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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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CONCLUSION

Au terme de cette analyse, de nombreux apports de connaissances aussi bien sur l'objet d'étude que sur la problématique adoptée sont à mettre en évidence1. Cette recherche, faut-il le rappeler, était basée sur cette question principale : quel est l'impact des institutions sur la politique de réinsertion des ex-combattants touaregs? Pour répondre à cette question, nous avons adopté une problématique institutionnelle basée sur la théorie de l'institutionnalisme historique qui s'est développée comme perspective analytique majeure en science politique depuis le début des années 80. Ce cadre théorique d'analyse est lui-même appliqué selon une démarche hypothético-déductive dans le champ de l'analyse des politiques publiques.

En effet, pour aborder la question touarègue sous cet angle, nous avons dû dépasser les approches classiques du problème touareg au Niger dont la particularité réside dans une lecture holiste du phénomène. Cette rupture épistémologique était d'autant plus nécessaire que depuis la conclusion des Accords de Paix, la gestion post conflit n'a pas suscité au sein de la communauté scientifique un engouement à la hauteur de sa portée politique. Aussi, les grilles d'analyse jusqu'ici utilisées n'étaient plus en mesure de rendre compte des nouveaux développements dans la crise au nord Niger qui sont largement induits par la gestion post conflit.

L'analyse de la résurgence des tensions et de l'insécurité dans le nord du Niger ne saurait faire l'économie de l'étude du processus de réinsertion des ex-combattants engagé depuis une dizaine d'années déjà. Dans sa dimension interne, le conflit au nord Niger doit s'analyser à partir des politiques publiques issues du règlement de la première rébellion armée. Notre travail répond donc à un besoin, non seulement d'approfondir la connaissance du problème touareg au Niger, mais aussi de relativiser les approches classiques quand à l'explication des tensions issues de la gestion post conflit. L'idée générale que notre problématique introduit est que le problème du nord Niger doit s'analyser désormais à partir des contradictions de la gestion post conflit.

Dans ce cadre, nous avons isolé certaines propositions principales du néo-institutionnalisme historique pour construire un modèle d'analyse et dégager des hypothèses de recherche. Cette d'opérationnalisation du cadre théorique a consisté à identifier trois hypothèses développées par le néo-institutionnalisme historique à partir desquelles les axes de la recherche ont été fixés. Ces hypothèses se rapportent aussi à trois séquences d'une politique publique, à savoir l'émergence, la mise en oeuvre et l'impact de la politique sur son environnement.

C'est ainsi grâce à ces hypothèses que nous avons filtré la foule des données existantes sur la gestion post conflit et la question touarègue en général en fonction de leur «pertinence ». La collecte des données a été réalisée grâce à la technique de l'entretien, de l'analyse documentaire et de l'observation participante. La confrontation de nos hypothèses avec la réalité positive a mis en évidence la valeur heuristique de celles-ci, mais aussi a permis d'apprécier les écarts qui les séparent avec les faits empiriques.

Avec la première hypothèse, nos enquêtes ont largement confirmé la pertinence de la proposition de l'institutionnalisme historique sur la continuité historique et le poids des institutions existantes sur tout processus de changement institutionnel. L'impact des institutions s'est manifesté de la phase de gestion du conflit à la gestion post conflit. Aussi bien dans la

1 Le plan de la conclusion est inspiré de la méthode proposée par Raymond Quivy et L. Van Campenhoudt dans leur Manuel de recherches en sciences sociales, (Paris, Dunod, 2006, pp. 215-219).

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configuration des institutions nées de la gestion de la Rébellion que dans l'orientation de la politique gouvernementale, les institutions formelles et informelles ont considérablement structuré les options et les résultats obtenus. Mais cette influence historique n'occulte pas l'existence d'éléments de rupture qui se sont manifestés dans la substance des Accords de Paix et les institutions de gestion post conflit.

L'élément central dans la politique de réinsertion des ex-combattants est certainement le principe de la discrimination positive qui contraste avec les logiques d'un Etat à prétention universaliste. Même si dans les modalités d'application des Accords de Paix, les normes universelles de l'Etat, c'est-à-dire les institutions existantes, ont imprimé leur marque pour amoindrir son effet, il n'en demeure pas moins que cette politique a consacré une rupture avec celles-ci. En outre, notre hypothèse ne rend pas compte de l'effet d'autres variables, particulièrement celles liées aux intérêts socio-économiques des acteurs, à la dimension internationale de la rébellion touarègue et aussi aux relations interpersonnelles. Dans leur émergence, les institutions de gestion post conflit ont été influencées, en plus des institutions existantes, par ces variables que notre cadre théorique appréhende mal ou minimise. C'est le cas des relations personnelles entre acteurs politiques.

