C) Entretien avec M. Gilles Moreau
M. Gilles Moreau, sociologue, auteur de nombreux ouvrages sur
la formation professionnelle, professeur d'université et membre du
DGESCO me confirmait mes réflexions, lors d'un entretien
téléphonique. M. Moreau me confirmait le ressenti des
professeurs. En effet, il y avait auparavant lorsque les formateurs de la
formation professionnelle étaient des responsables d'atelier par
exemple, une proximité, un habitus du comportement professionnel. Les
nouveaux professeurs sont devenus des universitaires et il y a maintenant une
distension sociale entre les apprenants et leurs formateurs. Il y avait
implicitement une transmission comportementale. Les étudiants de BTS
ont maintenant des exemples comportementaux d'universitaires manquant ainsi de
repères professionnels.Mme Lucie Tanguy parle de profils
d'éloignement dans son livre l'enseignement professionnel en France
des ouvriers aux techniciens.
Le positionnement de la formation professionnelle est encore
mal défini en France. La formation d'apprentissage est rattachée
au ministère du travail alors que la formation professionnelle initiale
est rattachée à l'institution éducation nationale. Dans
ce système, la position du tuteur reste problématique. Le tuteur
est un acteur déterminant de l'apprentissage en entreprise. Son statut
pédagogique est mal évalué à ce jour par les deux
institutions. Souvent, celui-ci est désigné par l'entreprise
suite à une démarche économique. Le responsable peut
bénéficieréconomiquement d'un apprenti dans son rayon. Il
en devient son responsable pédagogique. Pour pouvoir être
déclaré tuteur d'un apprenti, l'organisme du FORCO (formation
continue)exige seulement que celui-ci soit titulaire d'un diplôme de
niveau 3 dans la filière choisie par l'apprenti et 2 ans
d'expérience. Les qualités pédagogiques du tuteur ne sont
pas abordées. La réalité fait que la réponse
à ces exigencesest souvent le fait d'arrangements administratifs. Tous
les tuteurs sur le terrain ne répondent pas à ces exigences. Ils
n'ont pas soit les deux années d'expériences attendues ou les
diplômes nécessaires dans la filière de
référence. Je me suis vu déclaré tuteur d'apprenti
que je ne n'animais pas directement. Je correspondais juste aux critères
demandés. Il arrive aussi fréquemment qu'un apprenti, ou un
stagiaire de la formation initiale bénéficie successivement de la
compétence de plusieurs tuteurs au cours de son cursus de formation. M.
Moreau m'explique qu'en Suisse, le tuteur bénéficie d'une
formation et des commissaires d'apprentissage sont nommés par le
système éducatif. Leur mission est de réaliser l'interface
et une certaine médiation entre les deux institutions. Le tuteur
d'apprentissage, personnel de l'éducation nationale est une question que
pose Stéphane Beaud dans son livre 80% au bac et
après.
Concernant l'établissement des
référentiels, il est important de savoir comment est
composée la commission paritaire consultative au DGESCO. Cette
commission définit des prérogatives qui sont ensuite retranscrite
dans un souci pédagogique et opérationnel par les enseignants.
Cette retranscription est déterminante car c'est cette
interprétation qui définit l'opérationnalité de la
formation. Les relations de la CPC et la branche professionnelle d'appartenance
définit la dépendance de la profession à
l'éducation nationale. Ces rapports évoluent selon la
santé économique du secteur comme la métallurgie
après la seconde guerre mondiale. Le secteur automobile est un cas
particulier. L'apprentissage se développe et le secteur automobile
embauche plus d'étudiants sortant de la formation initiale que des
étudiants issus de l'apprentissage.
Pour terminer, M. Moreau, grâce aux travaux de Solange
Orange me confirme que l'apprenant de BTS a une vision très
séquencée et pragmatique de son parcours universitaire.
Concernant les propositions de modules la socialisation
professionnelle et le management professionnel, ces dernières vont bien
dans le sens de rapprochement d'une opérationnalisation efficiente.
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