelles et économiques, qui
s'identifient comme tels et ont à coeur de préserver leurs
différences culturelles.
B-
Droit au développement
L'article premier de la Déclaration9(*) donne une définition
satisfaisante du droit au développement et mérite de ce fait
qu'on s'y arrête. Il fait ressortir les trois aspects principaux du droit
au développement, à savoir le droit de participer et de
contribuer à un développement dans lequel tous les droits de
l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être
pleinement réalisés, le droit de bénéficier de ce
développement, et le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes.
De plus, dans le préambule de cette déclaration,
le sens du concept « développement » est lui-même
précisé comme « un processus global, économique,
social, culturel et politique, qui vise à améliorer le bien
être de l'ensemble de la population et de tous les individus.
»10(*) C'est dire que
le processus du développement englobe tous les aspects. L'on ne saurait
parler de développement après ou sans avoir
amélioré un seul de ces aspects. Il s'agit d'éliminer
ainsi le paradoxe suivant lequel malgré les formidables progrès
de la science et des techniques et la vertigineuse augmentation de la
productivité, et des biens disponibles, les conditions de vie d'une
bonne partie de l'humanité sont chaque jour de plus en plus
déplorables.
Dans cette étude, il convient de considérer le
droit au développement sous deux aspects : d'une part, celui de la
participation, la contribution d'un peuple au développement, et d'autre
part celui du bénéfice qu'en tire ce peuple. Ainsi, le droit au
développement est le droit qu'a chaque peuple de participer à la
réalisation du développement dans l'Etat auquel il appartient, et
de bénéficier de ce développement.
S'agissant des peuples autochtones, leur assurer le droit au
développement revient donc à les laisser définir et
décider de leurs propres priorités de développement. Cela
signifie qu'ils ont le droit d'exercer un contrôle sur leur propre
développement économique, social et culturel, d'être
consulté et de participer, de voir réaliser des
évaluations de l'impact des projets, de bénéficier des
projets de développement, de posséder et utiliser leurs terres,
territoires et ressources11(*).
Après avoir cerné les concepts clés, il
est plus aisé de déceler et de présenter
l'intérêt que revêt cette étude.
IV. INTERET DE L'ETUDE
L'étude de ce thème de recherche revêt un
double intérêt : scientifique (A) et social (B).
A- L'intérêt
scientifique
Ce travail permettra de contribuer à la
dynamique des projets, enseignements et recherches axée vers
l'amélioration des conditions de vie des peuples autochtones en
général et des pygmées baka en particulier.
Dans un pays miné par la pauvreté, la
problématique du développement s'est installée peu
à peu au centre des débats et des recherches économiques,
sociales, et même humaines. En effet, il existe de nombreuses
controverses à propos du droit au développement, car l'on ne sait
pas exactement ce qu'il renferme et comment l'appliquer aux peuples
autochtones. La compréhension de cette notion s'avère pourtant
nécessaire pour lutter efficacement contre la pauvreté. Ce
travail permettra donc de clarifier dans quel cadre s'inscrit le
développement des peuples autochtones. Par ailleurs, il permettra de
faire ressortir les manquements et les insuffisances à intégrer
dans les plans de développement de cette catégorie de
personnes.
B- L'intérêt social
Le développement vise l'amélioration des
conditions de vie et par là, l'épanouissement d'un peuple. Ainsi,
sur le plan social, ce travail vise à son tour l'épanouissement
des peuples autochtones et particulièrement des pygmées pour un
meilleur développement à leur égard. A cet effet, il
contribuera à les renseigner sur les droits dont ils sont titulaires en
matière de développement, afin de jouir pleinement de leur
citoyenneté.
De plus, il vise aussi à attirer l'attention des
acteurs du développement des pygmées, sur l'importance de
l'aménagement d'un cadre de protection adéquat et efficace, et
sur l'attention particulière qui doit leur être portée. Ils
doivent pour cela prendre conscience de la particularité des
pygmées et des dangers que ces derniers courent face à un
développement qui ne respecte pas leurs spécificités.
V. REVUE DE LITTERATURE
La question des peuples autochtones et de leur
développement a fait couler beaucoup d'encre, mais dans le cadre de ce
travail, il sera retenu quelques auteurs dont les écrits sont marquants
et bénéfiques pour la compréhension de ce sujet.
Dans son ouvrage intitulé Pygmée
Baka : le droit à la différence, au quatrième
Chapitre, le Pr Sévérin Cécile ABEGA
montre que l'Etat a le souci d'intégration des pygmées pour les
rendre autonomes et responsables. Cela passe par les trois secteurs que sont
l'agriculture, la santé et l'école. L'Etat ne perd pas de vue
dans ces actions que les citoyens sont égaux en devoirs et en droits,
mais peu de moyens sont dégagés. L'Etat reste donc pour le Baka
une présence externe dans la mesure où il n'y reconnait pas sa
place. Son rapport à cet organe est dramatique, parfois même
violent. A la limite, l'Etat devient un organe parasitaire parce qu'il prend et
ne semble pas donner, parce qu'il exige, s'impose, accapare sans retour
perceptible12(*).
C'est dire que, malgré les actions que l'Etat
entreprend dans le souci d'intégration et de développement des
populations autochtones, il demeure toujours un étranger pour elles.
Cela donne l'impression que les agents étatiques viennent imposer leur
système de vie.
Cette analyse est d'une grande importance pour cette
étude parce qu'elle permet de mettre en exergue une des raisons pour
lesquelles les pygmées, malgré les actions entreprises pour
promouvoir leur développement, se retrouvent toujours comptés
parmi les plus pauvres et ne sortent pas de leur vie précaire. Pour
pallier cette difficulté, le Pr. ABEGA propose l'instauration du
dialogue pour résoudre ce problème. L'auteur ne s'est pas
appesanti, mais il est perçu que même entre les pygmées et
les autres acteurs du développement, il existe aussi des
incompréhensions. Ce qui amène à penser que quelque soit
l'acteur engagé dans le processus de développement, c'est au
niveau de la mise en oeuvre des Programmes que se situe le problème.
Cela présente des axes pour analyser le développement des baka de
l'est et propose à cette étude des perspectives pour
améliorer les pratiques de développement.
Cet auteur malgré son analyse, n'a pas fait ressortir
l'aspect juridique, c'est-à-dire qu'il a présenté les
faits sans interroger les textes à propos. Mais, il s'est
contenté de l'aspect sociologique, lacune que cette étude se
propose de combler.
Dans son article13(*), Gertrude KANA BELLA défend
l'idée selon laquelle imposer un mode de vie à l'instar de
l'agriculture aux pygmées Baka les contraint à abandonner leurs
traditions, en ce qu'elles ont de valable et de précieux. Ainsi, il
n'est pas mauvais de vouloir développer et intégrer les Baka,
mais cela exige beaucoup de « tact, de respect pour ce peuple, et
beaucoup de patience pour chercher avec eux, ce qu'ils pensent être bon
pour eux ».
L'article de KANA BELLA promeut la préservation des
droits spécifiques des peuples autochtones. Elle montre que les
pygmées ne doivent pas subir leurs changements, mais doivent y
participer en guidant les acteurs sur leurs choix. Car, comme le précise
encore l'auteur, « on ne peut pas inconsidérément
faire passer un peuple d'un style de vie à un autre sans risque de le
détruire »14(*). Cela voudrait vraisemblablement dire que l'on ne
peut pas imposer aux pygmées une vie moderne et citadine, sans courir le
risque qu'ils soient complètement détruits.
Toutefois, l'auteur n'a pas poussé son analyse pour
démontrer comment les actions entreprises contribuent à la
destruction de la culture pygmée, quelles sont ces actions et quel est
leur impact dans la vie culturelle des peuples pygmées. De plus,
l'auteur prétend adresser son propos aux églises, à ceux
qui se sont donné pour mission d'évangéliser les
pygmées. Or, ce ne sont pas ces missionnaires qui imposent
principalement aux pygmées l'agriculture ou autre mode de vie
sédentaire. C'est donc pour cette raison qu'il aurait fallu impliquer
les autres acteurs tels que l'Etat et les Organisations Non Gouvernementales,
en faisant ressortir leurs responsabilités. Enfin, le titre de l'article
parle de « Justice », mais il n'est pas fait mention une
seule fois du lien entre la nécessité de respecter les
particularités des Baka et la justice.
Cet article s'est contenté de survoler la question des
spécificités sans la creuser, mais, il garde néanmoins une
grande importance, car l'auteur a côtoyé les pygmées
quotidiennement et apporte des conseils sur la manière de contribuer
à leur intégration et leur développement. C'est ainsi
qu'elle apprend qu'il est important de se munir de patience et de promouvoir le
dialogue avec les autochtones dans le processus de leur intégration et
de leur développement. Cela permettra de proposer des perspectives
satisfaisantes aux acteurs du développement des pygmées baka.
Pour Patrice BIGOMBE LOGO15(*), les pygmées se
modernisent petit à petit, tant sur les plans social et politique, que
culturel et économique, et leur vie oscille aujourd'hui entre la
tradition et la modernité. Cette adoption de nouveaux modes de vie qui
cohabitent avec les modes de vie traditionnels a été
favorisée par le processus de sédentarisation amorcé vers
la fin du XIXe siècle, ainsi que par le développement des
relations avec le monde extérieur. Ainsi pour l'Etat camerounais,
l'accès au développement et à la modernisation passe
obligatoirement par la sédentarisation des populations
pygmées.
Toutefois, l'auteur affirme que « le trouble a
gagné les sociétés pygmées plus que jamais
obligées de s'ajuster aux exigences de la
modernité »16(*). C'est dire que, cette modernité que l'on
croit bénéfique pour les pygmées contribue fortement
à les déstabiliser. La problématique de la
préservation de l'identité ressort ici. Car, le
développement propre aux peuples autochtones implique que l'on change
leurs modes de vie, tout en préservant leur identité.
A ce problème, l'auteur propose une solution. En effet,
il suggère aux pygmées de reprendre l'essentiel de leurs
structures traditionnelles dans les formes modernes, afin de pouvoir conserver
leur identité. Mais, s'ils choisissent en revanche de se
sédentariser et de pratiquer l'agriculture en se coupant totalement de
leur éco-culture, qu'ils le veuillent ou non, ils perdront leur
identité culturelle. Car, comme le défend E. DOUNIAS et
A. FROMENT dans une étude réalisée sur la
sédentarisation des pygmées17(*), cette dernière engendre un certain nombre de
conséquences néfastes pour ces populations habituées au
nomadisme. Elle compromet leur état de santé en favorisant la
propagation d'agents pathogènes et en les exposant à de nouvelles
maladies, elle cause de nouveaux troubles sociaux tels que l'alcoolisme, le
tabagisme, le stress, la dépression et le SIDA.
Cette étude présente les inconvénients de
la sédentarisation et du développement des pygmées, mais
ne donne pas des pistes de solutions pour réussir à assurer le
développement des pygmées, tout en préservant leurs
spécificités et en évitant de les sédentariser. Car
la transformation des modes de vie des pygmées « demeure
incontournable et peut être nécessaire pour la survie des
pygmées »18(*). Il ne faudrait pas penser un temps soit peu à
ne pas développer les pygmées mais, il faudrait plutôt
trouver des stratégies pour y arriver sans les compromettre. Et cela
passe au préalable par une analyse minutieuse de leurs droits.
Pour ne pas perdre leur identité, Michael
SINGLETON défend qu'il convient de réserver aux
pygmées le droit de décider de leur avenir. Il affirme à
cet effet que « Ce que les pygmées vont devenir dépend
à la fois de ce qu'ils seront en mesure de décider
eux-mêmes et de ce que les systèmes d'autres acteurs sociaux leur
permettront de déterminer (...) Il est peu probable, et même
à la limite, peu souhaitable, qu'ils se maintiennent tels qu'ils sont
devenus aujourd'hui. Même si on arrivait à préserver la
forêt et à faire d'eux les gestionnaires attitrés de
celle-ci, de quel droit pourrait-on les empêcher de s'approprier, par
exemple, un outillage performant si tel est le désir manifeste de
certains ? (...) On ne sauvegarde pas des peuples comme on préserve
des monuments. On peut classer des bâtiments ; pas des
cultures. »19(*)
Ainsi, les pygmées doivent donner leur point de vue sur
ce qui constitue pour eux les priorités en matière de
développement. C'est à eux de décider des aspects que
doivent toucher les changements de leurs modes de vie. Par ailleurs, l'auteur
met en exergue le rôle des acteurs sociaux. Ces derniers ont le devoir
d'agir comme appui des pygmées dans la détermination de leurs
changements. Il est bien à préciser qu'en aucun cas, les acteurs
sociaux n'ont à décider à la place des pygmées. Ils
doivent plutôt les aider dans leurs choix et les accompagner dans la mise
en oeuvre de ceux-ci.
Cela suggère que dans le souci d'éviter les
écarts et les abus, il convient de déterminer des principes
auxquels devraient se conformer toutes les stratégies de
développement mises en place par les acteurs sociaux au profit des
peuples autochtones. Ces principes seront mis en exergue par l'analyse des
instruments relatifs au droit au développement et aux droits des peuples
autochtones, que cette étude se propose de mener.
Le Professeur Sévérin Cécile
ABEGA20(*)
précise que, en dehors des initiatives engagées au lendemain de
l'indépendance à travers le projet d'appui à
l'intégration socio-économique des Pygmées et celles plus
récentes du programme national de développement participatif et
du programme sectoriel forêts-environnement, des cadeaux offerts lors des
fêtes nationales et de fin d'année et des visites conjoncturelles
du CERAC21(*) et de
Synergies Africaines22(*),
aucun programme ni projet de développement n'a été
initié par le Gouvernement en faveur des pygmées. Les
déclarations d'intention sont nombreuses et généreuses,
l'auto congratulation des responsables administratifs incessante et redondante,
mais, l'on ne voit pas ces prises de position vertueuses prendre la forme de
réalisations concrètes. C'est montrer à quel point la
question de la protection des peuples autochtones est de plus en plus
préoccupante au Cameroun. Car, ces faits établissent clairement
qu'il n'existe aucune politique publique spécifique pour le
développement des Pygmées au Cameroun. Plutôt, la
protection passe par des actions ponctuelles.
Ces éclaircissements prodigués par S.C. ABEGA
sont d'un apport considérable pour ce travail, car ceux-ci
décrivent succinctement comment est organisée la protection des
peuples autochtones au Cameroun et la place qui est réservée au
développement. Ainsi, l'on peut supposer que c'est ce déficit de
politique publique spécifique aux peuples pygmées qui cause une
réelle entorse à la mise en oeuvre des programmes de
développement au Cameroun. Car, celle-ci est effectuée de
manière ponctuelle et à « l'aveuglette »,
sans véritables principes qui la sous tendent.
VI. PROBLEMATIQUE
De ce qui précède, l'on constate que le mode de
développement retenu par les acteurs oeuvrant au profit du
développement des peuples autochtones contribue détruire ces
derniers, car il leur impose un nouveau mode de vie qui ne cadre pas avec leurs
coutumes. Cet état de fait apparait comme étant une
conséquence du vide juridique qui existe en matière de
développement spécifique des pygmées au Cameroun. Ainsi,
l'on est à même de se demander : peut-on parler au
Cameroun d'un droit au développement des peuples autochtones notamment
des pygmées baka de l'est Cameroun ?
VII. HYPOTHESE
Il existe bel et bien un droit au développement au
Cameroun, conformément aux dispositions internationales existantes en la
matière. Celui-ci est reconnu aux peuples autochtones, notamment aux
pygmées baka de l'est en tant que citoyens de l'Etat camerounais. Mais
c'est un droit qui est encore partiellement mis en oeuvre car il rencontre de
nombreuses difficultés, puisque dans la pratique la primauté est
accordée à l'accès au bien être, négligeant
ainsi la dimension relative aux droits de l'homme.
VIII. DEMARCHE METHODOLOGIQUE
Elle consiste à identifier la méthode d'analyse
(A) utilisée et à préciser les techniques de recherche
choisies (B).
A- Les méthodes
d'analyse
Dans le cadre de ce travail, la combinaison de deux
méthodes d'analyses, est apparue nécessaire, pour mener à
bien cette étude.
· La méthode juridique
La méthode juridique vise à donner une meilleure
interprétation des textes juridiques relatifs aux droits de l'homme. En
effet, de par la dogmatique et la casuistique, elle permettra
d'interpréter les textes. Ainsi, l'on pourra interroger les textes, afin
de déceler ce que disent les textes, ce que veut dire ce que disent les
textes et quelle est leur application dans la pratique. L'on sera donc capable
d'évaluer si cette application est conforme aux dispositions
prévues par les textes. Dans cette étude, il sera à cet
effet nécessaire d'analyser les textes qui consacrent le droit au
développement afin de déceler de quelle manière il
convient de l'administrer aux populations autochtones.
· L'analyse stratégique
C'est une méthode élaborée par Michel
Crozier. Ce dernier ne s'intéresse pas dans ce cadre, aux structures,
mais au fonctionnement des organisations, ce qui l'amène à une
démarche en partie fonctionnelle, et surtout à étudier la
stratégie des acteurs au sein d'une organisation.
Il revient de considérer ici les actions pour le
développement comme une organisation. Tenant compte de l'analyse
stratégique, il est question dans ce travail de découvrir quelles
sont les stratégies mises en oeuvre par les différents acteurs du
développement des peuples autochtones, afin de déceler quelles
sont les actions qui sont menées, de quelle façon elles le sont
et les difficultés voire les manquements que contiennent leurs
différents programmes de développement.
B- Techniques de recherche
Pour ce travail de recherche, il sera nécessaire comme
pour tout travail de recherche, de pratiquer
« l'observation », en effectuant une descente de terrain au
sein des communautés baka. Mais, pour compléter cette
observation, il est indispensable de passer des entretiens, avec d'une part les
acteurs du développement et d'autre part, avec les populations, afin de
déterminer quel est l'impact des programmes de développement sur
elles. Pour ce faire, il sera utilisé des guides d'entretien et au
besoin des questionnaires23(*). De plus, l'on devra effectuer une descente sur le
terrain pour mener à bien cette étude.
IX. ARTICULATION ET JUSTIFICATION
DU PLAN
Dans l'optique de répondre à la
préoccupation qui est celle de savoir si l'on peut parler d'un droit au
développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka
de l'est Cameroun, il serait judicieux d'une part de faire état de la
reconnaissance du droit au développement au profit des pygmées
baka de l'Est du Cameroun (Première partie), dans l'optique de
présenter le cadre juridique dans lequel est consacré le droit
au développement tant sur le plan international que national.
Ensuite, il convient de se pencher sur la mise en oeuvre du
droit au développement chez les pygmées baka de l'Est (Seconde
partie). Ceci dans le but d'établir un lien entre la reconnaissance et
la mise en oeuvre partielle du droit au développement afin de
déceler quelles sont les raisons de cette partialité et l'impact
sur les baka. Cela permettra de présenter le cadre de jouissance des
pygmées baka et de relever des insuffisances et les difficultés
auxquelles se heurtent les acteurs du développement et d'envisager des
solutions préalables à leur dépassement.
PREMIERE PARTIE :
LA RECONNAISSANCE EFFECTIVE
DU DROIT AU DEVELOPPEMENT AU PROFIT DES PYGMEES BAKA DE L'EST
Considéré à
la fois comme un droit collectif et individuel, le droit au
développement est assimilé à la troisième
génération des droits de l'homme et comme tel, assez
récent, trouve sa place dans le droit international au-delà des
réserves des uns et des autres. Il en est de même pour ce qui
concerne les peuples autochtones, car le droit au développement à
leur profit fait l'objet d'une consécration sur le plan international
(Chapitre 1) d'une part et sur le plan national (Chapitre 2) d'autre part.
Chapitre I:
La
Consécration du droit au développement des peuples autochtones au
plan international
De nombreux textes internationaux contiennent des dispositions
relatives au droit au développement concernant les peuples autochtones.
Il sera question de s'appuyer dans cette partie sur les textes contenant des
dispositions spécifiques et pertinentes sur les peuples autochtones
auxquelles peuvent se prévaloir les pygmées baka. Il s'agit en
effet de : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones24(*)
(voir annexe 1), la Convention n°169 de l'OIT25(*) (voir annexe 2) et la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples26(*). Ces textes normatifs définissent un ensemble
de droits et de principes propres au développement autochtone. Ainsi,
ces derniers cadrent d'une part avec l'approche du développement
fondée sur les droits de l'homme (Section 1), et d'autre part,
présentent les peuples autochtones comme bénéficiaires du
développement et des droits y afférents (Section 2).
Section 1: Le développement fondé sur les droits
de l'homme et les peuples autochtones
Depuis le Sommet mondial sur le développement
social27(*), le Sommet du
Millénaire28(*) et
le Sommet mondial sur le développement durable29(*), il s'est formé un
consensus mondial sur l'interdépendance entre le développement et
les droits de l'homme. Le principe de base de cette approche est que la
réalisation des droits de l'homme doit être l'objectif du
développement et que, par conséquent, elle doit reposer sur une
relation entre les détenteurs des droits et les détenteurs des
obligations correspondantes30(*). Cela passe par l'implication des peuples autochtones
à la réalisation de leur développement (I), et par la
considération de ceux-ci comme administrateurs de leur
développement (II).
I. L'Implication des peuples
autochtones à la réalisation de leur développement
Elle se traduit par la participation des peuples autochtones
aux phases des programmes de développement (A), et la quête de
leur Consentement préalable, libre et éclairé (B).
A- La Participation des peuples
autochtones aux phases des programmes de développement
La participation est un principe fondamental qui sous-tend le
développement fondé sur les droits de l'homme. Elle revêt
une importance particulière pour les peuples autochtones car ceux-ci
sont le plus souvent exclus et marginalisés dans les processus de prise
de décisions les concernant. Elle vise l'habilitation31(*), le développement des
capacités32(*),
l'efficacité33(*)
et l'efficience34(*) des
peuples autochtones en matière de développement.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones leur reconnait le droit à la participation en ces
termes : « Les peuples autochtones ont le droit de
définir et d'élaborer des priorités et des
stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En
particulier, ils ont le droit d'être activement associés à
l'élaboration et à la définition des programmes de
santé, de logement et d'autres programmes économiques et sociaux
les concernant... »35(*) Cela signifie que lors de l'élaboration et la
définition des programmes de développement, phases pendant
lesquelles les bases sont fixées, car les objectifs, les axes
stratégiques d'action ainsi que les mécanismes de financement des
programmes, etc. sont déterminés, les peuples autochtones doivent
obligatoirement être intégrés en définissant
eux-mêmes leurs priorités et en élaborant les
stratégies permettant de les réaliser. Ainsi, aucun programme de
développement économique ou social ne doit être
défini ou élaboré sans la contribution et l'opinion
déterminante des peuples autochtones.
La Convention n°169 de l'OIT complète les
dispositions de la DDPA, en étendant la participation des peuples
autochtones à toutes les phases des programmes et projets de
développement. Elle dispose en son article 7 alinéa 1,
que : « [...] En outre, les dits peuples doivent
participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et
à l'évaluation des plans et programmes de développement
national et régional susceptibles de les toucher
directement ». Dès lors, il ne suffit plus de les
intégrer au cours des phases de définition et
d'élaboration des programmes, mais, il est impératif qu'ils
soient impliqués lors de la mise en oeuvre et l'évaluation des
programmes de développement. Bien plus, l'alinéa 2 place la
participation comme « prioritaire dans les plans de
développement économique d'ensemble des régions qu'ils
habitent ». C'est montrer l'importance de la participation des
peuples autochtones, qui est déterminante pour que les programmes de
développement aient un impact positif sur ces populations.
En outre, la participation peut revêtir
différentes formes, et être d'intensité variable selon la
nature de l'action et les rôles et responsabilités des personnes
et groupes impliqués. C'est ainsi qu'il existe une classification des
niveaux de participation, qui permet d'évaluer le degré
d'implication des populations aux phases des programmes de
développement36(*).
On distingue quatre niveaux d'intensité de participation,
déterminés par la Commission européenne, qui ne s'excluent
pas entre eux :
a. Le partage de l'information. C'est le niveau minimum de la
«participation» qui se limite généralement à
tenir les gens informés. Il s'agit d'un flux d'information à sens
unique.
b. La consultation. La consultation implique que le flux
d'informations soit à double sens. Il s'agit d'un dialogue, mais ce
dialogue n'influence pas nécessairement sur la prise de
décision.
c. La prise de décision. La participation atteint un
niveau supérieur lorsque des individus ou des groupes (en particulier
ceux qui sont généralement exclus) participent réellement
à la prise de décision. Ils ont le pouvoir et la
responsabilité de prendre les décisions.
d. La prise d'initiatives. Le plus haut niveau de
participation est atteint lorsque les gens prennent eux-mêmes la
décision de mener de nouvelles activités. Le fait d'agir ainsi
traduit un degré important de confiance en soi, d'exercice du pouvoir et
l'acquisition de capacité de gestion.
Les acteurs du développement ont donc l'obligation
d'impliquer les peuples autochtones par leur participation à toutes les
phases des programmes les concernant. La participation est un
élément important du processus qui vise le consentement des
populations autochtones. Car, avant d'entamer les premières
étapes (définition et élaboration), il convient d'obtenir
leur consentement préalable, libre et éclairé.
B- Le Consentement
préalable, libre et éclairé
Le droit au consentement préalable, libre et
éclairé des peuples autochtones revêt une grande
importance, car il permet de garantir que les droits et intérêts
des peuples autochtones soient pris en compte et respectés.
Le principe du CPLE prescrit que lorsqu'un projet de
développement prévu par un Etat, l'un de ses agents ou par un
acteur privé est susceptible d'avoir des impacts sur les territoires,
les ressources naturelles ou génétiques ou sur les connaissances
traditionnelles d'un peuple autochtone, cet Etat ou cet acteur privé
doit obtenir le consentement préalable, libre et éclairé
de ce peuple avant de réaliser le projet.
La DDPA consacre ce principe en stipulant que :
« Les Etats se concertent et coopèrent de bonne foi avec
les peuples autochtones intéressés - par l'intermédiaire
de leurs propres institutions représentatives - avant d'adopter et
d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de
les concerner, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause »37(*). C'est dire que, avant
d'entreprendre toute initiative les concernant, il faudrait s'assurer que l'on
ait obtenu au préalable leur consentement, qui a été
donné de manière libre et éclairée. L'application
de ce principe aux programmes et projets de développement
destinés aux communautés et aux peuples autochtones est une
condition préalable essentielle pour le respect de leur droit à
disposer d'eux-mêmes.