Avec la deuxième hypothèse, nous avons mis en évidence l'effet structurant des institutions sur les comportements des acteurs. Dans la phase de mise en oeuvre de la réinsertion, les institutions se sont ainsi présentées à la fois comme des contraintes et des opportunités pour les ressortissants. Ces effets institutionnels ont engendré des attitudes et des comportements de la part des ex-combattants, attestant de ce fait de l'influence structurante des institutions de gestion post conflit. A analyser l'ossature institutionnelle du HCRP, il est clairement apparu que les choix opérés antérieurement en matière de design institutionnel (ses normes de fonctionnement, sa localisation géographique, ses attributions etc.) expliquent dans une large mesure les choix stratégiques des acteurs.

Une des conclusions importantes à cet égard est certainement l'explication institutionnelle du patrimonialisme dans la gestion interne des Fronts et Mouvements par les anciens combattants. Aussi, l'analyse a mis en exergue les changements de pouvoir induits par les institutions entre et au sein des Fronts et Mouvements dans la phase post conflit. Mais à ce niveau également, la problématique institutionnelle n'explique pas tout, d'où le recours à des explications relevant d'un registre de type culturaliste pour rendre compte de certains comportements des acteurs.

La troisième hypothèse est certainement la plus pertinente. L'expérience de la gestion post conflit au Niger a confirmé l'hypothèse de l'institutionnalisme historique sur le maintien des institutions. La notion de path dependence rend parfaitement compte du phénomène de « capture » de la politique de réinsertion des ex-combattants en montrant le processus d'institutionnalisation de celle-ci et sa transformation en une contrainte institutionnelle qui a rendu toute tentative de rupture problématique.

En outre, la confrontation de cette hypothèse avec la réalité a montré certains paradoxes. C'est le cas du caractère hasardeux des initiatives de reproduction des institutions qui ont échappé souvent aux agents du HCRP pourtant intéressés par celles-ci. Ce paradoxe corrobore l'idée de

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l'irrationalité de la décision publique et, en général, atteste de la pertinence d'une conception « désenchantée » de l'Etat que l'analyse des politiques publiques a contribué à révéler1.

En plus, avec le processus de reproduction des institutions, il est ressorti que les ressortissants ne sont pas les seuls militants du maintien du statu quo et acteurs du policy lock in. On a noté également une forte implication des agents de l'Administration, en particulier du HCRP, partagés entre deux logiques contradictoires : celle de justifier le bilan de l'exécution d'une mission et celle de sauvegarder les intérêts symboliques et matériels que celle-ci a contribué à cristalliser.

La particularité de ce policy lock in est le caractère discret, voire secret du processus de reproduction institutionnelle, compte tenu du caractère « dépolitisé » des Accords de Paix en général et de la réinsertion des ex-combattants en particulier2. Il se dégage que l'enjeu principal autour de ce conflit entre institutions de gestion post conflit et les nouvelles orientations politiques de l'Etat touche à un des fondamentaux de l'État, à savoir l'idéologie universaliste.

En général, on peut estimer que les hypothèses de recherche se sont dans l'ensemble révélées pertinentes dans l'explication des phénomènes observés. Les écarts constatés ne sont pas aussi profonds pour conclure à une faiblesse heuristique de la théorie à laquelle ces hypothèses se rattachent. Le recours sporadique à d'autres grilles inspirées de paradigmes différents, voire concurrents, n'altère nullement la vertu heuristique des institutions. Au contraire, cette analyse cadre parfaitement avec la démarche très souvent éclectique des sciences sociales.

Ceci est d'autant plus évident que les institutionnalistes historiques n'ont jamais considéré les institutions comme les seules variables explicatives, ainsi que le soutiennent Peter Hall et Rosemary Taylor : « ...Bien qu'ils attirent l'attention sur le rôle des institutions dans la vie politique, il est rare que les théoriciens de l'institutionnalisme historique affirment que les institutions sont l'unique facteur qui influence la vie politique. Ils cherchent en général à situer les institutions dans une chaîne causale qui laisse une place à d'autresfacteurs en particulier les développements socio-économiques et la diffusion des idées »3.

