Section II- le soutien des journaux fondés au
Cameroun par des hommes
politiques français
à leurs promoteurs anti-indépendantistes
Cette section poursuit l'analyse des thèmes
développés dans les journaux édités au Cameroun par
les hommes politiques français qui a été entamée
dans la deuxième partie de ce travail. Ce qui amène donc à
analyser les thèmes développés par cette catégorie
d'organes de presse (paragraphe I). L'interprétation qui va suivre
permettra de voir la raison explicative de la non-publication par ces
périodiques des faits d'actualité concernant les
réclamations d'indépendance (paragraphe II).
II-1 -Les journaux fondés par les hommes
politiques français: des publications
éditées pour faire connaître
les activités et les idées de leurs promoteurs
L'analyse des thèmes
développés par les organes de presse fondés au
Cameroun par les hommes politiques français amène à
constater que les activités et les idées prônées
par leurs différents promoteurs sont au coeur des préoccupations
de ces publications. En effet, sur 556 articles publiés, ces
périodiques ont consacré au total 291articles pour les seuls
articles dont le but était de faire connaître les activités
et les idées prônées par leurs fondateurs. Pour le Dr.
Louis-Paul Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain, ses
activités et les idées prônées par lui occupent
à elles seules 129 articles sur 241 articles de presse publiés
par son périodique soit 53,5%. Il s'agit de : ses visites
officielles au Cameroun lorsqu'il était ministre en France, ses
rencontres avec des hommes politiques français, la tenue des sessions de
l'ATCAM sous sa présidence, ses déclarations lors des
campagnes électorales, Les comptes rendus des réunions de son
parti le BDC, le déroulement des campagnes électorales
menées par son parti et la tenue des sessions de l'Assemblée
nationale française lorsqu'il était député.
Quant à M. Coulouma, promoteur du périodique Le Cameroun
libre, ses activités et les idées prônées par
lui occupent à elles seules 162 articles sur 315 soit 51,4%. Il
s'agit : des réunions du parti dont il était membre(le RPF),
des campagnes électorales menées par le RPF, des visites des
responsables métropolitains du RPF au Cameroun, du travail des
élus locaux membres de ce parti, des réunions de l'ASCOCAM (dont
il était l'un des fondateurs) et des opinions émises par
l'ASCOCAM sur la situation sociopolitique du Cameroun.
Ces articles liés directement aux activités et
idées prônées par les hommes politiques français
qui éditaient des périodiques au Cameroun occupent ainsi 291
articles sur 556 soit 52,3% du nombre total d'articles consacrés
à l'actualité politique dans l'ensemble de cette catégorie
de publications. Ceci semble donc indicateur de ce que ces organes de presse
avaient pour rôle d'accompagner les actions et les idées
défendues par leurs fondateurs. Les autres articles qui concernent
aussi bien les activités des autorités coloniales que les
différentes consultations électorales organisées au
Cameroun ne sont pas eux-mêmes éloignés des
préoccupations de ces promoteurs puisqu'ils montrent le
« dynamisme » de l'administration française et
indiquent leur volonté de promouvoir le pluralisme des idées dans
le pays et par là la nécessité pour le Cameroun de rester
sous la domination de ce pays.
Les articles qui portent critique aux idées
d'indépendance immédiate et de réunification
défendues par les nationalistes (16au total soit 2,8%) cherchent
à montrer aux lecteurs de ces journaux le danger que représentent
les idées et les actions de ceux-ci pour l'avenir du Cameroun. Ces
journaux se montrent donc ainsi antinationalistes à l'instar de leurs
promoteurs respectifs d'ailleurs Le Cameroun libre
(1ère quinzaine du mois de juin 1954 :1)
publiera un article au titre assez indicateur : « Le
Cameroun sans la France est un mort-né ».
Le contenu de ces publications fondées par les
hommes politiques français au Cameroun indique qu'à l'ère
des revendications d'indépendance, ces périodiques ont
été destinés à véhiculer les idées et
à faire connaître les actions menées par leurs promoteurs
dans un contexte marqué par des élections pluralistes et les
positionnements divers au Cameroun. D'ailleurs, sur un plan purement temporel,
Le Cameroun de demain et le BDC, parti politique du Dr. Aujoulat ont
tous été fondés la même année
c'est-à-dire en 1951 par cette personnalité et ont tous les deux
disparu en 1956 c'est-à-dire après sa défaite aux
élections des députés à l'Assemblée
nationale française intervenue le 02 janvier 1956 ;tandis que
Le Cameroun libre fondé en 1940 va cesser de paraître en
janvier 1958 c'est-à-dire quelques mois après l'obtention par le
Cameroun de son autonomie interne survenue en 1957.
L'analyse des thèmes développés par les
journaux publiés au Cameroun par les hommes politiques
français laisse donc entrevoir que ces organes de
presse étaient fondés pour la promotion des idées
et des activités de leurs éditeurs. Ils soutenaient leurs
promoteurs et ce soutien se traduit par la prépondérance des
articles liés aux activités politiques et aux idées de
leurs promoteurs par rapport aux autres sujets d'actualité.
Le paragraphe qui va suivre est une interprétation de
cette analyse. Il va par conséquent permettre de comprendre en quoi le
soutien manifeste de ces publications aux idées et actions de leurs
promoteurs peut constituer une raison déterminante de la non-publication
par les organes de presse des nouvelles d'actualité liées aux
revendications d'indépendance.
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