IX- Revue de la littérature
Notre travail se situe dans le même domaine
d'étude que des travaux effectués antérieurement par
d'autres chercheurs. Il s'agit d'ouvrages publiés, de thèses et
de mémoires chacun selon sa propre orientation. Il est donc important de
voir ici ce que ces scientifiques ont écrit sur la problématique
de la couverture des événements liés aux revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes camerounais.
· Tudesq, André-Jean et Nédélec
Serges, Journaux et radios en Afrique aux XIXe et XXe
siècles, Saint-Étienne, Impressions Dumas, 1998.
L'histoire des médias en
Afrique a intéressé André-Jacques Tudesq et
Serges Nédélec. Ils ont publié en 1998 un ouvrage
intitulé Journaux et Radio en Afrique aux XIXème
et XXème siècles. Ces auteurs font un
récit chronologique de l'évolution des deux médias en
Afrique de 1773, année de la naissance de la première gazette
Annonces, affiches et avis divers pour les colonies des îles de
France et de Bourbon dans l'île Bourbon jusqu'à la
fin du 20ème siècle. Ils vont constater qu'en Afrique
l'introduction de la radio est intervenue un siècle après celle
de la presse écrite. André-Jean Tudesq et Serges
Nédélec (1998 : 90) vont en outre indiquer que
l'introduction de la radio dans certains pays notamment ceux placés sous
administration française se justifie par le désir de ce
gouvernement de « chercher de nouveaux moyens de diffusion
dans la France d'outre-mer pour développer les relations avec la
métropole, construire l'Union française et combattre les
idées nationalistes. ». On voit donc avec eux que la
question de la couverture médiatique se pose déjà et ils
pensent que les organes de presse et les radios ont été
introduits en Afrique pour servir les intérêts des
métropoles et combattre les idées développées par
les nationalistes. Pour ce qui est du Cameroun, ils précisent
que : « Au Cameroun, après 1945, le pluralisme
politique favorisa une presse diversifiée : des journaux
d'avant-guerre continuaient à paraître, comme L'Éveil du
Cameroun qui devient hebdomadaire en 1952, Le Cameroun libre,
organe des gaullistes ... » (Idem, P.78). Cet ouvrage
évoque donc le soutien des journaux à certaines causes notamment
la présence européenne en Afrique et les idées de certains
mouvements politiques notamment les gaullistes pour ce qui est du cas du
journal Le Cameroun libre. Notre travail quant à lui cherche
non pas à évoquer spécifiquement les soutiens des organes
de presse pour des causes mais s'intéresse plus spécifiquement
aux différentes raisons de la non-couverture des faits liés aux
revendications d'indépendance par les organes de presse.
· Omgba Etoundi, Marc Joseph, La presse camerounaise
dans tous ses états : esquisse de présentation de la presse
écrite camerounaise des origines à nos jours avec un gros plan
sur la presse écrite de langue française pour la période
allant de 1992 à 1997 (2000). Pour ce travail d'Habilitation
à Diriger les Recherches(HDR), l'universitaire pose au départ la
problématique qui consiste à voir le rôle joué par
la presse dans l'évolution générale des
sociétés. La délimitation temporelle qu'il fait de son
travail va de 1903 à 1997. Dans sa définition
opérationnelle, le chercheur distingue les catégories des
différents journaux recensés notamment la presse écrite de
service public, la presse d'entreprise, la presse privée d'information
générale et politique et la presse spécialisée. Il
procède par la suite à une présentation sommaire des
différents organes de presse qui ont animé le paysage
médiatique au Cameroun de 1903 à 1992. Enfin, il fait un gros
plan et présente les différentes structures de presse
écrite dans le pays entre 1992 et 1997 en insistant sur les lignes
éditoriales, les périodicités et les présentations
physiques de ces périodiques. Marc Joseph Omgba Etoundi (Idem, P.79)
présentant des organes de presse de la période coloniale dit du
journal Le Cameroun de demain qu'il « a
été fondé à des fins électoralistes à
en croire ses adversaires. Son promoteur qui tient à jouer un rôle
politique dans le territoire, entend disposer ainsi d'un organe d'information
et d'expression au service de son ambition ».
Ici également le chercheur évoque le soutien des
journaux à des hommes politiques. C'est le cas de la publication Le
Cameroun de demain fondée par le Dr. Aujoulat qui venait en appui
à ses activités politiques.
Notre travail quant à lui est délimité
dans la période allant de 1946 à 1957. De même il entend
non pas évoquer simplement les orientations éditoriales des
organes de presse, mais étudier les raisons de la non-publication par
les journaux des sujets liés aux revendications
d'indépendance.
· Sah, Israël Leonard, Contribution
à l'histoire de la presse écrite de langue française au
Cameroun, des origines à l'autonomie (1975) ;
Cette thèse de Doctorat présente de
manière générale les différents organes de presse
du Cameroun depuis l'arrivée des français en 1916 jusqu'à
l'autonomie du Cameroun français en 1957. Il classe les journaux de
cette période en plusieurs catégories. Il s'agit notamment des
journaux publics, des journaux d'information générale et
politique et des organes de presse spécialisés parmi lesquels les
journaux confessionnels, corporatifs et les publications sportives. Pour lui,
les origines de la presse de langue française au Cameroun sont à
trouver dans la fondation le 1er novembre 1916 du journal officiel
du Cameroun qui s'appelait alors Journal officiel des territoires
occupés de l'ancien Cameroun. L'âge d'or de cette presse
intervient pendant la décolonisation. Voici d'ailleurs comment
Israël Léonard Sah (Idem, P.104) explique l'origine de cette
pluralité d'organes de presse :
« C'est ainsi qu'une certaine idée de la
liberté mettra en marche le processus de la décolonisation qui ne
cessera de se développer. La naissance au cours des années
1949-1950 d'un sentiment national camerounais qui ira en s'amplifiant
procède du même état d'esprit. Etat d'esprit favorable
à la multiplication des journaux et d'organes d'expression proprement
indigènes ».
Parlant des orientations éditoriales de ces journaux,
il montre également que certaines publications défendaient la
cause coloniale tandis que d'autres animés par un sentiment national
soutenaient les mouvements nationalistes.
Notre recherche quant à elle est axée sur la
période qui va de 1946 à 1957. De même, le travail que nous
menons cherche les raisons déterminantes du peu d'intérêt
affiché par les grands journaux aux événements liés
aux revendications d'indépendance.
Au terme de cette revue de la littérature. Nous avons
relevé que les différents documents qui ont déjà
abordé le problème de la couverture médiatique pendant la
période coloniale se sont plus appesantis sur le fait que ces journaux
servaient chacun une cause précise. Notre travail qui a la
particularité de s'intéresser à la période allant
de 1946 à 1957 entend lui, se démarquer des recherches
antérieures en ce sens qu'il pose le problème des raisons de la
non-publication par les grands organes de presse des revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes. Ceci dans une
perspective de l'école historiographique des Annales.
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