L'importance du CLPE est réaffirmée à
l'article 6 de la C169 en termes de consultation des peuples autochtones
lorsqu'on envisage des mesures susceptibles de les toucher directement. En
effet, la consultation y est présentée comme le moyen efficace
d'obtenir le consentement des peuples concernés. Mais au-delà de
l'impératif de l'obtention du consentement en question, la C169 indique
le cadre dans lequel la consultation doit se dérouler. Ainsi, au §2
de l'alinéa 1 du même article, elle prévoit, qu'il est
nécessaire dans le cadre de la consultation, de « mettre
en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à
égalité au moins avec les autres secteurs de la population,
participer librement et à tous les niveaux à la prise de
décisions dans les institutions électives et les organismes
administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes
qui les concernent ; » Les peuples autochtones doivent
à la lumière de cet article, être à
égalité avec les autres citoyens en ce qui concerne la prise de
décision. Leur avis doit être déterminant pour les projets
à mettre en place.
Ce principe d'égalité rejoint des principes que
doivent respecter les acteurs recherchant le consentement des peuples
autochtones. Ces principes sont énoncés dans un rapport des
Nations Unies38(*), qui
les reprend tel que l'a défini l'Instance permanente sur les questions
autochtones. Ainsi, le principe du consentement préalable donné
librement et en connaissance de cause suppose les points suivants :
a) Il ne doit y avoir ni coercition, ni intimidation, ni
manipulation ;
b) Le consentement doit être obtenu suffisamment
longtemps avant toute autorisation ou début d'activité et les
délais nécessaires aux processus autochtones de consultation et
de recherche d'un consentement doivent être respectés ;
c) Il faut fournir des informations qui couvrent (au moins)
les aspects ci-après : la nature, l'ampleur, l'évolution, la
réversibilité et la portée de tout projet ou
activité proposé ; la (les) raison(s) ou objectif(s) du
projet ou de l'activité ; leur durée ; la localisation
des zones concernées ; une évaluation préliminaire
des incidences économiques, sociales, culturelles et environnementales
probables, y compris les risques potentiels et le partage juste et
équitable des avantages, compte tenu du principe de précaution,
entre autres ;
d) Les populations autochtones doivent signaler quelles sont
les institutions représentatives autorisées à donner le
consentement au nom des populations ou communautés concernées, en
veillant à une représentation équilibrée entre les
deux sexes et en tenant compte des vues des enfants et des jeunes, le cas
échéant ;
e) Les informations doivent être précises et
présentées de manière accessible et compréhensible,
notamment dans une langue que les populations autochtones comprennent
pleinement ;
f) La consultation doit se faire de bonne foi. Les parties
doivent établir un dialogue leur permettant de parvenir à des
solutions adaptées dans un climat de respect mutuel et de bonne foi, sur
la base d'une participation pleine et équitable. La consultation exige
du temps et un système efficace de communication entre les parties
intéressées.
Le principe du CLPE est donc capital pour la
réalisation des programmes et politiques de développement, car
sans le consentement des peuples autochtones, les programmes de
développement ne peuvent débuter. La participation des peuples
autochtones et le CLPE constituent des droits fondamentaux en matière
d'implication des peuples autochtones dans la réalisation de leur
développement. Et par ricochet, ce sont des droits qui font partie
intégrante de l'approche du développement fondée sur les
droits de l'homme, aux côtés de la considération des
peuples autochtones comme administrateurs de leur développement.
II. Les peuples autochtones
administrateurs de leur développement
Eriger les peuples autochtones en administrateurs de leur
développement revient à leur reconnaitre d'une part, le droit
d'exercer un contrôle sur leur propre développement
économique, social et culturel (A) et d'autre part les droits à
l'autonomie et à l'autodétermination (B).
A- Le Contrôle des peuples
autochtones sur leur propre développement économique, social et
culturel
Le droit qu'ont les peuples autochtones au contrôle sur
leur développement est codifié dans les principaux textes
internationaux, et considéré comme important pour la
réalisation du droit au développement de ces peuples.
La C169 prévoit à ce sujet que :
« Les peuples intéressés doivent avoir le droit de
décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le
processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une
incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur
bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une
autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur
leur développement économique, social et culturel
propre.» Cela signifie que, les peuples autochtones doivent d'une
part décider de leurs priorités de développement au
travers des consultations pour l'obtention de leur consentement, et de leur
participation aux phases d'élaboration et de définition des
programmes. Mais, ils ont d'autre part le droit d'exercer un contrôle sur
ce développement. Exercer un contrôle signifie qu'ils ont le droit
de surveiller attentivement le bon fonctionnement ou le bon état du
processus de réalisation de leur développement.
La DDPA complète cette disposition, en apportant
à l'article 23 la précision sur le moyen d'assurer ce
contrôle. A cet effet, il est reconnu aux peuples autochtones en ce qui
concerne les programmes de développement, le droit autant que possible
« de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres
institutions ». Administrer les programmes de
développement renvoie à les gérer, ou à assurer
leur direction. Mais, chose importante qu'il convient de retenir, c'est que,
que ce soit l'administration ou le contrôle à exercer sur les
programmes les concernant, les peuples autochtones ne peuvent le faire que par
l'intermédiaire des institutions et des initiatives qui leurs sont
propres.
Toutefois, l'expression « exercer autant que
possible » qui revient dans les différents textes introduit
une restriction potentielle non négligeable à l'exercice de ce
droit. Néanmoins, Il revient aux gouvernements de prendre les mesures
nécessaires pour donner aux peuples autochtones les moyens de
développer des institutions et des initiatives permettant de
contrôler et d'administrer les programmes de développement. C'est
dire en outre que les peuples autochtones à aucun moment ne doivent
avoir l'impression de subir le développement, mais, ils doivent tout au
long des processus de mise en oeuvre des programmes, donner leur point de vue
et orienter au fur et à mesure les programmes en fonction de leurs
priorités au préalable définies. Cela permet de les placer
au centre de leur développement, et assure que les effets des
programmes mis sur pied seront positifs.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le droit à
établir des institutions politiques, économiques, sociales et
culturelles distinctes, l'article 5 de la DDPA prévoit que
« les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de
renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques,
sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est
leur choix, de participer pleinement à la vie politique,
économique, sociale et culturelle de l'Etat ». Mais,
comme le précise l'article 8(2) de la C169, les peuples autochtones n'y
ont droit que lorsque leurs coutumes et institutions « ne sont
pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le
système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au
niveau international ». C'est montrer à suffisance
l'importance du contrôle du développement au moyen des
institutions, mais dans le strict respect des réglementations
établies par l'Etat.
Le respect du droit au contrôle sur leur
développement économique, social et culturel va
étroitement de pair avec leur droit à l'autodétermination,
dans le souci de les considérer comme administrateurs de leur
développement.
B- Le droit à
l'autodétermination et à l'autonomie
Selon Hélène PERRIN39(*), l'
« autodétermination » comprend le préfixe
grec autos qui signifie soi-même et le verbe
determinare qui renvoie dans un premier temps au fait de tracer des
limites, puis par extension à celui de fixer, de décider. De ce
fait, la notion d'autodétermination s'apparenterait à
« un droit des peuples à disposer eux-mêmes des
normes qui vont les régir »40(*). C'est d'ailleurs sous cette
forme que l'expression d'autodétermination est apparue dans le contexte
international, comme le droit des peuples à disposer d'eux
même.
De nos jours, cette expression n'est plus reprise, dans les
textes internationaux pour laisser place à l'autodétermination.
C'est ainsi que la DDPA le consacre en son article 3 : «les
peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En vertu
de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent
librement leur développement économique, social et
culturel ». A cette disposition, la Charte africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples (CADHP) ajoute des éléments
qualificatifs du droit à l'autodétermination sur lesquels il
convient de s'arrêter. En son article 20 elle stipule que
« Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un
droit imprescriptible et inaliénable à
l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique
et assure son développement économique et social selon la voie
qu'il a librement choisie. » Par ces dispositions, la CADHP
réaffirme de manière forte le droit à
l'autodétermination qui est reconnu à tous peuples, donc aux
peuples autochtones, de manière infini, ne pouvant être remis en
cause ou ne pouvant être abandonné.
La C169 ne traite pas spécifiquement du droit à
l'autodétermination, mais concernant le développement et
l'autodétermination, celle-ci se conçoit avant tout dans la
possibilité que les peuples autochtones ont de choisir le cadre le plus
favorable à leur développement, dans l'attribution à ces
peuples de compétences propres41(*).
La DDPA va néanmoins plus loin, en
énonçant des prérogatives qui doivent
impérativement se rattacher à l'autodétermination. Ainsi,
il est prévu à l'article 4 « les peuples
autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination,
ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour
tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi
que de disposer des moyens de financer leurs activités
autonomes. » Cette clause introduit principalement le droit
à l'autonomie qui désigne la faculté de se doter de ses
propres normes et par extension, la capacité de se gouverner
soi-même42(*).
Toutefois, il convient de mentionner que l'autodétermination ne se
conçoit que dans le respect des limites fixées à cette
autonomie.
En effet, les Etats le plus souvent sont réticents face
à ces dispositions, car elles sont mal interprétées et
comprises comme accordant un droit unilatéral à
l'autodétermination et une possible sécession à une patrie
spécifique de la population nationale, menaçant ainsi
l'unité politique et l'intégrité territoriale de n'importe
quel pays. Mais en réponse à cette crainte, la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples43(*) recommande que les articles 3 et 4 de la DDPA soient
interprétés en tenant compte de l'article 4644(*) de la même
Déclaration qui garantit l'inviolabilité de
l'intégrité des Etats nations. De même, dans sa
jurisprudence y relative, la Commission, saisie de communications et de
plaintes revendiquant la jouissance de ce droit à l'intérieur des
Etats parties à la CADHP a constamment souligné que ces peuples
pouvaient exercer leur droit à l'autodétermination selon toutes
formes et variantes compatibles avec l'intégrité territoriale des
Etats parties45(*).
L'autodétermination et l'autonomie des peuples doivent donc s'exercer
à l'intérieur des frontières nationales inviolables d'un
Etat, en tenant dûment compte de la souveraineté de
l'Etat-nation.
Enfin, il convient de mentionner que le droit à
l'autodétermination et à l'autonomie est un droit englobant dans
ses applications, car relativement aux peuples autochtones, il est compris
comme contenant une série de prérogatives relatives à la
pleine participation à la vie nationale, au respect du principe de CPLE,
le droit à une autogestion locale, le droit à une reconnaissance
en vue de la consultation pour l'élaboration des lois et programmes qui
les concernent, à une valorisation de leurs structures et modes de vie
traditionnels ainsi que la liberté de préserver et promouvoir
leur culture.
Il est aisé de constater que l'approche du
développement fondée sur les droits de l'homme adoptée par
les Nations Unies place les peuples autochtones au centre de leur
développement. Ils sont considérés de prime abord comme
les sujets du droit au développement. De ce fait, ils doivent non
seulement être impliqués dans les programmes de
développement, mais aussi, gérer et administrer ces programmes.
Mais le droit international place également les peuples autochtones
comme objet du droit au développement, c'est-à-dire, comme
bénéficiaires des prérogatives qui en découlent.
Section 2: Les peuples autochtones bénéficiaires
de droits
Les peuples autochtones doivent bénéficier du
développement et des droits y rattachés, à la suite de
leur participation à la réalisation de celui-ci. Les textes
internationaux mettent largement l'accent sur le bénéfice qui
doit leur revenir. Ils présentent à cet effet le
développement ayant pour objectif l'amélioration des conditions
de vie des peuples autochtones (I), et les préalables du droit au
développement sans lesquels ils ne pourraient obtenir les
retombées positives escomptées (II).
I . Le
développement visant l'amélioration des conditions de vie
des peuples autochtones
Cet impératif de l'accès au bien être
s'observe à travers d'une part la lutte pour la réduction de la
pauvreté (A) et le souci d'égalité et de respect de leur
identité et de leurs spécificités d'autre part (B).
A- La lutte pour la
réduction de la pauvreté
Les rapports présentant la situation des peuples
autochtones dans le monde et en Afrique en particulier, font état des
conditions précaires dans lesquelles ils vivent. La Banque mondiale
estime qu'ils représentent environ 5% de la population mondiale, mais
15% des personnes vivant dans la pauvreté46(*). Ils ont atteint un seuil de
pauvreté extrême suscitant par là la préoccupation
de la Communauté internationale. La réduction de la
pauvreté devient dès lors l'objectif ultime de la plupart des
stratégies de développement nationales et internationales,
notamment celles financées par les donateurs et prêteurs
bilatéraux et multilatéraux. Or, l'amélioration des
conditions de vie souhaitée par la Communauté internationale ne
trouve réponse satisfaisante qu'à travers les programmes de
développement mis sur pied. Mais, comme mentionné plus haut, le
développement englobe plusieurs aspects. C'est fort de ce constat que
les textes internationaux prônant l'amélioration des conditions de
vie précisent à chaque fois les plans dans lesquels doivent
s'effectuer le développement. C'est le cas de la CADHP, qui en son
article 22 dispose que : « Tous les peuples ont droit
à leur développement économique, social et
culturel... ». Dans le cadre de l'exercice du droit au
développement visant l'accès au bien être, aucun aspect ne
doit être écarté. Le développement doit être
réalisé à la fois sur les plans économique, social
et culturel.
De manière plus spécifique, l'article 21(1) de
la DDPA prévoit que les peuples autochtones ont droit à
« l'amélioration de leur situation économique et
sociale, notamment dans les domaines de l'éducation, de
l'emploi, de la formation, et de la reconversion professionnelles, du logement,
de l'assainissement, de la santé et de la sécurité
sociale. » Cet article est important, car il donne des axes
pouvant servir à orienter les programmes de développement. Ces
axes constituent l'essentiel des besoins des peuples autochtones en ce qui
concerne leur développement, dans le cadre de la participation à
la lutte contre la pauvreté. Pourtant, la DDPA ne se limite pas
là, et va un peu plus loin à l'alinéa 2, en invitant les
Etats à prendre des mesures « efficaces »
et au besoin « spéciales », pour assurer
« une amélioration continue de la situation économique
et sociale des peuples autochtones. » C'est dire que
l'amélioration qui doit impérativement s'opérer ne doit
pas être ponctuelle, mais doit se faire sur une période
indéfinie et de manière constante et ininterrompue. De plus,
la DDPA recommande dans le cadre de l'amélioration, d'accorder une
attention particulière aux différents groupes de personnes
vulnérables, à savoir : les anciens, les femmes, les jeunes,
les enfants et les personnes handicapées autochtones47(*).
L'amélioration des conditions de vie des peuples
autochtones revêt une telle importance, qu'elle est qualifiée aux
côtés de leur participation et leur coopération, de
« prioritaire dans les plans de développement
économique d'ensemble des régions qu'ils
habitent »48(*). De plus, elle est associée dans cet article
à l'amélioration de travail des peuples intéressés
et de leur niveau de santé et d'éducation, les faisant percevoir
une fois de plus comme étant des aspects phares du développement.
La C169 recommande enfin dans ce même article que, les projets
particuliers de développement des régions des peuples autochtones
soient également conçus de manière à promouvoir une
telle amélioration.
Tout ce qui précède démontre la place
primordiale qui est réservée à l'amélioration des
conditions de vie dans la mise en oeuvre du droit au développement.
Toutefois, cette nécessaire amélioration ne saurait être
effective que si les peuples autochtones entrent en possession des
bénéfices découlant des programmes de développement
de manière égale, et dans le respect de leur identité et
de leurs spécificités.
B- L'égalité et le
respect de l' identité et des spécificités des peuples
autochtones
La particularité du développement des peuples
autochtones est qu'il doit se faire dans le respect de leur identité et
de leurs spécificités, et du fait des nombreuses discriminations
dont ils sont l'objet, dans l'égalité la plus totale.
Le principe d'égalité est consacré par
l'article 19 de la CADHP qui stipule que : « Tous les peuples
sont égaux ; ils jouissent de la même dignité et ont
les mêmes droits. Rien ne peut justifier la domination d'un peuple sur un
autre. » Ainsi, même s'il arrive que les peuples
autochtones bénéficient conjointement des retombées des
programmes de développement avec les peuples bantous, le partage entre
les différents peuples doit se faire de manière équitable,
et comme le précise les articles 2 et 21 de la DDPA,
« sans discrimination d'aucune sorte » 49(*).
Cette égalité est affirmée de nouveau
dans la C169 en son article 2(2)(1) qui demande aux Etats de mettre en place
une action qui vise entre autres à « assurer que les
membres desdits peuples bénéficient, sur un pied
d'égalité, des droits et possibilités que la
législation nationale accorde aux autres membres de la
population; » C'est dire que à tous les niveaux de
réalisation du développement, les peuples autochtones doivent
jouir des mêmes prérogatives qui ont été reconnues
aux autres. Mais pour ce qui concerne le développement le principe
d'égalité dans le bénéfice est
complémentaire avec le respect de l'identité et des
spécificités.
La CADHP reprend cela dans son article 22 (1), qui dispose que
« Tous les peuples ont droit à leur développement
économique, social et culturel, dans le respect strict de leur
liberté et de leur identité, et à la jouissance
égale du patrimoine commun de l'humanité » Ainsi,
dans le cadre du développement, les peuples ont le droit de
réclamer que ce dernier soit réalisé dans le respect de
leur identité et de leurs spécificités. Il en va de
même pour les peuples autochtones, qui, bien plus que les autres, ont le
réel besoin de préserver leurs spécificités et ce
qui constitue leur identité. Et cela n'est possible que s'il leur est
laissé le soin de décider des priorités de leur
développement. Cela permettrait que l'amélioration des conditions
de vie escomptée soit en adéquation avec leurs
spécificités et leur identité qui constituent leur
culture. C'est sans doute dans le souci de protection de cette culture que la
DDPA prévoit à l'article 8(1) que : « les
autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d'assimilation
forcée ou de destruction de leur culture. » Cette
disposition montre que la culture des peuples autochtones est des plus
importante dans la lutte pour leur accès au bien être. De ce fait,
elle doit être préservée et doit servir de base pour la
réalisation du développement.
Les dispositions précitées rejoignent
étroitement le troisième objectif du programme d'action de la
Deuxième Décennie internationale des peuples autochtones.
Celui-ci consiste à « Redéfinir les politiques de
développement afin qu'elles soient fondées sur le principe
d'équité et culturellement acceptables, en respectant notamment
la diversité culturelle et linguistique des peuples
autochtones ». Cet objectif démontre une fois de plus
l'importance de l'égalité et du respect des
spécificités des peuples autochtones. Mais l'on y comprend aussi
que c'est au cours des phases de définition des programmes que
l'orientation de ceux-ci se fait dans le respect des spécificités
et du principe d'égalité. Les programmes qui ne prennent pas en
considération ces critères et ces droits, doivent être
redéfinis.
Les bénéfices que les peuples autochtones
doivent tirer des programmes et projets de développement doivent
immanquablement contribuer à l'amélioration de leurs conditions
de vie sur les plans économique, social et culturel. Toutefois, pour que
le but d'amélioration soit atteint, il faudrait que les retombées
des programmes soient partagées de manière égale et
équitable entre les peuples autochtones et les autres peuples
impliqués dans ces programmes. Bien plus, les programmes de
développement doivent être réalisés dans le strict
respect de leur identité et de leurs spécificités.
Pourtant, les textes internationaux ne s'y arrêtent pas. Ils
énoncent en plus, des préalables au droit au développement
dans le souci de faire bénéficier efficacement aux peuples
autochtones des retombées des actions de développement.
II. Les préalables du
droit au développement
Dans le but de faire bénéficier aux peuples
autochtones de l'essentiel du développement, il convient de prime abord
de réaliser des études d'évaluation de l'impact des
projets (A), puis de garantir aux peuples autochtones le droit sur leurs
terres, territoires et ressources (B).
A- La réalisation des
études d'impact des projets
Le principe veut, qu'avant la mise en oeuvre de toute
activité de développement, des études doivent être
menées pour évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle
et environnementale que celle-ci pourrait avoir. Ceci, dans le but
d'éviter l'impact négatif des projets sur les peuples
autochtones, qui pourraient se retrouver détruits au lieu de voir leurs
conditions de vie s'améliorer.
La C169 est très explicite à ce sujet, en
précisant à l'article 7(3) que : « Les
gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études
soient effectuées en coopération avec les peuples
intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale,
spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de
développement prévues pourraient avoir sur eux. Les
résultats de ces études doivent être
considérés comme un critère fondamental pour la mise en
oeuvre de ces activités. » Selon cet article, il revient
aux gouvernements la tâche de faire en sorte que les études
d'impact soient réalisées, dans le but de prévenir des
incidences négatives découlant des projets sur les principaux
plans qui caractérisent la vie des peuples autochtones. Une chose
importante à retenir dans cet article, c'est que la mise en oeuvre des
projets doit être conditionnée par les résultats des
études d'impact. Celles-ci doivent être présentées
aux peuples concernés lors des premières phases de consultation,
dans un souci de transparence et d'obtention d'un consentement
éclairé. Néanmoins, l'expression « s'il y a
lieu » apporte une restriction à l'étendue de
l'obligation de réaliser les études d'impact. En effet, des
études doivent être menées pour tous les projets qui
concernent de près ou de loin les peuples autochtones. Or cette
expression laisse libre cours à des interprétations de mauvaise
foi de la part des acteurs du développement des peuples autochtones.
La DDPA ne traite pas des études d'impact de
manière spécifiques, mais protège des droits
spécifiques pouvant s'y rapporter. A l'article 11 par exemple, elle
protège les traditions culturelles et les coutumes. A l'article 25,
leurs liens spirituels particuliers avec les terres et territoires. Et à
l'article 29, elle garantit aux peuples autochtones le droit à la
protection de leur environnement. En protégeant ces différents
aspects de la vie des peuples autochtones, la DDPA invite les gouvernements
à tout mettre en oeuvre dans l'optique de rendre effective cette
protection. Or, celle-ci ne peut être garantie que par la
réalisation des études d'impact des projets sur la vie des
peuples autochtones. Ce n'est que par elle que tous les droits
précités peuvent efficacement être protégés
et donc garantis aux peuples autochtones.
Par ailleurs, la septième Conférence des Parties
à la Convention sur la diversité biologique a adopté le
document intitulé Akwé : Kon lignes
directrices facultatives pour la conduite d'études sur les impacts
culturels, environnementaux et sociaux des projets d'aménagement ou des
aménagements susceptibles d'avoir un impact sur des sites sacrés
et sur des terres ou des eaux occupées ou utilisées
traditionnellement par des communautés autochtones et locales50(*). Ces lignes directrices
sont d'un grand apport pour la Communauté internationale, parce qu'elles
offrent un cadre dans lequel les Etats et les autres acteurs du
développement peuvent se référer pour mener et organiser
les études d'impacts. De plus, les études sur ces impacts
contribueront à prévenir les conséquences
éventuellement négatives des projets de développement sur
les modes de subsistance des communautés autochtones et locales
concernées.
C'est donc dans ce cadre que la réalisation des
études d'impact est une condition au bénéfice positif des
retombées des projets de développement, et surtout un
préalable du droit au développement, avec le droit sur leurs
terres, territoires et ressources naturelles.
B- La reconnaissance du droit sur
les terres, territoires et ressources des peuples autochtones
Les terres et territoires ont une dimension matérielle,
culturelle et spirituelle pour les peuples autochtones. Ils sont
nécessaires à leur survie et à leur viabilité
économique et sont intrinsèquement liés à leur
identité et à leur existence. Quant aux ressources naturelles,
elles sont des composantes essentielles et intégrales de leurs terres et
territoires. Les peuples autochtones sont les gardiens de ce milieu naturel et
contribuent de façon décisive, par leurs traditions, à son
maintien pour les générations futures.
La DDPA aux articles 10, 20, 25, 26 et 32, reconnait aux
peuples autochtones le droit sur leurs terres, territoires et ressources. Ces
articles protègent les peuples autochtones de l'expulsion de leurs
terres, et leur garantissent le droit de conserver leurs terres et territoires
en établissant des stratégies pour leur mise en valeur.
Cependant, l'article 26 contient des dispositions pertinentes concernant les
terres, territoires et ressources. Il stipule que : « 1.
Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources
qu'ils possèdent et occupent traditionnellement ou qu'ils ont
utilisé ou acquis.
2. Les peuples autochtones ont le droit de
posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les
terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur
appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi
que ceux qu'ils ont acquis.
3. Les Etats accordent reconnaissance et protection
juridiques à ces terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance
se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et régimes
fonciers des peuples autochtones concernés. »
Ces prérogatives impliquent que les peuples autochtones
doivent avoir le droit d'utiliser leurs terres selon leurs traditions, toutes
les dispositions étant prises pour qu'ils décident des
activités ayant lieu sur leurs terres et en particulier pour que les
répercussions négatives sur l'environnement et les lieux
sacrés et culturels soient évitées. Aussi, les terres et
territoires des peuples autochtones devraient être reconnus sur le plan
juridique, démarqués et préservés des pressions
extérieures. Mais, pour que cela soit effectif, les Etats doivent
reconnaitre les systèmes de gestion traditionnels des peuples
autochtones, car c'est grâce à eux que ces derniers peuvent
exercer efficacement les droits sur leurs terres, territoires et ressources.
Le droit reconnu aux peuples autochtones sur les terres et
territoires qu'ils occupent ainsi que sur l'utilisation des ressources
revêt un caractère particulier. A tel point que la C169 lui
réserve toute une partie entière. Il s'agit de la Partie II,
intitulée « TERRES ». Elle regroupe les articles
13-19 de la C169. Les dispositions contenues dans ces articles rejoignent
celles énoncées par la DDPA. Toutefois, la C169 ajoute que
lorsque des terres sont expropriées aux fins du développement
national, la reconnaissance d'une restitution ou des réparations
s'imposent. De plus, les peuples autochtones ont le droit de disposer des
ressources naturelles qui se trouvent sur leurs terres. Or, dans certains pays,
les droits aux ressources du sous-sol et ressources naturelles appartiennent
selon la loi à l'Etat. Cependant, ces droits trouvent leur expression
dans des accords juridiques qui définissent les modalités
d'exploitation des ressources et garantissent la protection du patrimoine
autochtone, le partage des bénéfices et une compensation
adéquate. Dans ce cas, les peuples autochtones ont le droit de pouvoir
donner librement, au préalable et en connaissance de cause leur
consentement à tout projet d'exploitation et d'exploration. En outre, la
C169 prévoit que au-delà des codifications juridiques, la loi
nationale doit prévoir des sanctions pour des contrevenants aux
dispositions.
