III-2- Les sanctions administratives prises pour mieux
contrôler les activités de la presse
L'administration coloniale française applique donc au
Cameroun les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse. Mais dans un contexte marqué par des revendications
nationalistes visant l'indépendance du pays, des mesures administratives
sont prises par les autorités coloniales pour contrôler les
activités de la presse. Ils sont publiés par l'administration
coloniale dans les différents rapports qu'elle envoie à l'ONU en
réponse aux questions que cette institution pose et qui sont relatives
aux mesures prises pour garantir la liberté de la presse dans le pays.
Ainsi, les mesures et sanctions ci-après ont été
énoncées par les autorités:
· L'achat des publications non
déposées aux frais des contrevenants : l'imprimeur
et l'éditeur d'un journal sont, chacun en ce qui le concerne, astreints
à la formalité dite du « dépôt
légal ». Ils doivent donc déposer des exemplaires de
leurs publications auprès de l'administration.
« Au cas où ils ne se conformeraient pas
à cette formalité très simple, et après un
délai d'un mois à dater d'une mise en demeure par lettre
recommandée, restée infructueuse, l'administration a le droit de
faire procéder à l'achat dans le commerce des oeuvres non
déposées, et ce aux propres frais des contrevenants, sans
préjudice des amendes qui peuvent les frapper. »
(« Rapport annuel du gouvernement français à
l'Assemblée Générale des Nations Unies sur
l'administration du Cameroun », 1947 :93).
· Les interdictions temporaires ou
définitives d'organes de presse : si la production
et la distribution des journaux sont libres, l'administration
coloniale se réserve toutefois le droit de prendre des mesures dites
restrictives à l'encontre de certains organes de presse. Indiquant que
ces publications « ne peuvent faire l'objet de mesures
restrictives que dans la mesure où elles risquent de provoquer des
troubles graves de l'ordre public. » (« Rapport
annuel du gouvernement français à l'Assemblée
Générale des Nations Unies sur l'administration du
Cameroun »,1955 :161). Les interdictions temporaires ou
définitives de journaux peuvent donc être prononcées par
les autorités coloniales et d'ailleurs celles-ci pour justifier ces
actes auprès des missionnaires de l'ONU indiquent en 1955 que :
« L'autorité administrative a pris
ces mesures pour éviter qu'une propagande, basée sur des
théories anarchistes ou sur des informations tendancieuses ou
mensongères, ne crée des troubles graves dans un pays en pleine
évolution sociale où le sens critique est encore insuffisamment
développé dans les masses. Enfin les journaux publiés par
l'UPC et ses filiales ; La voix du Cameroun, Etoile, Vérité
et Lumière ont cessé de paraître depuis juin
1955. ». (« Rapport annuel du gouvernement
français à l'Assemblée Générale des Nations
Unies sur l'administration du Cameroun »,1955 :161).
L'administration coloniale applique donc la loi
française du 29 juillet 1881 au Cameroun en tenant compte des
spécificités de ce pays qui est un territoire dit d'outre-mer. Et
surtout dans un contexte où le pays est dominé par des
revendications d'indépendance, elle tient par ces mesures à mieux
contrôler les activités de la presse écrite.
Cette section a donc permis de montrer que plusieurs
textes réglementaires ont rendu applicable au Cameroun la loi
française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette
loi va donc régir les activités de la presse écrite dans
le pays tout au long de la période de décolonisation. De
même, l'administration coloniale va énoncer plusieurs sanctions
dans le but de mieux contrôler les activités de la presse
écrite dans ce pays.
Parvenu au terme de ce chapitre qui était centré
sur la présentation du cadre juridique de la presse écrite au
Cameroun on peut donc constater que c'est la loi française du 29 juillet
1881 qui va régir les activités de ce secteur d'activités.
Son application dans ce pays fera l'objet de plusieurs textes
réglementaires signés par les autorités françaises.
Il s'agit entre autres du décret du 27 septembre 1946 et de
l'arrêté No3521 du 13 octobre 1948
sur le dépôt légal. Mais, les autorités coloniales
n'hésitent pas à énoncer plusieurs mesures disciplinaires
dans le but de mieux contrôler les activités de la presse
écrite au Cameroun.
Ce cadre juridique comme on peut le constater institue un
régime de la presse dit de déclaration. Ce qui va entraîner
l'émergence au Cameroun d'une pluralité d'organes de presse
d'opinion.
Cette première partie entièrement centrée
sur les généralités notamment la présentation du
Cameroun et celle du cadre juridique de la presse écrite nous a permis
de voir qu'entre 1946 et 1957, le Cameroun a bénéficié
d'un statut de territoire international sous-tutelle administré par la
France pour la partie orientale qui nous intéresse dans cette recherche
et la Grande-Bretagne pour la partie occidentale. Les syndicats, les partis
politiques et la presse écrite étaient les tribunes qui
permettaient aux Camerounais de s'exprimer et c'est à travers elles que
les revendications d'auto-détermination seront menées par les
partisans de l'indépendance du pays. Quant au cadre juridique de la
presse écrite, c'est la loi française du 29 juillet 1881 qui
régit cette activité après la Seconde Guerre mondiale. Le
régime de déclaration qui est institué permet la
création de plusieurs organes de presse d'opinion et on peut constater
que les autorités coloniales vont énoncer plusieurs mesures
administratives dans le but de mieux contrôler les activités de la
presse écrite dans le pays.
Après ces généralités, la
partie qui va suivre s'attèle à présenter les informations
recueillis auprès de nos sources notamment les contenus des informations
politiques des journaux publiés par les Français vivants au
Cameroun et l'attitude des autorités coloniales suite aux
dénonciations contenues dans les organes de presse édités
par les nationalistes.
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