II- Justification du choix du sujet
Il nous a semblé opportun d'interroger l'histoire afin
d'analyser les choix de la presse écrite pendant la période de
décolonisation du pays, plus précisément pendant celle
allant de 1946 à 1957.
Plusieurs raisons nous ont amené à jeter
notre dévolu sur ce sujet :
· Une première raison est scientifique. En effet,
du 16 au 19 mars 2009 le Pape Benoît XVI a effectué une visite au
Cameroun. Cet événement a occupé les grandes
« Une » de tous les cinq quotidiens du pays que
sont : Cameroon Tribune, Le Messager, Le jour, Mutations et
La Nouvelle Expression. Ce qui, à l'occasion, a contribué
à la mobilisation des camerounais autour de ladite visite. Ce fait a
attiré notre attention et il nous a semblé nécessaire de
mener une recherche historique pour voir si la presse écrite se
mobilisait de la même manière pendant la période de
décolonisation pour rendre compte des grands événements
sociopolitiques en général et plus singulièrement ceux
liés aux revendications de l'indépendance du Cameroun.
· La deuxième raison est personnelle. Notre
parcours académique nous a amené à suivre des
études à la fois en Histoire à l'Université de
Yaoundé I et en Sciences de l'Information et de Communication à
l'ESSTIC. Celles-ci ont été complétées par des
pratiques journalistiques et publicitaires sur le terrain ; ce qui nous a
amené à nous familiariser avec les médias. De même
les enseignements d'histoire que nous avons souvent dispensés nous ont
amené à choisir un sujet qui allie à la fois histoire et
environnement médiatique. Nous avons donc voulu traiter d'un sujet qui
contribue à renforcer l'aspect pluridisciplinaire qui
caractérise les Sciences de l'Information et de la Communication.
III- Problème de recherche
Selon François
Heinderyckx (2002 :37), les médias ont entre autres
fonctions : l'information, la mise en relation des composantes de la
société dans leurs réactions face à
l'environnement, la transmission de l'héritage social, le
divertissement, l'appartenance sociale, la psychothérapie et la
mobilisation du point de vue commercial et de l'opinion publique.
La première fonction qui est l'information
consiste donc pour les supports médias à couvrir les faits
majeurs qui se déroulent dans la société et surtout
à traiter toutes les informations dans l'objectivité. Il s'agit
donc entre autre dans leur travail de collecte de couvrir les grands
événements. Au Cameroun, pays sous-tutelle, dont l'administration
a été confiée à la France pour la partie orientale
qui nous intéresse dans cette recherche et à la Grande-Bretagne
pour la partie occidentale, la presse écrite est le média qui a
connu plus de succès. En effet, entre 1946, année au cours de
laquelle le pays a officiellement acquis le statut de territoire international
sous-tutelle et 1957, moment au cours duquel le Cameroun a eu son autonomie
interne, la radio introduite dans le pays en 1941 était encore à
sa phase d'expérimentation alors que la télévision
n'existait même pas. Au cours de la période que nous venons
d'évoquer , les principaux organes de presse écrite d'information
générale en fonction de leur tirage moyen étaient :
Informations Radio-presse (3500 exemplaires), Journal des
Villages du Nyong et Sanaga (1000 exemplaires) Le Cameroun libre
(1500 exemplaires), L'Éveil du Cameroun (3000 exemplaires),
La Presse du Cameroun ( 3000 exemplaires), Le Cameroun de
demain (1000 exemplaires), Kamerun mon pays (1000 exemplaires),
Vie camerounaise (1500 exemplaires), La voix du Cameroun
(3000 exemplaires) et Nku le tam-tam (1000 exemplaires). Ces
journaux, pendant leurs moments d'existence ont effectivement rempli leur
fonction d'information de la population en couvrant et en faisant les comptes
rendus des événements politiques suivants : les
élections à l'Assemblée Territoriale du Cameroun
organisées en mars 1952, la tournée africaine du
Général Charles de Gaulle en 1953, l'arrivée au Cameroun
du nouveau Haut- commissaire M. Roland Pré en remplacement de M.
Soucadeaux en décembre 1954, la désignation le 17 avril 1956 de
M. Pierre Mesmer comme nouveau Haut-commissaire du Cameroun en remplacement de
M. Roland Pré, la promulgation le 23 juin 1956 de la loi-cadre de M.
Gaston Defferre et les élections à l'Assemblée
Législative du Cameroun qui se sont déroulées le 23
décembre 1956 . Ces différents événements
politiques ont donc été relayés par les principaux
journaux que nous avons déjà évoqués, ce qui est
normal puisqu'il s'agissait de faits importants que la presse en tant que
relais d'opinion se devait de couvrir pour une meilleure information de la
population.
Or, au cours de la même période
c'est-à-dire entre 1946 et 1957, à l'exception de Kamerun mon
pays et de La voix du Cameroun qui relayaient quelques
fois les informations concernant les revendications indépendantistes,
tous les autres grands organes de presse ont souvent observé un silence
dans la publication des faits liés au désir des camerounais
d'accéder à leur indépendance. Parmi ces faits, on peut
citer : la première conférence publique de l'Union des
Populations du Cameroun (UPC) le 22 juin 1948, la tenue à Dschang du 10
au 13 avril 1950 du premier congrès de l'UPC, la conférence
publique organisée par ce parti le 12 juillet 1951 pour dénoncer
les fraudes constatées par elle lors des élections de juin 1951
et réclamer l'indépendance du Cameroun, la première
intervention du Secrétaire général de l'UPC M. Ruben Um
Nyobé le 17 décembre 1952 à la 7ème
session de l'Assemblée générale des Nations unies pour
exiger selon Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :91),
« la fixation d'un délai à l'expiration de la
Tutelle afin que le Cameroun soit indépendant », la
tournée nationale du 14 au 30 janvier 1953 de M. Um Nyobé visant
à faire un compte rendu de sa mission à l'ONU, la
deuxième intervention du Secrétaire général de
l'UPC à la 8ème session de l'Assemblée
générale de l'ONU le 9 décembre 1953 pour réclamer
encore une fois l'indépendance et la réunification du Cameroun,
la troisième prise de parole du Secrétaire général
de l'UPC devant la 9ème session de l'Assemblée
générale de l'ONU et la tenue du premier congrès du
Mouvement d'Union Nationale le 9 juin 1956 qui présente ses principales
revendications à savoir : le rejet de la loi-cadre, la dissolution
de l'Assemblée Territoriale du Cameroun, l'organisation de nouvelles
élections sur la base du suffrage universel et l'indépendance du
Cameroun dans un délai court (Idem, P.128).
Tous ces événements de grande
portée liés aux revendications de l'indépendance du
Cameroun n'ont donc pas bénéficié d'une couverture
médiatique de la part des principaux organes de presse écrite du
pays. Pourtant à ce moment là, le contexte sociopolitique aurait
normalement amené les grands journaux camerounais à assurer une
couverture des revendications indépendantistes. Ce silence
observé par les journaux locaux est susceptible de conduire à
plusieurs interrogations car l'une des fonctions de la presse étant
d'informer le public sur les événements majeurs, il faut bien
comprendre ce qui a amené la plupart des grands organes de presse, qui
pourtant relayaient comme nous l'avons déjà précisé
certaines informations, à observer un silence sur le cas précis
des faits d'actualité concernant les revendications
d'indépendance formulées par des camerounais.
La non-publication des faits d'actualité liés
aux revendications d'indépendance par les journaux au Cameroun
français entre 1946 et 1957 constitue donc notre problème de
recherche.
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