En termes d'apport de connaissances, cette étude peut être évaluée d'abord selon ce qu'elle ajoute à l'état de connaissances sur la question touarègue (ce que nous savons de plus) et ensuite, ce qu'elle nuance, corrige ou remet en question (ce que nous savons d'autre). Sur le premier aspect, cette recherche apporte une analyse sur un chantier laissé en friche, insuffisamment étudié dans une perspective scientifique, du moins politologique. De par la problématique adoptée, le problème touareg est analysé autrement que par l'Histoire, le Droit ou l'Anthropologie.

La démarche de l'analyse des politiques publiques a ainsi permis de « sociologiser » notre regard sur cette question par l'examen d'une politique concrète, de son émergence à son impact

1 Des auteurs comme Patrice Duran considèrent l'analyse des politiques publiques comme une «pensée de crise» car cette discipline a connu son essor pendant les crises de l'Etat-providence en Occident. Plusieurs travaux ont contribué à déconstruire le mythe de la rationalité absolue dans la décision publique. Le modèle de la poubelle ou garbage can model de Michael Cohen et James March, l'incrémentalisme de Charles Lindblom ou encore le modèle de la «fenêtre d'opportunité» de John Kingdon en sont des illustrations. Voir Charlotte Halpern, «Décision» in Laurie Boussaguet et al, op cit, pp. 153-160.

2 Les Accords de Paix sont dans sa sphère de l'administration, ils ne sont donc pas susceptibles de débats publics, car il s'agit avant tout pour le Gouvernement d'honorer des engagements souscrits à l'issue d'un processus politique exceptionnel. Le cadre institutionnel (le HCRP), de par son organisation et son fonctionnement, a contribué faire de la question de la réinsertion une des politiques les moins discutées en public.

3 Peter Hall et Rosemary Taylor, op cit, p.476.

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sur son environnement en passant par sa mise en oeuvre. Contrairement aux travaux antérieurs se sont concentrés sur les causes de la rébellion touarègue, notre travail a eu pour ambition de compléter la littérature savante par l'étude de la gestion post conflit issue de cette rébellion. Cette recherche a mis en lumière les processus politiques qui ont suivi les Accords de Paix et analysé leurs impacts sur le champ politique nigérien. A cet effet, l'élucidation des fonctions manifestes et latentes du HCRP dans ces processus est un apport substantiel pour appréhender l'impact de la gestion post conflit sur le système politique.

Sur le second angle, cette étude constitue une esquisse d'explication de la résurgence du conflit au nord Niger, même si celle-ci n'est pas au centre de notre réflexion. Notre étude sur la réinsertion relativise certaines perspectives analytiques sur cette question. L'analyse institutionnelle montre que le recours à la violence est en partie le résultat d'une structuration institutionnelle. Cette approche se démarque en cela des explications culturalistes qui établissent un lien de causalité entre la propension culturelle (postulée) à la violence des touaregs et la lutte armée. L'analyse institutionnelle démontre l'existence d'un lien d'engendrement entre les institutions et le recours à la lutte armée. Le MNJ est une des expressions de cette dynamique.

Cette recherche permet aussi de nuancer les explications simplistes inspirées de la sociologie dépendantiste réduisant la rébellion armée à de simples conspirations impérialistes. Nous avons rappelé la nécessité de distinguer la cause à l'origine d'un phénomène de la fonction que celui-ci peut être amené à remplir après sa naissance1. Le MNJ résultent essentiellement d'une impasse de la politique de gestion post conflit (cause). Mais une fois constituée, cette rébellion a très vite été récupérée par des acteurs opportunistes internes et externes (fonction).

Le processus de reproduction des institutions est un apport important car il met en exergue la logique intrinsèque du cadre institutionnel à se reproduire ainsi que les acteurs impliqués et leurs rôles respectifs dans le processus. L'étude de l'impact de cette institutionnalisation révèle que la réinsertion des ex-combattants a engendré des dynamiques à la fois stabilisatrices et déstabilisatrices. C'est dans cet effet ambivalent que réside le paradoxe de cette politique.

La réinsertion des ex-combattants a été un champ d'affrontement entre universalisme et particularisme. Les contradictions qu'elle suscite constituent la manifestation tangible d'une crise de légitimité de l'Etat dont l'analyse déborde le champ des politiques publiques et sollicite les outils conceptuels la sociologie politique. Le problème touareg au Niger et au Mali rappelle encore une fois la pertinence du débat posée par le Pr Basile Guissou sur la crise de l'Etat en Afrique, notamment sur la nécessité de concevoir « d'autres constructions politiques et institutionnelles plus endogènes »2.