De ce qui précède, l'on constate que la
Communauté internationale est réellement préoccupée
par le droit au développement au profit des peuples autochtones. Cela
s'illustre par la profusion de dispositions relatives au développement
et aux droits y afférents. Ainsi, sur le plan international, l'on peut
aisément affirmer que le droit au développement est pleinement
reconnu aux pygmées baka en tant que peuples autochtones. Les
dispositions internationales placent par ailleurs les Etats comme
détenteurs des obligations contenues dans les textes. De ce fait,
ceux-ci sont tenus de mettre en place tous les moyens nécessaires pour
rendre effectives les dispositions internationales. Or, cela passe au
préalable et de manière incontournable par la reconnaissance du
droit au développement au profit des peuples autochtones sur le plan
interne.
Chapitre II:
La consécration du droit au
développement au profit des peuples autochtones au niveau national
Au Cameroun, il n'existe aucune loi spécifique
consacrant les droits des peuples autochtones, de la même façon
qu'il n'existe aucune loi ou décret d'application consacrant de
manière spécifique le droit au développement aux
populations autochtones. Toutefois, de manière éparse, l'on
retrouve dans les législations nationales camerounaises, des
prérogatives garantissant ou assurant aux pygmées baka, en tant
que personnes autochtones les droits et principes connexes au droit au
développement. Ces droits et principes intègrent les dispositions
contenues dans les textes internationaux. Ainsi, il est possible par cette
opération d'assemblage des dispositions, d'affirmer qu'il existe une
consécration du droit au développement au profit des peuples
autochtones. Dans cette optique, il convient de présenter dans un
premier temps l'inclusion du développement fondé sur les droits
de l'homme dans la législation camerounaise (Section 1). Puis, dans un
second temps la protection de la dimension « accès au bien
être » du droit au développement dans la
législation camerounaise (Section 2).
Section 1: L'inclusion du développement fondé
sur les droits de l'homme dans la législation camerounaise
Cette section traite des dispositions relatives au droit au
développement et aux droits y afférents, en rapport avec
l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme
instituée par les normes internationales. Pour ce faire, il est
nécessaire de présenter d'une part l'accès à la
citoyenneté dans le respect des spécificités (I), et
d'autre part les droits liés à l'implication des peuples
autochtones dans la réalisation du développement (II).
I . L'accès
à la citoyenneté dans le respect des
spécificités
Les prérogatives reconnues dans les textes normatifs
camerounais le sont pour les citoyens camerounais. Dans ce contexte, il est
nécessaire d'être reconnu comme tel pour pouvoir en jouir. Ainsi,
une des conditions sine qua non de la réalisation du droit au
développement, et une des premières étapes du
développement des peuples autochtones est leur reconnaissance et leur
identification (A), mais celles-ci doivent se faire dans le respect total de
leurs spécificités et de leur identité (B).
A- La reconnaissance et
l'identification des peuples autochtones
Le préambule de la Constitution du 18 janvier 1996
consacre la préservation des droits des « populations
autochtones »51(*)conformément à la loi. Or, cette
mention contribue à entretenir une certaine ambiguïté au
plan interne du fait des divergences d'interprétations existantes autour
de cette notion. Par ailleurs, la loi forestière de 1994 utilise
à la fois les notions de « populations
autochtones », « communautés
villageoises », de
« communautés », sans que celles-ci ne
fassent spécifiquement allusion aux peuples autochtones tel que
consacrés dans les différents instruments juridiques
internationaux de protection des droits de ces groupes.
Une reconnaissance effective des droits des peuples
autochtones implique pourtant, l'affirmation de leurs droits au plan textuel,
ce qui passe nécessairement par la définition de critères
permettant de les identifier. Les communautés qui s'auto identifient
comme étant autochtones bénéficient cependant du
même statut que les diverses communautés locales qui vivent sur
l'ensemble du territoire camerounais. Si ce concept laisse clairement
percevoir l'existence de groupes sociaux distincts, aucun texte
législatif ou réglementaire ne vient en préciser le
contenu au plan interne. Bien plus, les revendications identitaires des peuples
autochtones trouvent des difficultés d'insertion dans le dispositif
judiciaire et administratif camerounais. Ceci est marqué par le fait
que les pouvoirs publics camerounais récusent à dessein
l'appellation de « peuples autochtones ». Les
Pygmées et Mbororo52(*) sont classés dans la catégorie
des couches défavorisées et sont désignés par
le vocable de « populations marginales » terme
vague et englobant53(*)
dont la portée juridique et revendicative est faible.
En dépit du cadre juridique limité relativement
à la reconnaissance et à l'identification des peuples autochtones
au Cameroun, l'on pourrait néanmoins affirmer qu'il existe une
reconnaissance implicite du statut d'autochtones aux populations
pygmées. Cela est marqué par le fait qu'il soit mis sur pied des
politiques54(*),
programmes55(*),
stratégies et projets56(*) qui contribuent à sortir ces groupes sociaux
de l'état de marginalisation dans lequel ils vivent. Cela découle
de la forte influence des Institutions internationales.
Ainsi, l'organigramme du Ministère des Affaires
Sociales, Institution en charge de l'insertion sociale des peuples
autochtones57(*) au
Cameroun présente clairement les prérogatives aussi bien
vis-à-vis de ces groupes que des autres franges sociales. Il s'agit
notamment de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique de
prévention et d'assistance sociale, de la promotion de l'individu et de
la famille, du respect des droits de la femme, de la promotion des droits de
l'enfant. Comme stratégie et plan d'action, le Ministère des
Affaires Sociales a initié de mettre sur pied une politique d'insertion
sociale des populations marginales qui revêt à la fois une
dimension socio économique58(*) et juridique qui vise l'élaboration de textes
portant sur la question foncière, le droit de tirer profit des
ressources naturelles, le droit à l'éducation, à la
santé, la lutte contre les comportements assimilateurs, la protection
sociale orientée vers les groupes vulnérables. A travers lui, le
Gouvernement camerounais entend contribuer à l'instauration d'une
justice sociale conformément à l'esprit du préambule de la
Constitution à travers l'application du principe d'égalité
de tous devant la loi.
Pour ce faire, les pygmées baka doivent comme tous les
autres citoyens camerounais, avoir accès à la citoyenneté.
La reconnaissance de la citoyenneté aux peuples autochtones notamment
pygmées procèdent ici non seulement de l'appui à
l'obtention des pièces d'état-civil, avec l'établissement
des actes de naissance et des cartes nationales d'identité, mais aussi
de la création des chefferies de communauté ou de 3e degré
et de la sécurisation des droits fonciers des Pygmées.
De la sorte, on note au Cameroun, des tentatives de
reconnaissance des peuples autochtones à travers diverses
stratégies et programmes, mais du fait de leurs particularités,
il est nécessaire que cette reconnaissance et identification se fasse
dans le respect de leurs spécificités.
B- Le respect des
spécificités et de l'identité des peuples autochtones
Les peuples autochtones se distinguent du groupe dominant par
leurs spécificités et leur identité. Or, ces
dernières sont matérialisées et exprimées à
travers leurs cultures et leurs langues, les deux étant indivisibles. En
effet, l'une des caractéristiques des communautés autochtones est
l'existence d'une culture distincte de celles des groupes dominants. Au
Cameroun, la richesse de la culture des communautés autochtones est
reconnue. Mais au-delà de la présentation parmi les attractions
touristiques du pays, on n'a pas l'impression que des mesures
particulières soient prises pour en assurer la protection formelle. Dans
un cadre général, l'Etat assure la liberté de conscience
et de religion, et ce droit constitutionnel s'étend aux
communautés autochtones. On peut toutefois déplorer que le droit
n'impose pas de manière spécifique une prise en compte de la
culture et des langues autochtones dans la vie publique.
Or, aucun développement ne peut être envisageable
en dehors du respect de leurs spécificités, quelques soient les
moyens qui sont mis en jeu. Pourtant, à ce jour, aucune politique
nationale, aucune loi en vigueur au Cameroun ne prend en compte les
spécificités socioculturelles, économiques ou
linguistiques des peuples autochtones. Toutefois, des efforts de reconnaissance
de la culture des peuples autochtones sont observés. C'est le cas de
l'organigramme du MINAS attribuant les fonctions du Service de la Promotion des
droits et de l'encadrement des populations marginales qui fait cas de la charge
qu'a ce service de participer à « la promotion de la
culture des populations marginales, en liaison avec les administrations
concernées ». C'est montrer que la culture est
intégrée dans les préoccupations nationales. Mais, de
cette absence de réelle protection des droits culturels des peuples
autochtones, l'on ne peut que déduire que l'Etat camerounais n'a pas
encore perçu de façon profonde l'importance et l'enjeu de la
culture pour les autochtones.
Ainsi, en ce qui concerne l'accès à la
citoyenneté des peuples autochtones dans le respect de leurs
spécificités, cela constitue une étape fondamentale
à la réalisation du développement. Mais, l'Etat
camerounais ne protège pas totalement ces droits, qui pourtant sont
fondamentaux autant que ceux qui sont liés à l'implication des
autochtones dans la réalisation du développement.
II. Les droits liés
à l'implication des peuples autochtones dans la réalisation de
leur développement
Ces droits ont trait d'une part à la participation et
la consultation (A), et d'autre part à l'autodétermination et
l'autogestion (B).
A- La Participation et la
consultation
La Constitution camerounaise consacre le droit de participer
et d'être consulté en ces termes : « chacun
doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges
publiques ». La participation y est présentée
comme un devoir pour chaque citoyen, mais en fonction de ses capacités.
Allant plus loin, la loi de 1996 portant loi-cadre relative à la gestion
de l'environnement consacre un « chapitre entier » à
la participation des populations, posant ainsi les bases de ce principe.
L'article 72 dispose : « la participation des
populations à la gestion de l'environnement doit être
encouragée notamment à travers : le libre accès
à l'information environnementale, sous réserve des
impératifs de la défense nationale et de la
sécurité de l'Etat ; des mécanismes consultatifs
permettant de recueillir l'opinion et l'apport des populations ; la
représentation des populations au sein des organes consultatifs
en matière d'environnement ; la production de l'information
environnementale ; la sensibilisation, la formation, la recherche,
l'éducation environnementale ». Certes, cet article en citant
les domaines dans lesquels doit s'effectuer la participation, ne mentionne pas
le développement. Mais, ce qui en ressort est la reconnaissance du droit
des populations à participer et à être consultés.
Cet article renseigne en outre sur les objectifs que vise la consultation.
Par ailleurs, avant ce chapitre, la loi-cadre énonce le
principe de participation dans son contenu. Ce principe suppose donc que tout
citoyen soit préalablement informé sur les implications que
toutes activités auraient sur l'environnement y compris celles relatives
aux substances et activités dangereuses. Ce principe implique
également que chaque citoyen veille à la sauvegarde et à
la protection de l'environnement et que les décisions concernant
l'environnement soient prises après concertation avec les secteurs
d'activités ou groupes concernés ou après un débat
public lorsqu'elles ont une portée générale.
Toutefois, l'information partagée avec les populations
devrait être apportée d'une manière qui soit compatible
avec leur culture, pour leur permettre de comprendre effectivement ce dont il
est question. Cependant, les textes législatifs et réglementaires
nationaux ne rendent pas toujours la tâche facile à ces
communautés, en prescrivant des modes de communication qui ne
correspondent pas aux leurs. C'est le cas de l'information par voie
d'affichage, consacrée dans le décret n° 95/591 fixant les
modalités d'application du régime des forêts59(*). L'affichage est ainsi
consacré comme le mode privilégié d'information des
communautés lors des procédures de classement des concessions et
des aires protégées. Cette disposition ne rend pas service aux
populations qui sont pour la plupart sous-alphabétisées ou qui ne
s'expriment pas en la langue utilisée pour diffuser l'information.
En outre, la participation reconnue de manière
spécifique aux peuples autochtones n'est au Cameroun qu'une exigence des
agences de financement telles que la Banque mondiale ou des Organisations
internationales. La participation n'y bénéficie pas d'un
encadrement juridique spécifique aux peuples autochtones. Or, ce faible
degré de protection accordé par l'Etat au droit à la
participation ouvre les portes à toutes sortes de violations des droits
des peuples autochtones. De plus, cela remet fortement en question le
réel désir de réaliser le développement au profit
des autochtones, étant donné que la participation en constitue un
pilier important, car elle permet l'accomplissement des droits à
l'autodétermination et à l'autogestion.
B- Le droit à
l'autodétermination et à l'autogestion
Le Cameroun, comme beaucoup d'autre Etats, a des
réticences en ce qui concerne l'autodétermination des peuples
autochtones. Néanmoins, les communautés autochtones disposent de
possibilités d'organiser la gestion de leurs institutions, de
manière autonome. Cela découle de la garantie de la
liberté d'association au peuple Camerounais par la Constitution. Cette
liberté d'association proclamée par le préambule de la
Constitution est régie par les dispositions de la loi n° 90/53 du
19 décembre 1990 portant liberté d'association. Selon cette loi,
la liberté d'association est « la faculté de
créer une association, d'y adhérer ou de ne pas y adhérer.
Elle est reconnue à toute personne physique ou morale sur l'ensemble du
territoire national » 60(*). L'association est définie ici
comme la convention par laquelle des personnes mettent en commun leurs
connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les
bénéfices. Ainsi, de par ces prérogatives, les
pygmées ont le droit de se constituer en associations dans le but
d'administrer eux-mêmes leur développement, d'assurer un
contrôle continu et permanent sur lui, et de déterminer des
priorités y relatives tels que prévues par les normes
internationales.
En outre, en dehors des formes d'institutions dont la
création est prévue par la loi, telles que les associations,
coopératives et GIC, les communautés autochtones disposent de la
possibilité de conduire leurs activités associatives et de
contrôler leurs institutions lorsqu'elles ne sont pas en contradiction
avec les lois nationales ou l'ordre public. Ainsi, toutes institutions
traditionnelles restent sous le contrôle des autochtones. Bien plus, la
réforme forestière survenue en 1994 a apporté de
réels changements en ce qui concerne la gestion participative et
décentralisée des forêts. Ainsi, les populations
autochtones se sont vues offrir l'opportunité de valoriser
l'exploitation de leurs ressources forestières et fauniques au sein
d'une forme de foresterie communautaire, foresterie communale et de zones
d'intérêt cynégétique à gestion
communautaire. Ils peuvent donc obtenir et gérer de manière libre
et autonome des forêts communautaires, par la loi forestière du 20
janvier 1994. Une forêt communautaire est une portion de forêt du
domaine national, libre de tout titre d'exploitation forestière, et
ayant une superficie maximale de 5000 hectares, sur laquelle l'Etat
concède une convention de gestion à une communauté
villageoise.
Enfin, il faut remarquer un intérêt croissant des
communautés autochtones dans la création de chefferies
traditionnelles, sur un territoire donné. Les chefferies sont
régies par le décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant
organisation des chefferies traditionnelles, et fait des chefs des auxiliaires
de l'administration. Les modalités d'organisation et de gestion des
chefferies sont régies par le droit traditionnel des communautés
considérées. Ces chefferies, offrent un cadre légalement
reconnu à l'autogestion, permettant aux peuples autochtones d'assurer le
contrôle, et de s'administrer eux-mêmes à l'aide de leurs
propres institutions.
De ce qui précède, il est à retenir que,
certes des droits relatifs à l'approche du développement
fondée sur les droits de l'homme sont reconnus et consacrés dans
la législation camerounaise, mais, ceux pour la plupart ne sont pas
reconnus spécifiquement aux peuples autochtones. De plus, aucun lien
n'est fait avec le droit au développement. C'est donc par extension que
les peuples autochtones peuvent se prévaloir de ces droits. Et
même en ce qui concerne le développement, ils ne sont pas
considérés au Cameroun comme des sujets à part
entière du droit au développement, ou comme des interlocuteurs
égaux dans la réalisation de celui-ci. Or, pour réaliser
le droit au développement, il faudrait que soient protégés
non seulement les droits instaurant les peuples autochtones comme des sujets du
développement, mais aussi ceux garantissant leur accès au bien
être.
Section 2 : La protection de l'«accès au
bien-être » dans la législation camerounaise
Les textes internationaux placent avec d'autres droits,
l'accès au bien être comme prioritaire dans la réalisation
du développement pour les peuples autochtones. Le développement
doit donc viser entre autre l'amélioration des conditions de vie des
populations autochtones sans discrimination ni inégalité (I).
Aussi, pour bénéficier de ce développement, il existe des
préalables qu'il convient de respecter (II).
I. L'amélioration des
conditions de vie sans discrimination
L'amélioration des conditions de vie des peuples
autochtones passe par leur garantie des droits socio-économiques, qui
contribue à la lutte contre la pauvreté (B). Mais, il est
impossible qu'ils jouissent de ces droits sans que les droits à
l'égalité entre tous et à la non-discrimination ne leur
soient aussi garantis (A).
A- L'égalité et la
non-discrimination
Le préambule de la Constitution du Cameroun consacre le
principe d'égalité en affirmant que : « Tous les
hommes sont égaux en droits et en devoirs. » Ainsi, quelque
soit la race, le sexe, la religion de tout un chacun, tous les citoyens
camerounais ont les mêmes devoirs et ont les mêmes droits. De la
même façon que, lorsqu'il est temps de tirer
bénéfice des programmes de développement, les peuples
autochtones doivent recevoir une part égale à celle des autres
peuples. Mais pour que cela soit réalisable, il convient de
protéger les droits des pygmées de manière
spécifique.
Au Cameroun, il existe des textes qui ont tendance à
considérer les peuples autochtones au même titre que les autres
communautés locales ce qui constitue une menace pour la
pérennité de ces groupes et par ricochet à leur
participation à la vie publique. Les droits des peuples autochtones
devraient être codifiés de manière spécifique et
particulière, mais pas généralisés avec ceux des
autres citoyens. Pourtant, aucun texte de loi en vigueur ne fait explicitement
cas de leur mise à l'écart en matière des droits de
l'homme. Il est important de relever aussi que ces derniers sont noyés
dans la généralité mais aussi dans l'oubli par les
politiques d'intégration mises en oeuvre au niveau national.
Cela a pour conséquence immédiate que les
discriminations qui émargeront seront de deux ordres : d'une part
celles perpétrées par le groupe dominant et d'autre part celle
émanant de l'Etat. En effet, cette absence de protection laisse libre
cours à toutes formes d'exploitation possible de la part du groupe
dominant. Mais, jusque là, les actions de lutte contre les
discriminations demeurent isolées et ponctuelles61(*).
A l'échelle nationale, l'absence de reconnaissance
officielle du statut d' « autochtone » aux pygmées
constitue la principale source de discrimination de ces groupes sociaux par
l'Etat camerounais. A ce jour, on note une adhésion sélective du
Cameroun aux instruments juridiques internationaux de protection des droits des
peuples autochtones62(*).
En dépit des conventions ratifiées, aucune mesure n'a
été prise en vue d'abroger, modifier, ou annuler des dispositions
juridiques discriminatoires à l'égard des peuples autochtones. Il
en est de même des mesures spéciales visant à leurs
garantir l'accès dans des conditions d'égalité à
l'exercice de leurs droits fondamentaux.
Toutefois, il convient de noter positivement
l'institutionnalisation d'une Direction de la Solidarité Nationale du
MINAS, subdivisée en Sous direction de Lutte contre l'Exclusion Sociale
et en Sous direction de la Promotion de la Solidarité Nationale, qui
constitue une avancée majeure dans le cadre de la protection des peuples
autochtones au Cameroun.
Dans ce contexte il est nécessaire de s'interroger sur
la situation de la protection des droits socio-économiques au
Cameroun.
B- Les droits
socio-économiques et la lutte contre la pauvreté
Tels qu'énoncés par la CADHP en son article 22,
les droits économiques et sociaux contribuant à
l'amélioration des conditions de vies des populations sont : le
droit au logement, le droit au travail, le droit à la santé et le
droit à l'éducation. Mais, comme observé plus haut,
l'environnement socio économique discriminatoire dans lequel vivent les
peuples autochtones du Cameroun ne favorise malheureusement pas la
réalisation de ces droits.
La Constitution du 18 janvier 1996 prévoit que
« Tout homme a le droit et le devoir de
travailler ». En outre, la loi n°92/007 du 14 Août
1992 portant Code du Travail précise en son article 2 que
« le droit au travail est reconnu à chaque citoyen comme
droit fondamental... ». Et, le travail forcé ou
obligatoire est sanctionné par le Code Pénal d'un emprisonnement
de cinq ans et par une amende de 10 000 FCFA à 500 000 FCFA ou de
l'une de ces peines seulement. Toutes ces dispositions consacrent le droit au
travail sur le plan interne, même si cela n'est pas spécifique aux
peuples autochtones. Cependant, l'on note l'absence de cadre assurant la mise
en oeuvre de ces dispositions en milieu rural, plus particulièrement au
sein des sociétés forestières qui emploient à la
fois les Bantous et les Pygmées.
Sur le plan de la santé, la loi n°96/03 du 04
janvier 1996 portant loi cadre dans le domaine de la santé consacre la
gestion décentralisée des ressources humaines,
financières, et matérielles affectées au système de
santé. De cette loi, il ressort que le système de santé
est basé au Cameroun sur le paiement à l'avance des consultations
et des médicaments.
Ces droits socio-économiques lorsqu'ils sont mis en
oeuvre ont pour but de contribuer à la lutte contre la pauvreté
à travers l'insertion des peuples autochtones dans le secteur social et
dans le circuit économique. Tel est le cas du Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DRSP)
élaboré pour concourir aux Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) auxquels a souscrit le Cameroun. Cette
stratégie à l'avantage d'être revue au fur et mesure de sa
mise en oeuvre pour plus d'efficacité. Le premier DRSP a
été finalisé en 2003 et modifié en 2007 dans le but
d'avoir : « une nouvelle version du DRSP qui mettrait
prioritairement l'accent sur la croissance et
l'emploi »63(*)
Des actions sont également entreprises dans le cadre de
partenariats entre l'Etat et les organismes de coopération à
travers la mise en oeuvre de projets de développement, c'est le cas du
Projet d'Appui au Développement Economique et social des Baka (PADES
Baka) mis en oeuvre dans le cadre d'un partenariat entre le Gouvernement
camerounais et la coopération technique belge afin d'améliorer
l'accès à la santé à travers la construction de
cases de santé , la fourniture de médicaments essentiels,
l'éducation sanitaire, l'amélioration du niveau d'instruction des
Baka des localités de Djoum, Mintom et Oveng... C'est également
le cas du projet Pro 169 du Bureau International du Travail (BIT) qui vise
à améliorer les politiques existantes en vue de garantir un
travail décent aux membres de communautés autochtones à
travers la publication d'études sur la législation nationale,
l'élaboration de stratégies visant la préservation des
droits coutumiers des peuples autochtones ainsi que des activités
contribuant à la reconnaissance de leurs droits fondamentaux.
C'est montrer à quel point la protection juridique est
limitée en matière de non-discrimination et de garantie des
droits socio-économiques. De ce fait, la lutte contre la pauvreté
pour l'amélioration des conditions de vie s'avère difficile. Or,
les peuples autochtones doivent obligatoirement tirer bénéfice de
la réalisation des programmes, chose n'étant possible qu'en
respectant des préliminaires indispensables.
II. La prise en compte des
préalables du droit au développement
Les préliminaires indispensables à la
réalisation du développement se résument en la
reconnaissance des droits fonciers et sur les ressources naturelles (A) et en
la réalisation des études d'impact environnemental (B).
A- Les droits fonciers et sur les
ressources naturelles
Les droits reconnus aux peuples autochtones relativement
à leurs terres le sont à travers la démarche
d'immatriculation. Depuis la réunification de l'Etat, l'immatriculation
est devenue le mode exclusif d'accès à la propriété
foncière. Pourtant, les conditions d'accès à
l'immatriculation sont extrêmement difficiles à remplir pour les
populations autochtones. En effet, elles ne peuvent obtenir l'immatriculation
de leurs terres que si elles les ont mises en valeur. L'article 11
alinéa 3 du Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005
portant modification et complément de certaines dispositions du
décret n° 75/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention
du titre foncier, frappe en effet d'irrecevabilité les demandes
d'immatriculation portant sur les terres libres de toute occupation ou de
toutes exploitations. La mise en valeur se réalise soit par
l'occupation, soit par l'exploitation. Or, dans le cas spécifique des
pygmées, elle leur enlève tout droit à l'immatriculation
et par conséquent tout droit à la propriété des
terres parce que leur mode d'habitation essentiellement nomade et leur mode de
vie, fait de chasse et de cueillette les empêche d'occuper ou d'exploiter
une terre. Cela contribue à détruire leur culture.
Toutefois, même pour les peuples autochtones qui sont
sédentarisés, la procédure d'immatriculation est
très pénible à suivre. La procédure
d'immatriculation des terres au Cameroun est prévue par le décret
n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre
foncier, modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005.
D'après ces deux textes, toute collectivité locale ou autochtone
ou membre de celle-ci qui veut transformer son ancienne
propriété coutumière en propriété ou plus
exactement qui veut récupérer sa terre confisquée par
l'Etat grâce aux ordonnances de 1972, doit constituer un dossier
comprenant : Une demande en quatre exemplaires dont l'original est
timbrée, indiquant ses noms et prénoms, filiation, son domicile,
sa profession, son régime matrimonial, sa nationalité, le nom
sous lequel l'immeuble doit être immatriculé ; la description
de l'immeuble (situation, superficie, nature de l'occupation ou de
l'exploitation, estimation de sa valeur, indication des charges qui le
grèvent) ; La demande signée ne doit viser qu'un seul
immeuble composé d'une seule parcelle. Si une route ou une
rivière traverse le terrain, celui-ci fait l'objet d'autant de demandes
qu'il y a des parcelles distinctes.
On le constate, la procédure est écrite, longue,
coûteuse, et exige beaucoup d'informations techniques et ne peut
être facilement suivie par les populations autochtones. Ainsi, ni le
procédé ni les droits accordés par ce texte de loi, ne
répondent de façon appropriée aux besoins de ces peuples.
De même, et alors que la loi écrite catégorise les terres
nationales en domaine public et domaine non public, quelques formes
coutumières d'usage et de possession sont tolérées.
L'accent, cependant, est mis sur l'occupation visible des terres et
l'utilisation productive de celles proposées pour l'immatriculation.
