PREMIERE PARTIE
LA CRISE DE CONSTRUCTION NATIONALE :
SITE D'EMERGENCE DES POLITIQUES PUBLIQUES
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La problématique de la gestion post con~lit
au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants
touaregs
Aofit 2009
Pour aborder la problématique de la gestion
post-conflit, on ne saurait faire l'économie d'un détour par
l'histoire dont les données demeurent indispensables à l'analyse
politique. Les développements historiques du Niger pré colonial,
colonial et postcolonial permettent de cerner les contours du problème
touareg devenu désormais récurrent. Cette excursion historique
s'appuie sur l'origine du problème touareg en montrant son processus de
construction et de gestion, aussi bien dans la période coloniale que
dans la période post coloniale. Comme beaucoup de conflits ailleurs en
Afrique et dans le monde, le conflit touareg a résulté d'une
crise de construction nationale. La réinsertion des ex-combattants et
les autres politiques de gestion post conflit sont issues de ce conflit
armé. C'est à partir de ces développements que
l'émergence de la politique de réinsertion des ex-combattants
touaregs est appréhendée. Cette première partie se base
sur la construction du problème touareg au Niger (Chap. 1) et permet
d'apprécier la continuité historique dans l'émergence des
politiques publiques de gestion post conflit (Chap. 2).
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La problématique de la gestion post conflit
au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants
touaregs
Aofit 2009
CHAPITRE I : LA CONSTRUCTION DU PROBLEME TOUAREG
Pour saisir le processus de construction du conflit touareg,
deux moments historiques sont à considérer. D'une part, le
problème touareg résulte d'un processus de domination coloniale
qui a consacré une rupture fondamentale avec les dynamiques
d'intégration propulsées dans l'espace nigérien
précolonial (section 1). D'autre part, à travers l'analyse des
politiques d'intégration nationale de l'État post colonial, le
rôle des variables politiques et géostratégiques est mis en
exergue (section 2).
Section 1 : L'origine coloniale du problème
touareg
Le problème touareg est issu du phénomène
colonial. Les données historiques sur les entités politiques
pré coloniales de l'espace nigérien et la nature de leurs
rapports plaident pour cette approche (paragraphe 1). La politisation de
l'ethnicité est ainsi apparue comme une politique pensée et
délibérée du pouvoir colonial (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La configuration politique
précoloniale
L'étude de l'espace politique précolonial
révèle l'existence d'une diversité de formes
d'organisation so ciopolitique (A) et une primauté des rapports de
coopération sur la propension au conflit entre les différentes
communautés existantes (B).
A. Une diversité de configurations et
trajectoires politiques
Les sociétés politiques installées entre
le fleuve Niger et le lac Tchad étaient organisées politiquement
selon le rythme de leurs dynamiques internes. Il existait des
sociétés à Etat fortement centralisées et des
sociétés dites acéphales, sans Etat central, mais
disposant tout de même de systèmes politiques complexes
adaptés à leur culture1. Cependant, de manière
générale, les sociétés du Soudan central exhibaient
des formes d'organisation plus avancées que celles existant dans la zone
savano-forestière. L'espace nigérien a été
marqué par l'emprise des grands empires ayant prospéré
dans l'espace soudano-sahélien depuis le XIIe siècle.
C'est ainsi que l'Empire du Kanem Bornou fondé au XIIe
siècle avait étendu son influence sur les espaces
géographiques du Niger actuel. A sa disparition en 1900, ce grand empire
s'était retrouvé morcelé entre quatre Etats postcoloniaux
à savoir le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun qui se partagent
le Lac Tchad. Le Kanem Bornou était organisé en
principautés et royaumes sur un modèle théocratique
d'inspiration islamique. Dans sa partie occidentale, l'espace nigérien
connu l'influence de l'Empire du Mali surtout pendant son apogée entre
le XIIe et le XIVe siècles.
D'ailleurs, les Etats haoussas entretenaient d'excellentes
relations avec le Mali dans les domaines culturels et politiques. Des empereurs
maliens comme Kankan Moussa ont exercé une influence forte sur l'espace
nigérien, tout comme d'ailleurs les empereurs Sonraï tel que Askia
Mohamed et Soni Ali Ber. Du VIIe au XIXe siècle, les populations
haoussas du Niger et du
1 Sanoussi Tambari Jackou, Affaires
Constitutionnelles et Organisation des Pouvoirs au Niger, vol 1,
Niamey, Démocratie 2000, 2000, pp. 1-21.
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au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants
touaregs
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Nigeria avaient développé des Etats
indépendants (Kano, Rano, Gobir ...). L'Empire haoussa du Kebbi par
exemple avait bâti sa base territoriale jusque dans la zone
sahélo-saharienne du Niger actuel (Filingué, Kourfey, Ader
...).
A la fin du XVIIIe siècle, le Sultanat d'Agadez dans le
nord du Niger actuel, créé par des confédérations
touarègues au XVè siècle, avait atteint un niveau
d'organisation politique et de prestige très avancé.
D'inspiration islamique, le Sultanat couvrait les régions de l'Azawak,
de l'Ader et du Damergou. Pour Maikorema Zakari, « l'une des
raisons qui présidèrent à sa fondation était
précisément le souci de mieux organiser les forces du pays en vue
de faire face aux agressions externes en provenance justement du Bornou puis du
Songhay qui voulaient chacun l'inclure dans sa Ione d'influence à cause
précisément de la position de carrefour commercial de l'Aïr
»1.
Un autre Sultanat d'obédience islamique fut l'Etat de
Damagaram dans le Zinder actuel créé par des populations
originaires du Bornou. Il apparaît que malgré leur
diversité de trajectoire, certains des Etats pré-coloniaux ayant
occupé l'espace nigérien étaient fortement inspirés
de l'Islam, sans être des Etats purement théocratiques. C'est au
XIXè siècle qu'un empire véritablement islamique va
naître dans la zone sahélienne : le Sultanat de Sokoto dans
l'actuel Nigeria. Sous la direction du marabout peulh Ousmane Dan Fodio, le
Sultanat de Sokoto va conquérir nombre d'Etats haoussas du nord Nigeria
et étendre son influence jusque dans les régions du Niger central
actuel. L'idéologie islamique de Ousmane Dan Fodio allait mobiliser
beaucoup de groupes ethniques islamisés comme les Touaregs de l'Azawak
et les Haoussas.
Ainsi, bien avant la pénétration coloniale, les
sociétés occupant l'espace nigérien avaient produit
à partir de leurs dynamiques endogènes des Etats plus ou moins
centralisés, connaissant parfois des différentiations
structurelles poussées. Le plus significatif en terme de construction
politique est l'existence d'une logique idéologique qui transcendait les
particularismes ethniques. L'idéologie islamique avait servi de base
à l'éclosion d'une conscience politique prenant le dessus sur les
allégeances primordiales.
Toutefois, les communautés ethnolinguistiques se
distinguaient de par leur organisation so ciopolitique. L'organisation so
ciopolitique du monde touareg se caractérise par l'existence d'une
stratification sociale faite de « castes cloisonnées
». Quatre catégories socioprofessionnelles se
retrouvent généralement dans les sociétés
touarègues : les Imajeren, les
Imrad, les Inaden et les
Iklan2.
Les Imajeren représentent le
groupe aristocratique guerrier dont l'occupation essentielle est la guerre.
Cette catégorie se singularise aussi par son aversion pour le travail
physique qui est censé relever des couches inférieures. A
côté de ces nobles, il existe d'autres tribus libres
appelées Ineslemen qui s'occupent des affaires
religieuses, de justice et d'instruction politique.
Ces confréries religieuses n'existent pas dans toutes
les sociétés touarègues. Les Imrad
sont des groupes non aristocratiques soumis aux
Imajeren, et à qui ils paient des tributs. En
tant que tribus pastorales, les Imrad s'occupent de
l'élevage des troupeaux appartenant aux
Imajeren, et bénéficient en retour de
la protection de ces derniers. Les Inadens ou
artisans constituent un autre groupe socioprofessionnel inférieur. De
par leur vocation pour le travail manuel, ils sont méprisés par
les nobles même si leurs connaissances techniques suscitent l'admiration.
Ils sont également craints dans le milieu touareg à cause des
pouvoirs surnaturels que la société leur prête.
1 Maikorema Zakari, « Un travestissement de l'histoire pour
les besoins de la cause » in SNECS, op cit, p. 10
2 André Salifou, La question touarègue
au Niger, op cit, pp. 11-21
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au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants
touaregs
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Selon Jan Krzystof Makulski, «les Inadens
produisent tout ce dont les touaregs ont besoin et notamment armes, ustensiles
de bois d'usage quotidien, parties en bois de tentes, selles, harnais,
ustensiles de terres glaise, bijouterie et ornements
»1. Ils exercent également les
métiers de coiffeurs, médecins et pharmaciens ainsi que le
rôle d'espion, de diplomate et de griot.
Les Iklans sont des Noirs
réduits à l'esclave domestique capturés dans les
populations sédentaires du Sud. Ils sont la frange la plus importante
numériquement dans la société touarègue et sont
subdivisés en deux (2) catégories : les Iklans
N'Taoussit, esclaves de case utilisés dans les travaux
domestiques et les Iklans N'Egguet, esclaves de dune
utilisés dans les travaux pastoraux. Les Iklans
sont affectés aux taches les plus hostiles et
appartiennent totalement à leurs maîtres.
Les Touaregs étaient estimés en 1988 à
557 054 habitants sur une population de 7 220 340 habitants, soit 7,6% de la
population totale, contre 53% pour les Haoussas et 21% pour les
Djermas2. Ces statistiques ont été contestées
par la rébellion touarègue qui estime que « les
Touaregs constituent en nombre le 2è peuple du Niger, s'il n'est pas le
premier »3. Leur peuplement s'étend «
de la région de Téra à l'ouest à celle
de Diffa à l'extrême est du pays, et du Sahara au nord, aux
régions jouxtant le Nigeria au sud
»5.
Un élément important dans les
sociétés touarègues est la place réservée
aux femmes. Celles-ci se spécialisent dans la production intellectuelle,
dans les Arts et les Lettres. En terme de spécificité
identitaire, les Touaregs fondent leur identité sur une
communauté linguistique. Le Touareg, c'est avant tout celui qui parle le
Tamasheq. En outre, les Touaregs sont les seuls
peuples dans la zone subsaharienne à disposer d'une écriture, le
Tifinar.
Ce peuple « guerrier »,
« dominateur», «jaloux de
son indépendance», «
insaisissable» a pourtant entretenu des rapports
suffisamment stables et pacifiques avec les autres communautés du Sud de
l'espace précolonial devenu le Niger.
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