Derrière le refus des ex-combattants touaregs d'admettre l'universalisme et le radicalisme de l'Etat contre la discrimination positive se révèle une contradiction structurelle du système politique nigérien. Le déficit d'intériorisation des valeurs universelles par les ex-combattants, le refus par ces derniers de s'approprier le cadre démocratique pour faire valoir leurs droits, sapent la dynamique d'institutionnalisation de l'Etat de droit et de la démocratie au Niger.

Du point de vue de l'analyse des politiques publiques, cette tension peut être appréhendée par la notion de référentiel que développent les approches cognitives. Comme le montre Pierre

1 Saidou Abdoulkarim, «Conflit dans le nord : esquisse d'explication à partir de la gestion post conflit» op cit.

2 Basile Guissou, De l'Etat patrimonial à l'Etat de droit moderne au Burkina Faso. Esquisse d'une théorie de la construction de l'Etat en Afrique, Thèse de Doctorat d'Etat en Sociologie Politique, Université de Cocody, Côte d'Ivoire, 2002.

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Muller, « les politiques publiques ne servent pas (en tout cas pas seulement) à résoudre les problèmes »1, mais plutôt à imposer des représentations sur les problèmes. Il n'existe jamais de consensus aussi bien sur la nature des problèmes, sur la chaîne causale qui les produit que sur les effets de l'action publique au plan sociétal.

Les problèmes soulevés par la réinsertion des ex-combattants confirment cette hypothèse. L'adoption de la politique de réinsertion est issue d'un rapport de forces, elle n'a jamais signifié pour l'Etat nigérien la reconnaissance d'un problème de marginalisation des touaregs. Les Accords de Paix incarnent l'imposition par les rebelles touaregs d'une interprétation du réel, d'une lecture particulariste de la réalité positive que le Gouvernement a accepté par pragmatisme2. Le Gouvernement a toujours rejeté l'idée que les touaregs seraient les « véritables Turcs de l'Afrique» (Mano Dayak). Cette position est toujours vivace dans les sphères du pouvoir et au sein de l'opinion publique.

Tout aussi vivace est la conviction des ex-rebelles quand au bien-fondé de la discrimination positive pour qui le maintien d'un Etat à deux vitesses, qui ignore le principe de l'égalité des citoyens devant la loi, est la condition de survie de la communauté politique. Cette culture aristocratique de l'Etat est réelle et demeure. Mieux, elle a été renforcée paradoxalement par l'expérience de la gestion post conflit et en constitue, d'ailleurs, un des effets pervers. En somme, le problème touareg reste entier3.

Ces réflexions nous conduisent aux apports de connaissances théoriques. A travers cette recherche, c'est la pertinence de l'analyse institutionnelle que la science politique behavioriste et le marxisme, entre autres, ont contribué à marginaliser, qui se trouve confirmée et confortée. Ce travail procède d'un effort de réhabilitation des institutions et de l'Etat en général dans l'analyse politique4.Cependant, en dépit de la qualité de cette problématique, il faut reconnaître que celle-ci mérite encore d'être affinée afin de mieux saisir les faits sociaux.

La complexité de la question touarègue, notamment l'imbrication d'une multitude de variables à la fois conjoncturelles et structurelles devrait conduire à des analyses beaucoup plus éclectiques. En cela, le modèle des « trois I » est intéressant car il combine à la fois les intérêts, les idées et les institutions dans l'analyse des politiques publiques. Ces trois concepts se rapportent aux trois formes de néo-institutionnalismes, à savoir l'institutionnalisme du choix rationnel, l'institutionnalisme sociologique et l'institutionnalisme historique. Il est ressorti des travaux en

1 Pierre Muller, «L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie de l'action publique» op cit, p. 194.

2 Ce problème rappelle l'expérience historique du Nigeria où les Nordistes musulmans (Haoussas) bénéficient des quotas dans les universités pour rattraper le retard accusé dans le domaine de l'éducation par rapport au Sudistes chrétiens. Pourtant, historiquement, c'était les Emirs du Nord qui avaient bloqué l'éducation dans leurs zones (indirect rule) pour sauvegarder leur culture. Voir Chris O. Uroh, « On the ethics of ethnic balancing: federal character reconsidered » in Kunle Amuwo (ed), Federalism and political restructuring in Nigeria, (Ibadan, Spectrum Books Limited, 2004, p.196). Le parallèle peut être fait au Niger. Les Touaregs avaient bénéficié des mêmes «faveurs» que les Haoussas du Nigeria sous la colonisation ; ils ont été épargnés de l'école, de l'armée et des travaux forcés.

