I - 1 - 3 - Arbitrage entre critères
économiques et extra économiques : les enjeux
managériaux
Les enjeux managériaux de la RSE expriment les valeurs
et le comportement des dirigeants concernant le style de management et l'esprit
d'entreprise. Ils traduisent la perception que les managers se font de la RSE
et sont fondés sur les motivations individuelles de ces derniers
plutôt que sur des réflexions de groupe.
La tâche du manager n'est donc pas simple, car il doit
piloter l'entreprise dans l'intérêt de toutes les parties
prenantes. Cela suppose aussi d'arbitrer entre des critères
économiques et d'autres critères qui ne sont pas toujours en
« coalition » et qui ne sont généralement pas
pris en compte dans les modèles traditionnels de management (croissance
et profits par exemple). Le secteur de la construction en est un exemple
récurrent. En effet, comment concilier les politiques de GRH actuelles
des grands constructeurs automobile (contraction du personnel) à celles
de protection de la couche atmosphérique (fabrication des
véhicules à faible émission de CO2).
L'enjeu de la mise en oeuvre de la RSE apparait donc assez
compliqué et complexe au niveau des dirigeants pris individuellement. En
effet, comment rechercher des profits en menant des activités extra
économiques dans un marché intérieur sans
frontières ?
I - 1 - 4 - Mariage RSE - rentabilité :
les enjeux économiques
Les enjeux économiques de la RSE
concernent essentiellement le lien (positif ou négatif) qui existerait
entre performance sociétale et performance financière. Le
débat sur l'existence d'un lien entre la performance financière
et la performance sociétale a été le sujet de très
nombreuses recherches théoriques et empiriques. Pourtant, l'existence de
lien entre RSE et rentabilité n'a jamais été formellement
établie, encore moins le sens de la relation. La question de l'impact
financier de la CSR peut se décliner au plan managérial à
travers l'étude des croyances des managers concernant cet impact, et au
plan théorique à travers les recherches empiriques cherchant
à évaluer le niveau et la nature de cet impact.
Il semble que l'existence d'un lien positif entre la
performance sociétale et la performance financière n'est pas
remise en question par les praticiens, le problème étant celui de
l'échéance ou de la date à laquelle la rentabilité
commence à se matérialiser. A cet effet, F. DEJEAN
& J-P. GOND ont collecté en 2003, les avis de quelques
organismes internationaux et de quelques gérants de fons
éthiques, sur le lien entre RSE et performance économique (voir
tableau ci-dessous). Il en résulte que les actions socialement
responsables constituent un enjeu économique important pour
l'entreprise.
Tableau 2.1 : Relation entre CSR et performance
économique
Organismes
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Citations
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CSR Europe
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« Pourquoi la CSR ? Les récompenses sont
énormes. Il a été démontré que la CSR est
une stratégie qui fonctionne. » Un encadré liste ensuite
l'ensemble des bénéfices que la CSR est susceptible de procurer :
performance financière accrue, des coûts de gestion
réduits, un renforcement de la valeur de l'entreprise et de sa
réputation, etc..
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Business for Social Responsibility
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Le document disponible sur le site Internet de l'organisme et
intitulé « Introduction à la CSR » commence par
détailler l'ensemble des impacts positifs susceptibles d'être
générés par la CSR, au premier rang desquels figure
l'idée d'un renforcement de la performance financière. A l'appui
de chacun des impacts, un grand nombre d'études empiriques montrant
l'existence d'un impact positif de la CSR sont citées.
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Gérants de fonds éthique A
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« une société qui est bien avec ses
salariés, avec son actionnariat, avec ses clients, ses fournisseurs et
puis avec tous les gens qui travaillent avec elle, doit normalement assurer des
bases solides pour croître durablement et avoir des performances
financières élevées ».
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Gérants de fonds éthique B
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« Je pense qu'une société qui gère
de manière intelligente des problèmes sociaux et environnementaux
est une société dans la quelle il y a une dynamique beaucoup plus
forte, où les gens sont plus productifs, et cela a une influence
énorme sur la rentabilité des sociétés. Pour le
social c'est une évidence, une société qui est bien
gérée sur le plan social ne peut pas faire autrement que d'avoir
des bonnes performances, enfin on va dire des performances économiques
au moins supérieures à ses concurrentes mal gérées,
ça ne veut pas dire que ce sera extraordinaire mais ça sera
supérieur, ça c'est tout à fait évident. ».
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Gérants de fonds éthique C
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« c'est un jugement sur des sociétés qui
allonge leur durée de visibilité, c'est-à-dire qu'on pense
que ce sont des sociétés qui se projettent non pas sur les
résultats financiers des six mois prochains mais qui se projettent
à long terme. Et comme nous on est des investisseurs très
fondamentaux, comme ce qui nous intéresse c'est d'investir dans des
sociétés qui ont des fondamentaux très solides, on pense
que ça nous donne une vision plus complète de la
société »
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Source : Inspiré des travaux de Frederique Dejean
et Gond Jean-Pascal (2003).
Au-delà des avantages économiques potentiels
que les dirigeants reconnaissent à la RSE on assiste à un
renforcement d'un ensemble de pressions qui contraignent ces derniers et
convergent pour leur faire adopter un comportement socialement responsable. Ces
transformations de l'univers des entreprises confèrent à la
gestion stratégique de l'entreprise, des dimensions sociétales.
C'est ce qui fera l'objet du sous-paragraphe suivant.
I - 1 - 4 - 2 - L'entreprise face aux pressions des
parties prenantes externes : les enjeux
sociétaux de la RSE
Les entreprises ont vu émerger et se
démultiplier les pressions visant à leur faire prendre conscience
de nouveaux enjeux sociétaux. Ces pressions varient quant à leur
forme et à leur nature, elles renvoient à différentes
catégories d'acteurs parmi lesquels on peut compter
· Les mouvements anti-mondialisation, qui, en se
focalisant sur les graves excès de quelques grandes firmes
multinationales contribuent à une plus forte prise de conscience des
enjeux liés à la responsabilité sociétale
(N. Klein, [39]) ;
· Une partie des grandes ONG, qui ont
contribué à faire passer la stratégie de l'entreprise
d'une orientation réactive à une orientation proactive de la
RSE ;
· Des consommateurs, qui, en plus du rôle
joué par les ONG, se préoccupent d'avantage des conditions de
fabrication des produits
Autrement dit, la RSE permettrait à l'entreprise
d'adresser les besoins de la société civile (des PP externes en
générale) avant que ceux-ci ne s'imposent à eux.
Les enjeux de la RSE, principale source de motivation des
dirigeants à s'engager dans la responsabilité sociale de
l'entreprise leur permettent d'éviter ou de gérer au mieux, les
risques latents liés à la RSE. En effet, l'environnement des
entreprises a considérablement changé depuis une quinzaine
d'années. Confrontées à de nouveaux risques de plus en
plus lourds dans un contexte imprévisible, les systèmes actuels
de protection semblent montrer quelques faiblesses. L'émergence de la
responsabilité sociale, comme une nouvelle préoccupation des
entreprises depuis quelques années, a multiplié ces risques.
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