S'agissant des ressources naturelles, elles constituent
l'essentiel nécessaire à la survie des peuples autochtones. Au
Cameroun, il existe des mécanismes de sylviculture de la
communauté qui leur permettent d'avoir, même de façon
limitée, l'accès à certaines ressources. La politique
forestière de 1993 prévoit une plus grande implication des
communautés locales dans la gestion des forêts. La loi
forestière de 1994 et ses textes d'application organisent les
modalités de leur association aussi bien à la gestion des espaces
(forêts communautaires et territoires communautaires de chasse notamment)
que des ressources financières issues de l'exploitation industrielle du
bois (redevances forestières). L'exemple le plus frappant de gestion des
ressources naturelles est celui de la forêt communautaire. Car, selon la
loi forestière du 20 janvier 1994, Les produits forestiers de toute
nature résultant de l'exploitation de la forêt communautaire
appartiennent entièrement à la communauté (loi, art 37(3)
et 67(2). L'exploitation peut se faire soit en régie, soit dans le cadre
d'un contrat de sous-traitance (loi, art. 54).
Ainsi, les dispositions légales sur la
communauté forestière au Cameroun témoignent du fait que
la législation ne tient souvent pas compte de la situation
spécifique des peuples autochtones et de l'attitude discriminatoire
envers leurs modes de vie. Elles rendent, par conséquent, difficile
sinon impossible toute retombée positive de telles dispositions sur ces
communautés.
B- L'étude d'impact
environnemental
La Constitution du Cameroun prend position en faveur des
questions environnementales dans son Préambule :
« Toute personne a droit à un environnement sain. La
protection de l'environnement est un devoir pour tous. L'Etat veille à
la défense et la promotion de l'environnement. » A la
suite de telles dispositions, l'étude d'impact environnemental a
été intégrée dans la législation et les
normes réglementaires de l'Etat.
Le seul texte législatif spécifique aux
études d'impact environnemental est la loi n° 96/12 du 05
août 1996 relative à la gestion de l'environnement et est de ce
fait la législation de base en matière des études d'impact
environnemental au Cameroun. A l'exception de la loi n° 94/01 portant
régime de la forêt, faune et pêche qui est antérieure
à la loi ci-dessus citée, les autres lois, s'appuyant sur cette
loi dite Loi-cadre, en font référence et lui sont
postérieures. La loi-cadre réserve un Chapitre entier aux
études d'impact environnemental64(*) et institue les études d'impact pour
«tout projet d'aménagement, d'ouvrage, d'équipement ou
d'installation qui risque, en raison de sa dimension, de sa nature ou des
incidences des activités qui y sont exercées sur le milieu
naturel, de porter atteinte à l'environnement». Elle est
complétée par une série de lois65(*) et règlements66(*) relatifs à
l'étude d'impact environnemental.
Mais, malgré l'existence de tous ces textes, aucun ne
consacre d'études d'impact pour l'environnement des peuples autochtones,
afin d'évaluer l'incidence des programmes et projets de
développement sur leurs cultures, mode de vie, religion,
économie, etc. Les textes se concentrent en majorité sur la
protection de l'environnement, mais pas forcément en rapport avec les
populations autochtones. De ce fait, cette lacune juridique ouvre la voie
à de nombreuses violations des droits des peuples autochtones.
Que ce soient les droits fonciers, les droits sur les
ressources naturelles ou les études d'impact environnemental, ils sont
consacrés par les législations camerounaises, mais pas de
manière spécifique pour les peuples autochtones.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
La Communauté internationale est extrêmement
préoccupée par le respect des droits des peuples autochtones.
Cela se manifeste par les nombreuses dispositions édictées pour
assurer leur protection et garantir leur développement de manière
spécifique. Ainsi, sur la scène internationale, la reconnaissance
du droit au développement au profit des pygmées baka en tant que
peuple autochtone est assurée. Certes, les instruments les plus
pertinents en la matière tels que la DDPA et la C169 sont dans le
premier cas non contraignants et dans le second, pas encore ratifié par
le Cameroun. Mais, la CADHP elle aussi consacre le droit au
développement et a valeur contraignante, même si elle ne traite
pas spécifiquement des peuples autochtones.
L'on constate toutefois qu'en dépit du cadre juridique
international dans lequel le développement est reconnu de façon
spécifique aux pygmées baka en tant que peuples autochtones, le
Cameroun demeure à la traîne en ce qui concerne la reconnaissance
non seulement du droit au développement, mais aussi des droits y
afférents. En effet, comme le prévoient les textes
internationaux, assurer le développement aux peuples autochtones
implique que l'Etat camerounais doit leur garantir un certain nombre de
prérogatives dans le respect de la dignité humaine et dans le
souci de leur permettre d'accéder au bien être. Au Cameroun,
aucune différence n'est opérée entre le groupe dominant et
eux, car dans l'élaboration et l'énoncé de ces lois, leurs
spécificités ne sont pas prises en compte.
Certes, un effort a été fait par l'Etat en
affectant au Service de l'Encadrement des Populations marginales du MINAS la
charge de s'occuper des peuples autochtones. Mais, sans la protection juridique
adéquate, l'on ne peut que s'interroger sur les moyens qu'utilisera ce
service pour atteindre ses objectifs. La reconnaissance implicite d'un droit au
développement s'observe par ailleurs à travers la prise en compte
de la problématique des peuples autochtones dans l'élaboration
des programmes, politiques et projets de développement, par les
différents acteurs tels que la société civile, et les
autres acteurs privés (Eglises, etc.). Dans ce contexte juridique, il
convient de se pencher sur l'état d'application du droit au
développement chez les pygmées baka de l'Est qui donne lieu
à une mise en oeuvre partielle de ce droit.
SECONDE PARTIE :
LA MISE EN OEUVRE
PARTIELLE DU DROIT AU DEVELOPPEMENT PAR LES PYGMEES BAKA De l'EST
Reconnus sur les scènes internationale et
nationale comme « peuples autochtones » et
« populations marginales », les pygmées Baka de la
région de l'est doivent eux aussi jouir du droit au développement
et bénéficier des actions qui sont menées dans leurs
régions. Mais, la question importante qui se pose dans le cadre de leur
développement est celle de savoir si c'est à leur
société de s'adapter au développement ou au
développement d'apporter à leur société ce dont
elle peut avoir besoin. Cette question fait l'objet de nombreux débats
et discussions auprès des acteurs de développement
observés dans les sites d'études.
Les pygmées sont dispersés dans
différentes zones de la province de l'Est Cameroun, notamment dans les
départements du Haut-Nyong et de la Kadey. Cette étude s'est
limitée à la région du Haut-Nyong, située à
4° de latitude Nord et 13° de longitude Est. L'intérêt
s'est porté sur la région d'Abong Mbang, située à
224 km à l'est de Yaoundé. Plus précisément, les
villages Missoumé et Kwamb ont fait l'objet de cette étude,
situés à 15 et 18kms au sud d'Abong Mbang. Les Maka constituent
le groupe bantou voisin de ces campements.
Pour la collecte des données qui seront
présentées dans ce travail, il a été
nécessaire de procéder d'une part à la recherche
documentaire. D'autre part, des entretiens se sont avérés
indispensables pour compléter et actualiser les données issues
des lectures. A cet effet, il a paru judicieux de rencontrer le chef de village
de Missoumé, un représentant des jeunes, l'enseignant de
l'école de Missoumé, un responsable du MINAS et les responsables
des ONGs oeuvrant activement pour le développement des pygmées
baka dans cette localité.
C'est fort des données recueillies et de l'observation
pratiquée qu'il est apparu que les pygmées baka jouissent de
manière relative du droit au développement dans la région
de l'est du Cameroun (Chapitre I). Or, cela découle du fait que
cette mise en oeuvre est limitée et sujette à de nombreuses
difficultés (Chapitre II).
Chapitre I:
La
jouissance relative du droit au développement par les pygmées
baka de l'est du Cameroun
Les acteurs du développement ont pour objectif de
permettre aux pygmées baka de bénéficier des programmes et
projets de développement qui sont mis en oeuvre dans leurs
régions d'habitations, leur permettant ainsi de jouir du droit au
développement. Mais, cette jouissance demeure relative, du fait d'une
part de la primauté accordée à l'accès au bien
être (Section 1) et d'autre part, de l'impact des actions et des
tendances timides de prise en compte de la dignité humaine des baka
(Section 2).
Section 1: La primauté accordée à
l'accès au bien être
Le développement vise l'amélioration des
conditions de vie des populations cibles. Toutefois, les acteurs du
développement au Cameroun et dans la localité de Kwamb mettent un
accent prononcé et particulier sur l'accès au bien être des
pygmées baka. Cela se fait par la mise en oeuvre des droits
socio-économiques. Ainsi, l'on observe des changements sur le plan
social (I) et une amélioration du cadre économique (II).
I. Les transformations sur le
plan social
Les changements que connaît le vécu social des
pygmées baka de Kwamb s'observent dans un premier temps, à
travers l'éducation et la citoyenneté (A), et dans un second
temps par l'accès aux soins de santé et à l'eau potable
(B).
A- L'éducation et la
citoyenneté
A travers l'action des ONG et des missionnaires, les
pygmées baka de la région de Kwamb ont connu des
améliorations visibles dans les domaines de l'éducation et de la
citoyenneté.
En ce qui concerne l'éducation, les pygmées baka
du village de Missoumé bénéficient de l'implantation en
plein campement d'une école d'éducation de base, à cycle
incomplet (voir annexe n°4). Les classes vont de la SIL67(*) au CE168(*). C'est une initiative de
l'association des missionnaires catholiques ASEDEF69(*), répondant aux besoins
des parents pygmées face aux traumatismes que subissaient leurs enfants
en fréquentant les écoles bantous. En effet, en
fréquentant ces écoles bantous, les enfants baka subissaient des
cas de viols, toutes sortes de discriminations, des injures et moqueries et
étaient constamment battues par les enfants bantous. Ils revenaient donc
traumatisés de ces écoles. C'est pour cette raison que les
missionnaires, ont implanté cette école au sein du village de
Missoumé réservée aux élèves baka. Ceux-ci
ont contribué à sa construction en fournissant du sable, des
briques de terre et leur force de travail.
Cette école est composée de deux salles de
classe accueillant trois niveaux scolaires70(*). 52 élèves y sont inscrits pour le
courant de cette année scolaire, tel que réparti dans le tableau
suivant :
|
|
|
SIL
|
CP
|
CE1
|
|
|
|
Garçons
|
filles
|
garçons
|
filles
|
garçons
|
filles
|
|
|
|
10
|
16
|
05
|
07
|
09
|
05
|
TOTAL /52
|
26
|
12
|
14
|
Ce tableau montre que les filles ne sont pas laissées
de côté dans le domaine de l'éducation. Elles y sont
actives et plus présentes que les garçons. Le programme des cours
respecte scrupuleusement celui défini par le MINEDUB et est identique
à celui des bantous. Les cours se déroulent en français,
mais la langue baka est souvent utilisée en dernier recours par
l'enseignant lorsqu'un élève a des difficultés de
compréhension. Par ailleurs, les missionnaires usent de cette influence
pour promouvoir et inculquer aux enfants baka la religion chrétienne
catholique. C'est ainsi que les chants qui sont enseignés dans cette
école sont des chants religieux. Il y est introduit des leçons de
catéchèse dans les programmes d'enseignement et les
journées de classe débutent par la récitation des
prières. Le maître d'école, titulaire d'un BEPC71(*), s'occupe simultanément
des trois classes durant la journée allant de 7h30 à 14h30. Tout
le matériel pédagogique (cahiers-livres-ardoises-craies-crayons)
est fourni par l'ASEDEF, contre la somme de 5000FCFA par
enfant, exigée à chaque parent comme frais d'inscription.
Cela constitue une dépense lourde pour ces populations très
pauvres. Certains enfants du village de Missoumé désireux
d'achever leur cycle primaire se rendent à Kwamb situé à
moins d'une trentaine de minutes de marche à pied.
À propos de la citoyenneté, les ONG actives
dans l'arrondissement d'Abong Mbang à savoir le CADDAP et PLAN Cameroun,
ont oeuvré pour que les baka du village de Missoumé et d'autres
villages obtiennent des cartes nationales d'identité et des
pièces d'état civil. De plus, elles ont organisé des
campagnes de sensibilisation pour renseigner les baka sur l'importance de
l'accès à la citoyenneté et sur les moyens d'obtention des
cartes nationales d'identité et des pièces d'état civil.
Ainsi, les Baka de Missoumé sont depuis le début de
l'année 2000 suffisamment informés de la qualité des
pièces exigées de chaque camerounais par le gouvernement et de
la façon de les obtenir. La majorité des baka sont, grâce
aux actions des ONG précitées, recensés comme citoyens
Camerounais à part entière et sont détenteurs d'actes de
naissance, et de pièces d'identité. Mais, ils rencontrent
souvent de l'opposition de la part des autorités municipales qui
refusent même de signer des actes de naissance quand ils s'y rendent sans
être accompagnés par un représentant de CADDAP ou de PLAN
Cameroun. Les pièces d'identité qu'ils obtiennent leur permettent
de prendre part aux diverses consultations électorales en tant
qu'électeurs, mais jamais comme candidats.
Sur les plans de l'éducation et de
l'accès à la citoyenneté, de réels changements ont
donc été opérés dans le village de Missoumé,
en vue de permettre aux baka d'améliorer leur condition de vie. Ils ne
sauraient pourtant en bénéficier sans jouir d'une bonne
santé.
B- L'accès aux soins de santé et à
l'eau potable
Dans le domaine de la santé, le village de
Missoumé dispose d'un centre se santé situé à 3
Kilomètres dans le village de Kwamb. C'est en fait le centre de
santé de la léproserie, mais il est ouvert à tout le
monde. Cette léproserie créée en 1934, est l'oeuvre des
missionnaires catholiques. Elle dispose des services d'un infirmier
diplômé d'Etat et de deux aides soignants. L'infirmier a mis sur
pied des relais médicaux. Ce sont des personnes (baka) qui sont
formées par lui, capables d'intervenir directement auprès des
malades en cas d'urgence, sans besoin de gagner le centre de santé. Ils
ont pour cela à leur disposition, le matériel permettant de
prodiguer les soins de première nécessité. Ce n'est que
lorsqu'une maladie est grave que le malade est transporté au centre de
santé, ou en urgence à Abong Mbang.
Malgré la proximité du centre de santé,
les pygmées baka ne s'y rendent qu'en cas d'extrême urgence,
c'est-à-dire lorsque leurs médicaments ne font plus effets. Cela
s'explique sans doute par le fait que le centre de santé n'a pas
intégré les dynamiques sociales et culturelles des baka. Ils ne
refusent pas le type de médecine qui leur est proposé, mais
celui-ci semble se développer dans la négation et la
compétition avec les connaissances médicales de ce groupe qui
connaît si bien les vertus des plantes. Un baka malade peut passer des
jours entiers souffrant dans sa case, en refusant catégoriquement de se
rendre au centre de santé. De la même façon, sous
l'influence de leur culture, les femmes baka préfèrent accoucher
chez elles au lieu d'aller dévoiler leur nudité à un homme
qui n'est pas leur mari. Même celles qui sont émancipées et
qui ont reçu une éducation scolaire gardent ce principe.
Pourtant, des efforts sont faits pour que même les médicaments qui
sont vendus le soient à un prix bas et accessible à tous. Le
comprimé de paracétamol coûte par exemple 5FCFA au lieu de
25FCFA dans les villes. Mais, pour répondre aux préoccupations
des baka en matière de santé, le CADDAP les a encouragés
à créer des mutuelles de santé. Ainsi, l'argent qu'ils
tirent de leurs activités génératrices de revenus sert
à alimenter une caisse dont les sommes sont reversées au centre
de santé. Cela permet aux baka de bénéficier d'une prise
en charge lorsqu'il veut se rendre au centre de santé pour obtenir des
soins.
En matière d'accès à l'eau potable, les
baka de Missoumé disposent depuis 1997, d'un puits avec une pompe
hydraulique au coeur même du campement (voir annexe n°4). Cela s'est
avéré indispensable, au regard de toutes les maladies dont
souffraient les baka telles que la diarrhée. Le CADDAP a dès lors
procédé à une campagne de sensibilisation pour renseigner
et convaincre les baka sur la nécessité de consommer et
d'utiliser de l'eau potable. Cette expérience a été
concluante, car selon le témoignage des baka, les sources qu'ils
utilisaient avant pour se procurer de l'eau ont été
abandonnées.
En matière d'accès à l'eau potable, les
baka de Missoumé disposent depuis 1997, d'un puits avec une pompe
hydraulique au coeur même du campement (voir annexe n°4). Cela s'est
avéré indispensable, au regard de toutes les maladies dont
souffraient les baka telles que la diarrhée. Le CADDAP a dès lors
procédé à une campagne de sensibilisation pour renseigner
et convaincre les baka sur la nécessité de consommer et
d'utiliser de l'eau potable. Cette expérience s'est avérée
concluante, car selon le témoignage des baka, les sources qu'ils
utilisaient avant pour se procurer de l'eau ont été
abandonnées.
Par ailleurs, le CADDAP procède
régulièrement avec l'appui du personnel sanitaire à des
campagnes de sensibilisation sur l'hygiène et la salubrité au
sein du village. A cet effet, des latrines améliorées ont
été construites (voir annexe n°4). D'autres campagnes
portant sur la collaboration des guérisseurs traditionnels avec les
infirmiers, la nécessité pour les femmes enceintes de se faire
suivre régulièrement au centre durant leur grossesse, les
méfaits de la malnutrition sont menées, afin d'inciter les baka
à changer de mentalité et à adopter des comportements
différents.
Sur le plan social, les pygmées baka de Missoumé
voient leur mode de vie changer. Ainsi, pour s'adapter à ces
changements, ils sont tenus de modifier aussi leurs pratiques
économiques.
II. L'amélioration du
cadre économique des pygmées baka
Devenus sédentaires, les baka ont compris
qu'ils doivent comme tous les autres citoyens camerounais, gagner leur pain en
travaillant. De ce fait, ils tirent leurs revenus d'une part des emplois et
travaux qu'ils effectuent (A) et d'autre part des activités
génératrices de revenus (B) qu'ils mènent.
A- Le travail et l'accès à l'emploi chez
les baka
Des entretiens avec les communautés baka, il ressort
que celles-ci connaissent de sérieuses difficultés à
trouver des emplois stables, dignes et rentables dans la société.
En effet, il existe une telle discrimination à l'égard des
pygmées, à tel point que ceux même qui ont réussi
à « percer » et à obtenir de bons emplois
dissimulent leur identité de pygmée baka à la
société. Leurs frères restés au village ne peuvent
donc pas bénéficier de leur aide. C'est le cas d'un baka qui est
adjudant chef dans l'armée camerounaise, et de deux étudiants de
l'Université Catholique d'Afrique centrale, qui s'attèlent
à ne pas révéler leur identité aux autres membres
de la société sous peine de se voir exclus et
marginalisés.
Les pygmées en général sont
considérés par la société comme des
« sous-hommes », des indigènes qui sont
dépourvus de toute civilité et qui ne méritent pas
d'accéder à un quelconque statut dans la société.
C'est ainsi que dans l'arrondissement d'Abong Mbang où l'on retrouve de
nombreux pygmées baka, et aussi ceux qui ont été
scolarisés, il n'en existe pas un seul qui soit employé à
la mairie, ni dans aucune autre institution. Même les travaux les plus
simples leur sont refusés tels que le ménage ou le gardiennage.
L'Etat, qui se déclare protecteur et promoteur des droits des peuples
autochtones donc des pygmées baka ne les emploie pas.
Bien plus, lorsque les baka produisent leurs efforts pour
gagner honnêtement leur vie, leurs efforts sont anéantis par les
bantous. C'est le cas de la Directrice de l'ONG CADDAP qui, pour vivre et
gagner sa vie, a ouvert un « snack-bar » au centre ville
d'Abong Mbang. Mais, depuis l'ouverture de ce centre de détente et de
gastronomie, elle a été l'objet de plusieurs cambriolages et de
plusieurs menaces de la part des bantous voisins. Ils lui demandent ouvertement
de fermer son établissement et la narguent en lui intimant l'ordre
d'avoir recours à la sorcellerie pour qu'ils arrêtent. Elle est
donc obligée de renouveler à chaque fois son stock de
marchandises. Les baka sont de ce fait persécutés par les bantous
et reçoivent le plus souvent des injures ouvertement. Les bantous
perçoivent le terme et la condition «pygmée »
comme des injures potentielles.
Cet état de fait pousse les baka à se laisser
employer par les bantous, qui leur offrent des emplois en tant que
ménagères, gardiens, ou ouvriers dans les plantations. Mais, de
par leur naïveté, les baka se font la plupart de temps exploiter
par les employeurs. Ces derniers les trompent facilement avec des sachets
d'alcool et ne les paient pas au rendement du travail effectué. En
outre, c'est au cours des exploitations forestières que les baka sont
employés en tant que guides ou en tant que main d'oeuvre pour les jeunes
qui doivent transporter le bois de la forêt jusqu'au lieu de transport.
Leur salaire n'est toutefois pas consistant, considérant le poids des
pièces, car s'élève à 1200 F/pièce. Mais,
les exploitants forestiers avant d'entamer la mise en oeuvre de leurs projets,
remettent des cadeaux aux baka qui sont le plus souvent constitués de
nourriture et d'alcool. A Missoumé en particulier, ils ont offert un
téléviseur, connecté à une antenne parabolique,
leur permettant d'être plus ouverts au monde extérieur. Mais,
depuis cinq ans, ce téléviseur est en panne sans qu'il trouve des
personnes désireuses de la réparer. De plus, ils promettent en
retour de leur reverser leur part prévu de la RFA, promesse pas souvent
tenue.
C'est conscients de cette réalité qu'ils ont
axé leur économie sur les activités
génératrices de revenus.
B- Les activités génératrices de
revenus
Les activités pratiquées par la population Baka
de la zone d'étude sont dominées par la chasse pratiquée
par 94,1% des personnes, la cueillette 91,6%, la pêche 89,7%,
l'agriculture 89,2%, le petit élevage 42,9% et l'artisanat 3,4%72(*). Toutefois l'activité
principale qui permet de gagner de l'argent est l'agriculture.
Avec l'appui du CADDAP et des experts du MINADER, les baka ont
reçu des des formations en techniques agricoles, leur permettant de se
livrer de leur propre initiative à l'agriculture. De plus, des GIC ont
été créés, comprenant un comité de gestion
constitué des membres de la communauté baka. Dans le village de
Missoumé, le GIC AFEME est très actif. Les baka disposent d'un
champ communautaire qu'ils exploitent en y cultivant des produits tels que le
maïs, la banane-plantain, et l'arachide. Mais, la présence du champ
communautaire ne dispense pas les membres du GIC d'avoir leurs propres
plantations. C'est d'ailleurs une des conditions d'adhésion au GIC. Leur
pratique de l'agriculture est satisfaisante, mais ils ont de sérieux
problèmes pour écouler les produits. Ils sont obligés pour
la plupart de se rendre à Abong Mbang à moto dans l'espoir
d'écouler la marchandise.
Aux côtés de l'exploitation agricole, ils
pratiquent aussi l'élevage et particulièrement l'élevage
des poulets. Le CADDAP reste étranger dans la gestion des
activités du GIC, mais celui-ci est tenu de rendre tout de même
compte au cours de rencontres appelés « réunion de mise
à niveau ». C'est au cours de ces réunions que les
conseils sont donnés par les experts pour améliorer la
rentabilité et la gestion du GIC au sein du village. Lors du dernier
bilan, le GIC contenait dans ses caisses déjà plus d'un million
de francs CFA. Cet argent est conservé dans la caisse communautaire et
sert non seulement à alimenter l'achat du nouveau stock de production
(poussins, engrais, graines), mais aussi à alimenter la mutuelle de
santé et la boutique communautaire. Cette dernière a
été construite par une ONG dans le but de fournir aux baka de
Missoumé des produits de première nécessité, leur
évitant ainsi la pénible tâche de se rendre en ville pour
se ravitailler.
Pour ce qui est de la cueillette et du ramassage, c'est une
activité féminine qui permet de ravitailler les bakas en ignames
sauvages, mangues sauvages (fruits et amandes), champignons, feuilles
d'emballage de bâtons de manioc, poteaux et nattes de raphia pour
construire, et en chenilles, escargots, et bois de chauffe. Les hommes
pratiquent la cueillette de miel. Les produits sont saisonniers et la non
maîtrise de la production soumet les baka à la «grâce
de la nature». En cas d'abondance, ils éprouvent beaucoup de
difficultés de conservation et de transformation des produits de la
cueillette et du ramassage qui constituent un complément dans
l'occupation des Baka. La domestication de certaines cultures et l'apiculture
constituent des opportunités certaines pour les Baka.
Concernant la chasse, elle est une activité
liée à l'existence de la forêt et réservée
surtout aux hommes. Les produits de la chasse permettent les échanges
contre les vivres, l'alcool, une partie est vendue contre espèces. Mais,
du fait des restrictions réglementaires et de l'adoption d'autres
systèmes de production, cette activité connait des freins et
n'est plus pratiquée comme le faisaient les ancêtres baka.
Le domaine économique des baka tel qu'on le constate, a
connu des changements importants. Ils se sont tournés vers de nouvelles
stratégies de production et d'acquisition de revenus. Il en est de
même sur le plan social, où les baka ont adopté de nouveaux
modes de vie au nom de l'amélioration des conditions de vie et de la
lutte contre la pauvreté. Il convient de relever que ces changements
émanent de l'action des ONG et des missionnaires. L'Etat camerounais n'a
mis en place aucune politique permettant le développement des
pygmées baka de l'Est Cameroun. Il se contente de poser des actions
ponctuelles telles que la remise de dons et de matériel agricole aux
pygmées baka lors du 9 août 2009 à l'occasion de la
JIPAII73(*).
Mais le droit au développement ne se limitant pas
à ce domaine, il est nécessaire de se pencher sur la prise en
compte de la dignité humaine des baka et sur l'impact des actions
d'amélioration de leurs conditions de vie.
Section 2: Les tendances timides de prise en compte de la
dignité humaine des baka et l'impact des actions de
développement
Il est question de traiter des tendances timides de prise en
compte de la dignité humaine des baka et d'évaluer l'impact des
actions de développement sur leurs spécificités, leur
identité et tout ce qui constitue leur particularité. Pour ce
faire, il convient de prime abord de présenter les efforts
limités de considération des baka comme sujets du droit au
développement (I). Ensuite, il sera judicieux de relever les
conséquences des actions de développement sur les pygmées
baka (II).
I. La prise en compte
limitée des baka comme sujets du droit au développement
Le droit au développement présente les
pygmées baka comme non seulement des bénéficiaires du
développement, mais aussi comme des sujets de leur développement.
A ce titre, ils doivent être impliqués dans la réalisation
de leur développement (A) et ont droit au respect de prérogatives
indispensables à cette réalisation (B).
A- L'implication des
pygmées baka à la réalisation de leur
développement
Pour être impliqués à la
réalisation de leur développement, les baka doivent avoir le
contrôle sur leur développement économique, social,
culturel et participer pleinement aux phases des projets de
développement. S'agissant du contrôle sur leur
développement, il ne peut que se faire à l'aide de leurs propres
institutions qu'ils auront au préalable instaurées. Cela renvoie
au problème relatif aux chefferies, car les chefs baka, à
l'instar de celui de Missoumé, ne sont pas reconnus comme tels par
l'Administration camerounaise. Les raisons avancées par les responsables
du MINAS rencontrés tournent autour des conditions de non-remplissage
des critères prévus par l'Etat, tels que la démographie,
les infrastructures, l'éloignement par rapport au centre urbain. Or,
Missoumé compte 350 habitants, ne dispose pas d'infrastructures
importantes et est situé à 8 km du district de Mandouma. La
communauté de Missoumé est donc rattachée à celle
de Mandouma. Pourtant, les habitants de Mandouma sont des bantous, et ne
sauraient défendre efficacement et équitablement les droits des
baka.
C'est donc sous la pression des ONG actives dans la
région que le « campement74(*) » de Missoumé a été
reconnu comme étant un village. Malgré cet effort, une chefferie
de 3eme degré75(*)
n'a toujours pas été installée. C'est-à-dire que le
chef de Missoumé n'est toujours pas reconnu comme tel par
l'Administration camerounaise, sans doute en raison de la suspension depuis
2001, de la loi sur la création des chefferies au Cameroun. Pourtant, il
est indispensable que le chef du village soit reconnu pour qu'il puisse
représenter son village et puisse être impliqué dans les
affaires qui concernent les baka, mais aussi l'arrondissement tout entier.
C'est par cette implication que les baka pourraient contrôler leur
développement.
S'agissant de la participation aux phases de
développement, les entretiens menés au cours de cette
étude poussent à affirmer qu'elle est relative. En effet, les
acteurs du développement le plus souvent demandent le consentement des
baka en le monnayant (c'est le cas des exploitants forestiers). Un effort est
néanmoins fourni, en ce qui concerne le recensement des besoins
prioritaires des baka avant de poser des actes. Mais, le plus souvent, ces
campagnes de recensement des besoins se transforment en campagne de
sensibilisation sur la nécessité de demander tel ou tel
matériel, et de l'utiliser. Ainsi, les besoins qui sont parfois
présentés émanent au fond des acteurs de
développement. Les baka se contentent de répéter ce qu'on
leur a enseigné, parce qu'ils se disent que c'est nécessaire pour
eux. Dans la mise en oeuvre des projets, ils sont impliqués, mais le
plus souvent leur action se limite à la main d'oeuvre. Le processus de
décision leur est encore inconnu.
Dans ce contexte, il convient de saluer l'initiative
du CADDAP, qui représente à la fois un modèle de
participation et de contrôle sur le développement des baka de
l'Est. En effet, la Directrice du CADDAP est une baka, mais n'agit qu'en tant
que Secrétaire exécutif de l'Assemblée
Générale du CADDAP. Le président de l'Assemblée
Générale est lui aussi un baka, et il y en a d'autres dans le
bureau de l'Assemblée Générale. Ainsi, lorsqu'un
financement est accordé par les bailleurs de fonds au CADDAP,
l'Assemblée Générale se réunit afin de
décider de son utilisation. Les membres de l'Assemblée
Générale ont alors le devoir de se rendre dans leurs villages
respectifs afin de recueillir les doléances et les besoins des
communautés à travers des réunions et des cadres de
concertation. Ils sont ainsi le relais entre le CADDAP et les populations baka.
De ce fait, les programmes sont définis, élaborés, mis en
oeuvre et évalués avec l'implication des baka, car en fonction de
leurs compétences, ils sont employés et
rémunérés, dans le strict respect de leur personne par les
bantous travaillant à leurs côtés. Dans cette ONG, l'on
constate que les baka ont atteint le niveau de participation relatif à
la prise de décision, et même à la prise d'initiatives. De
ce fait, les actions entreprises ont plus de chances de porter du fruit,
à condition que soient respectés en amont les préalables
du droit au développement.
B- Le non-respect des préalables du droit au
développement
Dans le but de réaliser un développement
fructueux au profit des pygmées baka, il faudrait réunir les
conditions leur permettant de devenir autonomes et de s'autogérer. De
plus, la réalisation des études d'impact des projets doit
être effective.
Avec les champs communautaires et la création des GICs,
les pygmées baka sont sur la bonne voie pour accéder à
l'autonomie et s'autogérer sans plus dépendre autant des
organismes de développement. Mais l'une des étapes fondamentales
par laquelle les baka doivent passer pour atteindre cette autonomie est
l'accès aux terres et aux ressources naturelles. Comme
démontré plus haut, les ressources naturelles et les terres des
baka constituent des piliers dans leur vie, et le centre de leur
économie, d'où l'importance de considérer la relation au
sol de l'agriculteur baka. Mais, malgré le privilège apparent que
présentent les textes, les pygmées peuvent difficilement obtenir
une forêt communautaire pour les raisons suivantes76(*) : Une des conditions
préalables pour l'acquisition d'une forêt en communauté
est la désignation d'un établissement juridique
représentatif de la communauté. En outre, la demande d'une
forêt en communauté est complexe et requiert un certain nombre
d'impératifs techniques, incluant une carte des lieux et un plan de
gestion. Les communautés autochtones n'ont souvent pas un niveau
d'éducation suffisant pour pouvoir remplir ces conditions ; La
forêt en communauté ne peut être acquise que si la
communauté qui en fait la demande jouit de droits coutumiers
préexistants sur la terre. Généralement, les
communautés autochtones, vivant le long des routes, n'ont aucun droit
coutumier à la terre parce que ce sont les communautés bantoues
qui s'en emparent. Dans la réserve permanente de la forêt,
où les autochtones sont susceptibles de revendiquer des droits
coutumiers, la loi n'autorise pas de forêts en communauté. Ainsi,
les populations autochtones sont exclues, de façon quasi
systématique, des bénéfices de tels droits ; La
taille maximale autorisée d'une forêt en communauté est de
5000 hectares. Elle est insuffisante pour les communautés autochtones
qui emploient souvent de plus grandes surfaces pour leurs activités de
subsistance dans un mode de vie nomade ou semi-nomade.
De plus, les baka connaissent des problèmes fonciers du
fait qu'ils revendiquent l'ancienneté sur les terres qu'ils occupent en
même temps que les bantous. Les baka du village de Missoumé se
sont sédentarisés dans le village Kwab depuis plus de 40 ans. Ils
seraient venus de Yokadouma grâce à l'intervention d'un
prêtre blanc et se seraient installés dans la forêt de
« Siee » à une trentaine de kilomètres de
Kwamb, avant de s'établir définitivement à Kwamb.
Néanmoins, les pygmées baka sont considérés comme
des étrangers sur le sol qu'ils habitent. Ils sont
présentés comme les derniers venus, des intrus qui se sont
installés sur un sol qui ne leur appartenait pas. De plus, les
éléments qu'ils considèrent généralement
comme marqueurs du territoire n'ont jamais été pris en compte, ni
par les peuples agraires, ni par l'Etat et ses services. La
sédentarisation des pygmées les pousse à s'installer sur
les mêmes espaces que les agriculteurs, ou sur des espaces
convoités par ceux-ci, ou encore considérés comme
réserves foncières pouvant permettre une extension de leurs
activités. Or, les bantous constituent des unités sociales plus
denses, mieux organisées et alphabétisées. Ils ont un bon
rapport avec l'Administration, d'où l'expulsion des pygmées des
terres qu'ils occupent. Or, le meilleur moyen pour leur permettre de se
réaliser et d'être autonomes c'est de leur garantir le droit sur
leurs terres et l'accès aux ressources naturelles.
Par ailleurs, les pygmées baka souffrent
énormément du manque de réalisation des études
d'impact environnemental. Les textes existent, mais dans la pratique, la
réalité est tout autre. La plupart des projets qui sont mis en
oeuvre et qui ont le souci de respecter les lois et règlements
réalisent des études pour mesurer l'impact sur l'environnement.
Or, concernant les pygmées, il est impératif de mesurer les
impacts sur leurs culture, religion, mode de vie, et sur tout ce qui constitue
leur particularité. A ce jour, le CADDAP enregistre de nombreuses
plaintes provenant des populations pygmées, qui font état de
destruction de leurs richesses par les exploitants forestiers ou miniers. Et
même pour les projets les concernant directement, les études
d'impact sur leurs modes de vie ne sont pas souvent réalisées.
Mais, le problème dont souffrent réellement les pygmées
baka et en particulier ceux de Missoumé est qu'ils sont
vulnérables et regardent souvent des exploitants forestiers qui
mènent leurs activités de manière illégale. Ils le
leur permettent habituellement car ces derniers leur donnent de la nourriture
et leur promettent de l'argent. Mais, il y a eu des cas où il a fallu
l'intervention des autorités pour que leurs droits soient
respectés. Des élites du pays s'y sont rendues afin de couper le
bois de manière illégale et sans autorisation. Par leurs
activités, ils détruisaient les plantations des baka, et
nuisaient à leur environnement social, économique et culturel. Il
a fallu que le CADDAP saisisse les autorités haut placées pour
que ces élites soient priées de se retirer. Les baka sont
pourtant chaque jour exposés à ce type de dangers.
Les baka sont, de ce qui précède, difficilement
considérés comme des acteurs à la réalisation de
leur développement. Le plus souvent des efforts sont faits dans le sens
d'une consultation au préalable, mais ils se limitent à cela,
sans que les baka puissent véritablement se sentir impliqués dans
la réalisation de leur développement. De même, les droits
préalables qui doivent leur être reconnus et appliqués
tardent à l'être, les plongeant ainsi dans une
vulnérabilité totale et entraînant un certain nombre de
conséquences.
II. Les conséquences des
actions de développement sur les pygmées baka
Telles que menées au Cameroun, les actions de
développement ont plusieurs conséquences sur les pygmées
baka, mais il convient d'en relever deux plus importantes permettant de
percevoir l'impact de ces actions. Il s'agit de la dépendance
vis-à-vis des donateurs (A) et l'acculturation (B).
A- La dépendance vis
à vis des donateurs
Les pygmées baka de Missoumé et de l'Est
Cameroun en général, bénéficient de financements
importants émanant des bailleurs de fonds divers, nationaux et
internationaux tels que les ONG, les organismes d'appui au développement
et des Eglises, les catholiques notamment. Cela permet la mise en oeuvre de
nombreux projets dont ils sont les bénéficiaires directs, dans le
but d'améliorer leurs conditions de vie. Mais, en ce qui concerne cette
aide, le revers de la médaille est que les baka deviennent
dépendants de ces apports financiers ou en nature. Malgré les
efforts qui sont faits pour les rendre plus autonomes, les baka eux-mêmes
se rabaissent et se sous-estiment. Cette attitude paternaliste de la part des
donateurs est une manière de leur nier la capacité de prendre en
main leur propre destin. Ils n'ont à aucun moment intégré
qu'il leur revient de se prendre en charge pour obtenir ce qu'ils
désirent. Les donateurs se substituent le plus souvent à eux dans
la recherche d'une satisfaction aux besoins. Ainsi, ils ont été
habitués à tendre la main et à recevoir, sans que soient
fournis d'efforts particuliers. C'est pour cette raison que l'on observe une
réelle paresse au sein des villages baka. Ils désirent obtenir de
l'argent facilement, sans efforts considérables tant sur leur force
physique que sur la durée. Les baka négligent par exemple des
palmeraies qui s'étendent sur des hectares importants, car ils estiment
qu'elles sont pénibles à entretenir et ne rapportent pas de
l'argent de manière immédiate.
En dehors de la paresse causée par la
dépendance, l'on observe que de par toute cette aide reçue, l'on
arrive à les maintenir dans une nouvelle forme de pauvreté, en
voulant lutter contre la pauvreté. En effet, certains projets
s'étendent sur une longue période et sont durables, à
l'instar de la création d'un centre de santé, d'une école.
Or, une pompe tombe en panne, le bâti en béton des margelles d'un
puits se détériore, les outils agricoles s'abiment, et les
populations n'ont pas souvent les compétences et les moyens de pouvoir
réparer ces dommages. Cela les pousse à retourner à la
situation de départ, qui les poussait par exemple à consommer de
l'eau non potable. L'abandon de l'habitat de forêt les contraint à
vivre dans une insalubrité permanente, ce qui amène à
penser que les interventions qui sont faites aggravent leur situation de
pauvreté, en la remplaçant par une autre encore plus
néfaste.
Cette pauvreté nouvelle qui s'impose aux baka est
causée par le fait que les acteurs du développement se contentent
de plaquer sur eux les modèles de développement qu'ils ont
observés ailleurs et qui le plus souvent, sont propres à
améliorer les conditions de vie du groupe majoritaire. Pourtant, les
baka ne peuvent pas se développer de la même façon que les
bantous. Les programmes qui ont été définis et
présentés ci haut n'apparaissent pas être des solutions
plausibles aux attentes des baka du fait de l'inadaptation des méthodes
utilisées. C'est pour cette raison que, malgré les nombreuses
initiatives et l'importance des moyens qui ont été
déployés, les acteurs du développement ne semblent pas
atteindre leurs objectifs d'amélioration des conditions de vie et de
lutte contre la pauvreté. Les baka demeurent malgré les
nombreuses années durant lesquels les actions sont menées, plus
que jamais vulnérables, car, ils assistent sans le vouloir à leur
acculturation progressive.
B- L'acculturation progressive des pygmées
baka
L'observation et les entretiens menées dans le village
de Missoumé ont permis de percevoir l'impact des actions de
développement sur la culture des baka. En effet, l'on assiste à
un abandon progressif et bientôt total, de tout ce qui constituait la
spécificité des baka. Dans plusieurs domaines, ils ont
délaissé leurs pratiques pour adopter celles du groupe dominant.
C'est ainsi que, concernant par exemple leur religion, les baka de
Missoumé sont soient catholiques, soient membres de l'Assemblée
chrétienne. Ils ont délaissé leurs religions pour
épouser celle des « bienfaiteurs ». De plus, les
baka s'expriment en majorité en français. Même lorsqu'ils
se parlent entre eux, leur langue est diluée par l'utilisation
récurrente du français. En parcourant le village, l'on peut
écouter des femmes chanter en accomplissant leurs travaux journaliers,
mais ce qui frappe c'est que les chants exécutés sont en
français et sont des chants de louange à Dieu populaires. De
plus, les baka vivent à la fois dans des huttes et des maisons en
briques. Lorsqu'on leur demande ce qu'ils veulent, ils affirment qu'ils
désirent habiter dans des maisons en tôles et en ciment, comme les
bantous. En outre, le chef du village interrogé a affirmé qu'ils
ne connaissent plus monter aux arbres les plus hauts, comme le faisaient leurs
ancêtres. Les dents des générations récentes ne sont
plus limées, car ils ne consomment plus de la viande de brousse comme
auparavant.
Ces exemples démontrent que les nombreuses
interventions visant le développement des baka ont conduit à des
situations d'acculturation. Il existe plusieurs formes d'acculturation, mais
pour cette étude, il sera nécessaire de s'intéresser
à deux que présente Roger BASTIDE77(*). Cet auteur distingue ainsi l'acculturation
forcée de l'acculturation planifiée.
En ce qui concerne l'acculturation forcée, les cultures
jugées inférieures à la civilisation occidentale sont
pressées d'abandonner leurs institutions, leurs idoles et l'ensemble de
leurs « mauvaises habitudes » afin de se donner les moyens
de partager le bonheur de l'occident. C'est une forme d'acculturation
forcée parce qu'elle se réalise au bénéfice d'un
seul groupe. Les collectivités touchées par ce processus voient
les traits qui fondent leur identité menacés de disparition. Les
individus qui les composent sont réduits à la condition de serf,
taillables et corvéables à merci, après avoir
été dépossédés de leurs biens. Mais, les
collectivités qui affrontent cette situation possèdent un
potentiel de résistance qu'il convient de ne pas négliger. Ces
résistances témoignent de la vigueur des liens sociaux, et
s'exprime clairement par la mêlée des traits indigènes
à des éléments importés.
Quant à l'acculturation planifiée, elle
intervient lorsque le processus de décolonisation est lancé. La
colonisation engendre des hommes libres, mais dont l'identité culturelle
est incertaine. Cherchant à se trouver et à se construire
lui-même, l'homme décolonisé continue pourtant à se
définir et à se conduire par rapport à une situation dont
les effets n'ont pas totalement disparus. L'acculturation planifiée
résulte souvent de la demande d'un groupe qui souhaite voir son mode de
vie évoluer. Il s'agit en quelque sorte d'une déculturation
voulue par une nation ou une société, et non imposée de
l'extérieur.
De par cette analyse de Roger Bastide, l'on constate que les
baka émettent eux-mêmes des demandes pour modifier leurs modes de
vie et ils accueillent à bras ouverts tout organisme ou personne
désireuse de les y aider. Mais l'acculturation que l'on croit
planifiée ne s'avère être que forcée, car les
besoins qui sont présentés par les baka proviennent au fond de la
volonté des acteurs du développement, qui leur démontre au
préalable que c'est ce qui est bien pour eux. Or, une des preuves que
ces actions les minent est qu'ils ne s'y retrouvent pas. C'est pour cela qu'ils
se livrent par exemple à de nombreuses perversions, telles que
l'ivrognerie.
En définitive, l'on a pu constater tout au long de
ce chapitre que les acteurs du développement des pygmées baka de
l'Est Cameroun accordent une importance particulière à
l'amélioration des conditions de vie des baka. Mais, ce faisant ils
négligent d'y intégrer les baka dans la réalisation de
leur développement du fait de leur marginalisation. Cela provoque des
conséquences néfastes sur la vie entière des baka et sur
ce qui constitue leur identité. L'on a pu constater que d'une part les
pygmées baka de Missoumé étaient sujets à la
dépendance vis-à-vis des donateurs, et d'autre part,
étaient victimes d'une acculturation forcée qu'ils n'ont pas
réellement choisi de vivre. Dans ce contexte, et au regard des textes
internationaux et nationaux relatifs au développement des baka, il
convient de présenter une esquisse de solution pour le fonctionnement du
droit au développement chez les pygmées, dans le but d'obtenir
son perfectionnement.
Chapitre II :
La limitation de la mise en oeuvre
du droit au développement chez les pygmées baka de l'Est
La mise en oeuvre du droit au développement au Cameroun
nécessite obligatoirement que soient repensés les
stratégies et les modes d'actions visant le développement des
baka de l'Est. Il est question dans ce chapitre de relever les
difficultés majeures qui rendent difficile la mise en oeuvre du droit au
développement au Cameroun dans l'optique de proposer des solutions en
vue d'atteindre son perfectionnement. Pour ce faire, il convient de
présenter dans un premier temps les difficultés d'ordre juridique
et politique (Section 1), puis dans un second temps les difficultés
d'ordre sociologique et culturelles (Section 2).
Section 1: Les difficultés d'ordre juridique et
politique
Les obstacles qui ont trait au cadre juridique et politique
sont relatifs à la faiblesse du cadre juridique camerounais (I) et
à la faible capacité politique des pygmées baka (II).
I. Les obstacles liés
à la faiblesse du cadre juridique camerounais
La faiblesse du cadre juridique s'exprime à travers
l'absence de loi et de politique nationale spécifique aux peuples
autochtones (A), et les difficultés d'accès à la justice
que connaissent les baka (B).
A- L'Absence de loi et de
politique nationale de développement spécifique aux peuples
autochtones
Le Cameroun s'illustre par le déficit de loi
portant mise en application de la disposition constitutionnelle sur la
protection des « peuples autochtones ». En effet, les
droits des peuples autochtones ne sont pas protégés par les
textes, et cela donne libre cours à toutes formes de violations à
leur endroit, sans risque de se voir réprimandé. Cela constitue
aussi la cause principale des écarts observés, commis par les
acteurs de développement, du fait qu'il n'existe pas un cadre qui
organise et coordonne les activités de ces derniers. Les analyses qui
précèdent ont démontré que, les acteurs du
développement mettent en oeuvre leurs actions en fonction de leur propre
conception du développement, et ces actions ne sont pas souvent
fructueuses du fait qu'un certain nombre de droits et de prérogatives ne
sont pas reconnus spécifiquement aux peuples autochtones.
Il est nécessaire pourtant, que ces derniers soient
protégés de façon spécifique, car ils ont en commun
une identité différente de celles du groupe dominant, et de ce
fait, celle-ci doit être protégée et promue. Les droits qui
sont reconnus à l'ensemble de la population ne s'appliquent pas de la
même façon aux peuples autochtones dont les pygmées baka.
Ainsi, en dehors de la loi sur les peuples autochtones qui
fait défaut au Cameroun, l'on pourrait mentionner aussi le
déficit de politique de développement propre aux peuples
autochtones. En effet, il est clair que le développement des baka ne
peut se faire de la même façon que celui des autres citoyens
camerounais. De ce fait, cette absence de politique cause une lacune
sérieuse à la mise en oeuvre du droit au développement des
baka de l'Est, qui subissent de sérieuses violations, mais ne peuvent
obtenir réparation, du fait de l'accès difficile à la
justice.
B- Les difficultés d'accès à la
justice que connaissent les baka
Il existe une profusion de textes législatifs et
réglementaires qui garantissent aux citoyens camerounais l'accès
à la justice. Mais en dépit de toutes ces dispositions prises par
le législateur, l'accès à la justice des baka demeure
considérablement pénible voire impossible. En effet, le
déclenchement d'un procès implique nécessairement que des
fonds soient déboursés par chaque partie, ce mécanisme
contribue tout simplement à réduire les coûts de
procédure78(*) et
nécessite que le justiciable dispose de fonds, ce qui n'est pas le cas
de la communauté baka de Missoumé qui vit dans un réel
état de précarité.
De plus, le déficit d'accès à
l'information ainsi que la localisation des juridictions qui se trouvent
généralement dans les chefs-lieux de départements, assez
loin des villages baka, constituent des facteurs limitant l'exercice de ce
droit par les individus membres de cette communauté. Ensuite,
l'exigence de la qualité pour agir pourrait être difficile
à remplir pour les baka, au cas où ils voudraient ester en
justice pour certains de leurs principaux sujets de préoccupation. Il
s'agit par exemple des questions foncières et d'accès aux
ressources naturelles. L'Etat est considéré, par le droit
national, comme le propriétaire des terres et des forêts79(*). Les communautés ne
peuvent donc pas ester en justice contre les auteurs de l'exploitation
forestière illégale, même s'il est établi qu'elle
leur est préjudiciable. Enfin, de sérieuses lacunes subsistent
quant à la reconnaissance des spécificités de ces groupes
dans le système judiciaire camerounais. C'est le cas de l'absence des
assesseurs80(*) de
coutumes et des interprètes s'exprimant en langue Baka auprès des
tribunaux coutumiers de l'Est, ce qui oblige ces derniers dans bien des cas
à s'exprimer dans la langue de leurs voisins bantous qu'ils ne
maitrisent pourtant pas.
Ces lacunes juridiques observées proviennent entre
autres de la faible capacité des pygmées baka à
accéder aux instances de prises de décisions c'est-à-dire
à la sphère politique.
II. Les obstacles liés
à la faiblesse de la capacité politique des pygmées
baka
Sur le plan politique, la faiblesse est marquée par la
qualité du leadership des communautés baka (A) et l'absence de
représentation des élites pygmées dans les institutions
politiques locales et nationales (B).
A- La qualité du leadership
des communautés pygmées
Les chefs des pygmées baka peuvent
représenter eux aussi des obstacles à la mise en oeuvre du droit
au développement des baka au Cameroun. En effet, le chef qui, le plus
souvent est désigné est celui qui a reçu ne serait ce
qu'un minimum d'éducation scolaire. Or, le programme éducatif mis
en place par l'Etat camerounais est propre à modifier les
mentalités des baka. Ainsi, ceux-ci ne perçoivent plus le
développement comme un moyen de promouvoir leur identité et leur
culture, mais l'opportunité d'acquérir les mêmes biens que
les autres et au même titre qu'eux. Dans ce contexte, il est difficile de
réaliser le développement propre aux peuples autochtones.
De même, les associations créées par les
jeunes visent la plupart du temps l'amélioration des conditions de vie
des populations, sans qu'il ne soit fait cas avec insistance de la promotion de
leurs valeurs culturelles. Ils ont tendance de par leur comportement à
reproduire le mode de vie des bantous, ce qui n'est pas propice à la
mise en oeuvre du développement des baka.
C'est ainsi que le chef et les élites baka constituent
en eux-mêmes une contrainte au développement, dans la mesure
où ils se fondent dans la volonté des bantous et acceptent sans
restriction les propositions de ces derniers. Par conséquent, il serait
difficile que l'implication du chef ou celle des élites soit
significative dans les institutions politiques locales et nationales.
B- L'absence de représentation des élites
pygmées dans les institutions politiques locales et nationales
Les entretiens et enquêtes opérés dans
l'arrondissement d'Abong Mbang ont permis de constater que les élites
baka n'étaient pas conviées aux instances de prise de
décision au niveau local. De même, sur le plan national, ils ne
sont généralement pas consultés lors de
l'élaboration des politiques ou des projets les concernant de
près ou de loin. De ce fait, leurs spécificités, leur
identité et leur doléances ne sont pas intégrées
dans ces politiques, ou le sont mais pas de manière
appropriée.
Certes, au cours de la JIPA2, le MINAS avait convié des
représentants des baka aux réunions préparatoires en vue
de présenter les besoins de leur communauté, dans l'optique de
leur faire des dons. Mais, au cours de ces réunions l'occasion
n'était pas donnée aux représentants baka de remettre en
question les décisions prises pour exploiter les financements
reçus. Ils auraient pu dire qu'ils ne préfèrent pas des
dons en nature mais plutôt en espèces ou faire des propositions,
mais il leur était assigné une tâche précise et
unique. En dehors de ces initiatives, l'Etat camerounais au niveau local ou
national n'intègre pas les baka dans les processus de prise de
décision, dans les domaines les concernant de près ou de loin.
Au-delà des difficultés liées aux cadres
juridique et politique, il convient de relever les obstacles relatifs aux
domaines sociologique et culturel.
Section 2: Les difficultés d'ordre sociologique et
culturel
Il convient dans cette section, de relever d'une part les
limites portées par les acteurs du développement (I), avant de
noter celles émanant des populations locales (II).
I. Les limites portées
par les acteurs du développement
Les limites portées par les acteurs du
développement concernent le manque de moyens financiers et
matériels pour réaliser le développement des baka (A) et
la conception du développement par ces acteurs (B).
A- Le manque de moyens financiers
et matériels pour réaliser le développement des baka
La limite liée au manque de moyens financiers et
matériels se retrouve dans la majorité des cas auprès des
ONG locales oeuvrant pour le développement des baka, telles que le
CADDAP. En effet, cette ONG doit couvrir toute la région de l'Est
Cameroun, et dispose pour le faire, de moyens extrêmement limités.
Certes, elle reçoit la contribution de bailleurs de fonds, mais cela
n'est pas suffisant.
L'Etat affirme accorder des subventions aux ONG, au CADDAP en
particulier. Mais, la somme annoncée est souvent réduite de
moitié, voire plus. Ainsi, lorsqu'on annonce à la directrice du
CADDAP que cette ONG bénéficie d'un financement de 300 000
FCFA par exemple, quand elle se rend dans les locaux du Ministère pour
percevoir la somme promise, elle se voit remettre 75 000FCFA. De cette
façon, les financements que procure l'Etat n'ont pas une incidence
considérable sur l'avancée des projets de développement.
Pourtant, le Chef de la Section des groupes marginaux et de l'organisation de
l'action communautaire d'appui aux initiatives locales de solidarité du
Centre social du MINAS d'Abong Mbang a révélé lors de
l'entretien passé avec lui, que l'Etat du Cameroun a prévu un
budget de près de 900 millions de FCFA au profit des populations
autochtones du Cameroun.
En outre, dans le cadre du financement, il convient de relever
la pratique selon laquelle des ONG élaborent des projets, mais pas dans
le but de venir en aide aux baka, plutôt dans celui de se faire de
l'argent. Pour cela, toutes les techniques sont utilisées pour tromper
la vigilance des bailleurs de fonds, telles que la production de fausses
pièces justificatives des dépenses, la construction des
infrastructures en matériau de mauvaise qualité, etc. Tout cela
part de la mentalité des acteurs du développement des baka.
Même si ces derniers obtiennent des financements, ceux-ci seront
utilisés en fonction de la conception qu'ils ont du droit au
développement au profit des baka.
B- La conception du
développement par les acteurs de développement
Les acteurs du développement n'ont pas souvent la
même conception du développement. Le débat en cours est
celui de savoir si le développement nécessite qu'on s'y adapte
ou consiste à apporter à une société ce dont elle a
besoin. Les acteurs ne sont pas unanimes sur la question, mais à l'Est
Cameroun, l'on observe que les stratégies de développement sont
sensiblement semblables. Et cela constitue un frein à la
réalisation du développement des baka dans la mesure où
les acteurs du développement ont pour souci majeur d'uniformiser le
développement de tous les citoyens camerounais. Ils pensent à
sortir les baka de leur situation de
« sous-humanité » pour leur permettre au même
titre que les autres, d'accéder au développement. Or, de
nombreuses études auxquelles s'ajoute la présente, ont
démontré à suffisance que le développement tel
qu'il est perçu pour le groupe dominant, doit être
considéré différemment en ce qui concerne les peuples
autochtones.
Les acteurs qui affirment même être conscients de
l'enjeu qui existe autour du développement des peuples autochtones,
n'adoptent pas une stratégie strictement différente des autres.
Bien plus, tous les acteurs sont caractérisés par une impatience
prononcée à l'endroit des baka. Cela s'illustre par le fait que
les projets de développement élaborés le sont de
manière périodique. Leur durée est
déterminée à l'avance, ce qui pousse les acteurs à
souvent accélérer le processus de réalisation pour
atteindre les objectifs fixés à la date prévue. Cela
démontre qu'à ce moment là il ne s'agit plus de la
recherche de l'intérêt des peuples autochtones, mais plutôt
de celui des acteurs en question. D'où l'importance de leur conception
du développement des baka.
Il convient néanmoins de relever les limites provenant
des populations locales elles mêmes.
II. Les limites émanant
des populations locales
Les populations locales mentionnées ici concernent
à la fois les bantu et les pygmées baka. Ainsi, les limites
émanant d'elles sont relatives à la domination étouffante
des bantous (A) et au conflit de génération qui existe au sein de
la communauté baka (B).
A- La domination étouffante
des bantous
Malgré l'éloignement des pygmées
baka des bantous Maka, ces derniers exercent sur eux une domination
néfaste à la mise en oeuvre du droit au développement des
baka. En effet, les bantous se considèrent comme supérieurs aux
baka, qui apparaissent comme marqués par le dénuement à
cause de leur faible attachement aux valeurs matérielles : huttes
en matériaux précaires, petits champs, habillement
négligé, culture matérielle simple. La différence
culturelle qu'ils présentent est interprétée en termes
d'incapacité morale et psychologique, et conduit à ce que les
bantous les considèrent comme infantiles. Ceci étant, et
ajouté à la naïveté des pygmées, les bantous
n'hésitent pas à les exploiter de la pire des façons
qu'ils soient. Ils les traitent comme des esclaves, les méprisent, les
violentent et abusent d'eux.
Or, lorsqu'on sait que les baka sont rattachés aux
bantous ne serait ce que sur le plan administratif, l'on comprend l'urgence
qu'il y a de légitimer les institutions baka, en vue de leur assurer le
droit au développement. Les relations entre pygmées et bantous ne
sont pas sociales, elles sont conflictuelles et illustrent bien la situation du
dominant et du dominé. C'est ainsi que la domination étouffante
des bantous constitue un frein à la mise en oeuvre du droit au
développement au Cameroun, même s'il existe aussi des limites
émanant des baka eux-mêmes.
B- Les conflits de génération entre les
membres de la communauté pygmée
La limite majeure qu'il convient de mentionner ici, est celle
du conflit de génération qui existe entre les membres de la
communauté baka. En effet, les personnes âgées, qui ont
reçu l'héritage provenant de leurs ancêtres, sont
choquées lorsqu'elles observent le mode de vie des populations
pygmées de nos jours. Elles disent être
déshéritées d'un important patrimoine culturel que leur
ont laissé les ancêtres.
Parallèlement, la génération de ceux qui
sont nés dans la sédentarisation n'ont pas connu les pratiques
qui faisaient la particularité et l'identité même des
populations baka. De ce fait, ils conçoivent le développement
comme la nécessité de jouir des mêmes droits et d'obtenir
les mêmes biens que les bantous.
Cela rend difficile la mise en oeuvre du droit au
développement en ce qui concerne la consultation des peuples. Etant
donné que les personnes âgées sont minoritaires, lorsqu'il
sera question de donner leur avis sur les projets de développement
à mettre en cours, les baka seront indécis face à la
réponse à donner et l'ascendant numérique des
« jeunes » leur permettra de l'emporter sur l'opinion des
personnes plus âgées, qui pourtant s'avère être
bénéfique pour une réalisation du droit au
développement conforme aux principes et normes définis par la
Communauté internationale.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Dans la région de l'Est du Cameroun, et
particulièrement dans l'arrondissement d'Abong Mbang, au village de
Missoumé, le droit au développement est partiellement mis en
oeuvre. Cela s'illustre par le fait que les pygmées baka en jouissent de
manière relative. Cette relativité est perceptible à
travers la primauté qui est accordée à la dimension
liée à l'accès au bien être du droit au
développement. De ce fait, l'on observe une certaine négligence
quant à la prise en compte des pygmées baka comme acteurs de leur
propre développement. Il existe néanmoins des tendances
d'implication de ces personnes, mais elles demeurent timides. Or, la
légère prise en compte des pygmées comme des sujets de
leur développement provoque sur ces derniers des conséquences
liées d'une part à la dépendance des baka vis-à-vis
des donateurs, occasionnant en eux la paresse et le maintien dans la
pauvreté ; et d'autre part à l'acculturation forcée
dont sont victimes les baka, lesquels abandonnent leurs cultures et modes de
vie anciens pour adopter radicalement de nouveaux.
La situation dans laquelle se trouve les baka émane du
fait que la mise en oeuvre du droit au développement s'avère
être limitée à cause des difficultés qu'elle
rencontre. Celles-ci sont liées tant au cadre juridique et politique
qu'au domaine social et culturel. De ce fait, des aspects tels que l'absence
de loi ou de politique propres au développement, la conception
erronée du développement des baka par les acteurs du
développement, le manque de moyens financiers et matériels, le
difficile accès à la justice, constituent des difficultés
réelles à la mise en oeuvre du droit au développement au
Cameroun. Ces difficultés majeures ont été
recensées dans le but d'identifier les causes de blocages
générales de la réalisation dudit droit, afin de proposer
des solutions permettant de les surmonter et par là de perfectionner sa
mise en oeuvre.
CONCLUSION GENERALE
L'étude portant sur les peuples autochtones et le droit
au développement au Cameroun : cas des pygmées baka de
l'Est, a trouvé écho à la préoccupation de la
Communauté internationale, qui a le souci d'assurer le droit au
développement aux peuples autochtones, mais dans le respect strict de
leurs spécificités et identité. Ainsi, dans le but de
déterminer s'il est possible de parler d'un droit au
développement des peuples autochtones notamment des pygmées baka
de l'Est au Cameroun, il a été question de présenter la
reconnaissance effective du droit au développement au profit des
pygmées baka. En effet, le droit au développement leur est
reconnu tant sur le plan international que national. Toutefois, la mise en
oeuvre du droit au développement demeure partielle et obstruée
d'embûches. Car, le développement doit viser la réalisation
des droits de l'homme et pas en premier l'amélioration des conditions de
vie. Pourtant, dans les villages ayant fait l'objet de notre étude,
l'accès au bien être demeure la priorité des acteurs du
développement, négligeant la dimension relative aux droits de
l'homme qui exige que les pygmées baka soient impliqués dans la
réalisation de leur développement. Les conséquences
immédiates de cette négligence sont la dépendance des baka
vis-à-vis de leurs bienfaiteurs et une acculturation progressive qui ne
cesse de prendre de l'ampleur. Toutefois, la mise en oeuvre du droit au
développement demeure limitée du fait des difficultés tant
juridiques et politiques, que sociales et culturelles.
Ainsi, l'hypothèse posée au préalable
selon laquelle il existe bel et bien un droit au développement au
Cameroun, conformément aux dispositions internationales existantes en la
matière, celui-ci étant reconnu aux peuples autochtones,
notamment aux pygmées baka de l'est en tant que citoyens de l'Etat
camerounais, malgré sa mise en oeuvre partielle du fait de nombreuses
difficultés qu'il rencontre, puisque dans la pratique la primauté
est accordée à l'accès au bien être,
négligeant ainsi la dimension relative aux droits de l'homme, se trouve
être pleinement vérifiée et confirmée. En effet, le
droit au développement existe au Cameroun et est reconnu aux peuples
autochtones en tant que citoyens de l'Etat. Mais, sa mise en oeuvre demeure
partielle parce qu'il n'est pas consacré de manière
spécifique aux peuples autochtones, notamment aux pygmées
baka.
Par conséquent, dans le souci de contribuer au
perfectionnement de la mise en oeuvre du droit au développement chez les
pygmées baka de l'est, il convient d'émettre un certain nombre de
recommandations à l'endroit de l'Etat et à l'attention des autres
acteurs du développement qui doivent eux aussi exercer une pression sur
l'Etat pour que la situation soit changée. Ainsi, il
convient de:
- Adopter une loi portant mise en application de la
disposition constitutionnelle sur la protection des peuples autochtones;
- Finaliser et publier la politique nationale sur les
populations marginales entamée il y a plusieurs années et y
inclure des dispositions relatives à leur développement;
- Prendre des mesures spécifiques concrètes pour
combattre la discrimination contre les peuples autochtones au Cameroun ;
- Promouvoir et ratifier la Convention n°169 relative aux
peuples indigènes et tribaux ;
- Faire de la consultation et de la participation effective
des peuples autochtones une condition indispensable à tout projet ou
programme de développement susceptible de les affecter ;
- Prendre des mesures visant à encadrer et à
promouvoir l'industrie traditionnelle, l'artisanat et les techniques et
connaissances médicinales et vétérinaires des
communautés qui s'identifient comme autochtones au Cameroun ;
- Mettre en place au sein de l'inspection nationale du travail
une section spéciale pour s'occuper de la question de l'emploi des
personnes autochtones ;
- Conduire une réflexion sur la question
foncière et la gestion des ressources naturelles, afin de s'assurer que
les droits fonciers des autochtones et leurs modes de vie sont
protégés, dans le cadre d'une réforme du droit qui ne
bouleversera pas de manière fondamentale le droit foncier
national ;
- Soutenir les initiatives culturellement appropriées
dans les secteurs de l'éducation et de la santé en milieux
autochtones : notamment aux modes de vie des peuples autochtones par la
création d'écoles et de centres de santé mobiles ;
- Créer un quota de représentation des peuples
autochtones dans les instances de décision nationales et locales, ainsi
que de prendre des mesures incitatives visant à résoudre le
problème de la sous représentation voire de la
représentation quasi nulle des peuples autochtones dans les institutions
publiques ;
- Intégrer dans les efforts nationaux de
réduction de la pauvreté les perceptions et les stratégies
des autochtones et adopter à leur égard une approche basée
sur la reconnaissance de leurs droits collectifs en tant que peuples avec leurs
spécificités culturelles, et identifier et intégrer
leurs savoirs traditionnels dans les stratégies de réduction de
la pauvreté81(*) ;
- Renforcer les capacités organisationnelles des
peuples autochtones et appuyer ceux-ci dans la formulation de leurs
préoccupations et de leurs intérêts, pour qu'ils puissent
participer de manière égale dans les processus qui les
affectent ;
- Reconnaître l'organisation traditionnelle des peuples
autochtones et nomades dans le processus de création des chefferies
des communautés;
- Imposer, dans le cadre des études d'impact, un volet
social avec des dispositions précises relatives aux communautés
autochtones : les opérateurs devront avoir l'obligation d'analyser
l'impact spécifique de leurs opérations sur les
communautés autochtones et de fournir un plan
d'atténuation ;
- Assurer la réalité de la gratuité de
l'école pour les autochtones et adapter les programmes scolaires des
établissements fréquentés par des autochtones pour qu'ils
bénéficient d'enseignements plus pratiques, et des cours
donnés en langues autochtones
Toutes ces recommandations pourraient permettre que
s'améliore la mise en oeuvre du droit au développement au
Cameroun. Le développement des pygmées baka nécessite des
investigations plus poussées car il constitue un domaine vaste, dans
lequel il convient d'étudier le comportement de chaque village baka pour
se faire une idée précise de l'impact des actions de
développement et des solutions à envisager pour leur permettre de
bénéficier du développement.
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DOCUMENTS
A- Textes officiels
1. Textes officiels internes:
· Préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier
1996 portant révision de la constitution camerounaise du 02 janvier
1972.
· Loi n° 96/12 du 5 aout 1996. portant
loi-cadre relative a la gestion de. l'environnement
· Loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant
régime des forêts, de la faune et de la pêche
2. Textes officiels internationaux et
régionaux :
· Charte Africaine des droits de l'homme et des Peuples
(1981)
· Déclaration Universelle des droits de l'homme
(1948),
· Pacte international des Nations Unies relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels (1966),
· Déclaration sur le droit au
développement (1986)
· Déclaration sur les droits des peuples
autochtones (1992)
· Convention n°169 sur les peuples indigènes
et tribaux.
B- Rapports, communications et avis
· PNUD, 2000, Rapport sur le développement humain
au Cameroun 2000, société civile et développement,
Yaoundé, PNUD.
· CADHP, « Peuples Autochtones d'Afrique :
le peuple oublié », Banjul, Gambie, 2006, 15p.
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problème de la discrimination à l'encontre des populations
autochtones », Genève, 1986, 1400p.
· Groupe de travail du GNUD (Groupe des Nations Unies
pour le Développement) sur les questions autochtones, Lignes
Directrices du GNUD sur les questions autochtones, Genève,
février 2008, 44p.
· Nations Unies, « Etude du problème de
la discrimination à l'encontre des populations autochtones »,
Genève, 1986, 1400p.
· OIT, Les droits des peuples autochtones dans la
pratique : un guide sur la Convention n°169 de l'OIT, Première
édition, Genève :OIT, 2009, 200p.
· OIT/CADHP, Aperçu du rapport du projet de
recherche par l'Organisation Internationale du Travail et la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples relatif à la protection
constitutionnelle et législative des droits des peuples autochtones dans
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tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et
culturels, y compris le droit au développement :Rapport du
Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des
libertés fondamentales des peuples autochtones, Nations Unies, 15
novembre 2007
· Communication n°75/92(1995) - Congrès du
Peuple katangais c./Zaïre, 8ème Rapport annuel
d'activités de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples.
· Travail de la commission africaine sur les peuples
autochtones d'Afrique par Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
peuples (CADHP) et IWGIA, « Peuples autochtones d'Afrique : Les
Peuples oubliés ? », 2006
C- Autres documents :
· Bulletin, les peuples indigènes et
tribaux, Genève, OIT, 2008, 36p.
· Fiche d'information n°09, les droits des
peuples autochtones, Genève, Nations Unies 1997, 46p.
· Fiche d'information n°18, Droit des
minorités, Genève, Nations-Unies 1992, 21p.
· Fiche 02, sommet mondial sur le développement
durable, « lutte contre la pauvreté et justice
sociale », Rédaction du dossier d'information pour
Johannesburg, 2002
· FONDAF (Foyer notre dame de la forêt),
« Les pygmées un peuple en danger : aspect
juridique », Fondaf-Bipindi, 2006
-« Les groupes Pygmées au Cameroun Baka,
Bakola, Bagyeli et Medzam », Fondaf-Bipindi, 2006.
· Commission européenne, Lignes
directrices : gestion du cycle de projet, Bruxelles, Belgique, 2004,
150p.
· CTSE-DRSP, Révision du Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Termes De
Référence, 2007
ANNEXES
ANNEXE n°1
Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones
Résolution adoptée par l'Assemblée
générale, 13 septembre 2007
L'Assemblée générale,
Guidée par les buts et principes
énoncés dans la Charte des Nations Unies et convaincue que les
États se conformeront aux obligations que leur impose la Charte,
Affirmant que les peuples autochtones sont
égaux à tous les autres peuples, tout en reconnaissant le droit
de tous les peuples d'être différents, de s'estimer
différents et d'être respectés en tant que tels,
Affirmant également que tous les peuples
contribuent à la diversité et à la richesse des
civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de
l'humanité,
Affirmant en outre que toutes les doctrines,
politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la
supériorité de peuples ou d'individus en se fondant sur des
différences d'ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel
sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement
condamnables et socialement injustes,
Réaffirmant que les peuples autochtones, dans
l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de
discrimination,
Préoccupée par le fait que les peuples
autochtones ont subi des injustices historiques à cause, entre autres,
de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et
ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit
au développement conformément à leurs propres besoins et
intérêts,
Consciente de la nécessité urgente de
respecter et de promouvoir les droits intrinsèques des peuples
autochtones, qui découlent de leurs structures politiques,
économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions
spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie, en particulier leurs
droits à leurs terres, territoires et ressources,
Consciente également de la
nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits des
peuples autochtones affirmés dans les traités, accords et autres
arrangements constructifs conclus avec les États,
Se félicitant du fait que les peuples
autochtones s'organisent pour améliorer leur situation sur les plans
politique, économique, social et culturel et mettre fin à toutes
les formes de discrimination et d'oppression partout où elles se
produisent,
Convaincue que le contrôle, par les peuples
autochtones, des événements qui les concernent, eux et leurs
terres, territoires et ressources, leur permettra de perpétuer et de
renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et de promouvoir
leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins,
Considérant que le respect des savoirs, des
cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une
mise en valeur durable et équitable de l'environnement et à sa
bonne gestion,
Soulignant la contribution de la
démilitarisation des terres et territoires des peuples autochtones
à la paix, au progrès économique et social et au
développement, à la compréhension et aux relations
amicales entre les nations et les peuples du monde,
Considérant en particulier le droit des
familles et des communautés autochtones de conserver la
responsabilité partagée de l'éducation, de la formation,
de l'instruction et du bien-être de leurs enfants, conformément
aux droits de l'enfant,
Estimant que les droits affirmés dans les
traités, accords et autres arrangements constructifs entre les
États et les peuples autochtones sont, dans certaines situations, des
sujets de préoccupation, d'intérêt et de
responsabilité à l'échelle internationale et
présentent un caractère international,
Estimant également que les traités,
accords et autres arrangements constructifs, ainsi que les relations qu'ils
représentent, sont la base d'un partenariat renforcé entre les
peuples autochtones et les États,
Constatant que la Charte des Nations Unies, le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la
Déclaration et le Programme d'action de Vienne, affirment l'importance
fondamentale du droit de tous les peuples de disposer d'eux-mêmes, droit
en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel,
Consciente qu'aucune disposition de la
présente Déclaration ne pourra être invoquée pour
dénier à un peuple quel qu'il soit son droit à
l'autodétermination, exercé conformément au droit
international,
Convaincue que la reconnaissance des droits des
peuples autochtones dans la présente Déclaration encouragera des
relations harmonieuses et de coopération entre les États et les
peuples autochtones, fondées sur les principes de justice, de
démocratie, de respect des droits de l'homme, de non-discrimination et
de bonne foi,
Encourageant les États à respecter et
à mettre en oeuvre effectivement toutes leurs obligations applicables
aux peuples autochtones en vertu des instruments internationaux, en particulier
ceux relatifs aux droits de l'homme, en consultation et en coopération
avec les peuples concernés,
Soulignant que l'Organisation des Nations Unies a un
rôle important et continu à jouer dans la promotion et la
protection des droits des peuples autochtones,
Convaincue que la présente Déclaration
est une nouvelle étape importante sur la voie de la reconnaissance, de
la promotion et de la protection des droits et libertés des peuples
autochtones et dans le développement des activités pertinentes du
système des Nations Unies dans ce domaine,
Considérant et réaffirmant que les
autochtones sont admis à bénéficier sans aucune
discrimination de tous les droits de l'homme reconnus en droit international,
et que les peuples autochtones ont des droits collectifs qui sont
indispensables à leur existence, à leur bien-être et
à leur développement intégral en tant que peuples,
Considérant que la situation des peuples
autochtones n'est pas la même selon les régions et les pays, et
qu'il faut tenir compte de l'importance des particularités nationales ou
régionales, ainsi que de la variété des contextes
historiques et culturels,
Proclame solennellement la Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont le texte figure
ci-après, qui constitue un idéal à atteindre dans un
esprit de partenariat et de respect mutuel :
Article premier
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif
ou individuel, de jouir pleinement de l'ensemble des droits de l'homme et des
libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la
Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international
relatif aux droits de l'homme.
Article 2
Les autochtones, peuples et individus, sont libres et
égaux à tous les autres et ont le droit de ne faire l'objet, dans
l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de discrimination fondée, en
particulier, sur leur origine ou leur identité autochtones.
Article 3
Les peuples autochtones ont le droit à
l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
Article 4
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit
à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de
s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires
intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer
leurs activités autonomes.
Article 5
Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de
renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques,
sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est
leur choix, de participer pleinement à la vie politique,
économique, sociale et culturelle de l'État.
Article 6
Tout autochtone a droit à une nationalité.
Article 7
1. Les autochtones ont droit à la vie, à
l'intégrité physique et mentale, à la liberté et
à la sécurité de la personne.
2. Les peuples autochtones ont le droit, à titre
collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la
sécurité en tant que peuples distincts et ne font l'objet d'aucun
acte de génocide ou autre acte de violence, y compris le transfert
forcé d'enfants autochtones d'un groupe à un autre.
Article 8
1. Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne
pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture.
2. Les États mettent en place des mécanismes de
prévention et de réparation efficaces visant : a) Tout acte
ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur
intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs
culturelles ou leur identité ethnique ; b) Tout acte ayant pour but
ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou
ressources ; c) Toute forme de transfert forcé de population
ayant pour but ou pour effet de violer ou d'éroder l'un quelconque de
leurs droits ; d) Toute forme d'assimilation ou d'intégration
forcée ; e) Toute forme de propagande dirigée contre eux dans
le but d'encourager la discrimination raciale ou ethnique ou d'y inciter.
Article 9
Les autochtones, peuples et individus, ont le droit
d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone,
conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la
nation considérée. Aucune discrimination quelle qu'elle soit ne
saurait résulter de l'exercice de ce droit.
Article 10
Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés
de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne
peut avoir lieu sans le consentement préalable - donné
librement et en connaissance de cause - des peuples autochtones
concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable
et, lorsque cela est possible, la faculté de retour.
Article 11
1. Les peuples autochtones ont le droit d'observer et de
revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le
droit de conserver, de protéger et de développer les
manifestations passées, présentes et futures de leur culture,
telles que les sites archéologiques et historiques, l'artisanat, les
dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et du
spectacle et la littérature.
2. Les États doivent accorder réparation par le
biais de mécanismes efficaces - qui peuvent comprendre la restitution -
mis au point en concertation avec les peuples autochtones, en ce qui concerne
les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont
été pris sans leur consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause, ou en violation de leurs lois,
traditions et coutumes.
Article 12
1. Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de
pratiquer, de promouvoir et d'enseigner leurs traditions, coutumes et rites
religieux et spirituels ; le droit d'entretenir et de protéger leurs
sites religieux et culturels et d'y avoir accès en privé ; le
droit d'utiliser leurs objets rituels et d'en disposer ; et le droit au
rapatriement de leurs restes humains. 2. Les États veillent à
permettre l'accès aux objets de culte et aux restes humains en leur
possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes,
transparents et efficaces mis au point en concertation avec les peuples
autochtones concernés.
Article 13
1. Les peuples autochtones ont le droit de revivifier,
d'utiliser, de développer et de transmettre aux
générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions
orales, leur philosophie, leur système d'écriture et leur
littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms
pour les communautés, les lieux et les personnes.
2. Les États prennent des mesures efficaces pour
protéger ce droit et faire en sorte que les peuples autochtones puissent
comprendre et être compris dans les procédures politiques,
juridiques et administratives, en fournissant, si nécessaire, des
services d'interprétation ou d'autres moyens appropriés.
Article 14
1. Les peuples autochtones ont le droit d'établir et de
contrôler leurs propres systèmes et établissements
scolaires où l'enseignement est dispensé dans leur propre langue,
d'une manière adaptée à leurs méthodes culturelles
d'enseignement et d'apprentissage. 2. Les autochtones, en particulier les
enfants, ont le droit d'accéder à tous les niveaux et à
toutes les formes d'enseignement public, sans discrimination aucune. 3. Les
États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des
mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant
à l'extérieur de leur communauté, puissent accéder,
lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur
propre culture et dans leur propre langue.
Article 15
1. Les peuples autochtones ont droit à ce que
l'enseignement et les moyens d'information reflètent fidèlement
la dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs
traditions, de leur histoire et de leurs aspirations.
2. Les États prennent des mesures efficaces, en
consultation et en coopération avec les peuples autochtones
concernés, pour combattre les préjugés et éliminer
la discrimination et pour promouvoir la tolérance, la
compréhension et de bonnes relations entre les peuples autochtones et
toutes les autres composantes de la société.
Article 16
1. Les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs
propres médias dans leur propre langue et d'accéder à
toutes les formes de médias non autochtones sans discrimination
aucune. 2. Les États prennent des mesures efficaces pour faire en
sorte que les médias publics reflètent dûment la
diversité culturelle autochtone. Les États, sans préjudice
de l'obligation d'assurer pleinement la liberté d'expression,
encouragent les médias privés à refléter de
manière adéquate la diversité culturelle autochtone.
Article 17
1. Les autochtones, individus et peuples, ont le droit de
jouir pleinement de tous les droits établis par le droit du travail
international et national applicable. 2. Les États doivent, en
consultation et en coopération avec les peuples autochtones, prendre des
mesures visant spécifiquement à protéger les enfants
autochtones contre l'exploitation économique et contre tout travail
susceptible d'être dangereux ou d'entraver leur éducation ou de
nuire à leur santé ou à leur développement
physique, mental, spirituel, moral ou social, en tenant compte de leur
vulnérabilité particulière et de l'importance de
l'éducation pour leur autonomisation. 3. Les autochtones ont le droit
de n'être soumis à aucune condition de travail discriminatoire,
notamment en matière d'emploi ou de rémunération.
Article 18
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la
prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits,
par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes
choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que
le droit de conserver et de développer leurs propres institutions
décisionnelles.
Article 19
Les États se concertent et coopèrent de bonne
foi avec les peuples autochtones intéressés - par
l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives -
avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou
administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin
d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en
connaissance de cause.
Article 20
1. Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de
développer leurs systèmes ou institutions politiques,
économiques et sociaux, de disposer en toute sécurité de
leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer
librement à toutes leurs activités économiques,
traditionnelles et autres. 2. Les peuples autochtones privés de leurs
moyens de subsistance et de développement ont droit à une
indemnisation juste et équitable.
Article 21
1. Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination
d'aucune sorte, à l'amélioration de leur situation
économique et sociale, notamment dans les domaines de
l'éducation, de l'emploi, de la formation et de la reconversion
professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la
sécurité sociale.
2. Les États prennent des mesures efficaces et, selon
qu'il conviendra, des mesures spéciales pour assurer une
amélioration continue de la situation économique et sociale des
peuples autochtones. Une attention particulière est accordée aux
droits et aux besoins particuliers des anciens, des femmes, des jeunes, des
enfants et des personnes handicapées autochtones.
Article 22
1. Une attention particulière est accordée aux
droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des
enfants et des personnes handicapées autochtones dans l'application de
la présente Déclaration. 2. Les États prennent des
mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce
que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement
protégés contre toutes les formes de violence et de
discrimination et bénéficient des garanties voulues.
Article 23
Les peuples autochtones ont le droit de définir et
d'élaborer des priorités et des stratégies en vue
d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit
d'être activement associés à l'élaboration et
à la définition des programmes de santé, de logement et
d'autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant
que possible, de les administrer par l'intermédiaire de leurs propres
institutions.
Article 24
1. Les peuples autochtones ont droit à leur
pharmacopée traditionnelle et ils ont le droit de conserver leurs
pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes
médicinales, animaux et minéraux d'intérêt vital.
Les autochtones ont aussi le droit d'avoir accès, sans aucune
discrimination, à tous les services sociaux et de santé. 2.
Les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du
meilleur état possible de santé physique et mentale. Les
États prennent les mesures nécessaires en vue d'assurer
progressivement la pleine réalisation de ce droit.
Article 25
Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de
renforcer leurs liens spirituels particuliers avec les terres, territoires,
eaux et zones maritimes côtières et autres ressources qu'ils
possèdent ou occupent et utilisent traditionnellement, et d'assumer
leurs responsabilités en la matière à l'égard des
générations futures.
Article 26
1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres,
territoires et ressources qu'ils possèdent et occupent
traditionnellement ou qu'ils ont utilisés ou acquis. 2. Les peuples
autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et
de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils
possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les
utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis. 3. Les
États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces
terres, territoires et ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant
dûment les coutumes, traditions et régimes fonciers des peuples
autochtones concernés.
Article 27
Les États mettront en place et appliqueront, en
concertation avec les peuples autochtones concernés, un processus
équitable, indépendant, impartial, ouvert et transparent prenant
dûment en compte les lois, traditions, coutumes et régimes
fonciers des peuples autochtones, afin de reconnaître les droits des
peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, territoires et ressources,
y compris ceux qu'ils possèdent, occupent ou utilisent
traditionnellement, et de statuer sur ces droits. Les peuples autochtones
auront le droit de participer à ce processus.
Article 28
1. Les peuples autochtones ont droit à
réparation, par le biais, notamment, de la restitution ou, lorsque cela
n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable
pour les terres, territoires et ressources qu'ils possédaient
traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été
confisqués, pris, occupés, exploités ou
dégradés sans leur consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause. 2. Sauf si les peuples
concernés en décident librement d'une autre façon,
l'indemnisation se fait sous forme de terres, de territoires et de ressources
équivalents par leur qualité, leur étendue et leur
régime juridique, ou d'une indemnité pécuniaire ou de
toute autre réparation appropriée.
Article 29
1. Les peuples autochtones ont droit à la
préservation et à la protection de leur environnement et de la
capacité de production de leurs terres ou territoires et ressources.
À ces fins, les États établissent et mettent en oeuvre des
programmes d'assistance à l'intention des peuples autochtones, sans
discrimination d'aucune sorte. 2. Les États prennent des mesures
efficaces pour veiller à ce qu'aucune matière dangereuse ne soit
stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des
peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné
librement et en connaissance de cause. 3. Les États prennent aussi,
selon que de besoin, des mesures efficaces pour veiller à ce que des
programmes de surveillance, de prévention et de soins de santé
destinés aux peuples autochtones affectés par ces
matières, et conçus et exécutés par eux, soient
dûment mis en oeuvre.
Article 30
1. Il ne peut y avoir d'activités militaires sur les
terres ou territoires des peuples autochtones, à moins que ces
activités ne soient justifiées par des raisons
d'intérêt public ou qu'elles n'aient été librement
décidées en accord avec les peuples autochtones concernés,
ou demandées par ces derniers.
2. Les États engagent des consultations effectives avec
les peuples autochtones concernés, par le biais de procédures
appropriées et, en particulier, par l'intermédiaire de leurs
institutions représentatives, avant d'utiliser leurs terres et
territoires pour des activités militaires.
Article 31
1. Les peuples autochtones ont le droit de préserver,
de contrôler, de protéger et de développer leur patrimoine
culturel, leur savoir traditionnel et leurs expressions culturelles
traditionnelles ainsi que les manifestations de leurs sciences, techniques et
culture, y compris leurs ressources humaines et génétiques, leurs
semences, leur pharmacopée, leur connaissance des
propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales,
leur littérature, leur esthétique, leurs sports et leurs jeux
traditionnels et leurs arts visuels et du spectacle. Ils ont également
le droit de préserver, de contrôler, de protéger et de
développer leur propriété intellectuelle collective de ce
patrimoine culturel, de ce savoir traditionnel et de ces expressions
culturelles traditionnelles. 2. En concertation avec les peuples
autochtones, les États prennent des mesures efficaces pour
reconnaître ces droits et en protéger l'exercice.
Article 32
1. Les peuples autochtones ont le droit de définir et
d'établir des priorités et des stratégies pour la mise en
valeur et l'utilisation de leurs terres ou territoires et autres
ressources. 2. Les États consultent les peuples autochtones
concernés et coopèrent avec eux de bonne foi par
l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, en
vue d'obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de
cause, avant l'approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres
ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en
valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales,
hydriques ou autres. 3. Les États mettent en place des
mécanismes efficaces visant à assurer une réparation juste
et équitable pour toute activité de cette nature, et des mesures
adéquates sont prises pour en atténuer les effets néfastes
sur les plans environnemental, économique, social, culturel ou
spirituel.
Article 33
1. Les peuples autochtones ont le droit de décider de
leur propre identité ou appartenance conformément à leurs
coutumes et traditions, sans préjudice du droit des autochtones
d'obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l'État
dans lequel ils vivent. 2. Les peuples autochtones ont le droit de
déterminer les structures de leurs institutions et d'en choisir les
membres selon leurs propres procédures.
Article 34
Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de
développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs
coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques
particulières et, lorsqu'ils existent, leurs systèmes ou coutumes
juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux
droits de l'homme.
Article 35
Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les
responsabilités des individus envers leur communauté.
Article 36
1. Les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent de
part et d'autre de frontières internationales, ont le droit d'entretenir
et de développer, à travers ces frontières, des contacts,
des relations et des liens de coopération avec leurs propres membres
ainsi qu'avec les autres peuples, notamment des activités ayant des buts
spirituels, culturels, politiques, économiques et sociaux. 2. Les
États prennent, en consultation et en coopération avec les
peuples autochtones, des mesures efficaces pour faciliter l'exercice de ce
droit et en assurer l'application.
Article 37
1. Les peuples autochtones ont droit à ce que les
traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des
États ou leurs successeurs soient reconnus et effectivement
appliqués, et à ce que les États honorent et respectent
lesdits traités, accords et autres arrangements constructifs. 2.
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être
interprétée de manière à diminuer ou à nier
les droits des peuples autochtones énoncés dans des
traités, accords et autres arrangements constructifs.
Article 38
Les États prennent, en consultation et en
coopération avec les peuples autochtones, les mesures
appropriées, y compris législatives, pour atteindre les buts de
la présente Déclaration.
Article 39
Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès
à une assistance financière et technique, de la part des
États et dans le cadre de la coopération internationale, pour
jouir des droits énoncés dans la présente
Déclaration.
Article 40
Les peuples autochtones ont le droit d'avoir accès
à des procédures justes et équitables pour le
règlement des conflits et des différends avec les États ou
d'autres parties et à une décision rapide en la matière,
ainsi qu'à des voies de recours efficaces pour toute violation de leurs
droits individuels et collectifs. Toute décision en la matière
prendra dûment en considération les coutumes, traditions,
règles et systèmes juridiques des peuples autochtones
concernés et les normes internationales relatives aux droits de
l'homme.
Article 41
Les organes et les institutions spécialisées du
système des Nations Unies et d'autres organisations
intergouvernementales contribuent à la pleine mise en oeuvre des
dispositions de la présente Déclaration par la mobilisation,
notamment, de la coopération financière et de l'assistance
technique. Les moyens d'assurer la participation des peuples autochtones
à l'examen des questions les concernant doivent être mis en
place.
Article 42
L'Organisation des Nations Unies, ses organes, en particulier
l'Instance permanente sur les questions autochtones, les institutions
spécialisées, notamment au niveau des pays, et les États
favorisent le respect et la pleine application des dispositions de la
présente Déclaration et veillent à en assurer
l'efficacité.
Article 43
Les droits reconnus dans la présente Déclaration
constituent les normes minimales nécessaires à la survie,
à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du
monde.
Article 44
Tous les droits et libertés reconnus dans la
présente Déclaration sont garantis de la même façon
à tous les autochtones, hommes et femmes.
Article 45
Aucune disposition de la présente Déclaration ne
peut être interprétée comme entraînant la diminution
ou l'extinction de droits que les peuples autochtones ont déjà ou
sont susceptibles d'acquérir à l'avenir.
Article 46
1. Aucune disposition de la présente Déclaration
ne peut être interprétée comme impliquant pour un
État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se
livrer à une activité ou d'accomplir un acte contraire à
la Charte des Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou
encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d'amoindrir,
totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou
l'unité politique d'un État souverain et
indépendant. 2. Dans l'exercice des droits énoncés dans
la présente Déclaration, les droits de l'homme et les
libertés fondamentales de tous sont respectés. L'exercice des
droits énoncés dans la présente Déclaration est
soumis uniquement aux restrictions prévues par la loi et conformes aux
obligations internationales relatives aux droits de l'homme. Toute restriction
de cette nature sera non discriminatoire et strictement nécessaire
à seule fin d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et
libertés d'autrui et de satisfaire aux justes exigences qui s'imposent
dans une société démocratique. 3. Les dispositions
énoncées dans la présente Déclaration seront
interprétées conformément aux principes de justice, de
démocratie, de respect des droits de l'homme, d'égalité,
de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi.
ANNEXE n°2
C169 Convention relative aux peuples indigènes et
tribaux, 1989
La Conférence générale de l'Organisation
internationale du Travail,
Convoquée à Genève par le Conseil
d'administration du Bureau international du Travail, et s'y étant
réunie le 7 juin 1989, en sa 76e session;
Notant les normes internationales énoncées dans la
convention et la recommandation relatives aux populations aborigènes et
tribales, 1957;
Rappelant les termes de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, et des nombreux instruments internationaux
concernant la prévention de la discrimination;
Considérant que, étant donné
l'évolution du droit international depuis 1957 et l'évolution qui
est intervenue dans la situation des peuples indigènes et tribaux dans
toutes les régions du monde, il y a lieu d'adopter de nouvelles normes
internationales sur la question en vue de supprimer l'orientation des normes
antérieures, qui visaient à l'assimilation;
Prenant acte de l'aspiration des peuples en question à
avoir le contrôle de leurs institutions, de leurs modes de vie et de leur
développement économique propres et à conserver et
développer leur identité, leur langue et leur religion dans le
cadre des Etats où ils vivent;
Notant que, dans de nombreuses parties du monde, ces peuples ne
peuvent jouir des droits fondamentaux de l'homme au même degré que
le reste de la population des Etats où ils vivent et que leurs lois,
valeurs, coutumes et perspectives ont souvent subi une érosion;
Appelant l'attention sur la contribution particulière des
peuples indigènes et tribaux à la diversité culturelle et
à l'harmonie sociale et écologique de l'humanité ainsi
qu'à la coopération et à la compréhension
internationales;
Notant que les dispositions ci-après ont été
établies avec la collaboration des Nations Unies, de l'Organisation des
Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, de l'Organisation des
Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture et de
l'Organisation mondiale de la santé ainsi que de l'Institut
indigéniste interaméricain, aux niveaux appropriés et pour
leurs domaines respectifs, et que l'on se propose de poursuivre cette
coopération en vue de promouvoir et d'assurer leur application;
Après avoir décidé d'adopter diverses
propositions concernant la révision partielle de la convention (no. 107)
relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, question qui
constitue le quatrième point à l'ordre du jour de la session;
Après avoir décidé que ces propositions
prendraient la forme d'une convention internationale révisant la
convention relative aux populations aborigènes et tribales, 1957,
adopte, ce vingt-septième jour de juin mil neuf cent
quatre-vingt-neuf, la convention ci-après, qui sera
dénommée Convention relative aux peuples indigènes et
tribaux, 1989.
PARTIE I. POLITIQUE GÉNÉRALE
Article 1
1. La présente convention s'applique:
a) aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se
distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs
conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis
totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont
propres ou par une législation spéciale;
b) aux peuples dans les pays indépendants qui sont
considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des
populations qui habitaient le pays, ou une région géographique
à laquelle appartient le pays, à l'époque de la
conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des
frontières actuelles de l'Etat, et qui, quel que soit leur statut
juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques,
culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles.
2. Le sentiment d'appartenance indigène ou tribale doit
être considéré comme un critère fondamental pour
déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la
présente convention.
3. L'emploi du terme peuples dans la
présente convention ne peut en aucune manière être
interprété comme ayant des implications de quelque nature que ce
soit quant aux droits qui peuvent s'attacher à ce terme en vertu du
droit international.
Article 2
1. Il incombe aux gouvernements, avec la participation des
peuples intéressés, de développer une action
coordonnée et systématique en vue de protéger les droits
de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité.
2. Cette action doit comprendre des mesures visant à:
a) assurer que les membres desdits peuples
bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et
possibilités que la législation nationale accorde aux autres
membres de la population;
b) promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux,
économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur
identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de
leurs institutions;
c) aider les membres desdits peuples à éliminer les
écarts socio-économiques qui peuvent exister entre des membres
indigènes et d'autres membres de la communauté nationale, d'une
manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie.
Article 3
1. Les peuples indigènes et tribaux doivent jouir
pleinement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans
entrave ni discrimination. Les dispositions de cette convention doivent
être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de
ces peuples.
2. Aucune forme de force ou de coercition ne doit être
utilisée en violation des droits de l'homme et des libertés
fondamentales des peuples intéressés, y compris des droits
prévus par la présente convention.
Article 4
1. Des mesures spéciales doivent être
adoptées, en tant que de besoin, en vue de sauvegarder les personnes,
les institutions, les biens, le travail, la culture et l'environnement des
peuples intéressés.
2. Ces mesures spéciales ne doivent pas être
contraires aux désirs librement exprimés des peuples
intéressés.
3. Lesdites mesures ne doivent porter aucune atteinte à la
jouissance, sans discrimination, de la généralité des
droits qui s'attachent à la qualité de citoyen.
Article 5
En appliquant les dispositions de la présente convention,
il faudra:
a) reconnaître et protéger les valeurs et les
pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et
prendre dûment en considération la nature des problèmes qui
se posent à eux, en tant que groupes comme en tant qu'individus;
b) respecter l'intégrité des valeurs, des pratiques
et des institutions desdits peuples;
c) adopter, avec la participation et la coopération des
peuples affectés, des mesures tendant à aplanir les
difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de
nouvelles conditions de vie et de travail.
Article 6
1. En appliquant les dispositions de la présente
convention, les gouvernements doivent:
a) consulter les peuples intéressés, par des
procédures appropriées, et en particulier à travers leurs
institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures
législatives ou administratives susceptibles de les toucher
directement;
b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples
peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la
population, participer librement et à tous les niveaux à la prise
de décisions dans les institutions électives et les organismes
administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes
qui les concernent;
c) mettre en place les moyens permettant de développer
pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et,
s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette
fin.
2. Les consultations effectuées en application de la
présente convention doivent être menées de bonne foi et
sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à
un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures
envisagées.
Article 7
1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de
décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le
processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une
incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur
bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une
autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur
leur développement économique, social et culturel propre. En
outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration,
à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et
programmes de développement national et régional susceptibles de
les toucher directement.
2. L'amélioration des conditions de vie et de travail des
peuples intéressés et de leur niveau de santé et
d'éducation, avec leur participation et leur coopération, doit
être prioritaire dans les plans de développement économique
d'ensemble des régions qu'ils habitent. Les projets particuliers de
développement de ces régions doivent également être
conçus de manière à promouvoir une telle
amélioration.
3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu,
des études soient effectuées en coopération avec les
peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale,
spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de
développement prévues pourraient avoir sur eux. Les
résultats de ces études doivent être
considérés comme un critère fondamental pour la mise en
oeuvre de ces activités.
4. Les gouvernements doivent prendre des mesures, en
coopération avec les peuples intéressés, pour
protéger et préserver l'environnement dans les territoires qu'ils
habitent.
Article 8
1. En appliquant la législation nationale aux peuples
intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs
coutumes ou de leur droit coutumier.
2. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de
conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu'elles ne sont pas
incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système
juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau
international. Des procédures doivent être établies, en
tant que de besoin, pour résoudre les conflits éventuellement
soulevés par l'application de ce principe.
3. L'application des paragraphes 1 et 2 du présent article
ne doit pas empêcher les membres desdits peuples d'exercer les droits
reconnus à tous les citoyens et d'assumer les obligations
correspondantes.
Article 9
1. Dans la mesure où cela est compatible avec le
système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au
niveau international, les méthodes auxquelles les peuples
intéressés ont recours à titre coutumier pour
réprimer les délits commis par leurs membres doivent être
respectées.
2. Les autorités et les tribunaux appelés à
statuer en matière pénale doivent tenir compte des coutumes de
ces peuples dans ce domaine.
Article 10
1. Lorsque des sanctions pénales prévues par la
législation générale sont infligées à des
membres des peuples intéressés, il doit être tenu compte de
leurs caractéristiques économiques, sociales et culturelles.
2. La préférence doit être donnée
à des formes de sanction autres que l'emprisonnement.
Article 11
La prestation obligatoire de services personnels,
rétribués ou non, imposée sous quelque forme que ce soit
aux membres des peuples intéressés, doit être interdite
sous peine de sanctions légales, sauf dans les cas prévus par la
loi pour tous les citoyens.
Article 12
Les peuples intéressés doivent
bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits
et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par
l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le
respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour
faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de
ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce
à un interprète ou par d'autres moyens efficaces.
PARTIE II. TERRES
Article 13
1. En appliquant les dispositions de cette partie de la
convention, les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale
que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples
intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou
territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une
autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette
relation.
2. L'utilisation du terme terres dans
les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires, qui recouvre la
totalité de l'environnement des régions que les peuples
intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre
manière.
Article 14
1. Les droits de propriété et de possession sur les
terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux
peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être
prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples
intéressés d'utiliser les terres non exclusivement
occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement
accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une
attention particulière doit être portée à cet
égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs
itinérants.
2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des
mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés
occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs
droits de propriété et de possession.
3. Des procédures adéquates doivent être
instituées dans le cadre du système juridique national en vue de
trancher les revendications relatives à des terres émanant des
peuples intéressés.
Article 15
1. Les droits des peuples intéressés sur les
ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être
spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces
peuples, de participer à l'utilisation, à la gestion et à
la conservation de ces ressources.
2. Dans les cas où l'Etat conserve la
propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou
des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les
gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour
consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer
si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont
menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de
prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs
terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est
possible, participer aux avantages découlant de ces activités et
doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils
pourraient subir en raison de telles activités.
Article 16
1. Sous réserve des paragraphes suivants du présent
article, les peuples intéressés ne doivent pas être
déplacés des terres qu'ils occupent.
2. Lorsque le déplacement et la réinstallation
desdits peuples sont jugés nécessaires à titre
exceptionnel, ils ne doivent avoir lieu qu'avec leur consentement, donné
librement et en toute connaissance de cause. Lorsque ce consentement ne peut
être obtenu, ils ne doivent avoir lieu qu'à l'issue de
procédures appropriées établies par la législation
nationale et comprenant, s'il y a lieu, des enquêtes publiques où
les peuples intéressés aient la possibilité d'être
représentés de façon efficace.
3. Chaque fois que possible, ces peuples doivent avoir le droit
de retourner sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons qui
ont motivé leur déplacement et leur réinstallation cessent
d'exister.
4. Dans le cas où un tel retour n'est pas possible, ainsi
que déterminé par un accord ou, en l'absence d'un tel accord, au
moyen de procédures appropriées, ces peuples doivent recevoir,
dans toute la mesure possible, des terres de qualité et de statut
juridique au moins égaux à ceux des terres qu'ils occupaient
antérieurement et leur permettant de subvenir à leurs besoins du
moment et d'assurer leur développement futur. Lorsque les peuples
intéressés expriment une préférence pour une
indemnisation en espèces ou en nature, ils doivent être ainsi
indemnisés, sous réserve des garanties appropriées.
5. Les personnes ainsi déplacées et
réinstallées doivent être entièrement
indemnisées de toute perte ou de tout dommage subi par elles de ce
fait.
Article 17
1. Les modes de transmission des droits sur la terre entre leurs
membres établis par les peuples intéressés doivent
être respectés.
2. Les peuples intéressés doivent être
consultés lorsque l'on examine leur capacité d'aliéner
leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces
terres en dehors de leur communauté.
3. Les personnes qui n'appartiennent pas à ces peuples
doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes
desdits peuples ou de l'ignorance de leurs membres à l'égard de
la loi en vue d'obtenir la propriété, la possession ou la
jouissance de terres leur appartenant.
Article 18
La loi doit prévoir des sanctions adéquates pour
toute entrée non autorisée sur les terres des peuples
intéressés, ou toute utilisation non autorisée de ces
terres, et les gouvernements doivent prendre des mesures pour empêcher
ces infractions.
Article 19
Les programmes agraires nationaux doivent garantir aux peuples
intéressés des conditions équivalentes à celles
dont bénéficient les autres secteurs de la population en ce qui
concerne:
a) l'octroi de terres supplémentaires quand les terres
dont lesdits peuples disposent sont insuffisantes pour leur assurer les
éléments d'une existence normale, ou pour faire face à
leur éventuel accroissement numérique;
b) l'octroi des moyens nécessaires à la mise en
valeur des terres que ces peuples possèdent déjà.
PARTIE III. RECRUTEMENT ET CONDITIONS D'EMPLOI
Article 20
1. Les gouvernements doivent, dans le cadre de la
législation nationale et en coopération avec les peuples
intéressés, prendre des mesures spéciales pour assurer aux
travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui
concerne le recrutement et les conditions d'emploi, dans la mesure où
ils ne sont pas efficacement protégés par la législation
applicable aux travailleurs en général.
2. Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur
pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs
appartenant aux peuples intéressés et les autres travailleurs,
notamment en ce qui concerne:
a) l'accès à l'emploi, y compris aux emplois
qualifiés, ainsi que les mesures de promotion et d'avancement;
b) la rémunération égale pour un travail de
valeur égale;
c) l'assistance médicale et sociale, la
sécurité et la santé au travail, toutes les prestations de
sécurité sociale et tous autres avantages découlant de
l'emploi, ainsi que le logement;
d) le droit d'association, le droit de se livrer librement
à toutes activités syndicales non contraires à la loi et
le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec
des organisations d'employeurs.
3. Les mesures prises doivent notamment viser à ce que:
a) les travailleurs appartenant aux peuples
intéressés, y compris les travailleurs saisonniers, occasionnels
et migrants employés dans l'agriculture ou dans d'autres
activités, de même que ceux employés par des pourvoyeurs de
main-d'oeuvre, jouissent de la protection accordée par la
législation et la pratique nationales aux autres travailleurs de ces
catégories dans les mêmes secteurs, et qu'ils soient pleinement
informés de leurs droits en vertu de la législation du travail et
des moyens de recours auxquels ils peuvent avoir accès;
b) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient
pas soumis à des conditions de travail qui mettent en danger leur
santé, en particulier en raison d'une exposition à des pesticides
ou à d'autres substances toxiques;
c) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient
pas soumis à des systèmes de recrutement coercitifs, y compris la
servitude pour dette sous toutes ses formes;
d) les travailleurs appartenant à ces peuples jouissent de
l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes dans
l'emploi et d'une protection contre le harcèlement sexuel.
4. Une attention particulière doit être
portée à la création de services adéquats
d'inspection du travail dans les régions où des travailleurs
appartenant aux peuples intéressés exercent des activités
salariées, de façon à assurer le respect des dispositions
de la présente partie de la convention.
PARTIE IV. FORMATION PROFESSIONNELLE, ARTISANAT ET INDUSTRIES
RURALES
Article 21
Les membres des peuples intéressés doivent pouvoir
bénéficier de moyens de formation professionnelle au moins
égaux à ceux accordés aux autres citoyens.
Article 22
1. Des mesures doivent être prises pour promouvoir la
participation volontaire des membres des peuples intéressés aux
programmes de formation professionnelle d'application
générale.
2. Lorsque les programmes de formation professionnelle
d'application générale existants ne répondent pas aux
besoins propres des peuples intéressés, les gouvernements
doivent, avec la participation de ceux-ci, faire en sorte que des programmes et
des moyens spéciaux de formation soient mis à leur
disposition.
3. Les programmes spéciaux de formation doivent se fonder
sur le milieu économique, la situation sociale et culturelle et les
besoins concrets des peuples intéressés. Toute étude en ce
domaine doit être réalisée en coopération avec ces
peuples, qui doivent être consultés au sujet de l'organisation et
du fonctionnement de ces programmes. Lorsque c'est possible, ces peuples
doivent assumer progressivement la responsabilité de l'organisation et
du fonctionnement de ces programmes spéciaux de formation, s'ils en
décident ainsi.
Article 23
1. L'artisanat, les industries rurales et communautaires, les
activités relevant de l'économie de subsistance et les
activités traditionnelles des peuples intéressés, telles
que la chasse, la pêche, la chasse à la trappe et la cueillette,
doivent être reconnus en tant que facteurs importants du maintien de leur
culture ainsi que de leur autosuffisance et de leur développement
économiques. Les gouvernements doivent, avec la participation de ces
peuples, et, s'il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient
renforcées et promues.
2. A la demande des peuples intéressés, il doit
leur être fourni, lorsque c'est possible, une aide technique et
financière appropriée qui tienne compte des techniques
traditionnelles et des caractéristiques culturelles de ces peuples ainsi
que de l'importance d'un développement durable et équitable.
PARTIE V. SÉCURITÉ SOCIALE ET SANTÉ
Article 24
Les régimes de sécurité sociale doivent
être progressivement étendus aux peuples intéressés
et être appliqués sans discrimination à leur encontre.
Article 25
1. Les gouvernements doivent faire en sorte que des services de
santé adéquats soient mis à la disposition des peuples
intéressés ou doivent leur donner les moyens leur permettant
d'organiser et de dispenser de tels services sous leur responsabilité et
leur contrôle propres, de manière à ce qu'ils puissent
jouir du plus haut niveau possible de santé physique et mentale.
2. Les services de santé doivent être autant que
possible organisés au niveau communautaire. Ces services doivent
être planifiés et administrés en coopération avec
les peuples intéressés et tenir compte de leurs conditions
économiques, géographiques, sociales et culturelles, ainsi que de
leurs méthodes de soins préventifs, pratiques de guérison
et remèdes traditionnels.
3. Le système de soins de santé doit accorder la
préférence à la formation et à l'emploi de
personnel de santé des communautés locales et se concentrer sur
les soins de santé primaires, tout en restant en rapport étroit
avec les autres niveaux de services de santé.
4. La prestation de tels services de santé doit être
coordonnée avec les autres mesures sociales, économiques et
culturelles prises dans le pays.
PARTIE VI. EDUCATION ET MOYENS DE COMMUNICATION
Article 26
Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres
des peuples intéressés la possibilité d'acquérir
une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied
d'égalité avec le reste de la communauté nationale.
Article 27
1. Les programmes et les services d'éducation pour les
peuples intéressés doivent être développés et
mis en oeuvre en coopération avec ceux-ci pour répondre à
leurs besoins particuliers et doivent couvrir leur histoire, leurs
connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et leurs
autres aspirations sociales, économiques et culturelles.
2. L'autorité compétente doit faire en sorte que la
formation des membres des peuples intéressés et leur
participation à la formulation et à l'exécution des
programmes d'éducation soient assurées afin que la
responsabilité de la conduite desdits programmes puisse être
progressivement transférée à ces peuples s'il y a lieu.
3. De plus, les gouvernements doivent reconnaître le droit
de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens
d'éducation, à condition que ces institutions répondent
aux normes minimales établies par l'autorité compétente en
consultation avec ces peuples. Des ressources appropriées doivent leur
être fournies à cette fin.
Article 28
1. Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit
être donné aux enfants des peuples intéressés pour
leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue
indigène ou dans la langue qui est le plus communément
utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas
réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre
des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant
d'atteindre cet objectif.
2. Des mesures adéquates doivent être prises pour
assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la
maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du
pays.
3. Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder
les langues indigènes des peuples intéressés et en
promouvoir le développement et la pratique.
Article 29
L'éducation doit viser à donner aux enfants des
peuples intéressés des connaissances générales et
des aptitudes qui les aident à participer pleinement et sur un pied
d'égalité à la vie de leur propre communauté ainsi
qu'à celle de la communauté nationale.
Article 30
1. Les gouvernements doivent prendre des mesures adaptées
aux traditions et aux cultures des peuples intéressés, en vue de
leur faire connaître leurs droits et obligations, notamment en ce qui
concerne le travail, les possibilités économiques, les questions
d'éducation et de santé, les services sociaux et les droits
résultant de la présente convention.
2. A cette fin, on aura recours, si nécessaire, à
des traductions écrites et à l'utilisation des moyens de
communication de masse dans les langues desdits peuples.
Article 31
Des mesures de caractère éducatif doivent
être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et
particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec
les peuples intéressés, afin d'éliminer les
préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces
peuples. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les
livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent
une description équitable, exacte et documentée des
sociétés et cultures des peuples intéressés.
PARTIE VII. CONTACTS ET COOPÉRATION À TRAVERS LES
FRONTIÈRES
Article 32
Les gouvernements doivent prendre les mesures appropriées,
y compris au moyen d'accords internationaux, pour faciliter les contacts et la
coopération entre les peuples indigènes et tribaux à
travers les frontières, y compris dans les domaines économique,
social, culturel, spirituel et de l'environnement.
PARTIE VIII. ADMINISTRATION
Article 33
1. L'autorité gouvernementale responsable des questions
faisant l'objet de la présente convention doit s'assurer que des
institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour
administrer les programmes affectant les peuples intéressés et
qu'ils disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de
leurs fonctions.
2. Ces programmes doivent inclure:
a) la planification, la coordination, la mise en oeuvre et
l'évaluation, en coopération avec les peuples
intéressés, des mesures prévues par la présente
convention;
b) la soumission aux autorités compétentes de
propositions de mesures législatives et autres et le contrôle de
l'application de ces mesures, en coopération avec les peuples
intéressés.
PARTIE IX. DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 34
La nature et la portée des mesures à prendre pour
donner effet à la présente convention doivent être
déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions
particulières à chaque pays.
Article 35
L'application des dispositions de la présente convention
ne doit pas porter atteinte aux droits et aux avantages garantis aux peuples
intéressés en vertu d'autres conventions et recommandations,
d'instruments internationaux, de traités, ou de lois, sentences,
coutumes ou accords nationaux.
PARTIE X. DISPOSITIONS FINALES
Article 36
La présente convention révise la convention
relative aux populations aborigènes et tribales, 1957.
Article 37
Les ratifications formelles de la présente convention
seront communiquées au Directeur général du Bureau
international du Travail et par lui enregistrées.
Article 38
1. La présente convention ne liera que les Membres de
l'Organisation internationale du Travail dont la ratification aura
été enregistrée par le Directeur général.
2. Elle entrera en vigueur douze mois après que les
ratifications de deux Membres auront été enregistrées par
le Directeur général.
3. Par la suite, cette convention entrera en vigueur pour chaque
Membre douze mois après la date où sa ratification aura
été enregistrée.
Article 39
1. Tout Membre ayant ratifié la présente convention
peut la dénoncer à l'expiration d'une période de dix
années après la date de la mise en vigueur initiale de la
convention, par un acte communiqué au Directeur général du
Bureau international du Travail et par lui enregistré. La
dénonciation ne prendra effet qu'une année après avoir
été enregistrée.
2. Tout Membre ayant ratifié la présente convention
qui, dans le délai d'une année après l'expiration de la
période de dix années mentionnée au paragraphe
précédent, ne fera pas usage de la faculté de
dénonciation prévue par le présent article sera lié
pour une nouvelle période de dix années et, par la suite, pourra
dénoncer la présente convention à l'expiration de chaque
période de dix années dans les conditions prévues au
présent article.
Article 40
1. Le Directeur général du Bureau international du
Travail notifiera à tous les Membres de l'Organisation internationale du
Travail l'enregistrement de toutes les ratifications et dénonciations
qui lui seront communiquées par les Membres de l'Organisation.
2. En notifiant aux Membres de l'Organisation l'enregistrement de
la deuxième ratification qui lui aura été
communiquée, le Directeur général appellera l'attention
des Membres de l'Organisation sur la date à laquelle la présente
convention entrera en vigueur.
Article 41
Le Directeur général du Bureau international du
Travail communiquera au Secrétaire général des Nations
Unies, aux fins d'enregistrement, conformément à l'article 102 de
la Charte des Nations Unies, des renseignements complets au sujet de toutes
ratifications et de tous actes de dénonciation qu'il aura
enregistrés conformément aux articles
précédents.
Article 42
Chaque fois qu'il le jugera nécessaire, le Conseil
d'administration du Bureau international du Travail présentera à
la Conférence générale un rapport sur l'application de la
présente convention et examinera s'il y a lieu d'inscrire à
l'ordre du jour de la Conférence la question de sa révision
totale ou partielle.
Article 43
1. Au cas où la Conférence adopterait une nouvelle
convention portant révision totale ou partielle de la présente
convention, et à moins que la nouvelle convention ne dispose
autrement:
a) la ratification par un Membre de la nouvelle convention
portant révision entraînerait de plein droit, nonobstant l'article
39 ci-dessus, dénonciation immédiate de la présente
convention, sous réserve que la nouvelle convention portant
révision soit entrée en vigueur;
b) à partir de la date de l'entrée en vigueur de la
nouvelle convention portant révision, la présente convention
cesserait d'être ouverte à la ratification des Membres.
2. La présente convention demeurerait en tout cas en
vigueur dans sa forme et teneur pour les Membres qui l'auraient ratifiée
et qui ne ratifieraient pas la convention portant révision.
Article 44
Les versions française et anglaise du texte de la
présente convention font également foi.
ANNEXE n°3
GUIDE D'ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF RESERVE AUX ACTEURS DES
PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT
- Noms, prénoms, fonction
- Mode de collaboration avec les peuples autochtones dans le
cadre de l'exercice de la fonction
- Actions menées par l'ONG/ Etat pour
développement des pygmées baka
- Objectifs visés par Institution et par les actions
- Connaissances sur le droit au développement au profit
des pygmées baka
- Textes normatifs sous tendant ces actions/ partenariat avec
l'Etat
- Implication des pygmées baka dans la
réalisation de leur développement
o Moyens de contrôle sur leur développement
o Participation aux phases (niveau de participation ?)
- Préalables du droit au développement
o Etudes d'impact des projets
o Autogestion
- Impact des actions sur les baka (résultats des
programmes)
- Perception des pygmées face aux programmes de
développement
- Difficultés rencontrées (de tout ordre)
- Solutions préconisées et perspectives
envisagées ?
ANNEXE n°4
PHOTOS DU CAMPEMENT DE MISSOUME
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est3.png)
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est4.png)
Photo 1 : les enfants de l'école de
Missoumé
Photo 2 : école de Missoumé
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est5.png)
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est6.png)
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est7.png)
Photo 3 : pompe à eau Photo 4 :
habitation typique des baka
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est8.png)
![](Peuples-autochtones-et-droit-au-developpement-au-Cameroun-Cas-des-pygmees-Baka-de-l-est9.png)
Photo 5 &6 : latrines modernes construites au
profit des bakas du campement de Missoumé
TABLE DES
MATIERES
* 1 Lire Rapport du PNUD sur
la pauvreté, 2000
* 2 Organisation
Internationale du Travail
* 3 J.D. BOUKONGOU,
« L'indépendance de la justice comme facteur du
développement économique et social », in Bulletin
de l'APDHAC N°31, octobre 2008, p 10
* 4 Travail de la commission
africaine sur les peuples autochtones d'Afrique par Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des peuples (CADHP) et IWGIA, « Peuples
autochtones d'Afrique : Les Peuples oubliés ? »,
2006
* 5 Fiche d'information
n°18, Droit des minorités, Genève, Nations-Unies 1992, p9
* 6 Nations Unies,
« Etude du problème de la discrimination à l'encontre
des populations autochtones », Genève, 1986, 1400p.
* 7 J. MOUANGUE KOBILA,
La protection des minorités et des peuples autochtones au
Cameroun, 1ère édition, Paris, Dianoïa,
2009, p. 50.
* 8 Travail de la commission
africaine sur les peuples autochtones d'Afrique, op. cit, p.31
* 9 Déclaration sur le
droit au développement, adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 41/128 du 4
décembre 1986
* 10 Paragraphe 2 du
préambule de la Déclaration sur le droit au développement,
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986
* 11 OIT, Les droits des
peuples autochtones dans la pratique : un guide sur la Convention
n°169 de l'OIT, Première édition, Genève :OIT,
2009, p118
* 12 S. C. ABEGA,
Pygmées baka : le droit à la différence,
Yaoundé : Ed. INADES Formation Cameroun, 1988, p.72
* 13 G. KANA BELLA,
« justice pour le peuple BAKA du Cameroun », in
Telema, n°82, avril-juin 1995, pp 79-83
* 14 Idem, p 80
* 15 P. BIGOMBE LOGO,
« Cameroun : pygmées, Etat et développement.
L'incontournable ajustement à la modernité », in
L'Afrique politique, 1998, pp. 225-270.
* 16 Idem, p. 267.
* 17 E. DOUNIAS, A. FROMENT,
« Lorsque les chasseurs-cueilleurs deviennent
sédentaires : les conséquences pour le régime
alimentaire et la santé », in Unasylva 224, vol. 57,
2006, pp.26-33.
* 18 P. BIGOMBE LOGO,
« Cameroun : pygmées, Etat et développement.
L'incontournable ajustement à la modernité », in
L'Afrique politique, op.cit, p.268.
* 19 M. SINGLETON,
« Identité culturelle », in Vivant Univers,
pp. 35-36
* 20 S.C. ABEGA,
« Marginaux ou marginalisés ? le cas des Pygmées
Baka » in La marginalisation des pygmées d'Afrique
centrale, AFREDIT, 30 septembre 2006, 275p.
* 21 Le CERAC est le Cercle
des amis du Cameroun. C'est une association qui regroupe les épouses des
membres du Gouvernement, des Ambassadeurs et des personnalités de la
République. Elle est présidée par Mme Chantal BIYA. Elle a
assisté les populations Baka dans l'établissement des cartes
nationales d'identité à la veille de l'élection
présidentielle du 11 octobre 2004.
* 22 L'association Synergies
Africaines contre les souffrances et les maladies oeuvre pour le
développement des populations vulnérables. Elle offre
régulièrement des dons aux populations Baka de la province de
l'Est.
* 23 Voir annexe n°3
(Guide d'entretien semi directif réservé aux acteurs des
programmes de développement)
* 24 Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre
2007 à New York
* 25 Convention n°169
relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée par
l'Organisation internationale du travail, 1989
* 26 Charte africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981 à
Nairobi, Kenya, lors de la 18e
Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA)
* 27 Sommet Mondial pour le
développement social, tenu à Copenhague en 1995
* 28 Sommet du
Millénaire, tenu à New York du 6-8 Septembre 2000
* 29 Sommet mondial sur le
développement durable, tenu à Johannesburg du 1-4 Septembre
2002
* 30 Rodolfo STAVENHAGEN,
Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au
développement :Rapport du Rapporteur spécial sur la
situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des
peuples autochtones, Nations Unies, 15 novembre 2007
* 31 C'est le fait de les
aider à prendre des mesures qui vont leur permettre de contrôler
davantage leur avenir
* 32 Les gens apprennent
davantage en faisant les choses par eux-mêmes. Si on les aide à
planifier et gérer leurs propres affaires il y a plus de chance que les
résultats répondent mieux à leurs besoins. Le
développement des capacités est donc un objectif important des
approches participatives. C'est une condition préalable à la
durabilité des initiatives de développement.
* 33 La participation
contribue à l'efficacité du projet. S'il existe une
véritable participation aux activités et à la prise de
décision, il y aura plus d'engagement et plus de chances d'atteindre les
objectifs.
* 34 Si des mesures plus
opportunes peuvent être prises grâce à une approche
participative, cela contribuera à améliorer l'efficience des
opérations
* 35 Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre
2007
* 36 Commission
européenne, Lignes directrices : gestion du cycle de
projet, Bruxelles, Belgique, 2004, p. 119
* 37 Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, op cit, article
19
* 38 Rodolfo STAVENHAGEN,
op cit, par. 23
* 39 H. PERRIN,
« Les peuples autochtones, à l'origine d'un renouveau du
principe d'autodétermination ?», in la nouvelle question
indigène : Peuples autochtones et ordre mondial, Paris,
l'Harmattan, 2005, p.261
* 40 Ibid, p.262
* 41 Voir l'article 7 qui
énonce à ce sujet : « 1. Les peuples
intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs
propres priorités en ce qui concerne le processus du
développement [...]et d'exercer autant que possible un contrôle
sur leur développement économique, social et culturel
propre. »
* 42 H. PERRIN, op
cit, p.267
* 43 Commission Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples, Avis juridique de la Commission
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples sur la Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
41ème session ordinaire, Accra-Ghana, mai 2007,par.17
* 44 L'Article 46 de la DDPA
dispose qu' «aucune disposition de la présente
Déclaration ne peut être interprétée comme
impliquant pour un Etat, un peuple, un groupement ou un individu, un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte
contraire à la Charte des Nations Unies. »
* 45 Voir Communication
n°75/92(1995) - Congrès du Peuple katangais c./Zaïre,
8ème Rapport annuel d'activités de la Commission
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.
* 46 Banque mondiale,
Application de la directive opérationnelle 4.20 sur les peuples
autochtones 2003.
* 47 DDPA, op cit,
art. 21(2)
* 48 C169, op cit,
art. 7(2)
* 49 L'article 2 de la DDPA
dispose que : « les peuples autochtones, peuples et
individus, sont libres et égaux à tous les autres et ont le droit
de ne faire l'objet, dans l'exercice de leurs droits, d'aucune forme de
discrimination fondée, en particulier, sur leur origine ou leur
identité autochtones. »
* 50 Les lignes directrices
Akwe :Kon peuvent être consultées à l'adresse
suivante : http://www.cbd.int/doc/publications/akwe-brochure-fr.pdf
* 51 « L'Etat
assure la protection des minorités et préserve les droits des
populations autochtones conformément à la loi ».
il est important de préciser ici que le terme populations autochtones
dénote d'une perception démographique et restreint le champ
d'application de cette notion dans la mesure où le sens ici visé
renvoie au natif par opposition à l'allochtone.
* 52 Groupes
réunissent les caractéristiques de peuples autochtones
conformément aux normes et standards internationaux de protection des
droits de l'homme tels que : Convention 169 de l'OIT, Rapport du groupe de
travail d'experts de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples sur les populations et communautés autochtones.
* 53 Ce terme désigne
à la fois les autochtones et les non autochtones
considérés comme marginaux en distinguant les communautés
nouvellement marginales à savoir les habitants des îles
formées par les criques frontalières, les Koma des monts
Atlantitika, les réfugiés tchadiens et rwandais, les populations
déplacées de Bakassi et du Nord Ouest Cameroun de celles
considérées comme traditionnellement marginales regroupant les
Mbororo, les Pygmées, les montagnards agriculteurs.
* 54 Politique nationale de
la population à travers la promotion de l'autosuffisance et de la
sécurité alimentaire, la promotion de l'éducation pour
tous notamment celle de la fille
* 55 Programme National de
Développement Participatif, Programme Sectoriel Forêt
Environnement
* 56 Les projets impliquant
les peuples autochtones sont généralement financés par
l'Etat (c'est le cas du Projet socio économique des Baka/Bakola
mené dans les provinces de l'Est et du Sud Cameroun ou en partenariat
avec des Institutions ou Organisations Internationales à l'instar de la
Coopération technique belge dans le cadre du Projet PADES Baka.
* 57 Cette
prérogative est assurée par la Direction à la
Solidarité Nationale.
* 58 Elle met un accent sur
les difficultés quotidiennes que rencontrent les peuples autochtones
à savoir : la déforestation, les effets néfastes de
certaines pratiques pastorales, l'utilisation des infrastructures sociales, les
formations sur le fonctionnement des infrastructures socio économiques
dans les domaines variés.
* 59Article 18(3), qui
prévoit que l'acte de classement d'une forêt fait l'objet d'un
avis au public dans les préfectures, sous préfectures, mairies et
services de l'Administration en charge des forêts dans les régions
concernées ou par toutes autres voies utiles.
* 60 Article 1er
de cette loi
* 61 C'est le cas du projet
de politique sur les populations marginales qui tarde à être
finalisé, ce qui laisse ces groupes en proie à de nombreux
maux
* 62 Le Cameroun n'a
toujours pas ratifié la convention 169 de L'OIT, spécifiquement
consacrée aux peuples autochtones
* 63 CTSE-DRSP,
Révision du Document de Stratégie de Réduction de la
Pauvreté, Termes De Référence, 2007
* 64 Chapitre II du Titre 3,
intitulé « Des études d'impact
environnemental » , articles 17-20
* 65 Loi n° 94/01 du 20
janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la
pêche ; Loi n° 98/005 du 04 avril 1998 portant régime de
l'eau ; Loi n° 98/15 du 14 juillet 1998 régissant les
établissements classés dangereux insalubre ou incommodes ; Loi
n° 99/013 du 22 décembre 1999 portant code pétrolier ; Loi
n° 001 du 16 avril 2001 portant code minier ; Loi n° 2002/013 du 30
décembre 2002 portant code gazier, etc.
* 66 Décret n°
95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d'application du
régime des forêts ; Décret n° 95/466/PM du 2 juillet
1995 fixant les modalités du régime de la faune et de la flore ;
Décret n° 2005/496 du 31 décembre 2005 modifiant et
complétant certaines dispositions du décret n° 2005/117 du
14 avril 2005 portant organisation du Ministère de l'Environnement et de
la Protection de la Nature ; Décret n° 2005/117 du 14 avril 2005
portant organisation du Ministère de l'Environnement et de la Protection
de la Nature ; Décret n° 2005/0577/PM du 23 février 2005
fixant les modalités de réalisation des études d'impact
environnemental ; Décret n° 2005/099 du 6 avril 2005 portant
organisation du ministère des Forêts et de la Faune ; etc.
* 67 Section d'initiation au
langage, première classe de l'école primaire
* 68 Cours
élémentaire première année. L'ouverture de la
deuxième année (CE2) est prévue pour 2011
* 69 Association pour la
scolarisation des enfants de la forêt
* 70 Les
élèves du CP (Cours préparatoire) et du CE1 prennent des
cours dans la même salle de classe
* 71 Brevet d'études
du premier cycle, obtenu après quatre années d'enseignement
secondaire général
* 72 Données
tirées du Rapport sur le Développement intégré des
minorités Socio démographique Pygmées et Bororos au
Cameroun : le cas des Baka de l'Est, du Ministère de la recherche
scientifique et de l'Innovation, 2009, inédit,
* 73 Deuxième
édition de la Journée Internationale des Peuples autochtones
* 74 Terme
considéré comme péjoratif par les baka, car ils estiment
qu'en les appelant ainsi, ils subissent une autre forme de discrimination.
* 75 Les chefferies de
3ème degré correspondent aux villages ou quartiers en
milieu rural et aux quartiers en milieu urbain. Les chefferies de
1er degré sont créées par arrêté
du Premier Ministre, celles de 2ème degré par
arrêté du Ministre de l'Administration territoriale et de la
Décentralisation et celles de 3ème degré par
arrêté préfectoral.
* 76 OIT/CADHP,
Aperçu du rapport du projet de recherche par l'Organisation
Internationale du Travail et la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples relatif à la protection constitutionnelle et
législative des droits des peuples autochtones dans 24 pays
africains , Organisation Internationale du Travail. - Genève, 2009,
p. 119
* 77 R. BASTIDE,
Anthropologie appliquée, Paris, Payot, 1971
* 78 Roger Sockeng, Les
Institutions Judiciaires au Cameroun, Collection
« Lebord », Troisième Edition, Mise à jour
année 2000.
* 79 Article 12 (1) loi de
1994 portant régime des forêts, de la faune et de la
pêche
* 80 Notable siégeant
auprès du Président du Tribunal durant une audience et
doté de connaissances sur les us et coutume de l'une ou l'autre partie
au cours d'un procès.
* 81 Voir les
recommandations du séminaire sur le Multiculturalisme en
Afrique : comment réaliser une intégration pacifique et
constructive dans des situations intéressant les minorités et les
peuples autochtones, tenu à Arusha en Tanzanie du 13 au 15 mai
2000.
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