I-2 -Les journaux publics : des
publications servant de soutien à une administration
anti-indépendantiste
Les journaux publics étaient soumis à
l'administration coloniale par un lien institutionnel qui faisait d'eux des
publications intégrées soit au Haut-commissariat de la
République (cas d'Informations Radio-presse) soit à ses
services déconcentrés (cas de Journal des villages du Nyong
et Sanaga). Dans tous les cas de figure, ces organes de presse
étaient produits avec des financements publics. Or,
précisément cette administration avait pour mission de
sauvegarder les intérêts de la France au Cameroun. Les
autorités coloniales, propriétaires des journaux publics,
devaient maintenir la présence française dans le pays
jusqu'à l'indépendance qui d'ailleurs ne figurait pas
véritablement parmi les priorités de la France dans sa gestion
des Territoires d'Outre-mer. Comment dès lors penser que ces journaux
qui étaient intégrés dans les services centraux ou
extérieurs de l'administration coloniale, et qui les soutenaient dans
leur contenu , pouvaient relayer les nouvelles concernant les revendications
d'indépendance que formulaient les nationalistes ; alors que
lesdites revendications étaient opposées aux missions de
sauvegarde des intérêts de la France qu'assurait le
Haut-commissariat de la République et ses démembrements. Ces
publications, par leur statut de journaux publics avaient
pour mission de servir d'organe d'expression des autorités coloniales au
Cameroun. D'ailleurs Israël Léonard Sah (1975 : 278)
présentant le journal Informations Radio-presse pense
que : « Il diffuse aussi objectivement et aussi
fidèlement que possible les grandes nouvelles de France, du Cameroun et
du Monde ». De ce fait, cet organe de presse ne pouvait pas
assurer la médiatisation des événements organisés
par les nationalistes qui eux, réclamaient l'indépendance
immédiate du Territoire alors que précisément son
propriétaire n'avait pas encore prévu une date pour l'accession
du Cameroun à sa souveraineté. Les revendications
d'indépendance ne pouvaient donc pas faire l'objet d'une publication
dans les colonnes des journaux, car il appartenait à
l'administration coloniale française qui n'épousait pas les
idées d'indépendance immédiate et de réunification
que formulaient les nationalistes camerounais.
Les principales réclamations de l'indépendance
du Cameroun ont été formulées par l'Union des Populations
du Cameroun. M. Ruben Um Nyobé, Secrétaire général
de ce parti politique s'est rendu le 17 décembre 1952, le 5
décembre 1953 et même en décembre 1954 aux Nations unies
pour réclamer l'indépendance du Cameroun. À chaque fois
les autorités coloniales françaises étaient
opposées à ces prises de parole du Secrétaire
général de l'UPC qui cherchaient à réaffirmer le
désir des nationalistes d'accéder à leur
souveraineté. Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :92) écrit pour
cela que : « Ajoutons qu'à partir de 1952, Ruben Um
Nyobé se présentera chaque année devant les Nations unies
comme pétitionnaire, défenseur de la cause du Cameroun. A chacun
de ses voyages, le Gouvernement français dépêchera des
contradicteurs Camerounais et Français... ». Victor
Julius Ngoh (1990 :127) quant à lui mentionne que
« l'appel d'Um Nyobé pour la fin de la présence
française au Cameroun provoqua une vive indignation de la part des
Français. Le représentant de la France à l'ONU, Pignon, se
plaignit de la réception chaleureuse que l'ONU réserva à
Um Nyobé. ». Ces deux sources indiquent
donc une opposition des autorités françaises aux
réclamations d'indépendance formulées par les
nationalistes. Or précisément, ce sont ces autorités qui
étaient propriétaires des journaux publics.
On peut donc dire que le soutien de ces organes de presse
publics à une administration coloniale donc le caractère
anti-indépendantiste vient d'être démontré est une
cause de la non-publication par les journaux des sujets d'actualité
liés aux réclamations de souveraineté formulées par
les nationalistes. Ce qui indique donc que l'une des causes du silence des
journaux sur les informations concernant les revendications
d'indépendance est le soutien que les journaux publics manifestaient
à une administration anti-indépendantiste.
Parvenu au terme de cette section, il a été vu
dans l'analyse des thèmes développés par les journaux
publics que ceux-ci dans leur contenu soutenaient les actions menées au
Cameroun par leur propriétaire, l'administration coloniale. Ce soutien
est perceptible à travers la prépondérance des articles
liés aux activités de l'administration par rapport aux autres
faits d'actualité. L'opposition de cette administration aux
revendications nationalistes peut par conséquent expliquer pourquoi les
journaux publics qui les soutenaient observaient un silence sur les
réclamations de souveraineté. Ce qui montre que l'une des causes
de la non-publication par les journaux camerounais des nouvelles liées
aux réclamations d'auto-détermination est le soutien des
journaux publics à une administration coloniale
anti-indépendantiste.
Ce qui amène dans la section II de ce chapitre à
poursuivre les analyses avec celles
des journaux édités au Cameroun par les hommes
politiques français.
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