3 Voyons par exemple comment les ex-rebelles apprécient la décentralisation. Lors de la réunion des Chefs de Fronts et Mouvements du 15 juin 2006 à Niamey, un Chef de Front déclarait : « 80% des élus locaux de la région d'AgadeD étaient des détracteurs de la Rébellion, le sens de notre rébellion, c'était le pouvoir». Autrement dit, ils ont combattu pour leurs ennemis...

4 Des travaux dans ce sens abondent de plus en plus. Sur le cas du Niger, on peut citer l'article de Mamoudou Gazibo « La force des institutions : la CENI comme site d'institutionnalisation au Niger » in Patrick Quantin (dir), Gouverner les sociétés africaines, Paris, Karthala, pp. 65-84.

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politiques publiques que chacun de ces trois courants tend à minimiser les autres variables qui ne relèvent pas de son champ.

C'est pour remédier à cette faiblesse que la combinaison de ces trois outils a été pensée. Comme le constate Yves Surel, «parler des «trois I » peut alors se concevoir comme une façon de croiser plusieurs approches pour comprendre les dynamiques propres à l'action publique et comme un bon moyen de tester des hypothèses alternatives ou complémentaires sur un même objet »1.Dans le sens de cette nouvelle articulation théorique, Daniel Beland propose de « réintégrer certaines variables socio-économiques dans l'analyse institutionnelle »2 afin de combler les lacunes de ce cadre théorique.

Cette articulation doit aussi prendre en compte la place des idées et des paradigmes politiques, très souvent en marge des analyses institutionnelles. Dénis Saint Martin montre également que la logique intrinsèque des institutions à se maintenir que la notion de path dependence met en exergue n'est pas la seule explication de la continuité institutionnelle. L'approche cognitive a permis de mettre en lumière les changements qualitatifs induits par les idées et les processus d'apprentissage so cial3.

En outre, il faut relever la faiblesse du néo-institutionnalisme dans l'explication du changement. La politique de rupture engagée par le président Mamadou Tandja avec les politiques antérieures trouve son explication moins dans le cadre institutionnel que dans d'autres facteurs sociopolitiques internes et externes au système politique. A cet effet d'ailleurs, André Lecours estime que la diversité de la théorie institutionnelle n'est pas mauvaise en soi. Le vrai problème réside dans la propension à privilégier la continuité au détriment du changement institutionnel4.

L'analyse institutionnelle doit également, dans la modélisation de la problématique, préciser le contenu du concept d'institution. S'il est vrai que ce concept a gagné en complexité à la faveur de l'avènement du néo-institutionnalisme, il n'en demeure pas moins qu'il est devenu depuis lors une sorte de « fourre-tout ». Ce qui fait dire à M. Gazibo et J. Jenson que « la multitude de définitions et la faiblesse du consensus à ce sujet ont conduit àfaire naître des critiques telles que celles émises par Erhard Friedberg qui considère cette diversité des significations données à la notion d'institution comme une preuve de la confusion qui entoure le néo-institutionnalisme »S. L'institutionnalisme historique gagnerait donc à concevoir une définition plus précise et opérationnelle de cette notion centrale.

Enfin, pour approfondir notre objet d'étude, l'analyse de problématique de la reconversion politique des anciens rebelles nous parait pertinente. A cet égard, les partis politiques constituent des sites d'observations privilégiés. Le recours à la violence par des ex-combattants pourtant intégrés dans divers corps de l'État indique que la question de la reconversion reste posée. L'ambivalence des comportements politiques de ces acteurs, partagés entre les valeurs démocratiques et l'attachement à une culture aristocratique qui nourrit des pratiques «hors système », appelle une élucidation scientifique plus élaborée.

1 Yves Surel, «Trois I », in Laurie Boussaguet et al, op cit, p. 456.

2 Daniel Beland, «Néo-institutionnalisme historique et politiques sociales : une perspective sociologique» in Politique et Sociétés, vol 21, n°3, 2002, p. 29.

3 Dénis Saint Martin, op cit, p. 45. Hugh Heclo introduit le concept de policy puDDling pour montrer que les changements de politiques publiques ne sont pas seulement une affaire de lutte de pouvoir (powering), mais peuvent aussi être analysés sous leur dimension cognitive. Cf Jacques De Maillard, «Apprentissage» in Laurie Boussaguet et al, op cit, pp. 59-66.

4 André Lecours, op cit, p. 14.

5 Op cit, p.198.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe