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Pratiques de responsabilité sociétale et création de valeur des entreprises

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par Joseph Herman TIONA WAMBA
Université de Douala Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2010
  

Disponible en mode multipage

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I- Contexte et problématique de la recherche

L'entreprise, en tant qu'acteur majeur de la société, est de plus en plus confrontée aux pressions exercées par les actionnaires, les salariés, les consommateurs, les ONG et le cadre réglementaire. Pour trouver une convergence entre les intérêts dissonants de ses multiples parties prenantes, l'entreprise doit définir ses performances économiques, sociales et environnementales comme une contribution à un bien commun. Il s'agit pour elle, de gérer ses opérations de manière à stimuler la croissance économique et renforcer la compétitivité tout en garantissant la protection de l'environnement et en promouvant la responsabilité sociale. Ainsi peut-on assister au dépassement de la conception classique de l'entreprise « capitaliste » à une vision plus moderne de l'entreprise « responsable » ou « citoyenne ».

De manière générale, la responsabilité peut être perçue comme une obligation d'assumer ou de réparer un dommage ou un préjudice1(*). Cette définition semble directement interpeller la société Trafigura qui, en 2009 dernier, a déversé d'énormes quantités de déchets toxiques en divers lieux de l'agglomération d'Abidjan en Côte d'Ivoire. Mais, la réparation (reversement de quarante cinq millions de dollars) qui s'en est suivie ne s'inscrivait pas dans une optique de création de valeur. Elle constituait plutôt une réponse aux multiples pressions exercées par Amnesty International. Tel n'est pas le cas par exemple, de MTN qui détient le prix du premier sponsoring sportif (actions responsables) et voit en même temps sa part de marché augmenter sans cesse (création de valeur).

Comme le rappellent les auteurs d'un document émanant du Bureau international du travail2(*), il n'existe pas de document consensuel qui définisse la responsabilité sociale des entreprises (RSE). On s'accorde cependant à y placer des pratiques volontaires d'entreprises qui, soucieuses de répondre aux demandes de stakeholders, s'impliquent dans des actions sociales, sociétales et environnementales (Peeters A., 2004). En effet, les activités quotidiennes des entreprises doivent être menées dans une perspective d'amélioration du bien être socioéconomique global. Autrement dit, les obligations sociétales qui incombent aux entreprises doivent dépasser le cadre économique et légal pour s'inscrire dans une logique de volontariat.

En effet en Europe, le comportement de la firme est une réponse aux forces du marché et aux contraintes légales (E. Persais, 2007). En d'autres termes, la responsabilité sociétale de la firme implique que celle-ci soit en phase avec les normes, les valeurs et les attentes de performance sociétale. Mais, la publication en 2001 du livre vert sur la RSE par la Commission Européenne atteste la volonté de faire de cette problématique, un élément central de la politique économique de l'union.

Cependant, une étude récemment menée sur les pratiques des responsabilités sociales des entreprises au Cameroun en a ressorti une approche plutôt mixte de la RSE dans le secteur industriel. En effet, il en est ressorti que les pratiques de responsabilité sociale des entreprises situées au Cameroun dépendent de manière notoire, de la culture d'entreprise. Autrement dit, la RSE constitue pour les entreprises multinationales, une habitude importée de la société mère. Tandis que pour les entreprises camerounaises, leurs activités responsables sont tantôt volontaires, tantôt le résultat de quelque pression légale.

En effet, les travaux que nous avons récemment menés ont montré qu'au Cameroun, la RSE est pratiquée non seulement par respect de la réglementation nationale, mais aussi par respect des normes et règles internationales en la matière. Ceci se justifie par la présence au Cameroun, d'entreprises certifiées par des organismes internationaux. C'est le cas par exemple de Nestlé dont les activités sont en phase avec les exigences des normes de standardisations internationales, et qui est standardisé OHSAS 18001 version 2007 et ISO 14001 version 2004. HYDRAC est également certifiée ISO 9001 version 2008, PLASTICAM est certifié ISO 9001 version 1994, 2000 et 2005.

Sur le plan national, nombreuses sont les entreprises qui adoptent une démarche RSE. Ceci est en phase avec la loi nationale camerounaise, loi fondamentale du MINEP selon laquelle, « tout producteur de déchets est responsable de ses déchets jusqu'à leur élimination ». Autrement dit, la RSE est principalement régie par des lois sur la protection de l'environnement, notamment la Loi N° 96 / 12 du 05 Août 1996 portant Loi - Cadre relative à la gestion de l'environnement. À cet effet, le MINEP a innové en instituant le concept d' « environnement gris ». Ce concept, par rapport à celui de l'« environnement vert », a ceci de spécial qu'il intègre dans la protection de l'environnement, toutes les parties prenantes (la société civile incluse). Cette forte présence du MINEP illustre l'implication de l'Etat (comme partie prenante) dans l'ancrage de la RSE dans les attitudes managériales des entreprises qui exercent une activité au Cameroun.

Les arguments ci-dessus montrent que la RSE est bel et bien existante dans les pratiques managériales des entreprises au Cameroun quelque soit le secteur d'activité. Mais, l'objectif principal des entreprises reste toutefois la réalisation de profits.

La problématique du lien de causalité entre RSE et performance financière a fait l'objet de plusieurs développements sans pour autant qu'un consensus ne se dégage au sein de la communauté scientifique. En effet, l'examen des résultats des études existantes traduit pour une part l'influence probable de la RSE sur sa performance financière, et pour une autre part, le sentiment d'un lien fragile et quelque peu contrasté (Allouche J. et Laroche P., 2005). Le lien fragile tient du fait que la mise en oeuvre de la RSE génère des coûts supplémentaires pour l'entreprise. Notamment des charges liées à la mise aux normes réglementaires, au reporting extra financier, aux coûts de recherche et développement entre autres. Cependant, selon Simpson W. G., et Kohers T. (2002), les entreprises cotées qui font preuve d'engagements sociaux et environnementaux responsables, possèdent une longueur d'avance sur leurs concurrentes auprès des investisseurs potentiels. De plus, les entreprises qui font preuve d'une responsabilité sociétale certaine (même les entreprises non cotées) courent très peu le risque de réaliser de mauvais résultats dans le long terme.

De même, une entreprise incapable de générer une image socialement acceptable met inévitablement en danger sa rentabilité future. Et si le risque de réputation paraît le plus évident, le champ des risques couverts par une démarche socialement responsable est bien plus large, et il appartient aux actionnaires et structures de contrôle de déterminer si la mise en oeuvre de la politique de responsabilité d'entreprise nourrit une création de valeur ou doit éviter une destruction de valeur potentielle.

L'objectif ultime n'est donc plus de créer de la valeur à tout prix pour les détenteurs de droits de propriété (les shareholders), mais plutôt d'acquérir une culture managériale orientée vers la satisfaction de l'ensemble des partenaires économiques, financiers et sociaux de l'entreprise que l'on appelle communément stakeholders (Larbi B. S. et Ohanessian R., 2008). Mais l'on pourrait penser à juste titre qu'il n'y a pas sur le long terme d'antagonisme entre les intérêts des actionnaires et ceux des salariés par exemple.

En effet, il serait illusoire de croire qu'une entreprise puisse être capable de créer de la valeur si elle n'est pas en mesure d'offrir à ses salariés des conditions de rémunérations et des conditions de travail attractives. De même, toute entreprise se doit dans une économie de concurrence mondialisée d'être continuellement à l'écoute de ses clients en vue de satisfaire leurs attentes à des prix compétitifs.

En cherchant à maximiser leurs propres intérêts, les actionnaires maximisent ceux de tous les autres parce que c'est justement la satisfaction des intérêts de ces stakeholders qui permet d'optimiser à terme la valeur actionnariale. D'après Charreaux G. et Desbrières P., (1998), il y a là une relation de cause à effet cyclique et interminable sur laquelle repose cette problématique, et à cet égard, seule une acceptation de la création de valeur durable en collaboration avec le réseau partenarial de l'entreprise pourrait offrir un cadre d'analyse rigoureux et prometteur. Les approches actionnariales et partenariales ne sont donc pas exclusives. Bien au contraire, elles sont complémentaires même si elles relèvent d'idéologies propres à des culturelles spécifiques.

En effet, Caby J., Clerc-Girard M-F., Koehl J., (1996) soulignent que traditionnellement, l'approche actionnariale est propre aux économies issues du capitalisme anglo-saxon (Etats-Unis, Royaume-Uni et Australie) se caractérisant par de grands marchés liquides de capitaux pour lesquels plus de la moitié des actions sont détenues par des institutions dont la priorité est de maximiser leur niveau de rentabilité pour un niveau de risque donné. Ils ajoutent également que l'approche partenariale a, quant à elle, eu plus de succès dans les économies du capitalisme continental (il s'agit essentiellement de la France, de l'Italie, de la Belgique, de l'Allemagne, de la Suisse, et du Danemark).

Ces différentes approches de création de la valeur sont contradictoires à celles de la RSE, dans la mesure où l'approche RSE est normative aux Etats-Unis et plutôt légale en Europe. Pour mieux apprécier ce constat contradictoire, représentons, dans un tableau, les différentes approches RSE et de création de valeur des pays Européens et des Etats-Unis.

Tableau 1 : Approches de la RSE et de la Création de Valeur à l'étranger

Pays à l'étranger

Approches

RSE

Création de Valeur

Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie

Normative

Actionnariale

France, Italie, Belgique, Allemagne, Suisse, Danemark

Légale

Partenariale

Source : Une synthèse de la littérature [Persais E. (2007) ; Carroll A.B. (1979) ; Caby J., Clerc-Girard M-F., Koehl J., (1996)]

Il ressort du tableau ci-dessus que, dans les pays anglo-saxons, la RSE étant normative (volontaire) l'on se serait attendu à voir une approche de création de valeur plutôt partenariale qu'actionnariale. Mais, c'est la situation inverse qui y est vécu. Tel est également le cas pour les pays d'Europe qui couplent une RSE légale à une approche de création de valeur plutôt partenariale. C'est dire qu'aux Etats-Unis en particulier et dans les pays anglo-saxons en général, la RSE est déjà perçue comme un levier d'action pour créer de la valeur ajoutée économique (EVA), et l'est moins dans les pays européens.

Face à cette situation assez contradictoire, l'on aimerait bien connaitre la position des entreprises Africaines en générale, et celles situées au Cameroun en particulier en ce qui concerne les approches RSE et de création de valeur. C'est dans cette perspective que nous accordons un intérêt particulier au thème : « pratiques de responsabilité sociétale des entreprises et création de valeur ».

S'il est vrai que le développement de l'activité, l'amélioration de la profitabilité ou la recherche d'une plus grande flexibilité financière peuvent constituer des objectifs intermédiaires et prioritaires à un moment donné de la vie d'une entreprise, il est difficile d'admettre que ces objectifs intermédiaires puissent constituer à eux seuls une fin en soi. Mais plutôt un moyen au service d'un objectif ultime que l'on s'efforcerait à atteindre sur le long terme. En effet, comme le souligne Igalens J. (2003), quelque soit le type d'entreprise, les dirigeants se doivent tout naturellement de préserver et de rémunérer les capitaux investis par les actionnaires conformément aux conditions de rémunérations qui prévalent sur les marchés financiers, mais aussi de dégager un surplus monétaire contribuant à l'accroissement de la richesse des actionnaires.

Dès lors, il importe aux dirigeants de mettre en oeuvre une politique de gestion compatible avec un objectif de création de valeur. Si tel n'est pas le cas, les dirigeants éprouveront tôt ou tard des difficultés pour financer leurs projets de développement. Par conséquent, d'aucun n'accepterait d'arrêter un plan d'actions susceptible de contribuer à l'appauvrissement des actionnaires. C'est dans cette perspective que l'objectif de création de valeur apparaît comme un objectif ultime que l'équipe dirigeante se doit d'atteindre sur le long terme. Comme le souligne Albouy M. (1999), il s'agit là d'une approche pragmatique considérant la firme comme un noeud de contrats dont chaque partie cherche à tirer le maximum d'avantages. Pour prolonger les propos de Albouy, il demeure possible, compte tenu des aspirations individuelles au maximum de satisfaction unitaire, d'aboutir à un optimum de Pareto. Situation dans laquelle toutes les instances concernées par les activités de l'entreprise (stakeholders), trouvent une satisfaction certaine.

Ceci remet au devant de la théorie des parties prenantes ou théorie des stakeholders (Freeman, R. 1984), qui envisage la satisfaction des partenaires d'une entreprise donnée à l'opposé de l'approche néoclassique qui posait le postulat de la recherche du profit de l'actionnaire (Etoundi G., 2010). Cependant, dans la conception actionnariale de la valeur, le rôle du management est bien de défendre au mieux les seuls intérêts des actionnaires. Même si l'on admet qu'un tel objectif est louable sur le long terme, le risque de court terme demeure omniprésent sur le marché en raison du comportement opportuniste d'opérateurs exigeants et informés et qui se livrent continuellement à des arbitrages entre le risque et la rentabilité.

Autrement dit, la prise en compte des parties prenantes dans les politiques de création de valeur devient nécessaire, sinon incontournable. Ce besoin sans cesse croissant interpelle les dirigeants d'entreprises à intégrer, dans leurs pratiques managériales quotidiennes, des activités extra financières : des activités de responsabilité sociétale. C'est dans ce sens que Etoundi G. (2010) souligne que la recherche de valeurs va ainsi permettre à l'entreprise de satisfaire les parties prenantes tout en intégrant les dimensions économiques, sociales et environnementales de la RSE. De ce point de vue, les dirigeants peuvent donc utiliser la RSE comme un instrument de mobilisation sociale interne (du personnel) et externe (fournisseurs, clients, ONG, société civile, Etat, et autres partenaires) permettant d'impliquer tous les stakeholders et par conséquent, de créer de la valeur pour tous.

Ainsi, de nos jours, avec les nouvelles exigences de la concurrence, notamment avec la multiplicité des débats sur le réchauffement climatique, la protection de la couche d'ozone et la lutte contre la pollution, la question qui se pose est la suivante : la Responsabilité Sociétale de l'Entreprise constitue-t-elle un levier de la création de valeur pour les entreprises? En d'autres termes, quel est l'apport de la RSE à la création de valeur de l'entreprise ?

De cette question centrale, découle les questions subsidiaires suivantes :

· Quelles sont les pratiques des entreprises au Cameroun en matière de RSE ?

· Quelle est l'approche dominante (actionnariale ou partenariale) de la création de valeur au sein des entreprises au Cameroun ?

· Quel est l'incidence des pratiques RSE sur la création de valeur dans les entreprises au Cameroun ?

II- Intérêt de la recherche

L'importance majeure de cette thématique sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est qu'elle constitue l'un des sujets phares de la recherche en sciences de gestion en ce début de troisième millénaire. De plus, ce travail vise à rapprocher deux concepts qui ont jusqu'ici, très peu fait l'objet d'une recherche particulière dans notre contexte.

De manière spécifique, l'intérêt de ce travail apparait principalement à deux niveaux :

· Sur le plan théorique, ce travail va contribuer au renforcement et à l'enrichissement de la recherche sur les thématiques de la RSE et de la création de valeur, particulièrement dans le contexte camerounais. En effet, la littérature abonde ailleurs sur ces deux concepts, mais au niveau camerounais, il existe encore un vide à combler ;

· Sur le plan empirique, ce travail révèle l'importance des activités extra économiques (environnementales et sociales) comme leviers possibles de création de valeur ajoutée économique. En plus, ce travail servira d'outil de positionnement stratégique aux entreprises, par rapport à leur environnement endogène et exogène, permettant de se démarquer des entreprises concurrentes et de créer de la valeur pour tous les partenaires économiques et sociaux de l'entreprise.

III- Objectifs de la recherche

Ce travail de recherche vise principalement à mettre en exergue l'impact des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises sur la création de valeur. Pour ce faire, il s'agira spécifiquement pour nous de :

- Déterminer les spécificités des activités de responsabilité sociétale des entreprises au Cameroun ;

- Découvrir l'approche de création de valeur dominante au Cameroun ;

- Dégager le lien de causalité entre Responsabilité Sociétale et Création de Valeur.

IV- Base des hypothèses et hypothèses de la recherche

Les recherches sur la thématique de la responsabilité sociétale des entreprises sont de plus en plus nombreuses à travers le monde. Certains travaux établissent d'ailleurs un lien positif entre RSE et performance de l'entreprise. Orlitzky M., Schmidt F.L. et Reynes S.L., (2003), après avoir fait une synthèse de plusieurs études menées avant eux sur les interactions entre la RSE et la performance ont révélé que dans la plupart des cas (pris dans différents contextes), on a décelé des liens positifs et aussi quelques liens négatifs et que par conséquent, on peut mesurer cette performance.

Les recherches empiriques tentant de cerner le lien entre la RSE et la performance financière se sont ancrées dans la littérature anglo-saxonne depuis une trentaine d'années (Zeribi-Benslimane O. et Boussorra E., 2008). Toutefois, il est à remarquer que la littérature empirique ne fait pas état d'un consensus sur la nature du sens du lien de causalité. L'examen des résultats des études existantes traduit pour une part l'influence de la RSE sur sa performance financière, et pour une autre part, le sentiment d'un lien fragile voire inexistant et quelque peu contrasté (Allouche J. et Laroche P., 2005).

Cependant, nous constatons que ces liens positifs ou négatifs, enrichissent ou appauvrissent uniquement les propriétaires de capitaux sans tenir compte des autres partenaires commerciaux et sociaux de l'entreprise. La performance de l'entreprise n'est qu'un aspect de la création de valeur. Il s'agit en effet de la conception actionnariale de la valeur qui est démotivante pour l'ensemble des stakeholders. L'analyse de l'impact du lien entre RSE et création de valeur s'inscrit dans une perspective d'élargissement du système de gouvernance d'entreprise des seuls actionnaires à l'ensemble des parties prenantes.

En effet, comme le soulignent Charreaux G. et Desbrières P. (1998), dans la mesure où la notion de valeur créée ne se réduit pas à la seule transaction entre la firme et les actionnaires, l'analyse du processus de création de valeur ne se limite pas à la seule relation avec les actionnaires et à l'étude de l'influence du contrôle exercé par ces derniers sur les dirigeants. Nos auteurs veulent ainsi souligner l'importance des stakeholders dans le processus de création de valeur et donc, de partage de la valeur créée. Autrement dit, la relation RSE et création de richesse doit désormais dépasser son seul aspect financier pour s'inscrire dans une logique de création de valeur.

C'est d'ailleurs ce que soulignent Steurer R et al. (2005) lorsqu'ils appuient que dans une économie mondialisée caractérisée par des marchés de capitaux de plus en plus compétitifs, l'objectif de création de valeur constitue un objectif incontournable et légitime que les dirigeants d'entreprises se doivent d'atteindre sur le long terme. A ce titre, l'approche pluraliste (partenariale) de la valeur offre des perspectives intéressantes puisqu'elle oblige le management de l'entreprise à prendre en compte non seulement les intérêts des actionnaires, mais également ceux des autres parties prenantes qui participent activement au processus de création de richesse.

L'objectif ultime n'est donc plus de créer de la valeur à tout prix pour les détenteurs de droits de propriété (les stockholders), mais plutôt d'intégrer une culture managériale orientée vers la satisfaction de l'ensemble des stakeholders. Cependant, si tout le monde s'accorde pour souligner l'intérêt d'une vision pluraliste de l'entreprise, la mise en oeuvre pratique d'une telle acceptation se heurte à des biais culturels qui réduisent considérablement sa validité opératoire (Reynaud E. et al., 2008). Cette pensée de Reynaud E. souligne l'incidence indéniable du contexte sur les pratiques managériales.

Cependant, quelque soit le contexte, Charreaux G. (1997) souligne que toute firme dont l'objectif est de créer durablement de la valeur, doit disposer d'un savoir-faire et d'un avantage compétitif difficilement imitable par ses concurrents. C'est la raison pour laquelle, nous dépassons ces biais culturels et voulons apprécier dans quelle mesure, la responsabilité sociétale des entreprises pourrait constituer un levier fort et propice de création de valeur.

La RSE pourrait ainsi induire un changement de paradigme susceptible de jeter les bases d'un modèle de gouvernance responsable dont l'objectif consisterait à créer de la valeur tout en respectant les contraintes économiques, environnementales et sociales (Gond J-P., 2006). Cette pensée de Gond, bien qu'adaptée à notre objectif, semble négliger un aspect important souligné par Charreaux G. et Desbrières P. (1998). Ces derniers pensent en effet qu'un stakeholder ne peut s'approprier davantage que la valeur qu'il contribue à créer, sans provoquer de réactions défavorables des autres partenaires qui se verraient spoliés.

Toutefois, il est clair que seule une évaluation objective des différentes approches de création de valeur permettra aux différentes parties prenantes de s'assurer du bien fondé de l'engagement sociétal des entreprises. Cela serait rendu possible grâce à une harmonisation de l'opérationnalisation des concepts clés de notre recherche que sont la RSE et la création de valeur. Mais en prélude à cette opérationnalisation harmonisée, nous émettons les propositions suivantes :

H1 : « Les activités extra financières de l'entreprise contribuent positivement à créer du surplus  »

H2 : « Une meilleure pratique RSE en interne est un préalable à des flux de ressources additionnelles pour l'entreprise »

H3 : « Les stakeholders influencent significativement le partage de la valeur créée en entreprise ».

La vérification de ces hypothèses requiert au préalable que l'on collecte et analyse des données. Cette étape de la recherche repose sur un construit méthodologique bien élaboré.

V- Démarche méthodologique

Après avoir parcouru la littérature sur les concepts clés de notre recherche que sont la Responsabilité Sociétale et la Création de Valeur, il nous faudra collecter des données empiriques. Pour ce faire, nous devons opter pour une approche méthodologique qui réponde à notre objectif principal, celui d'établir le lien de causalité qui existe entre les concepts clés de la recherche. Responsabilité sociétale et création de valeur ne sont pas des concepts nouveaux dans le monde de la recherche, ils ont en effet déjà fait l'objet de nombreux travaux de recherche par le passé. Cette raison écarte d'emblée la possibilité d'adopter une démarche qualitative dans ce travail.

En effet, comme le soulignent si bien Ayerbe C. et Missonier A., (2007) cités par Ngok Evina J.F. (2009), les résultats issus d'une recherche qualitative ne sont pas nécessairement d'une forte validité externe, c'est la raison pour laquelle nous allons opter pour une démarche déductive basée sur les méthodes quantitatives. L'aspect quantitatif, répond à un double objectif : vérification des hypothèses et généralisation des résultats. Pour ce faire, nous allons nous adresser distinctement aux parties prenantes internes et aux parties prenantes externes.

Autrement dit, compte tenu du fait que nous avons pour population cible l'ensemble des stakeholders, nous allons nous adresser distinctement aux stakeholders internes (les salariés des entreprises prospectées) et aux stakeholders externes (l'ensemble des autres parties prenantes). La technique d'échantillonnage va ainsi différer selon qu'il s'agisse des stakeholders internes ou externes. S'agissant des stakeholders internes, la technique d'échantillonnage est non probabiliste dans la mesure où nous escomptons nous adresser à des répondants bien définis (cadres intermédiaires). Alors que pour les stakeholders externes, l'échantillonnage est probabiliste, dans la mesure où nous escomptons tirer les unités statistiques (les stakeholders) de manière aléatoire pour en constituer notre échantillon.

L'outil de collecte des données auquel nous ferons usage est le questionnaire et les données recueillies seront analysées à l'aide du logiciel SPSS. L'analyse des données ainsi collectées consistera successivement à réaliser des tris croisés, des analyses factorielles en composantes multiples (AFCM), des régressions simples et multiples, une analyse de la variance (ANOVA à un facteur), et enfin, par un test de student sur échantillons indépendants. Ainsi pourrons-nous corroborer ou invalider nos hypothèses de recherche.

Nous nous limiterons uniquement à la ville de Douala, parce que, en tant que capitale économique, elle regorge d'entreprises de différents secteurs comme aucune autre ville au Cameroun. De plus, l'étude de cas portera sur un échantillon d'entreprises multinationales opérant dans les secteurs industriels et de service. Les raisons qui ont motivées ce choix sont de deux ordres. Premièrement, elles ont une forte culture d'entreprise orientée vers la responsabilité sociétale. Deuxièmement, les multinationales de service et de fabrication étant perçues dans notre contexte comme des grandes entreprises, le concept de création de valeur leur est familier.

L'ensemble du travail rapporté dans ce mémoire s'articule autour de deux parties :

La première partie reprend de manière dynamique, les appuis théoriques existants sur les thématiques de responsabilité sociale d'entreprise et de création de valeur et établi, à priori, les enjeux du lien entre ces deux concepts au coeur de la recherche. Elle est subdivisée en deux chapitres : le premier explore les concepts de responsabilité sociétale et de création de valeur à travers les théories modernes existantes à cet effet, et aborde les différents domaines d'application et instruments de mise en oeuvre de responsabilité sociétale. Le second chapitre est consacré aux enjeux et à l'importance croissante de la responsabilité sociétale comme facteur pouvant insuffler de la valeur en entreprise dans un contexte de mondialisation.

La deuxième partie, phase empirique de notre travail, comprend elle aussi deux chapitres. L'un s'intéresse à la démarche d'identification du lien entre RSE et création de valeur. Nous y opérons un feedback sur la population étudiée, et l'échantillon de notre recherche. L'autre chapitre (le dernier), présente les résultats obtenus. A travers une analyse détaillée, ce chapitre met en exergue les réalités des politiques RSE et l'approche de création de valeur dominante au Cameroun ; puis, nous y exposons la nature du lien de causalité entre RSE et création de valeur.

Première partie

RESPONSABILITE SOCIETALE DE L'ENTREPRISE ET CREATION DE VALEUR : UNE RELATION A DECOUVRIR

Responsabilité sociétale de l'entreprise et création de valeur sont deux concepts aux contours multiples. L'étude du lien de causalité qui existerait entre ces deux concepts requiert qu'on appréhende au préalable tous les aspects possibles de la RSE et de la création de valeur.

Cette partie, qui se veut essentiellement théorique, se propose d'engager une réflexion de fond sur l'aptitude des politiques RSE à créer de la valeur et donc, à jeter les bases d'un modèle de gouvernance responsable. Ainsi, après avoir présenté tous les contours des concepts de Responsabilité Sociétale et de Création de Valeur (Chapitre 1), nous chercherons à apprécier dans quelle mesure cette responsabilité sociétale des entreprises pourrait favoriser l'émergence d'une vision partenariale susceptible de créer de la valeur pour l'entreprise (Chapitre 2).

Chapitre 1

RESPONSABILITE SOCIETALE DE L'ENTREPRISE ET CREATION DE VALEUR AU COEUR DE LA RECHERCHE

Dans ce chapitre, nous passons en revue tous les contours possibles des concepts de responsabilité sociétale des entreprises et de création de valeur. Il s'agit dans une première section, de présenter l'évolution du concept de RSE et les différentes approches y afférentes, notamment l'approche des parties prenantes. Puis, dans une seconde section, nous présentons les différents aspects de création de valeur.

Section I : LA RESPONSABILITE SOCIETALE DE L'ENTREPRISE : ECLOSION

DU CONCEPT, DOMAINES D'APPLICATION ET INSTRUMENTS

DE MISE EN OEUVRE

Dans cette section, nous allons, après avoir retracé son histoire, définir le concept de RSE, développer ses différents domaines d'application, présenter la théorie des parties prenantes, et en ressortir l'importance croissante dans le contexte actuel de mondialisation.

I - 1 - Emergence du concept de Responsabilité sociétale de l'entreprise

Nous retraçons la genèse et l'évolution du concept de responsabilité sociétale de l'entreprise. Puis, sur la base des différentes approches RSE existantes, nous proposons une définition consensuelle de ce concept aux contours multiples.

I - 1 - 1 - Aperçu historique du concept de responsabilité sociétale de l'entreprise

La responsabilité sociétale des entreprises n'est pas un phénomène neuf. Au 19e siècle déjà, des patrons, soucieux d'endiguer des mouvements contestataires, ont occupé une place prise plus tard par les pouvoirs publics. Assurant l'éducation des enfants des travailleurs, une prise en charge minimale des soins de santé ou les distributions charitables, ces patrons paternalistes savaient aussi qu'il était de leur intérêt d'anticiper toute velléité revendicative (Peeters A., 2004).

Ce type de fonctionnement s'est complexifié au vingtième siècle. Des caractéristiques propres aux modes de gestion pratiqués en Europe et aux États-Unis ont vu le jour. Ainsi, la construction de la société américaine s'est faite avec une implication minimale de l'État dans les services d'intérêt général. Les entreprises y ont pris en charge ces derniers, s'assurant par la même occasion les meilleures compétences.

Aux États-Unis, des comportements d'entreprises qui s'apparentent à la RSE se sont érigés en méthode de gestion dès les années 1930, dans un contexte d'absence quasi totale des pouvoirs publics dans les services (Carrol A. B., 1979). Il s'agissait alors d'attirer les meilleures compétences dans l'entreprise en offrant des services qui, dans un contexte européen par exemple, étaient assurés par les pouvoirs publics. Selon Mercier S. (2001), c'est à cette époque que les premiers théoriciens enseignent la RSE dans les universités : Théodore Kreps et, plus tard, Richard Bowen.

Pour de nombreux auteurs, l'ouvrage théorique fondateur sur la question de la RSE est celui de l'économiste américain Howard R. Bowen : Social Responsibilities of the Businessman (Acquier A. et Aggeri F., 2001). Ce livre fournit tout d'abord un témoignage historique très documenté, recense les discours des dirigeants sur la responsabilité sociale, entendue comme un ensemble d'obligations à l'égard de la société. C'est donc H. BOWEN qui a fait passer ce concept dans l'ère moderne du management.

Si Bowen est reconnu dans la littérature comme étant le père de la RSE, Caroll A.B. (1999) signale que les idées qu'il a exprimées dans son ouvrage ne sont pas nées ex nihilo et qu'on en trouve la trace dans certains essais de la littérature managériale, notamment dans les années 1930' et 1940'. Notons tout de même qu'il est possible que la RSE, telle que formulée à l'époque par Bowen, repose sur les valeurs culturelles et managériales qui prévalaient à son époque. Le contexte ayant évolué, l'acception de la RSE a progressivement changé.

À partir des années 1920, plusieurs dirigeants s'expriment publiquement sur leur responsabilité à l'égard de la société. Si « aucune doctrine clairement formulée de la responsabilité sociale n'avait émergé à la fin de la décennie », les discours de l'époque sont très marqués par les concepts de « public service » et de « trusteeship3(*) » qui stipulent l'idée d'un contrat implicite, caractérisant la relation entre l'entreprise et la société (Heald M., 1961, 1971). Ainsi, selon Acquier A. et Aggeri F., (2001), des discours et pratiques relatifs à la responsabilité sociale se développent ainsi de manière précoce dans le milieu des affaires. Mais ce n'est que dans les années 1950 que des efforts significatifs de formalisation voient le jour à la frontière entre religion d'une part et économie et gestion d'autre part.

La RSE est devenue un thème de recherche à l'origine de l'émergence d'un nouvel espace académique, à savoir le courant « Business and Society » s'intéressant aux relations entre l'entreprise et son environnement sociétal (Acquier A. et Gond J-P, 2005). Son influence s'est progressivement renforcée à travers le monde pendant les années 1960. Depuis lors, la responsabilité sociale de l'entreprise fait l'objet de nombreux débats entre chercheurs, praticiens, État, organisations non gouvernementales et autres acteurs de la société moderne.

Après avoir occupé les chercheurs américains et suscité quelques controverses émanant d'académiciens libéraux, la recherche sur la RSE diminuera d'intensité à partir du milieu des années 1980 et muera vers d'autres concepts comme la citoyenneté de l'entreprise ou l'approche par les parties prenantes (Caroll A.B., 1999). Toutefois, cette pensée de Carroll, bien que séduisante, ne s'applique qu'au contexte américain. Elle va alors se heurter au nouvel ordre économique mondial établi, qui prône le libéralisme économique.

L'émergence de la grande entreprise au delà des frontières nord-américaines est à l'origine du regain d'intérêt que connait la RSE en ce début de siècle, en redevenant un phénomène de plus en plus présent sur la scène politique et économique.

En Europe, on a commencé à s'intéresser à la RSE dès le milieu des années 1990 suite aux actions des organismes de la société civile à l'encontre des entreprises ayant causé un tort environnemental (Shell, Total ...), social (Danone, Renault...) ou sociétaire (Parmalat, Vivendi...). D'un autre côté, le regain d'intérêt pour la question s'est accentué à partir du début des années 2000 aux États-Unis avec les faillites touchant de grands groupes américains (Enron, Arthur Andersen, Worldcom, Xerox...). C'est sans doute la raison pour laquelle Doh J.P. et Guay T. (2006) attribuent le regain d'intérêt pour la RSE à deux éléments : la montée de la société civile d'un côté, et les scandales financiers des grandes entreprises de l'autre.

Les années 2000 représentent sans doute l'âge d'or de la responsabilité sociétale de l'entreprise tant dans les travaux scientifiques que dans les pratiques managériales.

En effet, selon David et al. (2005), le management responsable demande alors aux managers de déplacer la finalité de leurs entreprises du niveau de la recherche exclusive du profit vers des stratégies plus globales, plus complexes, nécessitant pour certains, dans un premier temps, des investissements importants sur le plan humain, social et environnemental. Cette pensée de David et al. est en phase avec l'enracinement dans les pratiques managériales, du concept des « 3p »4(*). Concept qui d'autant plus novateur qu'il relaye le profit en troisième position après l'environnement et les tiers respectivement.

De plus, au sens de Persais E. (2007), la RSE est devenue en une décennie un des éléments clés de la légitimité et donc de la pérennité de l'entreprise. Loin de devoir uniquement satisfaire ses actionnaires, la firme est désormais tenue de démontrer qu'elle prend en compte les intérêts des multiples parties prenantes (notamment les stakeholders non économiques et qu'elle inscrit son action dans le cadre d'une économie responsable. Cette acception de Persais met en exergue, l'intérêt croissant que les entreprises accordent (ou devraient accorder) à l'aspect volontaire de la RSE.

I - 1 - 2 - Vers une définition univoque de la responsabilité sociétale de l'entreprise

Rappelons tout d'abord que l'appellation RSE telle que dérivée de la littérature anglo-saxonne, ne se limite pas qu'à la simple responsabilité sociale, c'est-à-dire, qu'à la société. Elle va au delà de celle-ci pour intégrer l'environnement, les ONG et tous les autres partenaires directs et indirects de l'entreprise. C'est pourquoi on lui préfère de plus en plus l'appellation de responsabilité sociétale de l'entreprise.

Les définitions attribuées à la RSE sont variables selon les approches (volontariat ou légale) et les auteurs. Selon l'approche, la Commission Européenne (2001) a adopté une définition qui ménage les deux aspects fondamentaux de la RSE (contrainte et volontarisme) : « Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables mais aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, l'environnement et les relations avec les parties prenantes, cela suppose l'intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». En effet, dans son livre vert publié en 2001, la Commission Européenne, qui est devenue une référence dans les organismes internationaux et qui est évoquée dans la majorité des travaux sur la RSE, la définit comme : « l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec toutes leurs parties prenantes internes et externes (actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires, collectivités humaines,...), et ce, afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et investir dans le capital humain et l'environnement ».

Selon des auteurs comme Friedman M. (1962), cité par D'Arcimoles Ch-H. et Trébucq St. (2003), la responsabilité sociale de l'entreprise est d'accroitre ses profits. Cette proposition de Friedman repose sur les postulats de la « main invisible de Adam Smith », car pour lui, seules les forces du marché génèrent la richesse collective, ce qui n'est pas totalement acceptable dans le contexte actuel. Par exemple, dans des cas de fraudes comme Enron et bien d'autres, cette responsabilité envers les actionnaires n'a pas été respectée. Autrement dit, la RSE ne se limiterait pas à cela.

En effet, nombreux sont les auteurs qui s'opposent à cette vision étroite de la responsabilité sociétale de l'entreprise. Au contraire de la vision de Friedman, selon la théorie des stakeholders, il existe un contrat implicite entre l'entreprise et la société. Si ce contrat est rompu, l'entreprise perd sa légitimité et ne peut bientôt plus fonctionner. Ainsi, selon Freeman R. (1984), l'entreprise est responsable devant toutes ses parties prenantes.

Certaines définitions sont fondées sur des études de cas particuliers d'entreprises pratiquant la RSE. C'est le cas de la définition de Mc Williams A. et Siegel D. (2001) selon laquelle la RSE est l'ensemble des actions visant le bien social au-delà des intérêts de la firme et de ce qui est demandé par la loi. Mc Guire J. (1963) et Davis K. (1973) soutenus plus tard par Jones M. T. (1980), perçoivent la RSE comme la prise en compte par l'entreprise, de problèmes qui vont au delà de ses obligations économiques, techniques et légales et la reconnaissance par celle-ci, de ses responsabilités envers la société. Ces définitions semblent ne pas tenir compte des entreprises qui ne se conforment qu'au stricte minimum requis par la loi, parce que ne faisant face à aucune compétition sur le marché.

Carroll A. B. (1979) ne se contente pas seulement de limiter les champs d'action possibles de l'entreprise responsable car pour elle, « la CSR5(*) intègre l'ensemble des attentes économiques, légales, éthiques et philanthropiques que peut avoir la société à l'égard d'une entreprise à un moment donné ». Suivant le même ordre d'idées que Carroll, Wood D.J. (1991) souligne que: « La signification de la responsabilité sociétale ne peut être appréhendée qu'à travers l'interaction de trois principes : la légitimité, la responsabilité publique et la discrétion managériale, ces principes résultant de la distinction de trois niveaux d'analyse, institutionnel, organisationnel et individuel ». Les définitions proposées par Carroll et Wood vont plus loin que les approches précédentes en spécifiant les catégories d'analyse de la CSR et en systématisant les acquis des recherches antérieures.

Ainsi, nous pouvons résumer les définitions ci-dessus dans un tableau tiré des « fondements théoriques de la responsabilité sociale des entreprises », de Jean-Pascal Gond.

Tableau 1.1 : Comment le concept de RSE a-t-il été défini et théorisé ? Quelques exemples de définitions...

Types d'approches

Sources

Définitions

Agir au delà d'une responsabilité économique, contractuelle ou légale.

Jones (1980)

La responsabilité sociétale est « [l'idée] selon laquelle les entreprises, au delà des prescriptions légales ou contractuelles, ont une obligation envers les acteurs sociétaux »

Maximiser le profit pour les actionnaires

Friedman (1962)

« Rien n'est plus dangereux pour les fondements de notre société que l'idée d'une responsabilité sociale des entreprises autre que de générer un profit maximum pour leurs actionnaires »

Répondre aux attentes de la société de manière volontaire

Carroll (1979)

La responsabilité sociétale est « ce que la société attend des organisations en matière économique, légale, éthique et volontaire, à un moment donné »

Respecter des principes se déclinant au niveau institutionnel, organisationnel et managérial

Wood (1991)

« La signification de la responsabilité sociétale ne peut être appréhendée qu'à travers l'interaction de trois principes : la légitimité, la responsabilité publique et la discrétion managériale, ces principes résultant de trois niveaux d'analyse, institutionnel, organisationnel et individuel »

La performance sociétale comme intégration des approches de la RSE

Wartick & Cochran (1985)

La PSE est « l'interaction sous-jacente entre les principes de responsabilité sociale, le processus de sensibilité sociale et les politiques mises en oeuvre pour faire face aux problèmes sociaux »

La performance sociétale comme capacité à satisfaire les stakeholders

Clarkson (1995)

La PSE peut se définir comme la capacité à gérer et à satisfaire les différentes parties prenantes de l'entreprise (définition construite)

Source : Gond, J.-P. et Mullenbach A. (2004)

De toutes les définitions et approches développées ci-dessus, nous pouvons définir la responsabilité sociale de l'entreprise comme la prise en compte par l'entreprise des variables extra économiques dans la réalisation de ses objectifs à long et moyen terme. C'est un processus d'amélioration, dans le cadre duquel, les organisations, les entreprises, les pouvoirs publics et les collectivités locales intègrent de manière volontaire, systématique et cohérente des préoccupations d'ordre social, environnemental et économique dans leur gestion au quotidien. En d'autres termes, une entreprise socialement responsable est celle dont l'atteinte des objectifs économiques est conjointe à l'intérêt collectif de toutes les parties prenantes et dans le respect des contraintes légales naturelles.

Dans cette sous-section, il était question de retracer la généalogie de la RSE depuis sa première formulation académique jusqu'à nos jours, afin d'en ressortir une définition consensuelle. Il en ressort que c'est l'américain Howard Richard BOWEN en est le père fondateur et que la RSE devrait revêtir plus un aspect volontaire que réglementaire. Ainsi, la prochaine sous-section va nous édifier d'avantage sur les domaines d'application et les tiers directement et indirectement concernés par les actions sociétales d'une entreprise.

I - 2 - La responsabilité sociétale de l'entreprise : instrumentation et sphère des acteurs à qui l'entreprise doit rendre compte

La responsabilité sociétale de l'entreprise présente des enjeux multiples. Ces enjeux sont relatifs au domaine dans lequel cette politique est mise en oeuvre et des tiers directement ou indirectement concernés par sa mise en oeuvre. Nous revenons successivement sur les domaines d'application de la RSE et la prise en compte par les entreprises, des stakeholders dans leurs politiques de gestion.

I - 2 - 1 - Les instruments au service de la responsabilité sociétale de l'entreprise

A la question « comment instrumenter la RSE ? », on trouvera difficilement une réponse immédiate qui soit acceptée de tous. Car les contextes de mise en oeuvre de RSE sont différents malgré la conjoncture actuelle de mondialisation (déphasage persistant entre les conceptions européenne et anglo-saxonne de la RSE). Les instruments dont dispose l'entreprise dans sa politique de responsabilité sociale, ont été regroupés en cinq catégories par Capron M. et Quairel L. (2004) et dans un rapport de la CNUCED6(*). Par instruments de la RSE il faut entendre l'ensemble des dispositifs que mettent en oeuvre les différents acteurs (internes ou externes à l'entreprise) pour peser sur les décisions. Ces dispositifs sont présentés sommairement dans le tableau suivant :

Tableau 1.2 : Les Instruments de la Responsabilité Sociétale de l'Entreprise

Dispositif

Utilité

Exemple

Mise en oeuvre

Assister le manager à la mise en oeuvre des stratégies RSE au sein de l'entreprise. Autoévaluation et évaluation croisée avec d'autres PP.

- Système de management de qualité (ISO 9001 et 9004),

- Système de management environnemental (ISO 14004),

- Système de management de la sécurité (OHSAS 180001),

- Guide méthodologique (AA 1000-SD 21000).

Prévention

Construire la crédibilité des représentations de l'entreprise et donner confiance aux parties prenantes.

- Codes de conduite

- Certification sociale (SA 8000)

- Labellisation

Communication

Communiquer sur l'impact social de son activité et sur la performance environnementale.

- Reporting social

- Rapport de DD

- Rapport Annuel

- Bilan Sociétal / Bilan Social

Contrôle

Contrôler l'application des critères sociaux internationalement reconnus.

- Normes de performance (SA 8000)

- Normes de certification (AA 1000)

- Normes de gouvernance (OCDE)

- Tableaux de bord

Évaluation

Aider au diagnostic des performances sociétales.

- Bilan sociétal

- Notation sociétale

- Indice social danois

- SME key

Source : CAPRON M. et QUAIREL L.(2004) et le CNUCED

Le tableau ci-dessus comprend au total cinq (05) catégories de dispositifs auxquels les entreprises peuvent recourir dans leurs démarches responsables. De manière sommaire, ces dispositifs sont universellement applicables, mais pris dans les détails, chaque société s'inscrit dans un exemple bien précis. Ce tableau aurait donc été construit sur la base de l'exemplarité7(*), ce qui ferait de toutes ses rubriques (dispositif, utilité et exemples), et particulièrement celles sur l'utilité et les exemples des rubriques non exhaustives et sujettes à des critiques. Par exemple, les instruments d'évaluation, telles que définies, restent un mythe dans le contexte subsaharien en général, et camerounais en particulier. Ce qui nous amène à nous interroger sur l'évaluation de la RSE au Cameroun ?

Ainsi, l'absence d'organismes et d'instruments de mesure sophistiqués de la RSE dans le conteste des pays les moins avancés nous oblige sans cesse les chercheurs dans ce domaine, à se rapprocher des parties prenantes. En effet, qui sont ces parties prenantes ?

I - 2 - 2 - La théorie des parties prenantes : plus qu'une théorie, une doctrine

Le management des parties prenantes (stakeholders) occupe une place importante, voire cruciale dans la conceptualisation et la mise en oeuvre de la RSE au sein des entreprises. De plus, Callon et al. (2001) ajoutent qu'au delà des entreprises, le concept de stakeholder semble aussi se diffuser dans l'ensemble de la société à travers la montée en puissance d'une démocratie participative.

Acquier A. et Aggeri F. (2005) ont fait de la théorie des stakeholders un modèle construit autour de quatre principes : l'entreprise a des stakeholders qui ont des exigences à son égard, tous les stakeholders n'ont pas la même capacité d'influence sur l'entreprise, la prospérité de l'entreprise dépend de sa capacité à répondre aux stakeholders influents (responsiveness), la fonction principale du management est de tenir compte et d'arbitrer entre les demandes potentiellement contradictoires des stakeholders.

C'est dans le sillage des approches managériales de la Corporate Social Responsiveness (CSR) que le terme de stakeholders va se développer, à partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980.

Ces premiers travaux font écho à un « projet stakeholder », mis en place en 1977 à la Wharton School, au sein du Centre de recherche appliqué (Applied Research Center). «L'objectif de ce projet était de réunir de nombreux courants de pensée et de développer une théorie du management qui permette aux cadres dirigeants de formuler et de mettre en place des stratégies d'entreprises dans des environnements turbulents. » (Freeman R. et Reed D., 1983). L'originalité de ces approches est d'inclure au coeur de l'analyse, ce que Voguel D. (1978) a appelé les « groupes adverses ».

A ce titre, on peut définir un stakeholders comme « n'importe quel groupe dont le comportement collectif peut affecter de manière directe le futur de l'organisation, mais qui n'est pas sous son contrôle direct » (Emshoff et Freeman R., 1978)8(*). Ou tout simplement comme : « tout agent ou groupe d'agents homogène, dont le bien être peut être affecté par les décisions de l'entreprise » (Charreaux G., 1997). Les stakeholders constituent alors un outil stratégique de management, car la prise en compte de leurs intérêts n'a d'importance que lorsqu'elle est associée aux objectifs de l'entreprise.

Cependant, la question des parties prenantes pose la question de leur recensement. La littérature effectue toutefois la distinction entre parties prenantes internes et externes. En effet, Lépineux F. (2003) propose de distinguer entre les parties prenantes sur la base d'une classification en catégories d'acteurs : les parties prenantes internes (actionnaires, salariés, syndicats), les partenaires opérationnels (clients, fournisseurs avec, parmi ceux-ci, les sous-traitants, les banques dans la position de prêteur mais aussi en attente d'une stabilité et d'une solvabilité, les compagnies d'assurance dans les termes d'une confrontation au risque dont la substance se renouvelle profondément aujourd'hui), la communauté sociale (pouvoirs publics, organisations spécialisées de type syndicat professionnel, organisations non gouvernementales, société civile).

Le tableau ci-dessous recense les différents stakeholders et leurs objectifs et intérêts.

Tableau 1.3 : Tableau synthétique des parties prenantes et leurs attentes ou intérêts principaux

Parties Prenantes

Exemples de leurs objectifs, intérêts

Équipe de direction / Décideurs

Gouvernance, Culture d'entreprise, ventes à l' exportation, risque juridique, risque de réputation, stratégie (court et moyen terme), responsabilité civile, risque de perte de compétence, performance, rémunération, lien de subordination

Propriétaires / actionnaires

Profit, valeur de l' action en bourse, information, stratégie (long et moyen terme)

Clients

Qualité et absence de défaut des produits/Coût et délai de livraison des produits/qualité de service, relation de confiance et partenariat

État, Mission économique

Souveraineté, sécurité collective ( défense), indépendance énergétique, sécurité des approvisionnements ( énergie, matières premières), exportations, respect des principes du droit ( sécurité juridique), respect des règles ( comptabilité publique, loi), monnaie, impôts

Citoyens des communautés locales

Information sur les impacts environnementaux et sociaux ( emplois), taxes et contributions financières, risque juridique

Employés

Rémunération, sécurité de l' emploi, intérêt du travail, conditions de travail, hygiène et sécurité au travail ( CHSCT)

Syndicats

Négociation d'accords, rémunération, conditions de travail, hygiène et sécurité au travail ( CHSCT)

Fournisseurs / sous-traitants

Prix et volume d'achat, continuité, retombées technologiques, partenariat

Banques

Fiabilité des systèmes de paiement

Investisseurs

Informations sur la solvabilité, la liquidité,

Compagnie d'assurance

Informations sur la gestion des risques et la solvabilité, sur la sécurité informatique ( profil de protection)

ONG

Relativement toutes les attentes des stakeholders ci-dessus

Source: Inspiré de Freeman R. E. (1984)9(*), « Strategic Management : A Stakeholder Approach », éd. Pitman.

Les stakeholders, tels que développés dans cette sous-section, font partie intégrante de ce qu'il convient d'appeler le « capital immatériel » de l'entreprise.

Selon la Communauté Finance Opérationnelle (CFO10(*)), différentes cartographies de ces actifs immatériels existent. La plus couramment partagée identifie, outre les partenaires de l'entreprise, sept catégories d'actifs immatériels : le portefeuille clients, le capital humain, le capital organisationnel, les systèmes d'information, les marques, les brevets et technologies, les actionnaires.

Les actifs immatériels seraient ainsi le champ privilégié de la différenciation, des gains de productivité, de la création de valeur. La responsabilité sociétale de l'entreprise qui donne une orientation particulière de la performance sociale et environnementale, valoriserait certaines entreprises par rapport à d'autres. Ce qui ferait de la création de valeur, un aspect particulier à étudier sous un angle RSE.

Section 2 : LA CREATION DE VALEUR AU COEUR DES DECISIONS

OPERATIONNELLES ET STRATEGIQUES

Si la création de valeur constituait auparavant un indicateur parmi d'autres, aujourd'hui, sous la pression des marchés, de nombreux groupes ont décidé de la placer au coeur de leurs décisions opérationnelles et stratégiques Denglos G. (2003). Or, comment mesure-t-on la richesse créée pour l'actionnaire et pour le client? Quels sont les instruments de mesure de la création de valeur dans un contexte de marché financier émergent ?

Dans cette seconde section, nous allons accorder un intérêt particulier au concept de création de valeur et ses différents aspects. En effet, la création de valeur est un concept qui interpelle fortement la gouvernance de l'entreprise, qu'il s'agisse de la valeur actionnariale ou de la valeur partenariale. Ainsi, nous allons dans un premier temps présenter la notion de création de valeur avec ses différents contours ; puis, compte tenu du fait que créer de la valeur en entreprise dépend de son mode de gestion et de son pilotage, nous développerons le concept de création de valeur au coeur de la gouvernance d'entreprise.

II - 1 - Créer de la valeur : un objectif prépondérant en entreprise

Tout dirigeant rationnel est guidé par un objectif prépondérant qu'est celui de créer de la valeur pour son entreprise. C'est également un objectif sans fin pour les dirigeants qui doivent toujours chercher à faire mieux que les concurrents.

Pour mieux étudier ce concept aux contours multiples, nous allons analyser la création de valeur par décomposition. Il s'agit premièrement de dégager tous les aspects de la notion de « valeur » ; et deuxièmement de proposer une définition de retenir une définition de la création de valeur sur la base de la littérature existante.

II - 1 - 1 - La valeur : une notion ambiguë

La notion de valeur est équivoque. En effet, malgré la tendance étymologique à définir celle-ci d'un point de vue financier, on peut se demander si son utilisation ou transposition à d'autres domaines est possible Remaud H. (2001). Comme le note Marchesnay M. (1986), on pourrait enrichir cette dimension financière à des valeurs véhiculées par une société. Cela revient à prendre en compte le rôle de l'ensemble des stakeholders (Hill C. et Jones T., 1992; Charreaux G. et Desbrières P., 1998) nous obligeant à rendre plus "contingentes" les mesures de la création de valeur de l'entreprise. Le concept de création de valeur est donc un concept ambigu en raison de la multiplicité des pratiques managériales qui lui sont associées. Pour mieux le cerner, il nous faut comprendre au préalable, la connotation financière de la valeur.

De manière générale, la valeur est ce qui représente quelqu'un ou que chose, que ce soit financièrement ou symboliquement. Vu sous un angle purement financier, la valeur est un titre négociable généralement coté en bourse (actions et obligations) ou non (lettres de change et billets à ordre, ...). Restant sur le point purement financier, Martinet A. C. (2002) ajoute que l'objectif de toute entreprise est de créer de valeur, c'est-à-dire d'être capable de réaliser des investissements dont le taux de rentabilité réalisé est supérieur au taux de rentabilité exigé compte tenu du risque.

En sus de la connotation financière de la notion de valeur, on distingue également des conceptions comptables et commerciales de ce concept polysémique.

La valeur commerciale se rapproche de la valeur d'utilité ; elle est, selon les analyses stratégiques de Porter M. E. 11(*), « ce que les clients sont prêts à payer : la valeur s'obtient en pratiquant des prix inférieurs à ceux des concurrents (stratégie de domination par les coûts) ou en fournissant des avantages uniques qui font plus que compenser un prix plus élevé (stratégie de différenciation)».

La valeur comptable quant à elle, représente la valorisation de l'entreprise (immobilisations, capital, ...), après retraitement du bilan et du compte de résultat. Keiser A-M. (2002)12(*) souligne que de nombreuses méthodes existent pour valoriser une entreprise dont les plus importantes semblent être les méthodes patrimoniales, les méthodes de rendement, et les méthodes du goodwill.

Les différents aspects de la valeur qui viennent d'être développés sont loin d'être exhaustifs. Il en existe plusieurs autres que nous ne jugeons pas utiles pour mieux cerner le concept phare qu'est celui de la création de valeur.

II - 1 - 2 - La création de valeur : une notion vague

Depuis bientôt deux décennies, la création de valeur pour l'actionnaire fait partie des indicateurs de mesure et d'évaluation de la performance d'une entreprise (Faverjon C. et Marion A., 2005). Le return on investment ou retour sur investissement autrefois utilisé comme indicateur ultime de la rentabilité d'un projet, est aujourd'hui suppléé par la valeur créée, comme un signal déterminant pour l'appréciation de l'aptitude d'une entreprise à mobiliser les capitaux nécessaires au financement de sa croissance. C'est dans ce sens que Jacquet D. (1997) affirme que la création de valeur constituerait une mesure de la crédibilité relative de la politique financière. L'importance croissante de la création de valeur dans l'évaluation d'une entreprise fait qu'on lui accorde désormais une attention particulière dans les processus de prise de décision, notamment les décisions d'investissement.

Ainsi, Remaud H. (2001), rejoignant la proposition d'Albouy M. (1999), avance l'idée que tout propriétaire recherche une création de valeur de son entreprise selon la définition suivante : une entreprise crée de la valeur si elle dégage de son activité un montant suffisant de fonds (des cash-flows) lui permettant de rémunérer les apporteurs de fonds (de manière satisfaisante et/ou optimale) et réaliser les investissements nécessaires à son développement futur. La dimension financière de la valeur de l'entreprise, au moins dans une première approche, semble donc indispensable pour la mesure de sa création de valeur.

Cependant, le fait que la majorité des entreprises camerounaises ne soient pas cotées sur un marché financier (la Douala Stock Exchange) complexifie davantage la mesure de la création de la valeur par celles-ci. Ce qui exige de notre part, que nous revisitions d'abord les indicateurs « traditionnels » de création de valeur (chiffre d'affaires, réinvestissement des bénéfices, Valeur Ajoutée, résultat d'exploitation, résultat net, etc.) avant de présenter ses indicateurs modernes plus ou moins récents (EVA et MVA).

II - 2 - Mesure de la création de valeur : des indicateurs classiques traditionnels

à des indicateurs récents plus sophistiqués

Dans cette section, il est question de présenter les règles de décision permettant de choisir les investissements de façon à maximiser la valeur de la firme. En d'autres termes, il s'agit de présenter les instruments de mesure de la création de valeur par l'entreprise.

A cet effet, on distingue les indicateurs classiques (sous-section 1) et les indicateurs récents de la création de valeur (sous-section 2).

II - 2 - 1 - Appréhender la création de valeur via les indicateurs traditionnels

Par indicateurs « traditionnels », nous entendons tous les instruments de mesure de la performance d'une entreprise qu'on peut facilement apprécier sur la seule base des documents comptables. L'objectif ici est loin d'effectuer un recensement de tous ces indicateurs, mais de ne retenir que ceux qui ont une notoriété historique dans la littérature existante. Il s'agit notamment de la valeur ajoutée et du résultat net (Remaud H. 2001).

II - 2 - 1 - 1 - La valeur ajoutée, expression d'une création globale de la valeur

en entreprise

La mobilisation de cet indicateur présente plusieurs intérêts. Elle représente la valeur créée par l'entreprise dans le cadre de son activité principale. Le Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-comptables définit la valeur ajoutée comme étant la « différence entre le prix de vente et la somme des ressources externes à l'entreprise mises en oeuvre pour réaliser la vente ».

Selon Remaud H. (2001), la valeur ajoutée permet tout d'abord de connaître la contribution de l'entreprise à la "création de surplus" pour la nation, à travers le PIB. Intervenant en principe avant tout prélèvement du dirigeant, ce critère permet une évaluation de la création de valeur indépendamment de la répartition du pouvoir dans l'entreprise. Il présente de plus l'avantage d'être largement disponible du fait de sa simplicité de calcul. Enfin, il permet en effet d'estimer la répartition de la valeur ajoutée entre les principales parties prenantes : l'Etat (impôts), les salariés, les apporteurs de capitaux externes et le(s) propriétaire(s). C'est d'ailleurs à ce niveau qu'on parle de partage de la valeur ajoutée.

A côté de la valeur ajoutée, un autre indicateur longtemps utilisé par les entreprises, notamment les entreprises non cotées est le résultat net.

II - 2 - 1 - 2 - Le résultat net, expression des ressources additionnelles créées par

l'entreprise

Un autre indicateur trivial de la création de valeur est le résultat net. Celui-ci mesure le flux de ressources additionnelles créées (ou détruites) par l'entreprise entraînant la reconstitution et l'augmentation (ou la diminution) des capitaux engagés Ben Larbi S. et Ohanessian R. (2008). C'est donc sur cet indicateur que les apporteurs de fonds se rémunéreront.

Selon l'encyclopédie libre Wikipédia13(*), Le résultat net (ou bénéfice net au sens fiscal) d'une entreprise sur une période donnée (par exemple : une année, un exercice) est égal à la différence entre, d'une part, les produits et, d'autre part, les charges (d'exploitation, financières et exceptionnelles) engagées sur la même période, ainsi que l' impôt sur les sociétés (net profit/loss, net earnings, net income). Pour son calcul, il faut tenir compte :

· des opérations exceptionnelles (extension d'une usine, prise de contrôle d'une société, revente d'une filiale etc. qui génèrent des entrées et des sorties de capitaux) ;

· des frais de participation du personnel ;

· des impôts comme l'impôt sur les sociétés.

Le résultat net est partagé entre les actionnaires (paiement du dividende) et les réserves et provisions. Le résultat net peut donc prendre la forme d'une perte (résultat net négatif) ou d'un bénéfice (résultat net positif). Un résultat net négatif ne traduit pas nécessairement l'inaptitude l'entreprise à créer de la valeur. Dans ce cas, on peut s'appuyer sur les valeurs comptables et commerciales de l'entreprise.

Les indicateurs traditionnels de création de valeur qui viennent d'être présentés n'ont pas fait l'objet d'une énumération exhaustive. Il en existe plusieurs autres comme l'excédent brut d'exploitation (EBE), l'évolution du chiffre d'affaires, le taux de réinvestissement, le taux d'endettement, entre autres. S'il est vrai que la plupart de ces indicateurs restent d'usage dans beaucoup d'entreprises, l'importance croissante de l'économie de marché a davantage favorisé la substitution de ces indicateurs à des instruments plus sophistiqués tels que la valeur ajoutée économique, la valeur ajoutée de marché, le free cash flow, entre autres.

II - 2 - 2 - Mesure de la création de valeur via des indicateurs plus sophistiqués

Le bénéfice net comptable passé et actuel ne peut être considéré comme un indicateur suffisant pour approcher la valeur d'une entreprise, parce qu'il est la résultante de données comptables non représentatives de la réalité économique. C'est pour cela que certains analystes et praticiens (Charreaux G., 1997 ; Charreaux G. et Desbrieres P., 1998 ; Denglos G. 2003 ; Caby J., Clerc-Girard M-F., Koehl J., 1996 ; etc.) ont cherché à développer des méthodes palliant à de telles défaillances. L'objectif était de trouver des indicateurs pertinents, qui tiennent compte notamment du risque, de la croissance et de la pérennité des résultats et qui retraitent les données comptables non conformes à la réalité économique. C'est ainsi que, dès les années 20, est apparue aux USA l'idée de « création de valeur ».

Cette notion a été conceptualisée par de nombreux auteurs à travers nombre de méthodes : economic value added (EVA) ; market value added (MVA) ; total shareholder value (TSR) ; le free cash flow (FCF),

II - 2 - 2 - 1 - TSR et FCF : des indicateurs plus ou moins utilisés

Il s'agit certes d'indicateurs modernes récents, mais très peu connu par les praticiens. Nous présentons d'abord le Total Shareholder Return (TSR) avant de nous intéresser au Free Cash Flow (FCF).

a. Le total shareholder return : une mesure de la valeur créée pour l'actionnaire

Le total shareholder return (TSR) correspond au taux de rendement d'une action sur plusieurs années par rapport à une période donnée et intègre les dividendes reçus et la plus- value réalisée, etc. (Faverjon C. et Marion A., 2005). Le Total Shareholder Return (TSR) ou rentabilité totale pour l'actionnaire constitue une première mesure synthétique de la valeur créée pour l'actionnaire, bien que présentant également certaines limites. Il a été proposé par le Boston Consulting Group (BCG) pour exprimer ce qu'a rapporté en plus-value et en dividendes, un titre acquis au début de sa période de calcul.

Selon la COB (2001)14(*) le Total Shareholder Return est égal au rapport (ou à la moyenne géométrique annualisée des rapports) entre, d'une part, le cours ajusté de l'action à la fin de l'année (ou de la période) majoré du dividende distribué et, d'autre part, le cours ajusté à la fin de l'année précédente (ou à la fin de la période pluriannuelle précédente). L'émetteur doit indiquer si le TSR est calculé en brut ou en net de l'imposition des plus-values et dividendes, avec ou sans prise en compte de l'avoir fiscal.

La possibilité de non prise en compte de l'incidence fiscale constitue d'ailleurs l'une des lacunes de cet instrument de mesure. Lacune qui est comblée par la méthode du free cash flow.

b. La méthode du free cash flow comme mesure de la valeur créée

En général, l'existence de cash-flows en entreprise traduit la possibilité pour celle-ci, à s'autofinancer. Dans le même ordre d'idée, le free cash flow représente les flux de trésorerie disponibles après impôt. Il s'agit des cash-flows  en excès qui restent disponibles dans une firme une fois que tous les projets à VAN15(*) positive ont été financés. Sa formule est la suivante :

Free Cash Flow = Excédent Brut d'Exploitation

- investissement de la période

- impôt sur le résultat d'exploitation

La pratique de cette approche s'est développée avec la finance moderne des années 1950 et 1960 sous la houlette de Modigliani F. et Miller M. (1963). Sa forme la plus précise peut être rattachée à l'article célèbre de Jensen M.C. (1986).

Le total shareholder value et le free cash flow, bien qu'étant des indicateurs modernes et récents permettant de mesurer la création de valeur, connaissent moins de succès que les approches basées sur l'utilisation de l'EVA et de la MVA.

II - 2 - 2 - 2 - EVA et MVA : des indicateurs récents et confirmés

Dans cette sous-section, il est question de présenter la pertinence des indicateurs sophistiqués que sont l' « Economic Value Added » (EVA), et la « Market Value Added » (MVA). Nous y parvenons en nous référant à la littérature et aux résultats empiriques existant sur le sujet.

a. La « valeur ajoutée économique » : une conception managériale de la création de valeur

Le concept de l'EVA, promue par le cabinet Stern, Stewart & Co, couvre tous les domaines du management (Brennan M.J., 1995). En effet, selon Charreaux G. (1998), contrairement aux indicateurs classiques de mesure de la rentabilité tels que le chiffre d'affaires ou le résultat net, l'EVA tient compte, en plus des revenus, des coûts des ressources allouées pour réaliser ces résultats, ce qui est plus proche de la notion de performance, laquelle n'implique pas seulement la rentabilité des investissements mais aussi l'optimisation de l'utilisation des ressources. Mottis N. et Ponssard J-P. (2002) ajoutent que dans certaines entreprises, on a alors assisté à l'évolution suivante. On est passé d'un objectif de marge à un objectif de résultat opérationnel avant impôts puis à un objectif de taux de retour sur le capital investi et enfin à l'EVA.

C'est une clé de la mesure de la performance, qui tient compte des retours exigés par les investisseurs. On peut donc définir la valeur ajoutée économique avec Charreaux G (1998), comme la différence entre le résultat économique après impôt et le coût des capitaux investis par les investisseurs financiers (actionnaires et créanciers financiers). Autrement dit, l'EVA est un profit économique généralisé, c'est-à-dire, non pas le résultat net comptable traditionnel, mais le surplus obtenu après rémunération de tous les apporteurs de fonds, dettes et capitaux propres.

La formule de l'EVA est la suivante :

EVA = Ka. VC - CMP.VC = (Ka - CMP). VC

16(*)

Où :

· Ka représente le taux de rentabilité économique mesuré de façon comptable (résultat économique après impôt / actif économique). L'évaluation du CMP repose sur les approches traditionnelles ;

· VC est la valeur comptable des capitaux investis (capitaux propres et dettes financières) ;

· CMP représente le coût moyen pondéré du capital. Il s'agit de la rentabilité requise à l'équilibre par les différents apporteurs de capitaux.

Pour Charreaux G. (1998), l'EVA représente ainsi le surprofit évalué relativement à la norme constituée par le CMP ; il s'agit en fait du concept traditionnel de « rente du goodwill » remis au goût du jour.

Ainsi, la valeur ajoutée économique (de l'anglais Economic Value Added) constitu » un outil de mesure de la création de valeur dont l'importance n'est plus à prouver. Mais, son utilisation universelle se heurte au traditionnel problème du contexte. En effet, le problème qui se pose est relatif à l'usage de cet outil moderne dans les entreprises situées dans les économies les moins avancées en général et au Cameroun en particulier. La partie empirique de ce travail apportera plus de lumière sur le sujet.

Notons tout de même que l'EVA est un outil de gestion financière décentralisé (Charreaux G. et Desbrieres P., 1998). En effet, elle permet, à tous les niveaux de l'entreprise, de mesurer la performance d'une unité en lui appliquant un taux de rentabilité exigé individuel. Ainsi, une fois la tâche accomplie, l'EVA permet de mesurer l'écart entre performance souhaitée (ou exigée) et performance réalisée.

Cependant, l'EVA ne retient que les rentes secrétées sur une période. Autrement dit, cet indicateur n'envisage pas d'estimations au delà des activités effectivement réalisées par l'entreprise. C'est pour cette raison, et selon les objectifs poursuivis (anticipation ou non), qu'on peut opter pour un indicateur substitut qui tienne compte implicitement de l'ensemble des rentes futures anticipées : la « valeur de marché ajoutée ».

b. La « valeur de marché ajoutée », un substitut de l'EVA dans un contexte d'économie de marché

La Valeur Ajoutée Marché ou Market Value Added (MVA) est la différence entre l'évaluation en Bourse d'une compagnie cotée et le montant de la valeur comptable ajusté de la créance et des capitaux propres investis dans l'entreprise. Dans le même ordre d'idées Charreaux G. (1998) définit la MVA, « la valeur de marché ajoutée », comme la différence entre la valeur de marché des capitaux investis VM (capitaux propres et dettes financières) et la valeur comptable de ces mêmes capitaux VC. D'où la formule suivante :

MVA = VM - VC

Plus la Valeur de Marché Ajoutée (MVA) est élevée, mieux c'est.  Une MVA élevée indique que l'entreprise a créé de la richesse substantielle pour les actionnaires. La MVA est équivalent à la valeur actuelle de toute la future EVA espérée17(*). Dans cette perspective, une MVA négative signifie que la valeur des actions et des investissements de management est moins que la valeur des capitaux concédés à l'entreprise par les marchés financiers. En d'autres termes, cette richesse ou valeur a été détruite.

Ainsi, le but d'une société devrait être de maximiser la MVA. Cependant, la MVA, comme outil de mesure ou d'appréciation de l'aptitude de l'entreprise à réer de valeur, présente quelques limites. Elle ne tient pas compte des coûts d'opportunité des capitaux investis, surtout lorsqu'on sait que ces derniers constituent un indicateur clé de la performance économique. De plus, la MVA, contrairement à l'EVA, ne peut pas être calculée au niveau d'une division de l'entreprise (Unité d'Affaire Stratégique) et ne peut pas être utilisée pour des compagnies privées.

La MVA et l'EVA font l'objet de nombreuses critiques. En particulier, l'imprécision des méthodes habituelles d'estimation du coût des capitaux propres suffit à contester très sérieusement les classements auxquels conduisent ces mesures (Charreau G. 1999). De plus, nos deux indicateurs reposent sur un fondement théorique qui suppose l'efficience des marchés financiers ; ce qui n'est certainement pas le cas avec marchés des pays les moins avancés en général, et du marché financier camerounais.

Cependant, les critiques traditionnelles ne suffisent pas à les disqualifier. D'un point de vue opérationnel, ces mesures constituent des outils d'incitation-contrôle (et donc de gouvernance) utiles si elles conduisent à améliorer la performance.

Les indicateurs de mesure de la création de valeur que nous venons de présenter ne sont pas les seuls. Il en existe plusieurs. Si nous ne pouvons pas tous les analyser, il est cependant judicieux d'en énumérer quelques uns. Il s'agit du : chiffre d'affaires, return on equity (ROE), return on investment (ROI), return on assets (ROA), price earning ratio, total business return (TBR), earning before interest and taxes (EBIT), net operating profit after tax (NOPAT), Q de Tobin18(*), le ratio de Marris19(*), l'indice de Sharpe20(*), et bien d'autres.

Les questions de la mise en oeuvre de politiques RSE et de mesure de la création de valeur soulèvent un autre problème d'une importance notoire, celui de la relation conflictuelle entre dirigeants et actionnaires. Il se pose donc un problème de gouvernance d'entreprise sur lequel nous allons nous investir dans nos prochains développements.

Nous venons, dans le présent chapitre, de présenter les concepts de responsabilité sociétale et de création de valeur. Après avoir retracé la genèse et l'évolution de ces deux concepts, nous en avons ressorti des définitions consensuelles. Par la suite, nous en avons présenté les instruments de mesure des plus anciens aux plus récents. Ainsi avons-nous pu cerner les contours possibles des concepts de responsabilité sociétale de l'entreprise et de création de valeur. Ces deux concepts présentés, la question sur le lien possible qui existerait entre eux reste posée. Le prochain chapitre va présenter le corpus théorique sur le lien entre responsabilité sociétale et création de valeur.

Chapitre 2

VARIABILITE ET AMBIGÜITE DE LA RELATION ENTRE RESPONSABILITE SOCIETALE ET CREATION DE VALEUR

Le présent chapitre se veut une synthèse de la littérature sur le lien entre RSE et performance de manière générale, et entre RSE et création de valeur en particulier. La création de valeur tout comme la RSE, constitue une thématique centrale des études sur la gouvernance d'entreprise. En effet, la mise sur pied de politiques RSE dans l'objectif de créer de la valeur, constitue une décision importante pour les dirigeants d'entreprises dont les choix stratégiques et opérationnels doivent rester en phase avec les aspirations des actionnaires. Cette situation assimilable à une relation d'agence nous a conduits à accorder une attention particulière à l'irruption de la RSE dans la gouvernance d'entreprise (Section 1). Aussi, la RSE présente des enjeux de création de valeur que nous allons explorer (Section 2).

Section 1 : RESPONSABILITE SOCIETALE ET CREATION DE VALEUR AU

COEUR DE LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Dans cette section, il est question, dans un premier temps, de montrer que l'idée du rapprochement entre responsabilité sociétale et gouvernance d'entreprise relève plus de l'adaptation à la réalité pratique plutôt qu'à des considérations théoriques. Puis, dans une seconde analyse, il est question de montrer que la gouvernance d'entreprise constitue un véritable levier de création de valeur pour le dirigeant.

I - 1 - Rapprochement RSE et Gouvernance d'entreprise, de l'opportunisme

au pragmatisme

La gouvernance d'entreprise a connu de changements profonds depuis le début de ce troisième millénaire. Les dirigeants d'entreprises doivent désormais rendre compte non seulement aux actionnaires, mais à une sphère accrue de parties prenantes concernées directement ou indirectement par les activités de l'entreprise. Dans ce paragraphe, nous allons premièrement revisiter la théorie de la gouvernance d'entreprise ; par la suie, nous allons remonter l'ancrage de la RSE dans la gouvernance d'entreprise.

I - 1 - 1 - Regain d'intérêt de la théorie de la gouvernance d'entreprise

Les grandes mutations que connaissent les informations financières sont pour une grande part, assimilables à la répartition des pouvoirs au sein de l'entreprise. Le gouvernement d'entreprise, quant à lui, vise à clarifier la répartition des pouvoirs entre le management, d'une part, les propriétaires de l'entreprise, et leurs élus en Assemblée générale, les administrateurs, d'autre part (Tiberghien F., 2003). Plus largement, il vise à prendre en considération les attentes de l'ensemble des parties prenantes à l'activité des firmes. En ce sens, il rejoint les perspectives de la RSE).

Les scandales financiers récents ont favorisé la résurgence du débat sur la relation d'agence entre dirigeants et actionnaires et par conséquent sur les problèmes de gouvernance d'entreprise. En effet, comme le souligne Ngok Evina J-F. (2009), la crise financière montre à juste titre que les préoccupations sur le problème du gouvernement d'entreprise restent primordiales en sciences de gestion. Il précise d'ailleurs que l'origine du thème se situe dans l'analyse de Berle A. et Means C. (1932) qui faisait suite à la crise de 1929.

Charreaux G. (1997) propose la définition suivante de la gouvernance d'entreprise »qui recouvre l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire «. Evidemment, cette définition rejoint l'approche traditionnelle de la gouvernance d'entreprise qui privilégie la relation d'agence unique « actionnaires-dirigeants ». Cette relation, comme le soulignent Charreaux G. et Desbrieres P. (1998), peut également s'élargir dans le cadre plus général de la firme pluraliste. Cadre qui tient compte non plus des seuls actionnaires-dirigeants, mais également de l'ensemble des stakeholders et de la notion de valeur partenariale.

Les réflexions sur le gouvernement d'entreprise en général et sur la relation d'agence en particulier, ont été engagées par la fameuse contribution de Berle A.A. et Means C.G. (1932). Ils soulèvent l'idée selon laquelle « Les directeurs de ces sortes de compagnie étant les régisseurs de l'argent d'autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s'attendre qu'ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d'une société apportent souvent dans le maniement de leurs fonds ». Pour eux, l'importance de la séparation entre propriété et management n'est plus à démontrer dans un contexte où l'actionnariat dispersé n'est pas capable d'imposer ses objectifs aux dirigeants.

Ainsi, il faut trouver les incitations ou les contraintes qui conduisent les managers à ne pas abuser de leur position. Car ceux-ci bénéficient d'informations privilégiés sur la situation et les potentialités de l'entreprise, qu'ils peuvent exploiter à leur avantage.

On distingue généralement trois grands types de mécanismes capables de résoudre le problème d'agence :

· Le contrôle interne réalisé par les diverses instances chargées de surveiller l'action des dirigeants. C'est le mécanisme le plus utilisé dans certains pays d'Europe comme l'Allemagne, les Pays Bas et la Suède où le rôle des banques est relativement important (Levratto N. et Paulet E., 2005) ;

· Les mécanismes incitatifs destinés à réduire le conflit d'objectif entre dirigeants et actionnaires (stock-option par exemple) ;

· Le contrôle externe exercé par les marchés et les intermédiaires financiers. Levratto N. et Paulet E. (2005) soulignent que ce type de contrôle, sans leur être exclusif, est propre aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Plusieurs exemples à travers le monde illustrent l'intérêt accordé au problème d'agence et à ses conséquences désastreuses pour les autres stakeholders. C'est le cas de la loi Sarbanes-Oxley du 30 juillet 2002 aux USA ; du rapport Cadbury publié en mai 1991, qui définit la corporate governance comme » The system by which companies are directed and controlled «.

Ces réflexions auront un impact considérable en Europe. Dans ce sens, des orientations ont été proposées par l'OCDE dans le cadre de travaux dédiés au gouvernement d'entreprise21(*). Elles visent » à évaluer et améliorer la cadre juridique, institutionnel et réglementaire régissant, à l'échelon national, l'organisation du pouvoir dans l'entreprise et de faire des propositions en vue d'un système efficient » et partent de l'idée qu'il n'y a pas de modèle unique de gouvernement d'entreprise, mais que certains éléments communs peuvent être dégagés concourant à la qualité du gouvernement d'entreprise.

Ces orientations s'articulent autour de cinq thèmes : la protection des droits des actionnaires ; le traitement équitable des actionnaires, particulièrement les minoritaires ; la transparence et la diffusion de l'information et ; le rôle du conseil d'administration ; Le rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d'entreprise, dans le sens de la coopération, en vue de créer richesse et emplois et d'assurer la pérennité d'entreprises financièrement solides.

Reprenant les termes de Williamson O. (1985), le dirigeant est un véritable partenaire de l'entreprise, il est désormais celui qui loue son capital humain aux actionnaires et devient donc un principal actif. Olivier Williamson parvient ainsi à renverser la logique de la relation d'agence actionnaire-dirigeant. Mais, cette situation est contextuelle, car comme le relève Ngok Evina J-F. (2009), « au Cameroun, dans la majorité des entreprises publiques, les dirigeants sont nommés par le pouvoir central et sont récompensés ou sanctionnés uniquement par cet organe au détriment de leur prestation en entreprise »22(*). Cependant, les orientations de l'OCDE mettent au devant l'importance de la performance globale. Performance qui ne peut être atteinte que s'il y a coopération entre mandataire et dirigeant.

L'OCDE remet également aux devants de la scène, le problème d'asymétrie informationnel soulevé au départ par Jensen M.C., Meckling W.H. (1976), pour signifier le fait que les divers participants à la relation (notamment les dirigeants et les actionnaires) ont des informations incomplètes et asymétriques (sélection adverse et hasard moral).

Enfin, le rôle du conseil d'administration comme organe de contrôle ressuscite le débat sur sa constitution. En effet, les nouvelles fondations de la finance organisationnelle voient dans le dirigeant, un véritable acteur détenteur de mécanismes et de stratégies de pouvoir lui permettant d'exercer une influence notoire sur le management de l'entreprise.

Ainsi, Fama E.F. (1999) suggère d'inclure des administrateurs externes (des personnes qui n'exercent pas de fonction managériale au sein de l'entreprise). La participation de ces administrateurs externes, ajoute t-il, a donc pour rôle d'améliorer la qualité du contrôle. Cette hypothèse a été contestée, Shleifer A. et Vishny R.W. (1997), qui estiment que les administrateurs externes étant nommé par le Président Directeur Général, ils lui seront forcément inféodés.

De ce qui précède, il ressort que le problème sur la constitution du conseil d'administration est le champ de bataille de deux courants de pensée : l'un suggère la constitution du conseil par des administrateurs externes ; l'autre propose de constituer celui-ci uniquement avec des administrateurs internes à l'entreprise. Nous pensons que ces deux courants de pensée peuvent trouver terrain d'entente à travers une approche mixte, c'est-à-dire, une approche qui privilégie la constitution du conseil d'administration avec des administrateurs internes et externes.

De ce qui précède, il ressort que le champ d'investigation de la théorie du gouvernement d'entreprise est très vaste. Il aborde aussi bien les problèmes relationnels que décisionnels auxquels sont confrontés les managers. Le volet décisionnel va plus loin en élargissant la sphère relationnelle (actionnaires-dirigeants) à un plus grand nombre d'acteurs auxquels l'entreprise doit désormais rendre compte. La performance de l'entreprise n'est donc plus analysée uniquement sous ses aspects financiers et économiques, mais également sous ses aspects sociaux et environnementaux ; d'où l'irruption de la RSE dans la gouvernance d'entreprise.

I - 1 - 2 - L'irruption de la RSE dans la gouvernance d'entreprise

On peut situer les changements profonds que connaît le gouvernement d'entreprise sur trois modèles types correspondant chronologiquement à trois périodes. Crifo P. et Ponssard J-P. (2008) les identifient alors de la manière suivante : aux Trente Glorieuses fondées sur l'intervention de l'Etat, .... , succède, à partir de 1980, une période dite de création de valeur qui prend fin début des années 2000 suite à la bulle financière... . Les dispositifs en matière de RSE menés par les entreprises depuis les années 2000 ont alors pour objectif de regagner confiance, image et légitimité.

Pour ne pas s'écarter du cadre stricte de l'entreprise, et plus encore, pour ne pas nous écarter de nos concepts clés que sont la création de valeur, la gouvernance d'entreprise et la responsabilité sociétale, nous allons analyser l'ancrage de la RSE dans le gouvernement d'entreprise sous l'angle des deux derniers courants. Ainsi, allons-nous présenter successivement le modèle de la création de valeur (1980 - 2000) et celui de l'entreprise citoyenne (2000 - ?)

I - 1 - 2 - 1 - La création de valeur à tout prix, un modèle dépassé

Au début des années 1980, on assiste à un désengagement progressif de l'Etat vis-à-vis de l'activité économique. Privatisations et déréglementations sont de mise et s'accompagnent d'un développement significatif des marchés financiers internationaux, le tout couronné par une concurrence internationale et une globalisation industrielle croissantes (Crifo P. et Ponssard J-P. 2008).

Ces changements majeurs dans les structures économiques, vont amener les entreprises à redéfinir leurs objectifs. L'entreprise se fixe donc pour objectif de maximiser le patrimoine de ses propriétaires, c'est-à-dire la valeur des actions (Levratto N. et Paulet E., 2005). Ainsi, le modèle de création de valeur qui a marqué la période allant des années 1980 au début des années 2000 est celui de la valeur actionnariale (destinée aux seuls actionnaires).

Au début des années 2000, les tendances financières des entreprises, notamment les entreprises cotées sont à la hausse. Le résultat net par action (PER) croît de façon particulièrement rapide et atteint des niveaux inimaginables auparavant, avant de s'effondrer (Martinet A.C., 2002). Cet effondrement, traduction de l'éclatement de la bulle financière, a pour conséquence un recul de la crédibilité des dirigeants d'entreprises parmi l'opinion publique.

La forte création de valeur du début des années 2000 a été très mal partagée. Les malversations financières et les licenciements abusifs (Enron, Bernard Madoff, General Motors, etc.) d'une part, et les nuisances environnementales (Trafigura en Côte d'Ivoire, l'Amoco Cadiz au large des cotes bretonnes, etc.) d'autre part, ont accentué les mouvements des sociétés civiles qui exercent des pressions directes et indirectes en vue du respect des droits humains et sociaux, la préservation de l'environnement et la santé publique.

De telles pressions, couplées à l'idée que la gouvernance responsable est un levier de performance financière et économique à long terme, ont fortement contribué à l'ancrage de la responsabilité sociétale dans les pratiques managériales quotidiennes des entreprises.

I - 1 - 2 - 2 - La gouvernance d'entreprise et le modèle de l'entreprise citoyenne

De nos jours, et ce depuis les années 2002, la gouvernance d'entreprise se défini au-delà des seuls actionnaires et dirigeants. La gouvernance d'entreprise désigne désormais l'ensemble des relations entre la direction d'une entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et les autres parties prenantes.

En effet, la donne a aujourd'hui changé : aux actionnaires il faut ajouter les consommateurs, les salariés et les citoyens ; les sociétés de gestion d'actifs ont créé des départements consacrés à l'Investissement Socialement Responsable afin de capter les demandes des nouveaux actionnaires, ou de répondre à de nouvelles demandes de la part d'actionnaires traditionnels (Crifo P. et Ponssard J-P. 2008). Le rôle des ONG et plus largement, de toutes les parties prenantes s'accroît. Les instances gouvernementales ne sont pas à la marge.

Avec, notamment, la loi NRE en France et la loi Sarbanes Oxley aux USA, la communication financière des entreprises est élargie aux objectifs sociaux et environnementaux, et l'exigence de rendre compte est renforcée. En Europe et aux Etats-Unis, des agences de notation spécialisées (Asset 4, Eiris, KLD, Innovest, Vigeo, ...) prennent de plus en plus d'importance. De nouveaux indices boursiers sont élaborés.

De plus, Capron M. et Quairel-Lanoizelée F. (2004) relèvent l'engagement des autorités publiques dans des dispositifs intégrant les préoccupations de développement durable tels que :

- Le « Global Compact » (pacte mondial) lancé en 1999, il associe les nations unies, des ONG et des multinationales et s'engage à respecter les droits humains fondamentaux, les conventions de l'OIT et l'environnement ;

- Le guide publié par l'OIT en 2002, afin de promouvoir la justice sociale par l'amélioration des conditions de vie et de travail dans le monde ;

- L'OCDE qui, en l'an 2000, a revisité ses principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales ; ses principes concernent des domaines tels que : la bonne gouvernance et la transparence financière, le respect des droits humains et des normes de travail, les conséquences de l'activité sur l'environnement, la lutte contre la corruption, les transferts de savoir faire et de technologies, l'adoption de bonnes pratiques concurrentielles et le respect de la législation fiscale. Ces grands principes non contraignants visent à fournir un cadre favorable au développement d'une économie responsable dans le contexte de la mondialisation ;

- L'Union Européenne avec la publication en 2001 d'un Livre vert qui a pour but de  « promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises »23(*)

Au vu de ce qui précède, on peut dire que la contribution de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) se situe essentiellement en interne, notamment les employés ou collaborateurs (parties prenantes internes). Ce qui n'est pas satisfaisant pour l'acception moderne du concept de RSE. Il faut donc aussi envisager la RSE en externe.

A cet effet, outre l'OCDE, plusieurs autres organisations et textes proposent d'examiner la RSE en externe : le World Wide Fund for Nature (WWF) ; la banque Mondiale (BM) ; l'Observatoire sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (ORSE) ; Loi sur les Nouvelles Régulations Économiques (Loi NRE) ; le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) ; l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO).

En plus de ces organisations, plusieurs sommets ont contribué à ancrer les pratiques de RSE au sein des activités d'entreprises. C'est le cas par exemple du Sommet de Rio de Janeiro instigué par les Nations Unies et tenu du 03 au 14 Juin 1992, qui a été marqué par l'adoption d'un texte fondateur de 27 principes, intitulé « Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement » qui précise que les être humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable.

On peut aussi citer le cas du Protocole de Kyoto. Celui-ci va plus loin, car il propose un calendrier de réduction des émissions des 6 gaz à effet de serre qui sont considérés comme la cause principale du réchauffement climatique des cinquante dernières années. Il comporte des engagements absolus de réduction des émissions pour 38 pays industrialisés, avec une réduction globale de 5,2 % des émissions de dioxyde de carbone d'ici 2012 par rapport aux émissions de1990.

Comme nous le voyons, la préoccupation de la responsabilité sociale des firmes est partagée par toutes les catégories d'acteurs de la vie économique et sociale. C'est la raison pour laquelle, les problèmes de gouvernance d'entreprise doivent désormais dépasser la simple opposition actionnaires-dirigeants pour toucher tous les autres stakeholders.

La RSE se fonde sur quatre types de critères qui sont directement liés à ceux du développement durable à savoir les critères environnementaux, les critères sociaux, les critères économiques et désormais, les critères de gouvernance.

Nous nous proposons de ne développer que les critères de gouvernance, les trois premiers ayant déjà été examinés dans les paragraphes précédents.

Les aspects de la gouvernance en matière de RSE peuvent être regroupés dans les rubriques suivantes : entreprise et Partie prenante, perception de l'environnement, gouvernance d'entreprise, veille sociétale, risque et vulnérabilité Martinet A.-C., Reynaud E. (2001). Carroll A.B. (1999) ajoute d'ailleurs que, du point de vue de la gouvernance, la RSE se traduit ou devrait se traduire de différentes manières :

- La définition d'une éthique, formalisée dans une charte ;

- La mise en place de programmes de gestion des risques ;

- Une surveillance accrue des principes de sécurité ;

- Une veille, notamment sociétale ;

- Des projets de gestion des connaissances en support à l'innovation qui impliquent également plusieurs types d'agents économiques : les acteurs publics territoriaux de l'enseignement et de la recherche (pôles de compétence) ;

- Des programmes d'assurance qualité, avec la mise en oeuvre de nouvelles normes ;

- Une communication interne et externe.

Bien que pertinents, ces critères ne trouvent pas tous leur application au sein de l'entreprise subsaharienne. En effet, s'il est vrai qu'on retrouve des programmes de gestion des risques, d'assurance qualité ou de communication interne et externe au sein de certaines entreprises camerounaises, tel n'est pas le cas pour les chartes, normes et autres veilles sociétales qui ne sont propres qu'aux économies occidentales. Ce qui circonscrit en quelque sorte, la zone d'applicabilité des critères de gouvernance dans leur ensemble.

Nous venons de présenter les enjeux du gouvernement d'entreprise au-delà de la simple relation actionnaires-dirigeants. Notamment les critères de gouvernance, inhérents à la RSE. Dans le prochain paragraphe, nous allons analyser cette même gouvernance sous l'angle de la création de valeur. Il s'agit en d'autres termes, de voir dans quelle mesure la gouvernance d'entreprise constituerait un levier de création de valeur.

I - 2 - Gouvernance d'entreprise comme levier de création de valeur

La décision de mise en oeuvre d'actions RSE incombe plus aux dirigeants d'entreprises qu'à leurs propriétaires, sauf dans le cas d'investisseurs socialement responsables. Il est donc possible que de telles pratiques ne soient pas en phase avec les objectifs des propriétaires. Car, comme le souligne si bien Ngok Evina J-F. (2009), dans les entreprises managériales, les dirigeants sont nommés pour une tâche et pour un mandat précis. ... Ils sont liés à l'entreprise par une obligation de résultat et sont ainsi, soit sanctionnés en cas de mauvaise gestion, soit récompensés en cas de bonne gestion. C'est dire que la gouvernance comme levier de création de valeur comporte des éléments de risque pour les managers. Risque que l'auteur entrevoie uniquement sous l'angle des shareholders, pourtant les stakeholders constituent également une menace importante pour les managers.

I - 2 - 1 - Modèles shareholder et stakeholders: le pouvoir explicatif des théories de

la gouvernance

Les auteurs qui ont réfléchi sur le thème de la gouvernance d'entreprise considèrent qu'il existe dans le monde occidental deux grands modèles : le modèle shareholder et le modèle stakeholders (Plihon D., 2001). Nous en faisons une présentation successive.

I - 2 - 1 - 1 - Le modèle shareholder, une typologie d'origine anglo-saxonne

Le modèle de type » shareholder » est le mode de régulation de référence dans les pays anglo-saxons. Didier P. (1997) rappel que l`objectif à atteindre ici est la maximisation de la valeur pour l'actionnaire (c'est-à-dire le profit ou le cours boursier). Il en est ainsi parce que dans ces pays, les marchés financiers sont très développés et le capital de firmes est relativement atomisé (multitude d'actionnaires).

Dans ces conditions, les dirigeants sont contrôlés par les assemblées générales d'actionnaires et surtout par le marché des prises de contrôle. Ce modèle de gouvernement d'entreprise est comparable au courant de la création de valeur qui a dominé le monde des entreprises pendant les années 1980-2000. Comme nous l'avons déjà souligné, il s'agit d'une approche qui vise la création de la valeur pour l'actionnaire et rien que pour l'actionnaire. Cependant, les approches de gouvernance ont, depuis le début des années 2000, connu une nette amélioration. Le modèle shareholder n'est plus le seul.

I - 2 - 1 - 2 -Le modèle stakeholders, une typologie plutôt européenne

Le modèle de type » stakeholders » est présent dans la plupart des pays européens24(*). L'objectif à atteindre ici consiste moins en la maximisation de la richesse des actionnaires que dans la défense des intérêts de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise (salariés, clients, actionnaires, dirigeants...).

Dans ce modèle, les marchés financiers sont peu développés et le capital des firmes est souvent contrôlé par des actionnaires puissants qui en détiennent une part significative, seuls ou à plusieurs à travers des blocs de contrôle. Ce sont des actionnaires puissants qui protègent les équipes dirigeantes des menaces de prises de contrôle hostiles.

Cependant, d'autres parties prenantes exercent également un contrôle sur les dirigeants, comme les banques, syndicats, clients et pouvoirs publics. Les dirigeants doivent donc en permanence chercher à ménager les intérêts de ces différentes parties (Carroll A.B., 1999). Ce modèle prend en compte l'intérêt de tous ceux qui participent à l'entreprise et permet de prévenir les comportements opportunistes de certains partenaires.

Didier P. (1997) prend le cas des salariés pour signifier la nécessité des stakeholders, à la création de valeur ; il faut donc, dit-il, négocier avec chacun d'eux sur son apport et sa rémunération. Cela favorise la confiance et la coopération des salariés et permet ainsi de réduire les coûts d'agence et les situations de passager clandestin25(*) dans le processus de création de valeu.

Brunhes B. (2001) rappel que cet intérêt peut converger avec celui des actionnaires, dans la mesure où ceux-ci recherchent le développement de l'entreprise, gage d'enrichissement pour les premiers et de puissance pour les seconds. Mais, ajoute t-il, cet intérêt peut aussi diverger notamment en cas de réduction d'effectif pour préserver la rentabilité du capital.

Depuis quelques années, notamment depuis la bulle financière des années 2002, il y aurait tendance à une nette convergence vers le modèle shareholder. Mais, cette convergence, bien que louable, accentue le problème de la relation d'agence.

En effet, cette relation n'intègre plus seulement deux parties prenantes (actionnaires et dirigeants), mais plusieurs autres stakeholders (propriétaires et dirigeants face à une horde de stakeholders). De plus, le risque d'asymétrie informationnelle est d'autant plus élevé que l'entreprise doit émettre des signaux non seulement aux mandants (actionnaires), mais également à tous ses autres partenaires dans un système de gouvernance responsable.

Aussi, le choix d'un ou de plusieurs modes de financement par les dirigeants en vue de créer de la valeur pour l'entreprise et ses parties prenantes nécessitent un arbitrage tacite entre augmentation du capital, dette et autofinancement. Il s'agit de trois aspects importants da la création de valeur, ancrés dans le gouvernement d'entreprise, dont le flou théorique va être levé grâce au concours conjoint des théories des organisions et de la finance organisationnelle.

I - 2 - 2 - Apport conjoint des théories des organisations et de la finance

organisationnelle à l'irruption de la création de valeur dans la

gouvernance d'entreprise

Les théories des organisations et de la firme d'une part, et la finance organisationnelle d'autre part, regorgent d'une multitude d'écrits. Notamment le théorie de la motivation, la théorie des besoins, les rationalités productive, administrative, et structurelles, la théorie de la rationalité limitée, la théorie de l'agence, la théorie des droits de propriété, la théorie des coûts de transaction, la théorie du financement hiérarchique, le courant systémique des organisations, l'approche actionnaliste, le courant behaviouriste, etc.

L'objectif ici est loin de ressortir la contribution de tous ces écrits à la l'irruption de la création de valeur dans le gouvernance d'entreprise. Mais, de choisir parmi elles, celles qui s'inscrivent le plus dans une logique de gouvernement d'entreprise et de création de valeur. Les recherches antérieures, notamment celles de Wanda R. (2001) (structure financière et performance des entreprises) et de Remaud H. (2001) (Modes de gouvernance et création de valeur en PE) ont retenu les théories de l'agence et du financement hiérarchique comme pertinentes pour l'analyse de la création de valeur et du gouvernement d'entreprise.

I - 2 - 2 - 1 - Apport de la théorie de l'agence à l'appréciation de la création de valeur

La notion d'agence est définie par Jensen et Mekling, (1976) comme un contrat par lequel une personne appelée principal ou mandant, délègue à une autre personne appelée agent ou mandataire le pouvoir de prendre à sa place un certain nombre de décisions. Au-delà du risque de conflit d'intérêts qui existe entre les parties concernées (intérêt du mandant et intérêt du mandataire), l'information diffusée joue un rôle déterminant entre les acteurs.

La relation d'agence peut être élargie à l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise ; dans ce cas les dirigeants sont des « agents » qui sont les seuls à être en relation avec les parties prenantes (Hill et Jones, 1992). Ainsi, pour assurer la pérennité de l'entreprise, les dirigeants doivent non seulement créer de la valeur pour les actionnaires, mais également pour toutes les parties prenantes de telle sorte qu'aucune d'entre elles ne se sente défavorisée.

Il existe alors une sorte de contrat social. Car dans cette approche, les parties prenantes influencent les décisions stratégiques des dirigeants et ceux-ci doivent leur rendre compte sur la façon dont ils assurent leurs attentes. Il existerait donc une asymétrie informationnelle latente qui est revisitée par la théorie des signaux.

En effet, la théorie des signaux se fonde sur l'hypothèse forte que les dirigeants d'une entreprise disposent d'une meilleure information que les investisseurs de cette entreprise. En d'autres termes, et selon Remaud H. (2001), les dirigeants sont mieux à même de prévoir les flux avenirs de l'entreprise ; ils savent dans quel état de la nature l'entreprise se situe. Dans cette optique, tout signal, émis par les dirigeants d'une entreprise tendant à faire croire que les flux seront meilleurs que prévus ou que le risque sera moindre, permettra une création de valeur pour l'investisseur. Celui-ci sera donc toujours à la quête d'un signal lui permettant d'espérer une rentabilité supérieure ou un risque minime.

Cependant, pour que la signalisation soit crédible, le signal doit être accompagné par sa propre sanction s'il est biaisé afin de décourager la propension à l'émission de faux signaux. Ce qui n'était malheureusement pas le cas dans le début des années 2000. La théorie d'agence et la théorie des signaux nous permettent ainsi de mieux comprendre la relation entre actionnaires et dirigeants d'une part, et entre entreprise et stakeholders d'autre part dans le processus de création de valeur. Toutefois, ces théories nous permettent moins de cerner le comportement des dirigeants dans le processus du choix de l'un ou l'autre modèle de financement.

En effet, la mise en oeuvre d'un projet rentable passe par un choix judicieux de financement. Ceci suppose de trouver la meilleure structure du capital c'est-à-dire la meilleure répartition entre Dettes et Fonds Propres. Cette répartition est optimale lorsqu'elle permet de maximiser la valeur de la firme ou de minimiser les coûts. C'est ce qui constitue l'objet de la théorie du financement hiérarchique.

I - 2 - 2 - 2 - Apport de la théorie du financement hiérarchique à l'appréciation de la

création de la valeur

Encore appelée théorie du « pecking order », cette théorie a été modélisé pour la première fois par Myers S.C et Majluf N.S. (1984) et permet entre autres à l'entreprise de signaler à l'extérieur, sa capacité de créer de la valeur. Mais bien avant eux, Donaldson (1961) cité par Denglos G. (2003) conclut que les firmes s'abstiennent habituellement d'émettre des actions et n'empruntent que si l'investissement requiert des fonds supérieurs aux cash flows existants. Pour lui les firmes se financent prioritairement par autofinancement puis par emprunts et en dernier recours par augmentation de capital.

En effet, pour assurer leur croissance, certaines sociétés s'endettent, d'autres émettent des actions ou puisent dans leurs réserves (autofinancement). Pour Myers S.C. (1984) la théorie du financement hiérarchique apporte une explication de cette disparité de pratique sous l'hypothèse que la règle de décision en matière de financement est de choisir la source la moins onéreuse.

En fait les choix sont beaucoup plus complexes, tant au niveau de leur mise en oeuvre qu'au niveau de leur conception théorique, ce qui explique l'absence de consensus sur la question. En effet, aux coûts explicites d'un mode de financement ont été progressivement ajouté d'autres coûts tel que ceux lié à la fiscalité, aux contrats (Berle A. et Means G., 1932) ou ceux associés à l'asymétrie d'informations (Williamson O., 1988).

Cette multiplicité des coûts s'explique sans doute par les objectifs divergents des différentes parties prenantes de l'entreprise, explicatifs de la relation d'agence qui existe entre ces stakeholders. L'objectif de l'actionnaire étant de maximiser le profit, celui des dirigeants est la valeur de la firme, tandis que celui des autres partenaires (clients et prêteurs par exemple), minimiser les risques liés à l'achat ou le financement des investissements spécifiques. La réalisation de ces deux objectifs suppose, selon Cornell B. A. et Shapiro (1987), la minimisation des coûts des contrats implicites. Pour minimiser les coûts de ces contrats, la firme a intérêt à ne pas épuiser ses capacités d'autofinancement et d'endettement avant la date à laquelle elle doit honorer ses contrats implicites. En effet, à cette date, l'émission d'actions peut être très coûteuse. Ainsi, contrairement au modèle de Myers et Majluf, la hiérarchie soutenue est donc : autofinancement, augmentation du capital et endettement, en dernier ressort.

La conclusion ci-dessus, bien que contradictoire à l'ordre de financement proposé par Myers et majluf, et par Donaldson, constitue un regain d'intérêt sur le débat du financement hiérarchique. Elle nous oblige à examiner plus en profondeur, la contribution des uns et des autres à l'éclaircissement de la théorie du financement hiérarchique. Myers et Williamson ont proposé des modèles plus célèbres.

Dans son modèle ; Williamson O. (1988) suppose qu'afin de rendre viable à long terme la relation contractuelle entre les parties au contrat (actionnaires, dirigeants et créanciers), il est nécessaire d'effectuer des perpétuels ajustements ex-post. Dans ce cadre, la dette et l'augmentation de capital ne sont plus à considérer seulement comme des sources de financement, mais aussi comme moyens permettant de réaliser plus au moins ces ajustements.

Si l'actif est spécifique, l'augmentation de capital (avec une diffusion de titres qui ne soit pas trop importante) est plus efficace que l'endettement pour réaliser les ajustements des contrats liant la firme aux apporteurs de capitaux, puisque si l'investissement spécifique est par exemple un projet de recherche et de développement, les actionnaires toléreront davantage que les prêteurs le fait qu'il ne dégage pas la rentabilité escomptée dans les délais prévus. Par contre, si l'actif n'est pas spécifique, l'endettement qui est une formule de financement plus simple, parait plus approprie.

Donc selon Williamson, la spécificité de l'actif reste la caractéristique clé expliquant le choix d'un mode de financement et la structure financière. Williamson O. (1988) avance en plus l'idée séduisante que, contrairement à l'approche conventionnelle qui considère au départ une firme entièrement financée par fonds propres et recherche ensuite des justifications à l'usage de la dette, il faudrait considérer la dette comme l'instrument « naturel » de financement et les fonds propres comme la solution de dernier ressort.

Dans le modèle de Myers S.C. (1999), celui-ci conçoit la firme comme une coalition recherchant à augmenter le volume des fonds propres et du surplus organisationnel (c'est-à-dire son pourvoir de redistribuer au personnel des bonifications). Dans ce cas, l'augmentation de capital sera préférée à l'endettement s'il est nécessaire de recourir à un financement externe. Mais, il considère que pour financer des investissements, la firme préfère conserver des bénéfices plutôt que de recourir à une augmentation de capital qui obligerait à distribuer des dividendes supplémentaires. Donc, dans ce cas, la firme privilégie l'autofinancement à l'augmentation de capital. Ainsi Myers S.C. (1999) conclut que chaque firme applique une hiérarchie entre les financements de la manière suivante : d'abord l'autofinancement, ensuite l'augmentation de capital et la dette en dernier ressort ; ce qui est contradictoire avec le modèle de Myers S.C. et Majluf N.S. (1984).

Il en ressort des enseignements sur la typologie des dirigeants. Cette typologie a d'ailleurs fait l'objet d'une étude particulière chez Remaud H. (2001) qui a ainsi pu classer les comportements types des dirigeants en trois catégories :

· Le dirigeant au comportement "patrimonial" qui préfère s'endetter, pour financer ses investissements, plutôt que s'autofinancer ;

· Le dirigeant au comportement "entrepreneurial" plutôt proactif, est prêt à ouvrir son capital ou à faire appel à l'extérieur, afin de conserver son autonomie de décision ;

· Le dirigeant au comportement "managérial" dont les objectifs entrent en concurrence avec ceux des actionnaires qui l'ont nommé aux commandes de l'entreprise.

Toutefois, l'objectif du dirigeant, qu'il soit managérial, entrepreneurial ou partenarial, reste de créer de la valeur. La valeur ainsi créée peut être destinée à l'actionnaire seul ou à l'ensemble des parties prenantes. Il peut également s'agir d'une valeur stratégique ou concurrentielle. Quelle que soit la typologie retenue, la mise en oeuvre de politiques RSE présente des enjeux de création de valeur importants.

Section 2 : ENJEUX DES ACTIVITES EXTRA-FINANCIERES POUR

LA CREATION DE VALEUR

La mise sur pied de politiques RSE revêt des enjeux qui se situent aussi bien au niveau opérationnel (court terme) qu'au niveau stratégique (long terme). Au niveau opérationnel, l'enjeu RSE dans une logique de création de valeur se traduit en termes de couverture du risque de réputation. Tandis qu'au niveau stratégique, cet enjeu se traduit plutôt en termes de performances économique et financière (donc de création de valeur). Dans cette section, nous nous proposons de dégager les liens théoriques entre RSE et risque de réputation d'une part ; et d'autre part, entre RSE et performance économique et financière.

II - 1 - Des modèles de la création de valeur à la couverture du risque de réputation

La mise en oeuvre de la responsabilité sociétale au sein des entreprises génère des coûts supplémentaires. Dans cette perspective, rien aujourd'hui ne peut déterminer le type d'investissement RSE qu'il serait rationnel de réaliser. Cependant, Mc Williams A. et Siegel D. (2001) jettent les bases d'une RSE rationnelle basée sur la maximisation du profit à travers une série d'hypothèses en termes de coûts/avantages de la RSE Mail, il est à noter que tout ceci se fait dans un objectif de création de valeur. Au juste, de quelle valeur s'agit-il ?

II - 1 - 1 - Les différentes variantes de la création de valeur

Plusieurs approches de la création de valeur existent. Elles se distinguent selon qu'elles sont créées pour les actionnaires (valeur actionnariale), pour l'ensemble des parties prenantes (valeur partenariale), pour faire face aux concurrents (valeur stratégique) ou simplement pour améliorer la qualité du management (valeur organisationnelle).

II - 1 - 1 - 1 - Le modèle « shareholder value » : une approche dépassée

Le modèle qui fait de la valeur actionnariale  l'indicateur unique de performance des dirigeants correspond à l'approche contractuelle du droit américain et anglais des sociétés (COB, 2000). L'entreprise appartient aux actionnaires qui choisissent les dirigeants et leur délèguent le pouvoir de gérer celle-ci pour maximiser la valeur des actions.

Aussi, comme l'affirme si bien Desbrières P. et Mercier S. (2001), les théories de la nouvelle gouvernance d'entreprise et de l'agence se sont intéressées à ce nouveau rapport entre actionnaire et dirigeant, et leurs conclusions ont conduit à proposer un nouvel équilibre des pouvoirs plus favorable à l'actionnaire. Mais, sur la base de quel indicateur va-t-on valoriser la valeur pour l'actionnaire ?

Dans un contexte de marché financier très peu développé comme celui des pays les moins avancés, la valeur actionnariale se limite au résultat obtenu par la firme (dividende). Ce dividende est traditionnellement réparti entre les actionnaires après affectation d'une part en réserves et constitution (ou extinction) éventuelle d'un report à nouveau.

Cependant, la valeur actionnariale reste une approche « égoïste » de mesure de la valeur créée car, elle exclue les autres acteurs qui contribuent directement (managers et salariés), ou indirectement à créer des richesses pour l'entreprise (les autres stakeholders). Une conception plus complaisante de la création de valeur est la valeur partenariale.

II - 1 - 1 - 2 - Le modèle « stakeholders value » : une approche conciliante

Ce modèle est proche du droit des sociétés français, qui fait de l'intérêt social la "boussole de l'entreprise" (Dial J. et Murphy K., 1995). Cette perspective implique que l'analyse de la création de la valeur est indissociable de sa répartition. Elle attire également l'attention sur les possibilités de transfert entre parties-prenantes.

Ainsi, pour Igalens, J. et Gond J.P. (2003), la création de valeur pour les actionnaires ne représente une véritable création de valeur que si elle ne se fait pas au détriment d'une autre catégorie de parties-prenantes. C'est le cas par exemple pour les salariés, les sous-traitants et les clients. Cette dernière remarque repose la question de la mesure de la performance en liaison avec le processus de création de valeur. Car, une mesure fondée exclusivement sur l'enrichissement des actionnaires peut entraîner une désincitation, un découragement voire même une frustration des salariés ; or, il est vraisemblable que ces derniers jouent un rôle déterminant dans la constitution du capital spécifique à l'origine même de la création de rentes.

Cet aspect de la création de valeur a déjà été mis en exergue dans la conception pluraliste de la gouvernance d'entreprise. Outre les valeurs partenariales et actionnariales, d'autres approches de la création de valeur ont également été proposées.

II - 1 - 1 - 3 - Les dimensions stratégiques et organisationnelles de la création de valeur

Même si on peut regretter que ces approches ne bénéficient pas du même intérêt que celui porté actuellement aux approches shareholders et stakeholders, la création de valeur en tant qu'outil du management stratégique est essentielle pour améliorer l'efficience et l'efficacité de l'entreprise.

La valeur stratégique (ou concurrentielle) a trait aux relations de l'entreprise avec son environnement. Cette approche privilégie l'idée selon laquelle pour faire face à la concurrence, l'entreprise doit non seulement satisfaire directement la clientèle (politique de prix abordable), mais également, elle doit mener des activités extra-économiques susceptibles de préserver cette clientèle et d'accroitre sa part de marché. Dans cette perspective, des auteurs comme Etoundi G. (2010) et Carroll A.B. (1999) ont pu mettre en exergue, l'impact des activités extra financières (notamment de responsabilité sociétale) sur le management et la compétitivité d'une part (Etoundi G.) et la performance sociétale d'autre part (Carroll A.B.).

La valeur organisationnelle quant à elle, se rapporte à la qualité du management et du fonctionnement de l'entreprise. Il s'agit d'une analyse approfondie de la valeur partenariale qui a été effectuée par Charreaux G. et Desbrieres P. (1998). Elle remet au devant de la scène, l'importance grandissante du salarié dans le processus de création de valeur. La performance des employés de l'entreprise se répercute directement sur sa capacité à créer de la richesse. Si tel est le cas, les salariés méritent bien une certaine reconnaissance (primes, gratifications, tantièmes, etc.) de la part des propriétaires. Car, comme le souligne Etoundi G. (2010) « une part de l'actionnariat doit être détenue par les salariés, car cela constituerait une source d'émulation et un moyen d'implication à l'atteinte des résultats ».

Les conceptions partenariales, stratégiques et organisationnelles de la création de valeur traduisent la volonté du gouvernement d'entreprise, de créer une valeur pérenne en entreprise. Un tel objectif n'est possible que si les dirigeants d'entreprises adoptent des comportements RSE qui garantissent la création de richesse à long terme. Toutefois, les investissements RSE engendrent des coûts supplémentaires à court terme dont l'acceptation réside dans la couverture de ce qu'il convient d'appeler le « risque de réputation ».

II - 1 - 2 -RSE et risque de réputation, un enjeu opérationnel de création de valeur

C'est à ce niveau qu'est ressentie de manière la plus forte, la contradiction entre RSE et profit à court terme. Les procédures et outils auxquels les entreprises peuvent avoir recours pour infléchir les décisions correspondantes sont encore peu analysés (Crifo P. et Ponssard J-P., 2008). Mais, on peut s'appuyer sur la balanced scorecard26(*) permettant d'inscrire les nouveaux enjeux dans les tableaux de bord. Cependant, l'arbitrage entre critères financiers et non financiers à court terme demeure le problème central.

Le lien entre réputation et qualité est clairement établi par Shapiro (1983). La réputation d'une firme produisant un bien déterminé est liée à la qualité constatée par les consommateurs après leur acte d'achat. Pour Epstein M. et Cornelius P. (2003), la réputation correspond donc à la qualité passée avec une temporalité qui peut différer. Pour Shapiro (1983), la réputation à la période t est égale à la qualité constatée par les consommateurs à la période t-1.

Ainsi, une firme qui s'interroge sur sa réputation à la période suivante et craint la survenance future d'un évènement négatif, pourra être tentée de réaliser un investissement en RSE pour ne pas perdre l'ensemble de sa réputation. Formellement, Cardebat J-M et Cassagnard P. (2008) proposent d'attribuer une probabilité 1 - á au fait qu'une firme conserve à la période suivante, l'intégrité de sa réputation précédemment acquise. Ici, á représente la probabilité de l'occurrence d'un évènement négatif lui faisant perdre sa réputation passée et ne lui laissant, à la période suivante, que l'investissement en RSE qu'elle pourrait du coup consentir pour se courir d'autres évènements négatifs. Dès lors, ils définissent la réputation anticipée Rt+1 d'une firme de la manière suivante :

Rt+1 = (1 - á).Rt + á.RSE

Cette formule marque l'ascendant d'une RSE dite « proactive » sur une RSE dite « réactive ». En effet, Bénabou R. et Tirole J. (2006) montrent par exemple que les motivations à adopter des comportements `pro-sociaux' peuvent s'ancrer dans la volonté de créer une bonne image de soi, vis-à-vis de soi même mais aussi vis-à-vis des autres, un facteur de réputation d'autant plus important que le comportement est public et mémorable. Vue sous cet angle, la RSE comme couverture du risque de réputation semble constituer un chemin intermédiaire vers la performance globale de l'entreprise, et plus précisément la performance économique.

Nombreuses sont les études qui ont essayé d'établir le lien entre RSE et performance économique. Dans les développements qui vont suivre, nous allons remonter ces travaux afin d'établir le lien théorique qui existerait entre RSE et performance dans une perspective de création de valeur.

II - 2 - Contribution de la littérature à la clarification du lien RSE-Création de Valeur

Etudier la relation entre RSE et création de valeur renvoie encore à explorer le lien entre responsabilité sociétale et performance. La performance en elle-même est un concept vague qui revêt plusieurs volets : performance économique, performance financière, performance sociale, etc. S'il est acceptable que le lien entre responsabilité sociétale et performance sociale n'est plus à prouver [Carroll A.B. (1979) ; Wood D. J. (1991)], tel n'est malheureusement pas le cas pour les performances économique et financière (et donc, pour la création de valeur). De plus, les attentes des parties intéressées par rapport aux responsabilités de l'entreprise sont multiples et variées. Comment pourrait-on, en même temps concilier les attentes des PP et créer de la valeur pour l'entreprise ?

Dans cette section, nous allons dans un premier temps présenter les attentes des différentes parties intéressées par les responsabilités de l'entreprise ; et dans un deuxième temps, nous allons présenter la synthèse des travaux précédents sur le lien entre RSE et création de richesse.

II - 2 - 1 - Rapprochement des attentes des parties intéressées par la RSE

Parlant des parties intéressées par les responsabilités de l'entreprise, il s'agit non seulement des stakeholders (PP), mais également, des shareholders (actionnaires).

En effet, la RSE, comme le développement durable, comporte trois aspects de responsabilité : économique, sociale et environnementale. Conformément à la figure ci-dessous, les stakeholders et les shareholders ont des préférences variables vis-à-vis de ces trois volets de RSE.

Responsabilité économique

Figure 2.1 : Préférences de shareholders et stakeholders aux volets de la RSE

Responsabilité sociale

Shareholders

Responsabilité environnementale

Stakeholders

Source : Revue de la littérature sur la RSE

L'observation de la figure ci-dessus nous montre que les shareholders ont une préférence forte pour l'aspect économique de la RSE, contrairement aux stakeholders qui préfèrent plus les aspects sociaux et environnementaux de la RSE.

Capron M. et Quairel-Lanoizelée F. (2004) ont apporté, de manière synthétique, un éclairci sur la convergence des attentes des différentes parties intéressées par les responsabilités des entreprises. Ces attentes ont été résumées dans le tableau ci-dessous :

Tableau 2.1 : Attentes des parties intéressées par rapport aux responsabilités de l'entreprise

 

Economique

Environnement

Social

Actionnaires et propriétaires

Résultats financiers

Ethique, maîtrise des risques. Anticipation et transparence

Maîtrise des risques liés à l'image, anticipation et gestion de crise

Pouvoirs publics

Contribution à la richesse nationale et locale

Respect réglementation

Respect de la réglementation en matière de droit du travail

Financiers / banques

Pérennité économique, besoin en fonds de roulement

Maîtrise des risques environnementaux et de leurs impacts financiers

Anticipation sur les besoins de reclassement afin d'en limiter les coûts

Assureurs

Charges de réparation

Maîtrise des risques

Accidents du travail y compris des sous-traitants

Employés et syndicats

Equité sociale, rémunération

Respect de l'environnement local

Motivation, consultation interne, formation, développement employabilité

Clients

Garantie, qualité

Consommation de ressources

Ethique, commerce équitable

Fournisseurs

Relations de partenariat long terme

Formalisation des spécifications techniques

Formalisation des exigences éthiques et déontologiques

Sous-traitants

Rémunération équitable information des perspectives de développement et de la pérennité de la collaboration

Définition claire des exigences environnementales sur les produits et sur les processus

Formalisation des exigences en matières de conditions de production et des modes de contrôle et d'audit

Distributeurs

Maîtrise des marges concurrence

Réduction des déchets d'emballage des transports. Prise en compte des aspects environnementaux

Développement de produits éthiques

Consommateurs

Juste prix

Respect de l'env et information

Respect du droit social

Concurrents

Benchmarks

Respect des règles de protection

Respect du droit de la concurrence, éthique, absence de dumping social

Communautés locales et territoiriales

Perennité de l'entreprise

Information et transparence. Réduction des nuisances

Prise en compte des attentes locales, participation à la vie locale. Acteur du bassin d'emploi.

ONG

Transparence

Engagement dans la protection de l'environnement

Respect des droits de l'homme et traités internationaux

Source : Capron M. et Quairel-Lanoizelée F. (2004), Mythes et réalités de l'entreprise responsables, résumé de l'ouvrage par Peyron V. (2005 - 2006).

La lecture ce tableau montre qu'au niveau des responsabilités économiques, les aspirations des parties intéressées par la RSE sont nettement divergentes. Employés et syndicats visent la rentabilité, tandis que les clients et les consommateurs, plaident pour la qualité, la garantie et le juste prix. Les actionnaires recherchent la rentabilité financière tandis que les pouvoirs publics aspirent plutôt à la richesse de la nation (impôts et taxes).

S'agissant des responsabilités sociales et environnementales, les préférences des parties intéressées convergent très fortement. Elles s'expriment toutes en termes d'éthique, de respect de la réglementation, de qualité de l'information et de transparence.

Les points de convergence entre shareholders et stakeholders ayant été mis à jours, il ne reste plus qu'à remonter le corpus théorique sur le lien probable entre RSE et création de valeur.

II - 2 - 2 - Le bouclage responsabilité sociétale et création de valeur

La création de valeur est un concept de performance, notamment de performance globale. Celle-ci regroupe les performances sociétales, économiques et financières. Dans cette sous-section, nous analysons l'incidence de la RSE sur la création de valeur sous l'angle de la performance financière. Les travaux de recherche sur le lien entre RSE et performance (financière et économique) n'ont jusqu'ici, abouti à aucun consensus. Certains aboutissent à un lien positif, d'autres y voient plutôt une relation négative, tandis qu'une troisième catégorie d'auteurs n'établissent aucun lien entre RSE et valeur créée.

Il est important ici de noter que l'analyse de l'incidence de la RSE sur la création de valeur est une tâche ambiguë. Elle consiste dans un premier temps à étudier l'incidence de la RSE sur la performance globale ; puis, à vérifier si la performance identifiée ou la valeur créée, est compatible avec l'intérêt social de l'entreprise.

Dan ce paragraphe, nous analysons premièrement le lien négatif entre RSE et création de valeur ; par la suite, nous analysons la situation de neutralité entre RSE et création de valeur ; enfin, nous abordons la RSE comme levier de création de valeur.

II - 2 - 2 - 1 - La thèse classique : absence de lien entre RSE et création de valeur

Cette hypothèse fait référence à la thèse classique de Friedman M. (1962, 1970) selon laquelle la RSE est une charge que l'on doit veiller à éliminer dans une entreprise capitaliste. L'intitulé de l'une de ses parutions en 1970 indique son hostilité au concept de responsabilité sociétale27(*). En d'autres termes, la RSE génère des coûts supplémentaires qui pourraient à terme détériorer la rentabilité financière.

En se référant à la thèse des économistes néoclassiques, en l'occurrence Friedman (1962, 1972), ce genre d'investissement, même s'il génère des profits qui sont de loin plus faibles que les charges engagées. D'où la réduction de la profitabilité, ce qui peut provoquer le mécontentement des actionnaires. Ce constat a été également confirmé par Aupperle et al., (1985), qui concluent que les activités sociales tels que la donation aux charités, la protection de l'environnement et le développement des communautés dissipent plus des ressources et génèrent des coûts supplémentaires, ce qui désavantage l'entreprise par rapport à ses concurrents les moins engagés dans les actions sociales.

Parallèlement, Balabanis G., Phillips H.C. et Lyall J. (1998) fournissent un argument qui remet en cause les avantages qu'une firme pourrait s'en procurer en étant socialement responsable. Les auteurs suggèrent que les investissements en RSE diminuent les fonds alloués pour d'autres activités économiquement plus profitables. Néanmoins, d'autres recherches renvoient le lien négatif à des anomalies méthodologiques et en particulier les outils de mesure de la création de valeur.

L'association négative est due à l'usage des variables liées au marché comme mesure de performance financière (Griffin, J.J. et Mahon J.F., 1997). A ceci, nous pouvons ajouter le fait que ces études sont réalisées dans des contextes différents sur des échantillons souvent de très petites tailles (études casuelles).

Notons également que le nombre d'études qui débouchent sur un lien négatif est très réduit. A cet effet, Margolis, J. et Walsh J. (2003) recensent 127 études traitant le sujet en question, ils trouvent que 8 uniquement d'entre elles prévoient une corrélation négative entre les deux dimensions. Malgré cette très faible tendance, on peut être amené à accepter l'existence d'un lien négatif entre RSE et création de valeur. Mais certains de ces travaux sont d'autant plus surprenants qu'ils aboutissent à l'absence de lien entre RSE et valeur créée.

II - 2 - 2 - 2 - La thèse de la neutralité entre RSE et création de valeur

Les adeptes de la thèse de la neutralité suggèrent que la responsabilité sociétale et la création de richesse sont deux concepts totalement distincts. Ullmann, A. (1985) souligne que le lien existant provient du pur hasard. La corrélation existante est engendrée, selon l'auteur, par des variables intermédiaires qui interviennent d'une façon imprévisible et qui permettent de relier ces deux concepts.

Parallèlement, Waddock, S. et Graves S.B. (1997) soulignent que les problèmes méthodologiques dans l'opérationnalisation de la RSE ont tendance à masquer le lien. Il fait sans doute référence aux différences d'acceptions de la RSE selon le milieu géographique, la culture d'entreprise et, dans une certaine mesure, les aspirations personnelles des dirigeants.

Plusieurs travaux empiriques récents n'envisagent aucun lien entre ces deux concepts. C'est le cas d'Aupperle et al., (1985) ou de Balabanis G., Phillips H.C. et Lyall J. (1998) qui y voient un lien négatif ou nul. D'autres comme Cochran, P.L. et Wood R.A. (1984), stipulent que le lien est trop faible voire inexistant. Toutefois, le recensement de Margolis, J. et Walsh J. (2003) montre que la tendance est très forte pour une relation positive entre RSE et performance financière.

II - 2 - 2 - 3 - L'hypothèse du lien positif entre RSE et création de valeur

Cette hypothèse a trait à la théorie des parties prenantes selon la quelle la RSE aurait un impact positif sur la performance globale. En effet, la RSE est un moyen pour l'entreprise de répondre efficacement aux demandes des diverses parties prenantes. Ceci est de nature à regagner leur soutien et par conséquent, améliorer la rentabilité (Balabanis G., Phillips H.C. et Lyall J., 1998). C'est d'ailleurs le cas pour les clients, qui restent fidèles aux entreprises ayant fait preuve de bonnes pratiques de RSE.

De plus, La CNUCED a recensé sept points essentiels correspondant aux différents gains possibles de l'entreprise qui s'engage dans une démarche sociétale. On y retrouve l'amélioration des résultats financiers, la réduction des coûts d'exploitation, l'amélioration de l'image et de la réputation, l'accroissement des ventes et la fidélisation de la clientèle, les gains de productivité et de qualité, l'aptitude à attirer et à retenir la main d'oeuvre, et le relâchement du contrôle administratif. Cette multiplicité des gains possibles entre RSE et performance globale a également été soulignée par Freeman R. E. (1984) qui voit en la RSE, un moyen de satisfaction des parties prenantes économiquement profitable.

Dans le même ordre d'idées, Waddock S. et Graves S.B. (1997) montrent qu'un comportement social de l'entreprise contribue à sa rentabilité (qui constitue un élément de création de valeur), et que l'inverse est aussi possible. Vue sous cet angle, la RSE se présente comme une contrainte de la création de valeur.

Pour leur part, Mc Williams A. et Siegel D. (2000) voient en la RSE, un outil stratégique qui permet aux entreprises de battre leurs concurrents sur les marchés et de maximiser ainsi leur profit. Tel est également le point de vue de Etourdi G. (2010) qui analyse la RSE comme un facteur influençant positivement le management et la compétitivité des entreprises.

Ainsi, Il existe une lignée de travaux qui confirme lien positif entre les deux composantes. Les énumérer de manière exhaustive serait utopie. Allouche J. et Laroche P. (2005) recensent 82 recherches, 75 d'entre elles ont trouvé un lien positif, c'est le cas de Margolis, J.D. et Walsh J.P. (2003) qui ont dénombré 54 sur 127 études confirmant ce lien positif. Mais, la question qui reste posée est celle du contexte dans lequel de telles études ont été réalisées. Car, le nombre d'études confirmant ce lien positif aurait pu être encore plus conséquent dans un milieu géographique donné (Europe, USA ou Afrique du Nord et Afrique du Sud par exemple).

Afin de se prémunir contre les risques de réputation, il conviendrait de mettre en place un système de gouvernance d'entreprise comportant une gestion anticipative des risques, une écoute des parties prenantes et une communication sans détours (Faverjon C. et Marion A., 2005). La gouvernance d'entreprise acquiert ainsi une vocation plus large.

Hormis sa dimension traditionnelle couvrant l'ensemble des processus, lois et institutions influant la manière dont l'entreprise est dirigée, administrée et contrôlée, la gouvernance d'entreprise pourrait inclure également les relations entre les différents stakeholders. Comme le souligne Charreaux G. (1997), les acteurs principaux sont les actionnaires, la direction et le conseil d'administration. Les autres parties prenantes incluent les employés, les fournisseurs, les clients, les banques et les autres prêteurs, l'environnement et la communauté au sens large.

Il devient ainsi aisé de distinguer deux modes de gouvernance dont le degré de prégnance varie selon qu'il s'agisse des sociétés cotées ou non cotées (Epstein M. et Cornelius P., 2003) :

· Le premier mode de gouvernance puise ses fondements dans la « shareholder theory ». Ce mode de gouvernance privilégie la création de valeur pour l'actionnaire ;

· Le second mode de gouvernance fonde ses principes dans la « stakeholder theory » et devrait contribuer à l'émergence d'une vision partenariale et coopérative favorisant l'ancrage des parties prenantes autour de l'entreprise.

Ce deuxième type de gouvernance contribue à la formation et au développement du capital financier, mais aussi du capital humain (compétences individuelles, expérience, savoir faire collectif) et organisationnel (capacités organisationnelles résultant du travail de coopération et de la transformation progressive du savoir tacite en savoir explicite) eux aussi sources de création de valeur.

Nous venons, tout au long de cette section, d'effectuer un briefing de la littérature sur l'étude du lien entre responsabilité sociétale et création de valeur. Il en ressort de cette littérature que de nombreux travaux ont abordé cette relation de manière plutôt indirecte. Les études sur la possibilité de la RSE à créer de la valeur ont été abordées plutôt sous l'aspect de la performance, notamment la performance financière. Il en ressort que cette relation est tantôt positive, tantôt négative, et parfois neutre.

Ce chapitre, sur le construit théorique du lien entre responsabilité sociétale de l'entreprise et création de valeur, nous a permis de découvrir les différents résultats des travaux précédents sur le thème. Pour y parvenir, nous avons abordé nos deux concepts sous l'angle de la gouvernance d'entreprise, car RSE et création de valeur remettent au devant la scène, la situation conflictuelle qui a toujours existé entre managers et propriétaires. C'est ainsi que nous nous sommes servis des théories de l'agence, du financement hiérarchique et des signaux pour comprendre comment la RSE pouvait constituer un levier de création de valeur pour les mandataires (dirigeants).

Cette première partie, en quête de sens de la relation  RSE - création de valeur nous a permis non seulement d'appréhender les contours inhérents à la pratique de responsabilité sociétale de l'entreprise, mais également, d'envisager son irruption dans la gouvernance d'entreprise en vue de créer de la valeur. En effet, après avoir développé les domaines, les instruments, les enjeux, et les avantages inhérents à la RSE comme levier de création de valeur, nous avons résumé quelques résultats qui ont précédés ce travail et dont l'intérêt portait sur le lien entre RSE et performance globale. Il en ressort que cette relation est tantôt négative, parfois neutre, et le plus souvent positive.

Nous nous sommes donc inspirés du contenu théorique de cette première partie pour formuler nos hypothèses de recherche et développer la deuxième partie intitulée de notre travail : responsabilité sociale de l'entreprise et création de valeur : une relation valorisée.

Deuxième partie

RESPONSABILITE SOCIETALE DE L'ENTREPRISE ET CREATION DE VALEUR : UNE RELATION DEVOILEE

A une époque où L'ancrage des activités RSE dans les attitudes managériales des entreprises est de plus en plus perceptible, nombreux sont les auteurs qui s'intéressent désormais au lien qui existerait entre RSE et création de richesse. Nous nous sommes servis des écrits de ces auteurs pour parachever la première partie de ce travail de recherche. Nous avons ainsi pu cerner les différents aspects de la relation qui existerait entre responsabilité sociétale et création de valeur. Il en ressort une relation tridimensionnelle : négative, neutre ou positive. Toutefois, ces différents aspects de la relation entre RSE et création de valeur sont issus d'un construit uniquement historique.

Cette partie, purement empirique, vise à présenter le lien entre politiques RSE et création de valeur dans un contexte particulier. Pour y parvenir, nous avons mené une étude expérimentale sur deux catégories de parties prenantes : les parties prenantes internes (les salariés) et les parties prenantes externes (les sous-traitants, clients, fournisseurs, ONG et l'ensemble de la société civile). L'objectif ici est de savoir si la RSE comme levier de création de valeur, crée de la richesse uniquement pour les actionnaires (valeur actionnariale) ou pour toutes les parties prenantes (valeur partenariale). Cette partie, également divisée en deux chapitres, décrit entièrement la démarche adoptée lors de la collecte, de l'analyse et de l'interprétation des résultats (chapitre 3) ; puis, met en exergue la contribution de la RSE à la création de valeur.

Chapitre 3

DEMARCHE D'IDENTIFICATION DES PRATIQUES DE RESPONSABILITE SOCIETALE COMME LEVIER DE CREATION DE VALEUR

Le présent travail de recherche vise principalement, à déterminer l'impact de la RSE sur la création de valeur. Pour atteindre cet objectif, nous avons mené une étude expérimentale auprès des différentes parties intéressées par les activités des entreprises de différents secteurs afin de corroborer ou d'invalider nos hypothèse qui présupposent l'existence d'un lien positif entre RSE et création de valeur. Ce chapitre effectue une présentation succincte des entreprises dont les parties prenantes ont été interrogées (section 1) et présente justifie par la suite démarche méthodologique qui nous a permis d'aboutir à nos résultats (sections 2).

Section 1 : PRESENTATION DU CHAMP D'APPLICATION ET CONSTITUTION DE L'ECHANTILLON

Cette section a pour but de présenter les secteurs d'activités des entreprises dont les parties prenantes ont été interrogées et surtout, de présenter les techniques qui nous ont permis de constituer nos différents échantillons. En effet, il s'agit d'entreprises multinationales des secteurs industriels et de service, dont la place prépondérante dans l'économie camerounaise n'est plus à démontrer. Nous présentons d'abord le terrain d'investigation avant de nous attarder sur la technique d'échantillonnage.

I - 1 - Champ d'investigation : multinationales des secteurs industriels et de service

Les entreprises multinationales sur lesquelles nous avons mené nos enquêtes sont principalement issues des secteurs de service (02) et industriel (04). Outre les raisons de continuité des travaux que nous avons précédemment effectués sur ces entreprises, d'autres mobiles, notamment économiques et sociaux, nous ont également motivé à opter pour ces entreprises. Nous y revenons dans les sous-paragraphes ci-dessous.

I - 1 - 1 - Place des multinationales dans l'économie camerounaise

Depuis le début des 1980, conformément aux exigences des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS), on a assisté à un retrait massif des Etats de la gestion des entreprises publiques au profit des firmes multinationales. Le Cameroun n'en fait pas une exception.

Dans cette sous-section, nous allons premièrement présenter la spécificité des multinationales au Cameroun ; par la suite, nous justifions le choix de cette catégorie d'entreprises comme sujets de l'étude de cas.

I - 1 - 1 - 1 - Spécificité des entreprises multinationales

Une multinationale peut être définie comme de grande entité représentée dans plusieurs pays par de nombreuses filiales. Leur multiplication a connu son plus grand succès dans les pays les moins avancés caractérisés par le coût relativement bas des matières premières et des unités de production (main-d'oeuvre).

Les filiales implantées à l'étranger subissent généralement le contrôle (direct ou indirect) de la société-mère. Ainsi, les pratiques managériales des multinationales implantées au Cameroun sont généralement celles des entreprises de tutelle situées à l'étranger. Aussi, dans la plupart des cas, la société-mère possède des actions (majoritaires) dans chacune de ses filiales et cela lui confère un droit ou un pouvoir de contrôle variant en fonction de certaines modalités particulières à leur création).

Ainsi, le choix des multinationales comme population cible pour l'étude des cas à été motivé par plusieurs raisons sur lesquelles nous revenons dans le paragraphe suivant.

I - 1 - 1 - 2 - Raison du choix des multinationales comme population de la recherche

Trois principales raisons ont motivé le choix des multinationales comme population appropriée pour ce travail de recherche : elles sont premièrement économiques, sociétales et surtout pragmatiques.

S'agissant des raisons économiques, les multinationales sont très fortement représentées dans l'économie camerounaise. En effet, en 2008, elles représentent 36% des entreprises installées au Cameroun28(*) . Elles sont en outre réparties dans différents secteurs d'activité comme suit : les services (36%), l'industrie (25%), le secteur primaire (18%), le commerce (15%), et le secteur du bâtiment et des travaux publics (3%). Les secteurs des services et de l'industrie étant ceux qui semblent les attirer le plus (de par leurs pourcentages élevés), nous avons retenu les entreprises MTN, Orange, Nestlé, SCR Maya, SABC et Guinness comme champ d'investigation.

S'agissant des raisons sociétales, on peut noter que ces entreprises ont une culture orientée vers des engagements sociaux et environnementaux remarquables. Aussi, partant du fait que leurs filiales camerounaises subissent l'influence notoire des sociétés-mères, ces activités extra-économiques font nécessairement partie de leur quotidien. On a d'ailleurs remarqué qu'elles adaptent ces activités extra financières au contexte camerounais marqué au départ par un taux de chômage élevé, une pollution non négligeable de la couche d'ozone, en bref, par l'absence de véritables pratiques responsables d'entreprises.

Enfin, les raisons pragmatiques concernent non seulement les actions RSE, mais surtout, la notion de création de valeur. En effet, c'est une notion qu'on rencontre dans les grandes entreprises cotées. Aussi, face à la situation actuelle du marché financier camerounais qui tarde à prendre son véritable envol, la création de valeur trouve place dans ces multinationales qui la conçoivent non pas comme une simple performance financière, mais comme une véritable performance globale. Performance qui inclus, non seulement les détenteurs des capitaux, ais également, les stakeholders qui contribuent directement ou indirectement à créer de la richesse pour l'entreprise.

Les raisons du choix des multinationales comme population d'étude ayant été données, il ne nous reste plus qu'à présenter les différents secteurs auxquels appartiennent ces multinationales.

I - 1 - 2 - Les secteurs industriels et de service comme champ d'investigation

Dans ce paragraphe, nous revenons tour à tour sur l'importance des secteurs de la téléphonie mobile, des agro-industries et des activités brassicoles pour notre étude. En effet, quels sont les motifs qui nous ont poussés à opter pour ces entreprises et non pour d'autres entreprises du même secteur d'activité ?

I - 1 - 2 - 1 - Le secteur des services : la téléphonie mobile

Le choix du sous secteur de la communication, au détriment des établissements financiers, s'est appuyé sur plusieurs paramètres. Les activités extra financières du secteur financier, notamment des banques, s'inscrivent plus dans une logique de politique d'octroi de crédits de complaisance. Or de tels crédits ont sérieusement affecté la santé financière des établissements bancaires au Cameroun pendant les années de crise. De plus, de nos jours, les activités extra financières des banques s'inscrivent plus dans une logique d'investissement socialement responsable. Or, cette pratique reste un mythe dans notre contexte marqué par l'absence notoire de fonds de pensions et autres investisseurs institutionnels. Pour ces deux raisons, nous avons écarté l'hypothèse d'inclure les établissements financiers dans notre champ d'investigation.

On aurait également pu inclure les entreprises de transport et de tourisme. Mais, s'agissant des transports, malgré les efforts fournis depuis plusieurs dizaines d'années pour améliorer et réhabiliter certains axes routiers, ce domaine souffre encore d'un manque de financements réguliers et de nombreux retards accusés par certains chantiers. Le tourisme quant à lui reste sous-développé au Cameroun et très peu attractif pour les multinationales.

Ainsi, avec l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le secteur de la télécommunication, notamment celui de la téléphonie mobile, connait un succès remarquable. De plus, le choix de ce secteur a été motivé par la présence de deux grands leaders de renommée internationale : MTN et Orange. Nous en faisons d'ailleurs une présentation sommaire.

· MTN Cameroun

MTN Cameroun est la filiale Camerounaise de la multinationale sud africaine MTN. Elle est née le 15 février 2000, du rachat par le Groupe sud-africain MTN, de la licence de Camtel Mobile. Son capital de 200 000 000 FCFA est détenu à 70% par MTN International et à 30% par la société Camerounaise Broadband Telecom29(*).

MTN Cameroun a toujours souhaité se positionner comme le leader dans son secteur à travers ses campagnes publicitaires "provocatrices". On peut notamment citer sa campagne sous le slogan "aucune offre ne résiste à notre PAS AS YOU GO" qui a fait couler beaucoup d'ancre, tant l'accroche constituait message marketing dominateur par rapport à son principal concurrent Orange Cameroun. De plus, MTN se manifeste par une très forte présence à travers le Sponsoring et un Branding agressif lors de tous les évènements auxquels elle participe.

· Orange Cameroun

Le 04 Juin 2002, la Société Camerounaise des Mobiles (SCM), installée au Cameroun depuis le 29 Mai 1999, change de dénomination sociale et adopte l'appellation de « Orange ». Orange est une entreprise de service, filiale de France Télécom, et opérant dans le secteur de la téléphonie mobile au Cameroun et dont le capital social excède désormais les 15 010 000 000 FCFA,

I - 1 - 2 - 2 - Le secteur industriel : l'agro-industrie

Le Cameroun recèle d'importantes ressources naturelles minières (pétrole, gaz naturel, bauxite, cobalt, nickel, fer) et agricoles (banane, cacao, café, thé, huile de palme, coton, bois). Avec une base agro-industrielle, une filière de transformation de bois de plus en plus intégrée, et une industrie de matériaux de construction (fer à béton, plastiques, ciment, peintures) et de biens de consommation (plastiques, savons, produits de beauté), le tissu industriel du Cameroun est le plus diversifié d'Afrique Centrale30(*). Les industries sont implantées essentiellement sur la zone littorale : Douala, Limbé, Edéa. La plupart de ces entreprises travaillent exclusivement pour le marché intérieur ; les exportations manufacturières sont peu développées, et représentent moins de 10% de l'ensemble des exportations.

Les agro-industries sont le groupe le plus représentatif du secteur industriel camerounais avec plus de 40% de la valeur ajoutée industrielle. Dominent dans cette branche, l'industrie brassicole et d'eau minérale, l'industrie sucrière, l'industrie laitière, les huileries, la confiserie et la chocolaterie. Raison pour laquelle, nous nous sommes intéressés aux entreprises Nestlé et SCR Maya (pour les industries laitières et les huileries) d'une part, et d'autre part à la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun et à Guinness Cameroun (pour l'industrie brassicole). Nous effectuons d'ailleurs, ci-après, une brève présentation de ces entreprises.

· NESTLE Cameroun

Née de la fusion en 1983 entre CAMAD Nestlé et SOPRAL, société dans laquelle Nestlé détient 49% du capital, Nestlé Cameroun est à rayonnement sous régional offrant une gamme de produits alimentaires diversifiés (lait, cubes...). Bénéficiant ainsi de la popularité de ses produits, Nestlé peut se réjouir d'être un acteur majeur dans le tissu industriel Camerounais, notamment dans l'agroalimentaire où Nestlé est reconnu comme leader mondial. Nestlé Cameroun compte à ce jour 350 employés permanents et réalise un chiffre d'affaires annuel d'environ 35milliards de FCFA.

· SCR Maya

La Société Camerounaise de Raffinerie Maya (SCR Maya) est une entreprise industrielle spécialisée dans la fabrication des matières grasses (huile de ménage et savonnerie). Créée en 1988, elle est située à Bonaberi-Douala, au lieu dit Ndobo (sur la route de l'Ouest) et est dotée d'au moins 500 employés.

· Société Anonyme des Brasseries du Cameroun

Les Brasseries du Cameroun, société agro alimentaire spécialisée dans la fabrication et la distribution des boissons hygiéniques, est le leader du secteur industriel au Cameroun. Créée à Douala, le 03 février 1948, elle devient filiale du groupe Castel en 1990. Avec une production annuelle de 3 300 000 hectolitres de bière, soit 510 millions de bouteilles, et  de 1 350 000 hectolitres de boissons gazeuses, soit 240 millions de  bouteilles, Les Brasseries du Cameroun sont le numéro 1 de l'industrie brassicole au Cameroun. Avec 70% du marché des bières, 85% de celui des boissons gazeuses, 75% du marché de l'eau minérale naturelle. Leur chiffre d'affaires hors taxes de 165 milliards de FCFA avec 360 actionnaires camerounais. Un effectif de près de 2000 salariés et plus de 50 000 emplois indirects. Un parc de 220 camions pour la distribution. 34 000 points de vente au détail.

· Guinness Cameroun

Guinness Cameroun S.A. est une filiale du groupe Diageo plc, leader mondial des boissons premiums. Diageo plc est fier de son portefeuille de marques remarquables de boissons alcooliques de toutes les gammes de spiritueux, de vins et de bières. Ce portefeuille comporte parmi tant d'autre des marques telles Johnnie Walker, Guinness, Smirnoff,J&B, Baileys, Cuervo, Taqueray, Captain Morgan, Crown Royal, Beaulieu Vineyard et Sterling Vineyard wines

Dans le but de satisfaire son ambition d'être l'employeur de choix et l'entreprise de référence au Cameroun à l'horizon 2011, Guinness Cameroun lance un programme panafricain, visant à recruter et à développer des talents africains en vue de constituer un vivier de futurs leaders. Ce programme, dénommé Early Career cible les jeunes et brillants diplômés des Universités et Grandes Ecoles présentant un fort potentiel, ambitieux, et prêts à travailler partout en Afrique.

Voila ainsi présentées, en quelques lignes, les entreprises qui ont constitué les principales cibles sur la base desquelles nous avons constitué nos différents échantillons (des parties prenantes internes et externes).

Il est important de rappeler que les entreprises qui viennent d'être présentées n'ont pas fait l'objet d'une étude de cas. Il s'agit d'entreprises dont les engagements sociaux et environnementaux ne sont plus à démontrer. Nous nous sommes donc intéressés aux enjeux des activités extra financières de ces entreprises dans une perspective de création de valeur non seulement pour les actionnaires, mais également pour l'ensemble des stakeholders. Pour ce faire, nous avons administré deux questionnaires distincts aux parties prenantes internes (les salariés) d'une part, et aux parties prenantes externes d'autre part.

Dans le paragraphe suivant, nous revenons sur l'ensemble des techniques et des procédures qui nous ont guidées dans la constitution de nos échantillons respectifs.

I - 2 - La réalisation de l'enquête

La population de notre étude est constituée de l'ensemble des parties intéressées par les activités des entreprises précédemment présentées. Il s'agit aussi bien des parties prenantes internes que des parties prenantes externes. Compte tenu de l'immensité et de la diversité de ces parties prenantes tant en externe qu'en externe, il serait difficile, voire impossible d'interroger la population entière. Autrement dit, il est impossible de réaliser une enquête exhaustive dans le cas précis des stakeholders.

Ainsi, nous allons réaliser une enquête par sondage qui consiste à constituer des échantillons représentatifs de la population des stakeholders internes et externes. Dans le sous-paragraphe suivant, nous présentons la composition de nos différents échantillons.

I - 2 - 1 - Constitution des échantillons

Pour analyser la nature du lien entre responsabilité sociétale et création de valeur, nous avons jugé nécessaire d'interroger non seulement les salariés de l'entreprise, mais également les personnes externes à celle-ci pour deux raisons : l'analyse d'un tel lien du seul point de vue des salariés ne serait pas objective, car ceux-ci seraient juges et parties. Aussi, la notion de valeur partenariale ne se limite pas qu'aux seuls salariés, elle s'étend également à l'ensemble des stakeholders externes à l'entreprise.

Nous retraçons donc d'abord le chemin qui nous a permis de constituer l'échantillon des stakeholders internes avant de nous intéresser à la composition de l'échantillon des stakeholders externes.

I - 2 - 1 - 1 - Échantillonnage des stakeholders internes par la méthode non probabiliste

Les multinationales auxquelles nous nous intéressons étant toutes de grande taille, nous escomptions réaliser des échantillons représentatifs de la population des employés. Pour ce faire, nous ne pouvions pas sélectionner les employés au hasard (méthode probabiliste). Nous devrions donc nous adresser à des personnes dont les réponses pourraient représenter aussi bien celles des ouvriers ou simples employés que celles des cadres supérieurs. Ainsi, nous nous sommes adressées aux cadres moyens et autres responsables d'équipes de travaux.

Le tableau ci-dessous schématise et synthétise les différentes phases qui nous ont permis d'aboutir à la taille actuelle de notre échantillon.

Tableau 3.1 : Constitution de la taille de l'échantillon des stakeholders internes

Entreprises

Questionnaires

Taux de réponses

Administrés

Retournés

Exploitables

MTN Cameroun

15

11

9

60,00 %

Orange Cameroun

15

12

6

40,00 %

Nestlé Cameroun

15

11

9

60,00 %

SCR Maya

15

11

7

46,67 %

SABC

15

10

8

53,33 %

Guinness Cameroun

15

14

5

33,33 %

?

90

69

44

48,89 %

Conformément aux données inscrites dans le tableau ci-dessus, nous avons proportionnellement administré quatre-vingt-dix (90) questionnaires aux cadres moyens des entreprises prospectées (soit quinze questionnaires dans chaque entreprise). Il en résulte un taux de réponse inférieur à la moyenne (48,89 % = 50,00 %). Ce taux est certes insuffisant, mais le nombre de questionnaires exploitables (44 questionnaires) est statistiquement valable car supérieur à la taille minimum d'un échantillon statistique (44 > 30).

Il convient par-dessus tout, de noter le fort taux d'abstention des cadres moyens de la Guinness qui nous ont remis 14 questionnaires sur les 15 administrés et dont 5 seulement sont exploitables. Nuls n'étaient ces forts taux d'abstention (Orange et Guinness), on aurait obtenu un taux de réponses nettement supérieur à la moyenne et par conséquent, un échantillon plus représentatif de la population des stakeholders internes.

En bref, la taille de l'échantillon des stakeholders internes est de 44. Qu'en est-il des stakeholders externes ?

I - 2 - 1 - 2 - Échantillonnage des stakeholders externes par la méthode probabiliste

En général, dans un échantillonnage probabiliste, les unités de sondage sont tirés de manière aléatoire. Il peut s'agir d'un sondage aléatoire simple, d'un sondage statistique ou encore, d'un sondage stratifié. Dans les deux premiers types de sondage, la liste de toutes les unités constitutives de la population statistique est nécessaire. Ce qui n'était déjà pas possible pour l'ensemble des stakeholders externes, c'est la raison pour laquelle nous avons opté pour un sondage stratifié.

En effet, nous avons opté pour un sondage stratifié dans la mesure où la population des stakeholders externes peut être divisée en groupes homogènes (les différentes catégories de stakeholders). Par la suite, nous avons effectué des tirages aléatoires au sein des différents groupes homogènes pour en constituer notre échantillon. Pour ce faire, nous avons recensé un ensemble de stakeholders accessibles, auxquels nous avons administré un questionnaire.

Le tableau ci-dessous reprend de manière synthétique et schématique, la liste des stakeholders qui ont constitué notre échantillon :

Tableau 3.2 : Constitution de la taille de l'échantillon des stakeholders externes

Stakeholders externes prospectés

Questionnaires

Taux de réponses

Administrés

Retournés

Exploitables

Pouvoirs publics

15

15

5

33,33 %

Établissements financiers

9

5

2

22,22 %

Assureurs

15

12

7

46,67 %

Clients ou consommateurs

40

19

19

47,50 %

Sous-traitants

10

8

6

60,00 %

Distributeurs

25

17

12

48,00 %

Concurrents

6

6

6

100,00 %

ONG

10

10

10

100,00 %

Communauté locale

50

30

25

50,00 %

?

180

122

92

51,11 %

La lecture du tableau ci-dessus montre que la population des stakeholders externes est constituée de sous-groupes homogènes appelés strates. Ces strates n'ont pas été toutes prospectées dans la mesure où certaines d'entre elles (les fournisseurs) ne sont pas facilement identifiables et accessibles. Aussi, la distribution des questionnaires a été inégalement répartie au sein des différentes strates pour plusieurs raisons. La principale raison concerne l'effectif de la population totale des différentes strates.

En effet, la population des établissements financiers est nettement inférieure à celle des clients ou des consommateurs de nos entreprises. Par conséquent, la taille des établissements financiers est logiquement inférieure à celle des clients dans notre échantillon. Une comparaison similaire peu être faite entre les assureurs (ou les pouvoirs publics) et la communauté locale. Comme ce fut le cas pour les parties prenantes internes, tous les questionnaires retournés n'ont pas été exploités parce qu'incomplets ou pas du tout remplis.

Cependant, malgré le fort taux d'abstention noté chez les personnes morales, notamment le cas flagrant des pouvoirs publics et des établissements financiers, on est parvenu à un taux de réponse global au dessus de la moyenne (51,11 %). De plus, la taille de notre échantillon est statistiquement valide, car au dessus du stricte minimum pour une recherche quantitative (n = 92 > 30).

Les sous-paragraphes précédents nous ont édifiés sur les cheminements qui ont donné lieu à la constitution de nos différents échantillons. Cette tâche ayant été accomplie, il nous faut désormais présenter et justifier la démarche méthodologique pour laquelle nous avons opté dans ce travail de recherche.

Section 2 : PRESENTATION ET JUSTIFICATION DE LA DEMARCHE ADOPTEE

Cette section a pour objectif d'exposer la démarche méthodologique qui nous a guidés tout au long de ce travail. Elle a en effet consisté, dans un premier ressort, à un parcours de la littérature sur les thématiques de la RSE et de la création de valeur. Puis, la phase expérimentale proprement dite a consisté à effectuer plusieurs descentes sur le terrain.

Au bout de nos multiples lectures, nous avons constaté que, malgré les contextes de mondialisation et de libéralisme économique actuels, les pratiques de RSE restent dominées par deux grands penchants : le volontariat et le réglementaire. Aussi, Carroll A.B. (1979) propose-t-elle un décryptage plus analytique des dimensions RSE en responsabilités discrétionnaires, éthiques, légales et économiques.

La dimension économique de la RSE est à l'origine de sa conception comme un levier de création de richesse. Dans cette perspective, des auteurs tels que Mc Williams A. et Siegel D. (2000), Waddock S. et Graves S.B. (1997), Freeman R. E. (1984), Etoundi G. (2010) entre autres, conçoivent la RSE comme un dispositif dont la mise en oeuvre est garante de performance et de création de valeur. Ce courant de pensée se heurte à celui de la neutralité (Ullmann, A., 1985 ; Waddock, S. et Graves S.B., 1997) et à celui de la réfutation de l'existence d'un lien de causalité entre RSE et création de richesse [Friedman M. (1962, 1970) ; Aupperle et al., (1985) ; Balabanis G., Phillips H.C. et Lyall J. (1998)].

Pour ce qui nous concerne, nous entrevoyons cette relation plutôt sous son aspect positif. Cette présomption repose sur l'idée préalable selon laquelle, pour créer de la valeur pour toutes ses parties prenantes, l'entreprise peut procéder par des actions extra financières. Pour atteindre cet objectif, nous émettons à priori, les hypothèses suivantes :

H1 : « Les activités extra financières de l'entreprise contribuent positivement à créer du surplus  »

H2 : « Une meilleure pratique RSE en interne est un préalable à des flux de ressources additionnelles pour l'entreprise »

H3 : « Les stakeholders influencent significativement le partage de la valeur créée en entreprise ».

La démarche méthodologique pour laquelle nous optons est donc une approche hypothético-déductive. Elle consiste en l'émission préalable d'hypothèses que nous cherchons à valider ou à infirmer à travers l'analyse des données collectées auprès des différents répondants. L'hypothèse générale soutenant l'existence d'un lien positif entre politiques de responsabilité sociétales des entreprises et création de valeur. Quelle est donc la démarche adoptée pour vérifier la validité (ou l'infirmité) de cette hypothèse générale ?

II - 1 - Méthode d'investigation et justification du choix de la méthode

Un travail de recherche, quelque soit le domaine, doit pouvoir répondre à trois questions épistémologiques fondamentales : Quoi ? Pourquoi ? et Comment ?31(*) Dans le cadre de notre travail, nous avons déjà apporté une réponse à la première question, car il s'agit du lien de causalité entre RSE et création de valeur.

S'agissant du « pourquoi », le construit théorique autour de notre objet y a déjà apporté des éléments de réponse. Quant au « comment » il s'agit de la démarche quantitative de la recherche que nous envisageons appliquer dans ce travail.

II - 1 - 1 - La méthodologie quantitative comme démarche adoptée

En général, la recherche en sciences de gestion est marquée principalement par deux grandes approches : une approche positiviste qui prône les méthodes quantitatives et une approche constructiviste qui repose sur les méthodes qualitatives. Le choix de l'une ou l'autre méthode n'est pas le fruit du hasard, il est fonction des objectifs poursuivis par le chercheur. Par exemple, la méthode qualitative est adoptée lorsque le but de la recherche est de comprendre un phénomène que l'on se propose d'étudier. Par contre, la méthode quantitative est plus appropriée lorsque l'objectif de la recherche est de quantifier et représenter les résultats obtenus

Ainsi, responsabilité sociétale et création de valeur ne sont pas des concepts nouveaux en sciences de gestion. Ils ont déjà fait l'objet de beaucoup d'études dans plusieurs contextes. Ce qui écarte d'emblée, la possibilité d'adopter une démarche qualitative dans ce travail. Par contre, les travaux sur l'existence d'un lien entre ces deux concepts aboutissent à des résultats que nous avons qualifiés de tridimensionnels. Nous devons dons, dans le présent travail, adopter une approche déductive pour découvrir la nature du lien entre ces deux concepts dans un contexte d'économie sous-développée.

Autrement dit, la rétention de la démarche quantitative est une phase intermédiaire de tout un processus qui va de la définition du problème de recherche à la discussion des résultats et leur implication stratégique. Les différentes phases de ce processus peuvent être représentées schématiquement de la manière suivante :

Figure 3.1 : Processus de recherche déductive

Définition et intérêt du problème

Mise en place du plan de recherche

Point et évaluation des connaissances

Collecte et analyse des données

Discussion des résultats avec implications stratégiques

Formation des concepts

Présentation des résultats

Source : Adapté de Darpy D. (2003)

Conformément à la figure ci-dessus, après avoir défini le problème de la recherche et évalué l'intérêt tant théorique que pratique du problème, nous avons fait le point sur les connaissances et les données existantes afin d'évaluer les zones d'ombre. Nous avons ensuite mis en exergue, les concepts explicatifs des notions clés de notre travail. Il s'agit notamment des concepts tels que le shareholders value, le stakeholders value, le free cash flow, l'economic value added, entre autres.

La phase suivante est celle qui nous interpelle dans ce paragraphe. Il s'agit de mettre en place un plan de recherche qui réponde au moins aux questions suivantes : Quelle est la méthode employée et pourquoi ? Dans quel univers l'étude se réalise-t-elle ? Quels sont les instruments de collecte des données ? Quelles sont les méthodes d'analyse des données ainsi collectées. En ce qui concerne la méthode employée, elle est quantitative. La présentation du champ d'application sera faite dans la prochaine section de ce chapitre.

Avant de présenter les instruments et les méthodes d'analyse des données auxquels nous avons eu recours, nous justifions d'abord le choix de la méthode quantitative comme démarche adoptée dans ce travail.

II - 1 - 2 - Vers un éclaircissement contextuel du choix de la méthode quantitative

Le choix de la méthode quantitative tient principalement du fait qu'elle permet d'établir des relations entre les variables et apparait comme le moyen le plus efficace pour tester certaines hypothèses de recherche. C'est notamment le cas lorsqu'on veut analyser le lien de causalité qui existerait entre deux ou plusieurs variables.

Plusieurs autres raisons sous-tendent le recours à l'analyse quantitative comme démarche méthodologique dans un travail de recherche. Nous les retrouvons de manière synthétique dans le tableau ci-après.

Tableau 3.3 : Motifs pour la sélection d'une stratégie d'enquête

Recherche quantitative

Recherche qualitative

Tester une théorie par déduction

Développement de la théorie par induction

Tester des théories composées de variables

Construire une vision complexe et holistique

Mesurer à l'aide de chiffres

Expliquer avec des mots

Analyser, à l'aide de procédures statistiques, et déterminer si les généralisations annoncées par la théorie sont vraies

· Rendre compte de la vision des informateurs ;

· Conduite dans un cadre naturel

Source : Adapté de Nkakleu R. (2010), Méthodologie de la recherche32(*)

En effet, conformément au tableau ci-dessus, nous avons opté pour la méthode quantitative parce qu'elle repose sur une analyse hypothético-déductive. Loin de construire une vision holistique et complexe du lien de causalité entre RSE et création de valeur, cette approche nous aidera à tester la validité des théories existantes à travers des analyses statistiques afin de corroborer ou d'infirmer nos hypothèses.

Aussi, le tableau qui suit est prolongement du tableau précédent en ce sens qu'il effectue une étude comparative approfondie entre étude qualitative et étude quantitative.

Tableau 3.4 : Approche comparative des études qualitatives et quantitatives

Éléments de comparaison

Étude qualitative

Contextualisation

Étude quantitative

Généralisation

Objectifs

Comprendre les phénomènes étudiés

Quantifier les données et généraliser les résultats

Échantillon

Petit nombre de cas

Grand nombre de cas

Collecte de données

Non structurée

Structurée

Analyse de données

Non statistique

Statistiques

Résultats

Élaborer un début de compréhension

Recommander une ligne d'action définitive

Source : adapté de Naresh M. et al. (2004), études marketing avec SPSS, 4e édition.

En effet, l'objectif de notre travail n'est pas de comprendre les phénomènes de création de valeur et de responsabilité sociétale. Il vise plutôt à découvrir la contribution des activités RSE à la création de la valeur. Plus encore, le nombre de cas étudiés est assez élevé et nous envisageons nous servir d'outils statistiques pour vérifier nos hypothèses afin de généraliser les résultats à l'ensemble de la population des unités statistiques ayant constitué nos échantillons. Telles sont les raisons qui ont motivées notre option pour la méthode quantitative.

II - 2 - Collecte et analyse des données

Ce travail de recherche a pour but de découvrir le lien de causalité (positif ou négatif) qui existe entre les pratiques de responsabilités sociétale et la création de valeur en entreprise. Il s'agit donc d'une étude expérimentale dont les sources de données sont non seulement primaires (documentaires), mais également secondaires (enquêtes statistiques).

En effet, notre recherche a démarré par un examen profond de la littérature sur la responsabilité sociétale, la création de valeur et d'autres domaines qui leur sont parallèles tels que le gouvernement d'entreprise, le développement durable, l'investissement socialement responsable, l'éthique et la citoyenneté d'entreprise, la performance globale (financière, économique et sociétale), et bien d'autres. Nous nous sommes donc familiarisés à nos deux concepts à travers des développements antérieurs sur le sujet, tels que ceux de Charreaux G., Gond J-P., Ngok Evina J.F., Carroll A.B., Mc Williams A et Siegel D., Etoundi G., Wanda R. et bien d'autres auteurs célèbres, sans oublier la Commission Européenne dont la contribution sur le sujet s'est enrichie en 2001 avec la publication du Livre Vert.

Nous avons ensuite administré des questionnaires aux différentes parties prenantes internes et externes. Rappelons que l`ordre d'administration du questionnaire n'a pas été choisi au hasard. Nous avons d'abord administré celui des parties prenantes internes pour nous assurer que les entreprises ciblées sont effectivement créatrices de valeur ; ensuite, nous avons administré celui des parties prenantes externes pour savoir sous quelle forme la valeur crée est-elle redistribuée.

Nous revenons d'ailleurs sur l'importance de cet outil de collecte des données pour notre recherche.

II - 2 - 1 - Le questionnaire comme outil de collecte des données

Le questionnaire est un outil indispensable au recueil de différents types d'informations, notamment sur les comportements, les attitudes et opinions, les connaissances et sur des données sociodémographiques (âge, sexe, revenu, ...). C'est un ensemble de questions qui peuvent être des questions ouvertes, fermées ou les deux. En ce qui concerne notre questionnaire, nous avons utilisé en grande partie des questions fermées (dichotomiques et multiples) dans le but de faciliter leur codification et l'analyse ultérieure des données.

Nos questionnaires ont été administrés à un ensemble plus vaste de stakeholders, allant des stakeholders internes (les salariés) aux stakeholders externes (clients, ONG, sous-traitants, administration publique). Pour ce faire, deux questionnaires distincts ont été attribués aux parties prenantes internes et externes.

II - 2 - 1 - 1 - Administration des questionnaires

Le questionnaire peut être administré de plusieurs façons. D'une part, le chercheur peut, pour une raison ou une autre, procéder par minitel ou par voie postale et dans ce cas, on dit que le questionnaire est auto-administré. D'autre part, le chercheur peut opter pour une administration par téléphone ou en face à face. Dans le cadre de notre travail, l'administration des questionnaires s'est faite en face à face qu'il s'agisse des stakeholders externes ou internes.

La figure ci-dessous représente d'ailleurs de manière synthétique, le construit théorique sur l'administration du questionnaire et indique la méthode pour laquelle nous avons opté.

Questionnaire

Figue 3.2 : Illustration de la méthode de collecte des données quantitatives

Enquêteur

Auto-administré

Face à face

Postal

Téléphone

Minitel

Source : TIONA WAMBA J. H. (2009) : Pratiques de RSE au Cameroun

En ce qui concerne le recueil des données, nous avons-nous-mêmes effectué les entretiens (observation participative) pour nous assurer de la fiabilité des réponses. Il importe également de noter que lors de l'administration et la collecte des questionnaires, nous préférions que les répondants passent le weekend en possession de ceux-ci. Ainsi, lors de la récupération de ces questionnaires, nous revenions sur les points qui n'avaient pas été bien assimilés par nos répondants.

L'élaboration des questionnaires s'est faite sur la base de variables issues de nos hypothèses. Le sous-paragraphe suivant présente de manière synthétique, l'opérationnalisation des concepts de responsabilité sociétale et de création de valeur. Opérationnalisation qui nous a d'ailleurs permis de concevoir nos questionnaires.

II - 2 - 1 - 2 - Opérationnalisation de la relation RSE et création de valeur

Partant de notre hypothèse générale, nous avons opérationnalisé les concepts clés de notre travail de recherche que sont : la responsabilité sociétale et la création de valeur. La RSE a donc été considérée aussi bien en interne (salariés et actionnaires) qu'en externe (les autres parties prenantes). Quant à la création de valeur, deux grandes approches ont également été retenues : la valeur partenariale et la valeur actionnariale. Nous préférons nous limiter à ces deux aspects de la création de valeur dans l'optique d'aborder les deux autres (valeur organisationnelle et valeur structurelle) dans nos prochains travaux.

Nous avons donc effectué une opérationnalisation simple des concepts de RSE et de création de valeur conformément aux données inscrites dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3.5 : Opérationnalisation des concepts de RSE et de création de valeur

Concepts

Dimensions

Indicateurs

Auteurs

Responsabilité sociétale de l'entreprise

Interne

Climat social en entreprise

Une synthèse de la littérature sur le concept de la RSE

Acquier et Aggeri (2001), David et al. (2005), Acquier et Gond (2005), Carroll (1999), CEE (2001), Mc Williams et Siegel (2001); Mc Guire (1963), Davis (1973), Wood (1991), Clarkson (1995), Capron et Quairel (2004), Freeman (1984)

Parité Homme-femmes

Équilibre régional

Conditions de travail et de sécurité

Hygiène et salubrité

Processus de carrière

Politiques de formation des employés

Rémunération du personnel

Affiliation du personnel à la CNPS

Qualité des produits

Externe

Relations avec les fournisseurs

Relations avec les clients

Respect des délais et des normes de fabrication

Relations avec les autres tiers

Activités philanthropiques (dons)

Activités de sponsoring et de mécénat

Reporting sociétal

Environne-mentale

Engagement dans le développement de la communauté locale

Lutte contre la pollution

Activités de protection environnement

Gestion des déchets et autres rejets

Politiques de prévention et de gestion des risques environnementaux

Economique

Impact sur la capacité de production

Doh et Guay (2006), D'Arcimoles Ch-H. et Trébucq St. (2003), Friedman (1962)

Productivité des employés

Horizon des retombées

Maitrise des coûts de production

Impact sur le chiffre d'affaires

Rentabilité économique (profit)

Création de valeur

Valeur actionnariale

Remboursement des dettes

Jensen et Meckling (1976),

Distribution des dividendes

Poulain-Rhem T. (2005)

Market Value added (Valeur Boursière Ajoutée) et PER

Charreaux et Desbrières (1998), Martinet (2002)

Total shareholder value

Lordon F. (2000)

Valeur partenariale

Valeur ajoutée économique

Lordon (2000),

Valeur ajoutée

Remaud (2001), Steurer et al (2005),

Résultat net

Chiffre d'affaires

Réinvestissement

Poulain-Rhem (2005)

Free Cash flow, return on assets, total business return, return on equity, ratio de Marris, Indice de Sharpe, BFR, ...

Lordon (2000), Vivendi et Lafarge, Freeman et al. (1983)

Le tableau ci-dessus laisse apparaitre, pour ce qui est de la création de valeur, qu'il existe des indicateurs appartenant à la fois aux deux dimensions de la création de valeur que sont : la valeur partenariale et la valeur actionnariale. Il en ressort donc un caractère indissociable de ces deux concepts que nous avons voulu mettre en exergue en opérant un opérationnalisation conjointe de nos différentes variables.

Ainsi, l'opérationnalisation conjointe des concepts de responsabilité sociétale et de création de valeur, sur la base de nos hypothèses respectives, nous a permis d'aboutir aux résultats résumé dans le tableau ci-dessous :

Tableau 3.3 : Opérationnalisation de la relation RSE - Création de valeur

Hypothèse générale

Hypothèses spécifiques

Variables

Modalités

Indicateurs

La responsabilité sociétale influence significativement la création de valeur en entreprise

Les activités extra financières de l'entreprise contribuent positivement à créer du surplus

Variables explicatives

 

Reporting sociétal

Sponsoring, dons et mécénats

Recyclage/et nettoyage

Développement local

Rémunération du personnel

Juste

Régulière

Respect des normes anti pollution

Parfois

Régulièrement

Réalisation des oeuvres sociales

Jamais

Parfois

Toujours

Climat social en entreprise

serein

Pas du tout serein

Développement de la communauté

Oui

Non

Variable à expliquer

Chiffre d'affaires

Résultat net

Besoin en fonds de roulement

Augmentation

Diminution

Constant

Amélioration des ventes

Augmentation de la clientèle

Politique prix

Une meilleure pratique RSE en interne est un préalable à des flux de ressources additionnelles

Variables explicatives

 

Présence de femmes cadres

Plan de carrière

Certifications

Programmes de formation

Participation des salariés

Parité hommes-femmes

Respectée

Non respectée

Conditions de travail, sécurité, hygiène

Bonnes

Assez bonnes

Rémunération du personnel

Juste

Régulière

Equilibre régional

Respecté

Non respecté

Climat social

Serein

Pas serein

Variable à expliquer

Résultat net

Chiffre d'affaires

Retour sur investissement

Augmentation

Diminution

Constant

Effet d'expérience

Productivité des employés

Horizon des retombées

Les stakeholders influencent significativement le partage de la valeur créée en entreprise

Variable explicative

 

Réductions, jeux concours, bonifications, activités culturelles, gratifications.

Partage de la valeur créée

Oui

Non

Variables à expliquer

Valeur actionnariale

Valeur partenariale

Augmentation

Diminution

Constant

Gratifications, primes

Partage de la valeur ajoutée

Stock option

II - 2 - 2 - Modèle conceptuel, schéma prédictif des résultats de la recherche

Comme le souligne si bien Darpy D. (2003) une théorie se concrétise par la construction d'un cadre conceptuel. En d'autres termes, toute collecte de données se fait sur la base d'un certain nombre de critères prédéfinis par le chercheur.

En ce qui nous concerne, les critères sur lesquels nous avons fondé la collecte de nos données s'articulent autour d'un modèle conceptuel. Il s'agit d'un modèle purement théorique qui est conçu sur l'idée selon laquelle une ou plusieurs variables indépendantes (les actions RSE) influencent une ou plusieurs autres variables dépendantes (la création de valeur). Cette relation fait intervenir des variables intermédiaires conformément au schéma ci-après.

Figure 3.3 : Esquisse d'un modèle de recherche empirique

Variable médiatrice

Variable dépendante

Variable indépendante

Variable modératrice ou de contrôle

Source : Adapté de Nkakleu R. (2010)

Ainsi, notre variable indépendante qu'est la responsabilité sociétale, est supposée exercer une influence sur la création de valeur qui est notre variable dépendante. Mais, cette influence, nous le pensons, n'est pas directe. La création de valeur étant supposée intervenir dans le long terme, les actions RSE des entreprises sont supposées conserver la clientèle existante à court terme (variable médiatrice), ce qui justifierait d'ailleurs les dépenses engagées pour des investissements RSE à première vue non rentables. Aussi, pour que les actions RSE produisent les effets escomptés, les entreprises se livrent à une communication de leurs engagements sociaux et environnementaux (variable modératrice).

Sur la base de ce développement, nous avons pu mettre sur pied le modèle conceptuel ci-après, modèle que nous améliorerons ou rejetterons en fonction des résultats de notre recherche.

Figure 3.4 : Modèle conceptuel

Valeur actionnariale

RSE en interne

Conserver la clientèle à CT

Actions RSE Création de la Valeur

Valeur partenariale

RSE en externe

Communication RSE

A travers le modèle conceptuel ci-dessus, nous voulons montrer que les actions de l'entreprise vis-à-vis ses employés (RSE en interne) et ses autres partenaires sociaux et économiques (RSE en externe) constituent un levier de création de valeur important pour les actionnaires, mais également pour l'ensemble des parties prenantes. Mais la richesse ainsi créée passe par des investissements RSE dont les coûts à court terme, souvent mal jugés par les propriétaires des capitaux, se justifient par la couverture du risque de réputation. Il s'agit aux termes de Cardebat J-M et Cassagnard P. (2008) de se couvrir du risque de perdre ses clients à long terme.

Ainsi, le modèle ci-dessus présente un double enjeu : montrer que la RSE permet de se couvrir du risque de réputation (à court terme), mais également, de créer de la valeur pour tous (à moyen et long terme). Nos questionnaires ont d'ailleurs été moulés autour de ce modèle conceptuel.

La méthode et l'outil de collecte des données ayant été présentés, le modèle conceptuel ayant été exposé et expliqué, il ne reste plus qu'à présenter les différentes méthodes de traitement et d'analyse des données qui vont nous permettre de découvrir la nature du lien entre responsabilité sociétale et création de valeur.

II - 2 - 3 - Méthodes de traitement des données : une approche plurielle

En effet, les données collectées via les questionnaires seront premièrement codifiées pour une bonne lisibilité et pour faciliter leur insertion dans le logiciel d'analyse et de traitement des données que nous allons utiliser. La fiche de codification va d'ailleurs figurer en annexes pour une illustration de cette étape de la recherche.

Le logiciel d'analyse des données que nous avons retenu est le logiciel SPSS version « SPSS 13 pour Windows ». En effet, le choix de ce logiciel tient au fait qu'il est le logiciel le plus approprié et recommandé en sciences de gestion. Aussi, il regorge de multiples tests qui satisfont nos ambitions, car nous allons effectuer plusieurs tests de vérification d'hypothèses.

En effet, outre le tri à plat qui va nous permettre d'observer la fréquence de certains phénomènes relatifs aux pratiques de RSE dans une optique de création de valeur, nous allons effectuer une analyse factorielle en composantes multiples (AFCM). Celle-ci nous permettra d'extraire, d'un panier de variables relatives à la RSE et à la création de richesse, celles qui sont les plus pertinentes pour mettre en exergue la relation RSE - Création de Valeur.

Cette relation sera donc analysée en deux étapes et grâce à deux tests différents.

Premièrement, le lien de causalité que nous voulons étudier est de la forme y = f(x) ; où « y » désigne la création de valeur (variable dépendante) et « x » les pratiques de responsabilité sociétale (variable indépendante). Or pour ce type de test, Darpy D. (2003) souligne que l'analyse de la variance est fondamentale. C'est pour cette raison que nous allons effectuer une ANOVA à un facteur après avoir accompli une AFCM pour extraction des variables pertinentes.

Deuxièmement, compte tenu du fait que plusieurs actions RSE peuvent concourir conjointement à créer de la valeur pour l'entreprise, le lien de causalité peut être exprimé par l'équation suivante : y = ao + a1x1 + a2x2 + a3x3 + ............ + anxn. Il s'agit là d'une équation de régression linéaire qui a d'ailleurs été employée par Zeribi-Benslimane O. et Boussorra E. (2008) lorsqu'ils établissaient le lien entre responsabilité sociétale et performance financière. Nous escomptons en faire autant à travers un test de régressions dans lequel la création de valeur (actionnariale et/ou partenariale) est la variable dépendante et la responsabilité sociétale de l'entreprise (éthique, légale, discrétionnaire ou économique) représente l'ensemble des variables explicatives.

Cependant, les questionnaires ont été attribués à deux catégories de parties prenantes : les parties prenantes internes (les salariés) et les parties prenantes externes (Clients, sous-traitants, consommateurs, distributeurs, clients, pouvoirs publics, entre autres) dans l'optique de déterminer le type de valeur créée par les entreprises prospectées (valeur actionnariale ou partenariale). Ainsi, pour comparer les réponses issues de ces deux catégories de répondants, nous jugeons indispensable d'opérer un test t sur échantillons indépendants pour rapprocher leurs réponses et vérifier si elles corroborent.

Ainsi pourrons-nous conclure sur la validité de nos hypothèses à l'aide de l'analyse et de la vérification des données incluses dans deux questionnaires issues de deux échantillons différents.

Ce chapitre a passé en revue l'approche de la méthodologie de la recherche qui nous guidé tout au long de ce travail. Nous y avons également présenté les différents secteurs d'activités auxquelles appartiennent les entreprises dont sont issues les parties prenantes interrogées. L'approche méthodologique utilisée dans ce travail est une approche quantitative. Elle envisage généraliser les résultats de la recherche à travers différents tests de vérification des hypothèses. Si toutes les entreprises estiment créer de la valeur pour toutes les parties prenantes, nous envisageons vérifier la véracité de ce propos, et par la même occasion, de détecter l'influence des pratiques RSE sur la valeur ainsi créée. Dans cette perspective, quel est donc le lien qui existe entre les activités RSE et la valeur partenariale ainsi créée ? C'est à cette question que s'atèle le chapitre suivant qi porte sur la contribution de la RSE à la création de valeur.

Chapitre 4

CONTRIBUTION DES ACTIVITES EXTRA FINANCIERES A LA CREATION DE LA VALEUR EN ENTREPRISE

Ce chapitre fondé sur l'aspect purement empirique de notre travail, a pour objectif d'établir le lien de causalité qui existerait entre RSE et création de valeur. Pour y parvenir, nous allons dans un premier temps caractériser les pratiques RSE des entreprises prospectées ainsi que l'approche de création de valeur dominante du point de vue des parties prenantes (section 1). Par la suite, nous allons mettre en exergue, à travers les tests de vérification d'hypothèses, le lien de causalité qui existerait entre RSE et création de valeur (section 2).

Section 1 : EVALUATION DES POLITIQUES DE RESPONSABILITE SOCIETALE

ET DE CREATION DE VALEUR DES MULTINATIONALES

PROSPECTÉES

Cette section a pour objectif de dégager les spécificités des activités extra financières, ainsi que les outils et approches de création de valeur des entreprises prospectées. Pour ce faire, nous allons nous servir des réponses fournies par les parties prenantes internes et externes pour plus de représenté et surtout, de fiabilité des résultats obtenus. Ainsi, nous allons premièrement caractériser la RSE et la création de valeur au sein des entreprises ; et par la suite, nous allons effectuer un rapprochement de ces deux concepts pour une première analyse de l'incidence de la RSE sur la création de valeur.

I - 1 - Identification et caractérisation de la RSE et de la création de valeur via

les parties prenantes

Dans cette sous-section, nous allons essentiellement caractériser les activités de responsabilité sociale de l'entreprise, telles que perçues par les parties prenantes (internes et externes). Nous allons donc y passer en revue tous les aspects de responsabilité sociétale que nous avons identifiés auprès des personnes rencontrées.

I - 1 - 1 - La RSE, un ancrage désormais réel dans les pratiques managériales

des entreprise

Pour mieux apprécier l'ancrage de la responsabilité sociétale dans les habitudes managériales des entreprises, nous avons adressé deux catégories de questionnaires à deux grands groupes de parties prenantes : les parties prenantes internes (PPI) et les parties prenantes externes (PPE). Dans cette sous-section, nous allons non seulement évaluer le degré de connaissance du concept de responsabilité sociétale par les parties prenantes, mais plus encore, apprécier les pratiques RSE au sein des entreprises pour lesquelles elles sont des PP.

I - 1 - 1 - 1 - Connaissance du concept de responsabilité sociétale de l'entreprise

Il a été demandé aux parties prenantes rencontrées, après leur avoir défini le concept de Responsabilité Sociétale de l'Entreprise, si elles en avaient déjà entendu parler auparavant. Le tableau ci-dessous résume les réponses des 44 PPI33(*) et des 92 PPE34(*).

Tableau 4.1 : Connaissance de la RSE par les parties prenantes

Variables

Modalités

Fréquences

Pourcentage

% cumulé

Connaissance de la RSE par les PPI

Oui

32

72,70

72,70

Non

12

27,30

100.00

Connaissance de la RSE par les PPE

Oui

34

37.00

37.00

Non

58

63.00

100.00

Il ressort du tableau ci-dessus que le concept de RSE est plus connu en interne qu'en externe. En effet, 72,70% des parties prenantes internes ont déjà entendu parler de responsabilité sociétale de l'entreprise contre seulement 37,00% qui en ont déjà entendu parler en externe. L'on pourrait en déduire que les employés ne sont pas mis à la marge en ce qui concerne la mise en oeuvre de la RSE par leurs entreprises. Aussi, le faible taux de connaissance du concept de la RSE par les PPE serait synonyme d'une communication financière (ou extra financière) insuffisante de la part des entreprises.

Après leur avoir expliqué la signification du concept de RSE, nous avons demandé à nos deux catégories de parties prenantes si elles pensaient qu'il était du domaine des managers de s'occuper des enjeux managériaux. Les réponses fournies par elles sont comprises dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.2 : Les enjeux sociaux et environnementaux incombent aux managers

Variables

Modalités

Fréquences

Pourcentage

% cumulé

Avis des PPI

Oui

27

61.40

61.40

Non

17

38.60

100.00

Avis des PPE

Oui

82

89.10

89.10

Non

10

10.90

100.00

La lecture du tableau ci-dessus montre que la majorité des parties prenantes (internes et externes) approuvent l'idée de la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux par les managers. Avec une forte tendance pour les PPE qui souhaitent une forte implication des managers (à 89.10% contre seulement 61.40% pour les PPI) dans des activités sociales et environnementales.

Pour comprendre ce phénomène, nous avons demandé aux PPI qui réfutaient l'idée de la prise en compte des enjeux sociaux par les managers, pourquoi elles s'y opposaient. Leurs réponses sont tous orientées vers l'idée selon laquelle, la RSE réduirait le montant des primes qui leur auraient été allouées en l'absence d'activités extra financières. Autrement dit, ils soutiennent ainsi, indirectement, la thèse de la négativité entre RSE et création de valeur partenariale.

Cette situation somme toute choquante, nous a poussé à accorder une attention particulière aux parties prenantes internes sur un ensemble de variables relatives à leur environnement de travail.

I - 1 - 1 - 2 - Appréciation de la RSE en interne

Pour mesurer la responsabilité sociétale en interne, nous nous sommes adressés uniquement aux employés sur des questions relatives au climat social, au respect de l'équilibre régional et de la parité Homme-Femme en entreprise, aux conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, et surtout à la rémunération. Pour faciliter la lisibilité et la lecture des résultats, nous les avons regroupés dans un tableau synthétique.

De ce tableau, il ressort que le climat social qui est serein à 59,10% des cas et moyennement serein à 40,90% des cas, illustre, pour une première analyse, une RSE acceptable en interne. Mais cette situation est remise en cause par un non respect remarquable ni de la parité des sexes, ni de l'équilibre régional dans les politiques d'embauches. Le déséquilibre entre les sexes a été très fortement noté dans les entreprises industrielles (Nestlé et Total) dont la main d'oeuvre qualifiée est plus masculine que féminine. Quant au déséquilibre régional, il a été attribué au fait que l'embauche des autochtones est prioritaire.

Tableau 4.3 : Tableau d'appréciation de la RSE en interne

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

Climat social en entreprise

Serein

26

59,10

59,10

Moyennement serein

18

40,90

100,00

Respect de la parité Homme-Femme

Relativement

19

43,20

43,20

Pas du tout

25

56,80

100,00

Respect de l'équilibre régional

Relativement

10

22,70

22,70

Pas du tout

34

77,30

100,00

Conditions de travail

Assez bonnes

24

54,50

54,50

Bonnes

20

45,50

100,00

Conditions d'hygiène

Bonnes

20

45,50

45,50

Très bonnes

24

54,50

100,00

Conditions de sécurité

Bonnes

16

36,40

36,40

Très bonnes

28

63,60

100,00

Rémunération du personnel juste

Oui

38

86,40

86,40

Non

6

13,60

100,00

Rémunération du personnel régulière

Oui

33

75,00

75,00

Non

11

25,00

100,00

Cependant, s'agissant des conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, le résultat est dans l'ensemble satisfaisant. Aussi, cette situation louable est corroborée par une rémunération non seulement régulière (à 75,00 %), mais également juste (pour 86,40 % des salariés).

Les rémunérations étant justes et régulières, les entreprises devraient susciter une certaine confiance auprès de leurs salariés. Tel semble ne pas être le cas si on se fie aux résultats contenus dans le tableau ci-après.

Tableau 4.4 : Appréciation du degré de confiance accordé par les PP à leurs entreprises

Variables

Modalités

Fréquences

Pourcentage

% cumulé

Entreprises dignes de confiance selon les PPI

Pas d'accord

18

40,90

40,90

Un peu d'accord

26

59,10

100.00

Entreprises dignes de confiance selon les PPE

Oui

92

100,00

100,00

Non

0

0,00

100.00

En effet, il ressort du tableau ci-dessus que, la justesse et la régularité des rémunérations ne suffisent pas pour s'accorder la confiance des salariés, car la disparité des sexes et le déséquilibre régional dans les politiques d'embauche entament sévèrement cette confiance. Ainsi, du point de vue des salariés, les entreprises sont très peu dignes de confiance ; contrairement aux parties prenantes externes qui accordent toute leur confiance aux entreprises.

Qu'en est-il du volet environnemental de la responsabilité sociétale ?

I - 1 - 2 - Engagements externes des entreprises prospectées

Pour mesurer cet aspect de la RSE, nous avons jugé utile de nous adresser aux parties prenantes internes, car elles participent activement à la mise en oeuvre des actions RSE tant en interne qu'en externe. Les différentes questions qui leur ont été posées sont relatives à la protection de la couche d'ozone et aux actions RSE vis-à-vis de la société. Les réponses ont également été regroupées dans un tableau synthétique pour faciliter leur lecture et interprétation.

Tableau 4.5 : Engagement RSE vis-à-vis de l'extérieur

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

Entreprise respecte les normes anti-pollution

Souvent / Parfois

14

31,80

31,80

Régulièrement

30

68,20

100.00

Entreprise réalise des oeuvres sociales

Oui

36

81,80

81,80

Non

8

18,20

100.00

Développement local de la communauté

Oui

31

70,50

70,50

Non

13

29,50

100,00

Entreprise assure une bonne gestion des déchets

Pas du tout d'accord

35

79,50

79,50

Pas d'accord

9

20,50

100,00

Entreprise engagée dans la prévention des risques environnementaux

Oui

26

59,10

59,10

Non

18

40,90

100,00

Le tableau ci-dessus montre que les entreprises sont fortement impliquées dans la RSE en externe. Elles respectent régulièrement les normes anti-pollution (68,20%). Elles réalisent pour la majorité, des oeuvres sociales et sont très fortement impliquées dans le développement local de la communauté (à hauteur de 70,50%) ; assurent très peu, une bonne gestion des déchets, mais restent quand même engagées dans la prévention des risques environnementaux. C'est sans doute ce qui justifie la confiance que leur accordent les parties prenantes externes.

Ainsi, il ressort clairement de ce qui précède que les actions RSE des entreprises ne sont plus à démontrer. Mais quelques aspects restent à améliorer. C'est notamment le cas de la parité des sexes ou de l'équilibre régional dans les politiques d'embauche et de la gestion des déchets. C'est également le cas des rémunérations dont la justesse est remise en cause par certains employés. Mais ce dernier point prête à confusion, surtout lorsqu'on sait que les employés en demandent toujours un peu plus qu'ils n'en perçoivent.

Ayant identifié et dégagé les spécificités des actions RSE dans ces entreprises, nous allons maintenant nous intéresser à la possibilité de ces actions à créer de la valeur pour elles.

I - 2 - RSE et Création de Valeur : émergence d'une vision partenariale coopérative

Les développements qui viennent d'être faits illustrent clairement que l'approche de création de valeur prônée par nos entreprises est la valeur partenariale. Elles s'appuient sur leurs responsabilités sociétales comme véritables leviers de création de valeur ajoutée pour leurs clients et pour l'ensemble de leurs partenaires économiques et sociaux.

Dans cette section, nous allons d'abord identifier les indicateurs privilégiés de création de valeur, c'est-à-dire les indicateurs de création de valeur les plus utilisés au sein des multinationales prospectées. Par la suite, nous allons apprécier l'évolution de ces indicateurs dans le temps. Enfin, nous allons apporter plus de lumière sur la forme de valeur créée par nos multinationales ; s'agit-il d'une valeur actionnariale, ou bien d'une valeur partenariale.

I - 2 - 1 - Des indicateurs classiques pour apprécier la valeur créée par les

Multinationales

Conformément à nos hypothèses de recherche, il importe de connaitre, parmi les multiples indicateurs de surplus et de ressources additionnelles générées par l'entreprise, ceux les plus utilisés au sein des entreprises dont les parties prenantes constituent un échantillon de notre travail. Pour ce faire, il a été demandé aux parties prenantes internes de ces entreprises, de cocher, parmi un ensemble d'indicateurs, celui qu'elles privilégient pour évaluer le surplus créé et les ressources additionnelles générées. Les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.6 : Appréciation de la création de valeur par les multinationales prospectées

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

Clients réguliers et croissants

Moyenne

13

29,50

29,50

Absolument

31

70,50

100.00

Entreprise évalue la création de valeur

Oui

44

100,00

100,00

Non

00

00,00

100,00

Indicateur privilégié d'évaluation du surplus

Chiffre d'affaires

39

88,64

88,64

Résultat

3

6,82

95,46

BFR

2

4,54

100,00

Indicateur privilégié d'évaluation des ressources additionnelles

Retour sur investissement

3

6,80

6,80

Chiffre d'affaires

4

9,10

15,90

Résultat net

37

84,10

100,00

La lecture du tableau ci-dessus montre que la création de valeur est une réalité au sein des entreprises prospectées. En effet, non seulement les clients y sont réguliers, mais ils y sont également croissants. De plus, ces entreprises évaluent la valeur qu'elles créent sur la base de certains indicateurs qui, pour la plupart, demeurent des indicateurs classiques.

En effet, les indicateurs d'appréciation de la valeur demeurent, pour l'essentiel, des indicateurs dépassés dans d'autres contextes.

Ainsi, pour ce qui est du surplus créé en entreprise, parmi les multiples indicateurs qui existent de nos jours, nos entreprises se réfèrent encore au chiffre d'affaires, au résultat net de l'exercice et au besoin en fonds de roulement. L'indicateur privilégié de mesure du surplus est de loin le chiffre d'affaires (à hauteur de 88,64 %). C'est dire que les indicateurs sophistiqués que sont la valeur ajoutée économique, la valeur ajoutée de marché et le free cash flow entre autres, demeurent non utilisées au sein de nos entreprises dans l'évaluation du surplus.

Il en est de même pour les indicateurs de ressources additionnelles générées par nos entreprises. La lecture du tableau ci-dessus fait en effet ressortir que l'indicateur privilégié de mesure des ressources additionnelles est le résultat net (à hauteur de 84,10 %) suivi du chiffre d'affaires (à hauteur de 9,10 %) et le return on investment (pour seulement 6,80%).

Dans cette perspective, pour la suite de ce travail, nous retiendrons le chiffre d'affaires comme indicateur privilégié d'évaluation du surplus créé, et le résultat net comme indicateur privilégié des ressources additionnelles générées par les entreprises prospectées. Ceci dit, pour évaluer la création de richesse au sein de nos entreprises, nous n'avons qu'à apprécier l'évolution de leur chiffre d'affaires et résultat net dans le temps. Pour ce faire, nous avons demandé à nos différents répondants (les salariés rencontrés) quel était le trend des indicateurs privilégiés de création de valeur au sein de leurs structures. Les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.7 : Evolution des indicateurs privilégiés de création de valeur

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

Evolution du chiffre d'affaires

Croissant

38

86,40

86,40

Constant

6

13,60

100.00

Evolution des trois derniers résultats nets

Bon

33

75,00

75,00

Plutôt bon

11

25,00

100,00

Les données du tableau ci-dessus ne font que confirmer les résultats du tableau précédent (tableau 4.6). Il en ressort que nos entreprises créent continuellement du surplus à travers un chiffre d'affaires sans cesse croissant depuis trois ans. En ce qui concerne les entreprises MTN et Orange, cela s'explique par le fait que bon nombre de clients choisissent désormais de s'abonner dans les deux réseaux.

Aussi, nos entreprises génèrent en permanence des ressources additionnelles, car elles affichent un résultat net bon à 75 % et plutôt bon à 25 %. Ces remarquent nous mènent à une première conclusion selon laquelle la création de valeur est une réalité au sein des entreprises multinationales au Cameroun.

Face à cet des choses, l'on aimerait connaitre les sources de la valeur créée par ces entreprises. En effet, quelles sont les pratiques managériales tributaires de la création de valeur au sein des multinationales au Cameroun ? Pour répondre à cette interrogation, nous avons émis l'hypothèse selon la quelle les actions socialement responsables de ces entreprises seraient, en majeure partie, à l'origine des richesses créées par ces entreprises sur le long terme.

I - 2 - 2 - Pour une première analyse de l'incidence de la RSE sur la création de valeur

Les questions sur la possibilité pour les actions socialement responsables à créer de la richesse pour l'entreprise ont été posées aussi bien aux parties prenantes internes qu'aux parties prenantes externes. Les résultats ont donc été analysés en deux étapes.

I - 2 - 2 - 1 - La RSE comme levier de création de valeur pour les PPI

Les employés que nous avons rencontrés nous ont donné leurs avis distinctifs sur la capacité de la RSE à créer de la valeur pour l'entreprise. Nous leur avons posé les questions dans un ordre constructiviste allant du court terme (RSE comme levier de couverture du risque de réputation) au moyen et long terme (RSE comme levier de performance globale). Les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous :

Tableau 4.8 : RSE et création de valeur selon les parties prenantes internes

Variables

Modalités

Fréquences

Pourcentage

% cumulé

RSE influence image et réputation de l'entreprise

Oui

44

100,00

100,00

Non

00

00,00

100,00

Impact RSE sur la performance globale

Oui

30

68,20

68,20

Non

14

31,80

100,00

Activités RSE créent de la valeur pour l'entreprise

Oui

44

100,00

100,00

Non

00

00,00

100,00

La lecture du tableau ci-dessus montre que dans l'ensemble, les parties prenantes internes soutiennent l'idée selon laquelle les pratiques de responsabilité sociétale contribuent à créer de la valeur pour l'entreprise. On y voit en effet que l'influence de la responsabilité sociétale sur l'image et la réputation est totale (100 %). Autrement dit, la logique d'action des activités RSE à court terme vise plus à préserver la clientèle qu'à réaliser des profits. Ces entreprises sont donc prêtes à engager des sommes énormes pour réaliser des investissements RSE. C'est ce qui explique sans doute pourquoi les clients de ces entreprises sont réguliers et croissants (voir tableau 4.6). De plus, selon les PPI, la RSE aurait un impact notoire sur la performance globale de l'entreprise (pour près de 70%) et une influence parfaite sur la création de valeur.

Tels sont les arguments des parties prenantes internes. Cependant, les clients, les sous-traitants, fournisseurs, ONG, bref les autres parties prenantes sont également concernées par les activités des entreprises. Il est donc judicieux d'analyser leur point de vue sur l'aptitude de la RSE à créer de la valeur.

I - 2 - 2 - 2 - La RSE comme levier de création de valeur pour les PPE

Les autres parties prenantes auxquelles nous nous somme intéressées ont également donné leur avis sur l'aptitude des actions socialement responsables à créer de la valeur. les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.9 : RSE et création de valeur selon les parties prenantes externes

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

La RSE influence l'image et la réputation de l'entreprise

Oui

80

87,00

87,00

Non

12

13,00

100.00

La RSE a un impact sur la performance des entreprises

Oui

92

100,00

100,00

Non

0

0,00

100.00

Nature de l'impact de la RSE sur la performance de l'entreprise

Positif

84

91,30

91,30

Négatif

8

8,70

100,00

La lecture de ce tableau montre que, tout comme ce fut le cas avec les parties prenantes internes, les parties prenantes externes plaident également en faveur de l'aptitude de la RSE à créer de la valeur pour l'entreprise. Mais, les parties prenantes externes ont une position plutôt relative. En effet, seuls 87,00% d'entre eux pensent que la RSE influence l'image et la réputation de l'entreprise. En effet, ceux qui ne sont pas de cet avis pensent que « la fidélité d'un client n'est pas toujours le fruit d'actions extra financières souvent jugées trop flatteuses par certains d'entre eux ».

De plus, tous pensent que la RSE a bel et bien une incidence sur la création de valeur. Mais, cette incidence est aussi bien positive (à hauteur de 91,30%) que négative (à hauteur de 8,70%). Ils rejoignent ainsi le flou théorique qui persiste sur lien qui existerait entre la RSE et la performance globale de l'entreprise.

Cependant, la majorité des avis sont en faveur de l'aptitude des actions RSE à créer de la valeur pour les entreprises (100% pour les parties prenantes internes et 91,30% pour les parties prenantes externes). C'est la raison pour laquelle nous nous intéressons à la destination de la valeur ainsi créée par les entreprises. En effet, à qui est destinée la richesse ainsi créée et sous quelles formes ?

I - 2 - 3 - La création de valeur, une approche partenariale à dominante actionnariale

Les activités socialement responsables des entreprises constituent pour elles un moyen de communiquer l'approche partenariale de la création de valeur qu'elles prônent. Cependant, seuls les stakeholders internes et externes sont jugés plus aptes à apporter de la lumière sur les l'approche de création de valeur dominante au sein de nos multinationales.

Pour l'analyse facile et comparative des résultats, nous allons une fois de plus présenter séparément les résultats issus de nos entretiens en deux étapes : l'approche de création de valeur selon les parties prenantes internes et selon les parties prenantes externes.

I - 2 - 3 - 1 - Approche de la création de valeur selon les stakeholders internes

Pour apprécier l'approche de création de valeur en interne, nous avons posé des questions aux employés rencontrés sur des points ayant trait au partage de la valeur ajouté, à la forme et la fréquence sous laquelle cette valeur leur était attribuée, pour enfin déboucher sur l'intensité de la contrainte actionnariale qui prévaut en entreprise. Les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.10 : Appréciation de l'approche de création de valeur selon les PPI

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

Entreprise partage la valeur créée avec les employés

Oui

34

77,30

77,30

Non

10

22,70

100.00

Forme de partage de la valeur créée

Bonifications

34

77,30

77,30

Stock option

00

00,00

77,30

Fréquence de partage de la valeur créée

Occasionnellement

26

59,10

59,10

Très rarement

8

18,20

77,30

Appréciation de l'intensité de la contrainte actionnariale

Très forte

18

40,90

40,90

Forte

26

59,10

100,00

A la lecture du tableau ci-dessus, on constate que les entreprises prospectées partagent effectivement la valeur créée (pour 77.30% des répondants). Mais, cette valeur n'est partagée uniquement que sous la forme des bonifications. Il n'existe donc pas de possibilité pour ces employés de devenir actionnaires (politique de stock options). Et même, lorsque cette valeur est partagée sous forme de bonifications, celles-ci ne leur sont pas attribuées tout le temps. Elles ne leur sont attribuées qu'occasionnellement (59,10 %) et très rarement (18,20 %). Ce qui nous mène logiquement au constat selon lequel la contrainte actionnariale est soit forte (59,10%) soit très forte (40,60%).

On comprend donc que l'idée de la valeur partagée longtemps véhiculée par nos entreprises est une poudre aux yeux et non une véritable redistribution de richesse.

Cependant, ce constat, bien que pertinent, est réalisé en interne, car issu des parties prenantes internes. Qu'en est-il des parties prenantes externes ?

I - 2 - 3 - 2 - Approche de la création de valeur selon les stakeholders externes

Pour apprécier l'approche de création de valeur en externe, nous avons posé des questions aux stakeholders externes rencontrés sur des points ayant trait au partage de la valeur ajouté, à la forme et la fréquence sous laquelle cette valeur leur était attribuée. Les résultats sont contenus dans le tableau ci-dessous.

Tableau 4.11 : Appréciation de l'approche de création de valeur selon les PPE

Variables

Modalités

Fréquences

%35(*)

% cumulé

La valeur créée par l'entreprise est partagée

Oui

68

73,90

73,90

Non

24

26,10

100.00

Forme de partage de la valeur créée

Réductions

6

6,52

6,52

Jeux concours

28

30,43

36,95

Activités culturelles

34

36,95

73,90

Fréquence de partage de la valeur créée

Occasionnellement

24

26,10

26,10

Très rarement

44

47,80

73,90

De la lecture du tableau ci-dessus, il ressort que la valeur créée par l'entreprise est également partagée entre les parties prenantes externes, à un taux relativement égal (73,90%) à celui des parties prenantes internes (77,30%). Ce qui confirmerait que toute la valeur créée n'est pas partagée avec les stakeholders. De plus, les formes de partage des richesses créées sont plus générales (jeux concours et activités culturelles) qu'individuelles (réductions et autres ristournes) et pis encore, cette valeur partagée est très rarement ressentie par les parties intéressées.

Ces résultats viennent ainsi corroborer ceux précédemment obtenus sur les stakeholders internes. Le partage de la valeur, tel qu'effectué par nos entreprises, serait donc une véritable poudre aux yeux des différentes parties intéressées. On conclut donc, pour une première analyse, que l'approche de création de valeur des multinationales prospectées est une approche partenariale à dominante actionnariale. C'est d'ailleurs ce qui ressort du tableau ci-dessous sur l'approche de création de valeur prédominante dans les entreprises prospectées.

Tableau 4.12 : Approche de création de valeur prédominante dans les multinationales

Variables

Modalités

Fréquences

Pourcentage

% cumulé

Approche de création de valeur selon les PPI

Actionnariale

30

68,20

68,20

Partenariale

14

31,80

100.00

Approche de création de valeur selon les PPE

Actionnariale

62

67,40

67,40

Partenariale

30

32,60

100.00

Le tableau ci-dessus est une illustration supplémentaire de l'approche actionnariale de la création de valeur dominante dans les entreprises prospectées. En effet, s'il est vrai qu'elles créent de la valeur pour l'ensemble de la communauté à travers leurs engagements sociaux et environnementaux, il n'en est pas moins que la valeur créée revient prioritairement aux actionnaires. C'est d'ailleurs le point de vue des parties prenantes internes pour qui 68,40% de la valeur créée reviendrait aux actionnaires. C'est également le point de vue des parties prenantes externes pour qui 67,40% de la valeur créée reviendrait aux actionnaires.

Cependant, quelque soit la destination de la valeur créée, l'objectif de ce travail demeure d'établir le lien entre les actions de responsabilité sociétale et la richesse créée par les entreprises. La deuxième section de ce travail y est entièrement consacrée à travers la vérification de nos hypothèses de recherche.

Section 2 : MISE EN EXERGUE DES TYPOLOGIES DU LIEN DE CAUSALITE

ENTRE RESPONSABILITE SOCIETALE ET CREATION DE RICHESSE

Cette section a pour objectif de dégager le lien entre les pratiques de responsabilité sociétale et la création de valeur. Pour y parvenir nous avons, à travers les tests de vérification d'hypothèses, procédé à plusieurs types d'analyses à travers le logiciel SPSS version 13. Cette section retrace successivement l'incidence des activités RSE sur la création du surplus en entreprise ; l'impact des meilleurs politiques RSE en interne sur les ressources additionnelles et l'influence des stakeholders sur la valeur créée en entreprise.

II - 1 - Incidence des activités extra financières sur la création du surplus en entreprise

Ce sous-paragraphe vise principalement à tester notre première hypothèse qui stipule que `les activités extra financières de l'entreprise contribuent positivement à créer du surplus'. Pour ce faire, nous devons identifier parmi la pléthore d'activités extra financières de l'entreprise, lesquelles sont les plus importantes pour en mesurer l'incidence sur l'indicateur privilégié du surplus qu'est le chiffre d'affaires.

II - 1 - 1 - Sélection des activités extra financières les plus pertinentes

Comme nous l'avion annoncé dans le chapitre précédent, nous avons effectué une analyse factorielle en composantes multiples (AFCM) chaque fois qu'il était question de sélectionner parmi plusieurs variables, celle(s) qui serai(en)t la (les) plus pertinente(s) pour nos analyses. Ainsi, pour sélectionner les activités extra financières les plus marquantes, nous avons effectué une AFCM sur l'ensemble des activités RSE des entreprises prospectées. Rappelons en outre que, pour la vérification de cette hypothèse, nous nous sommes servis uniquement du questionnaire des employés (parties prenantes internes), car ils sont plus à même de fournir des informations sur l'évolution du chiffre d'affaires et l'ensemble des pratiques RSE de leurs entreprises.

Ainsi, pour ressortir les variables d'activités financières les plus pertinentes, nous avons introduit plusieurs variables y afférentes, notamment la rémunération du personnel (juste et régulière), le respect des normes anti pollution, la réalisation de projets sociaux, gestion des déchets et le développement local de la communauté entre autres.

Les résultats de l'analyse factorielle en composantes multiples sont donnés par la figure ci-dessous.

Il ressort de la figure ci-dessus que la rémunération juste du personnel est la variable la plus éloignée de l'origine (l'axe horizontal) et est par conséquent, la variable la plus pertinent du modèle. Mais, cette variable à elle seule ne suffirait pas à représenter effectivement l'ensemble des activités RSE des entreprises prospectées, dont les actions extra financières s'étendent également à l'extérieur de l'entreprise.

Dans cette perspective, et par ordre d'importance, la rémunération du personnel est suivie par le développement local de la communauté et le respect des normes anti pollutions. Ces variables vont donc constituer les variables explicatives du modèle de régression. Nous pouvons désormais analyser le modèle de régression que nous prenons la peine de reformuler.

II - 1 - 2 - Analyse de l'incidence des activités extra financières sur le Surplus créé

Le modèle de régression que nous allons estimer est de la forme suivante :

S = â0 + â1*REMjust + â2*DEVloc + â3*NORMpol + åt

- S : le surplus créé par l'entreprise représenté par le chiffre d'affaires ;

- REMjust : la rémunération juste des employés comme politique RSE en interne ;

- DEVloc : le développement local de la communauté (RSE en externe) ;

- NORMpol : le respect des normes anti pollutions comme RSE environnementale ;

- â0, â1, â2, â3 les coefficients de régression ;

- å: le terme d'erreur.

Le test de régression multiple que nous avons effectué s'est fait dans le stricte respect de certaines conditions préalables à tout test de régression, notamment la linéarité, la normalité et l'absence d'auto corrélation des erreurs. Rappelons en outre que le test de régression est effectué au seuil de risque prédéfini de 5 %, soit à un intervalle de confiance de 95%.

Les résultats du test de régression sont contenus dans le tableau ci-dessous :

La lecture du tableau ci-dessous ressort une influence ambigüe des activités extra financières sur le chiffre d'affaires.

En effet, les bêtas des variables « respects des normes anti pollution » et « développement local de la communauté » respectivement de 0,060 et 0,032 sont très faibles et presque nuls. De plus, ces valeurs ne sont pas significatives au seuil de risque prédéfini (á = 0.05), car leurs seuils de signification calculés sont de 0,766 pour le respect des normes anti pollution et de 0,869 pour le développement local de la communauté. Ce qui traduirait, du point de vue de ces deux variables, l'effet neutre de la RSE sur la création de valeur. Ce résultat n'est pas surprenant puisque nombreux sont les travaux qui ont abouti à une incidence nulle ou très faible de la RSE sur performance globale (Aupperle et al., 1985; Griffin et Mahon, 1997, entre autres).

De plus, ces résultats sont corroborés par des valeurs du R2 et R-deux ajusté certes significatifs, mais faibles. Comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Cependant, la valeur du R qui est de 0,543 et la signification de R2 et R2 ajusté de 0,042 inférieure au seuil de risque prédéfini 0,05 illustrent l'ambigüité de nos résultats. Nos résultats sont autant plus ambigus que le béta de la troisième variable (rémunération du personnel juste) est significatif au seuil á = 5%. En effet, pour cette dernière variable, â1 = 0.525 et ñ = 0.017 traduisant ainsi un lien positif entre rémunération du personnel et création de valeur. Ce qui serait d'ailleurs en phase avec les résultats de Mc Guire et al. (1988) qui entrevoient une relation positive entre responsabilité sociétale et performance financière.

La conclusion qu'on peut en tirer est que « les activités extra financières contribuent positivement mais très faiblement à créer du surplus en entreprise ». Ce qui nous pousse à accepter notre première hypothèse avec beaucoup de réserves, car l'influence de la RSE sur la création du surplus, est certes positive, mais très maigre.

Nous venons de montrer l'influence de la RSE sur la création du surplus (croissance du chiffre d'affaires). Il en ressort une influence plutôt timide voire mitigée des activités extra financières sur la création de surplus en entreprise. Qu'en est-il de l'influence des pratiques de ressources humaines (RSE en interne) sur la création des ressources additionnelles en entreprise.

II-2- Impact des politiques internes de RSE sur la création des ressources additionnelles

Ce sous paragraphe ambitionne de valider notre deuxième hypothèse selon laquelle une meilleure politique RSE en interne est un préalable à des ressources additionnelles en entreprise. Autrement dit, la responsabilité sociétale de l'entreprise envers ses salariés contribuerait à générer des ressources additionnelles.

La vérification de cette hypothèse va une fois de plus se limiter au questionnaire adressé aux salariés, car ces derniers sont les destinataires des activités RSE en interne. Ainsi, il nous faut d'abord identifier, parmi la pléthore des actions internes de responsabilité sociétale, celle qui est la meilleure. Par la suite, nous rapprocherons cette variable à l'indicateur privilégié de mesure des ressources additionnelles (le résultat net) pour en évaluer l'incidence sur ce dernier.

II - 2 - 1 - Processus d'identification de la meilleure pratique RSE en interne

Une fois de plus, pour identifier la meilleure pratique RSE en interne, nous avons effectué une analyse factorielle en composantes multiples (AFCM). Le résultat de cette analyse est contenu dans le tableau ci-dessous.

Il ressort du tableau ci-dessus que les conditions de travail constituent de loin la variable la plus éloignée de l'axe horizontal et par conséquent, la variable la plus pertinente de la RSE en interne (la meilleure pratique RSE en interne).

Il ne reste plus qu'a évaluer l'incidence des conditions de travail sur la création de ressources additionnelles dont l'indicateur privilégié dans nos multinationales est le résultat net. Cependant, l'une de nos variables (les conditions de travail) es nominale et l'autre variables (l'évolution du résultat net) est ordinale. De lus, les données issues de la mesure du résultat net sont qualitatives. Ce qui exclu la possibilité d'effecteur un test de régression et encore moins un test du Khi-deux. Dans une telle situation le test alternatif le plus approprié est l'analyse de la variance.

II - 2 - 2 - Analyse de l'impact de la meilleure politique RSE sur le résultat net

Le tableau ci-après est celui du résultat de l'ANOVA à un facteur mettant en relation les conditions de travail à l'évolution du résultat net au sein des multinationales dont les parties prenantes internes ont été interrogées. Il reprend successivement les valeurs du Fisher et du seuil de signification.

La lecture du tableau ci-dessus laisse apparaitre un F calculé de 28,00 nettement supérieur au F lu dans la table statistique de Fisher au seuil de risque á = 5 % et aux degrés de liberté ddl1 = 1 et ddl2 = 42. Nous rejetons donc l'hypothèse de la nullité de relation entre les variables, au profit de l'hypothèse alternative (notre hypothèse) selon laquelle une meilleure pratique RSE en interne est un préalable à des flux de ressources additionnelles.

Ce résultat est d'ailleurs significatif au seuil de risque prédéfini dans la mesure où le seuil asymptotique de signification de notre test est nettement inférieur au degré de risque prédéfini (seuil asymptotique de signification = 0,000 < degré de risque = 0,05).

Autrement dit, les conditions de travail expliquent significativement les variations du résultat net. Il existe donc un lien positif significatif entre les conditions de travail et le résultat net.

Cette hypothèse vient ainsi consolider le lien fragile préalablement établi entre pratiques de responsabilité sociétale et création de surplus. Il ne nous reste plus qu'à déterminer l'influence des stakeholders sur la valeur créée en entreprise.

II - 3 - Influence des stakeholders sur la valeur créée en entreprise

Dans cette sous-section, il s'agit de rapprocher les avis de nos deux catégories de répondants sur le partage de la valeur créée par les multinationales dont elles sont des parties prenantes. L'objectif ici est de découvrir si les stakeholders influencent conjointement le partage de la valeur qu'ils contribuent à créer pour leurs multinationales. Nous allons par la même occasion, valider ou réfuter notre troisième et dernière hypothèse selon laquelle  les stakeholders influencent significativement le partage de la valeur créée en entreprise.

Pour ce faire, nous devons rapprocher les réponses issues de nos deux échantillons différents c'est-à-dire celui des parties prenantes internes d'une part et des parties prenantes externes d'autre part. Dans ce cas, c'est un test de comparaison qui est le plus approprié.

Ainsi, nous avons opté pour un test de comparaison des moyennes, en l'occurrence le test t de student sur échantillons indépendants. Nous avons ainsi pu rapprocher l'avis des salariés à celui des autres stakeholders concernant le partage de la richesse créée par leurs multinationales. Les résultats sont présentés ci-après, le test étant toujours effectué au seuil de risque de 5%.

Le tableau ci-dessus récapitule les statistiques du test t sur échantillons indépendants. Il fait état des moyennes dont la différence serait comprise dans l'intervalle de confiance. Nous ne pouvons pas encore nous prononcer à cet effet. Nous le ferons après avoir interprété les valeurs du tableau ci-dessous, tableau reprenant les valeurs du test t sur échantillons indépendants.

En effet, il ressort du tableau ci-dessus que, sous l'hypothèse des variances égales, la différence des moyennes d'une valeur de - 0,4417 est bel et bien comprise dans l'intervalle de confiance [- 0,6925 : - 0,1909]. De plus, la signification bilatérale du test, d'une valeur de 0,001, est nettement inférieure au seuil de risque prédéfini de 0,05. Cela nous amène à rejeter l'hypothèse nulle au profit de l'hypothèse alternative.

Ainsi, nous retenons notre hypothèse selon laquelle les stakeholders influencent significativement le partage de la valeur créée en entreprise.

De tout ce qui précède, il ressort que la responsabilité sociétale de l'entreprise est un levier de création de valeur parmi tant d'autres, car il existe des situations dans lesquelles sa contribution à la création de richesse est marginale et presque nulle. Mais, la RSE reste un outil stratégique pour faire face à la concurrence comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Tableau 4.18 : RSE comme instrument stratégique de création de valeur concurrentielle

Variables

Modalités

Fréquences

%

% cumulé

RSE comme garant d'avantage concurrentiel selon les PPI

Oui

44

100,00

100,00

Non

00

00,00

100,00

RSE comme garant d'avantage concurrentiel selon les PPE

Oui

80

87,00

87,00

Non

12

13,00

100,00

Il ressort du tableau ci-dessus que, selon les parties prenantes internes et externes, la RSE est un outil stratégique garant d'un avantage concurrentiel à long terme. Ainsi, conformément à l'idée de couverture du risque de réputation, les managers d'entreprises en quête de plus grandes parts de marchés, gagneraient à mener leurs actions dans une perspective RSE sans cesse croissante.

C'est d'ailleurs ce qu'illustre la figue ci-dessous. Figure qui constitue un achèvement de notre modèle conceptuel précédemment défini et une synthèse des résultats de notre travail.

Figure 4.3 : Schéma de l'incidence de la RSE sur la création de valeur

Actions RSE Création de valeur

RSE en interne

Valeur actionnariale

Couverture du risque de réputation

Communication RSE

Valeur partenariale

RSE en externe

Long terme

Court terme

Comme l'illustre la figure ci-dessus, la responsabilité sociétale des multinationales prospectées contribue à créer de la valeur pour leurs actionnaires (valeur actionnariale), mais également pour leurs parties prenantes (valeur partenariale). En ce qui concerne les actions RSE proprement dites, la contribution des activités RSE en interne est notoire. Les actions de responsabilité sociétale envers les salariés contribuent directement à créer de la valeur pour les actionnaires et indirectement, à créer de la valeur pour toutes les parties prenantes dont ces salariés en font partie. Les activités RSE menées en externe quant à elles, contribuent indirectement à créer de la valeur aussi bien pour les shareholders que pour les stakeholders.

Pour ce qui est de la communication RSE, il s'agit des dépenses engagées dans les activités de reporting sociétal menées par les multinationales dans le but de conserver leur clientèle à court terme. Cette couverture du risque de réputation à court terme est garante de profit à long terme.

En effet, comme il a été établit à travers les vérifications d'hypothèses, les actions RSE contribuent positivement mais très faiblement à créer du surplus (H1) ; et en interne elles ont une incidence positive sur les ressources additionnelles générées par les entreprises (H2). Aussi, cette figue illustre le double enjeu que procurent les activités RSE, en créant de la valeur à long terme, tout en se couvrant du risque de réputation à court terme. Enfin, les activités RSE menées en interne peuvent directement agir sur la création de valeur à une échéance plus rapprochée, lorsque les conditions de travail sont favorables (H2).

En sommes, le présent chapitre nous a permis de découvrir les réalités de la responsabilité sociétale des entreprises et de la création de valeur au sein de quelques entreprises multinationales au Cameroun. Il a également établi le lien entre responsabilité sociétale et création de valeur dans un contexte où les multinationales se démarquent par leurs activités extra financières. Il s'en suit que le lien entre RSE et création de valeur est certes positif mais marginal. C'est dire que, dans notre contexte, l'incidence de la RSE sur la création de valeur est à califourchon entre la thèse de la neutralité et du positivisme dans le contexte des multinationales au Cameroun. Ce qui est en phase avec les résultats des travaux effectués dans d'autres contextes.

La seconde partie de ce mémoire consacrée à la découverte du lien entre responsabilité sociétale et création de valeur a présenté dans son ensemble, l'ensemble des étapes qui ont constituées la phase empirique de ce travail. Les résultats auxquels nous y avons aboutis nous permettent de dire avec conviction, que la responsabilité sociétale de l'entreprise traduit l'idée que l'existence du monde des affaires dépend de la société. Ainsi, les pratiques RSE en internes, notamment celles relatives aux conditions de travail et à la motivation du personnel, sont plus enclines à créer de la valeur tant pour les actionnaires que pour l'ensemble des parties prenantes. Toutefois, les actions envers la société civile et l'environnement ont un effet quasi nul sur la création de richesse. L'incidence de la RSE sur la création de valeur est donc certes positive mais très faible.

CONCLUSION GENERALE

Ce travail de recherche s'interrogeait au départ sur la nature du lien entre responsabilité sociétale et création de valeur. Elle a donné lieu à une analyse qui a abouti non seulement à la caractérisation des activités RSE et approches de création de valeur au sein de multinationales au Cameroun, mais également de découvrir la typologie du lien entre ces deux concepts. Le résultat auquel on y abouti est le fruit d'une approche déductive basée sur des méthodes quantitatives (tri à plat, analyse factorielle en composantes multiples, régression linéaire, analyse de la variance, test t sur échantillons indépendants).

Les concepts clés de ce travail de recherche sont la responsabilité sociétale des entreprises et la création de valeur. La problématique que nous y traitons est celle du lien de causalité entre responsabilité sociétale et création de valeur. Cette préoccupation nous a amené à retenir comme objectif principal, la découverte du lien de causalité entre RSE et création de valeur. Pour y parvenir, nous avons émis quelques hypothèses. La première est relative à l'incidence des activités extra financières des multinationales sur la création du surplus mesuré par le chiffre d'affaires. La deuxième est relative à l'impact des activités RSE en interne sur les ressources additionnelles au sein de ces multinationales. Enfin, la troisième porte sur la l'influence des parties prenantes, sur le partage de la valeur créée en entreprise.

Pour vérifier ces hypothèses, nous avons été enclins à collecter des données auprès de personnes ressources (les parties prenantes). Pour ce faire, nous avons établi deux questionnaires administrés à deux échantillons différents : les parties prenantes internes et les parties prenantes externes. En interne, nous avons administré un questionnaire aux employés de six multinationales opérant dans différents secteurs (téléphonie mobile, agroalimentaire, et brassicole). En externe, un questionnaire a été administré à aux stakeholders autres que les salariés de ces multinationales. Les taux de réponse ayant été satisfaisants, nous avons procédé à la codification, à l'analyse et à l'interprétation des données ainsi collectées.

Les différentes analyses que nous avons effectuées nous ont permises de constater dans un premier temps que les pratiques de responsabilité sociétale et la mesure de la création de valeur sont désormais une réalité au sein des multinationales au Cameroun. Les multinationales auxquelles nous nous sommes intéressés mesurent effectivement la création de richesse, mais elles se servent d'instruments classiques.

En effet, le chiffre d'affaires demeure l'indicateur de mesure par excellence du surplus créé ; tandis que le résultat net est l'indicateur privilégié de mesure des ressources additionnelles générées par les activités de l'entreprise. On note donc l'absence notoire d'indicateurs modernes et sophistiqués tels que la valeur ajoutée économique (EVA) et la valeur ajoutée de marché (MVA). Cela est sans doute dû, notamment en ce qui concerne la MVA, à la non insertion des multinationales prospectées sur le marché boursier de Douala.

En ce qui concerne l'aptitude des activités de responsabilité sociétale à créer de la valeur, le résultat est très peu satisfaisant. Il ressort en effet que les activités extra financières des multinationales prospectées ont une influence positive mais très faible sur la création du surplus. On note une forte aptitude des actions RSE menées en interne, à créer de la valeur pour l'entreprise. Ce qui n'est pas le cas pour les actions RSE en externes (développement local de la communauté et protection de l'environnement) dont l'aptitude à créer des richesses pour l'entreprise est quasi nulle, car très faible.

Les résultats de ce travail rejoignent donc deux grandes thèses auxquelles des travaux antérieurs à celui-ci ont abouti dans d'autres contextes. La première thèse est relative au lien positif qui existe entre la responsabilité sociétale et la création de valeur. La seconde a trait à l'absence de lien entre responsabilité sociétale et création de richesse. Il importe également de souligner que les actions RSE dont l'incidence sur la valeur est positive, génèrent un surplus prioritairement destiné aux actionnaires (valeur partenariale à dominante actionnariale).

Aussi, les entreprises justifient les dépenses engagées dans le reporting sociétal comme un moyen de conserver la clientèle à court terme. Autrement dit, la communication RSE contribue également à conserver et à créer de la valeur dans le long terme.

Ainsi, les dépenses de responsabilité sociétale ont un fondement purement économique, celui de proliférer des bénéfices à long terme. On se rapproche ainsi d'un type d'investissement qui aurait, à court terme, l'objectif d'appréhender certains problèmes environnementaux et sociaux afin de profiter de certaines facilités à long terme. Ces facilités sont relatives à l'obtention de crédits, à la suppression de certaines taxes et donc, à la réalisation du plus grand profit. Il s'agit d'un type d'investissement encore peu connu dans le monde de la recherche en sciences de gestion à savoir L'Investissement Socialement Responsable dont les caractéristiques et l'incidence sur la création de valeur feront l'objet de nos prochains travaux.

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* 2 Note d'information sur la responsabilité sociale des entreprises et les normes internationales du travail, Conseil d'administration, Bureau international du travail, Genève, novembre 2003.

* 3 Trusteeship : ce concept traduit, comme dans une relation d'agence, le management d'une entreprise par des dirigeants non actionnaires et les relations qui en découlent

* 4 « 3p » : People - Planet - Profit

* 5 CSR : de l'anglais Corporate Social Responsibility

* 6 Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement

* 7 L'exemplarité consiste à partir des cas d'entreprises précis qui ont fait preuve de succès en matière de rentabilité dans leurs démarches RSE et d'inciter leur généralisation pour en ressortir des modèles et des grilles applicables à toute entreprise.

* 8 Freeman (1984) accorde la paternité de la notion de stakeholder à une note interne du Stanford Research Institute (SRI, organisme de recherche et de conseil) de 1963.

* 9 Freeman R. E. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Boston, Pitnam Publishing Ink;

* 10 CFO : Communauté Finance Opérationnelle, Journal finacier quotidien finance, comptabilité, risque, trésorerie, crédit, etc. ; édition quotidienne du mercredi 23 Juin 2010 ;

* 11 M. Porter (1980), Competitive Strategy : Techniques for Analysing Industries and Competition, The Free Press, 1980, p13

* 12 Keiser A-M. (2002), Gestion financière Corrigé ; ESKA, 4ème édition, Collection Gestion, 228 Pages.

* 13 http://fr.wikipedia.org/wiki/R(c)sultat_net; Catégorie : soldes de gestion ;

* 14 Extrait de la « RECOMMANDATION N° 2001 -01 RELATIVE A LA COMMUNICATION DES EMETTEURS SUR LA CREATION DE LA VALEUR ACTIONNARIALE ; Bulletin COB N°356 Avril 2006.

* 15 VAN : Valeur actuelle nette, valeur actualisée des flux nets de trésorerie espérés d'un projet d'investissement

* 16 Charreaux G. (1998), Le point sur ... La mesure de la performance des entreprises, Banque et Marché, Vol 34, p 46-51 ;

* 17 www.12manage/MVAhtm - La Voie Rapide vers la Direction Générale. V10.5 - Dernière mise à jour : 7/23/2010

* 18 Le ratio Q, proposé par Tobin, constitue dans son principe une mesure de l'ensemble des rentes anticipées, sur un horizon infini.

* 19 Le ratio de Marris repose sur la même logique que le Q de Tobin, mais ne retient que les capitaux directement investis par les actionnaires.

* 20 Ratio de Sharpe : différence entre la rentabilité d'un titre et la rentabilité de l'actif sans risque divisée par l'écart type ou risque total.

* 21 OCDE (2001), Codes of Corporate Conduct: Expanded Review of their Contents. Working paper on international investment n° 2001/6 ;

* 22 Ngok Evina. J. F. (2009), Audit social et gouvernement d'entreprise : une relation en quête de sens, Revue Camerounaise de Management, RSB Janvier - Juin N°17 ; ESSEC, Douala, page 44 ;

* 23 Commission de l'Union Européenne, Livre Vert juillet 2001

* 24 A l'exception de certains pays d'Europe du Nord et de la Grande Bretagne. *Mon Juriste : réseau de droit et actualité internet. Section 1 : la gouvernance d'entreprise, une gouvernance de mode ; un article rédigé par Roches-Donavy V. (2007) ; publié le 26 Octobre 2007.

* 25 Situation dans laquelle une personne tente de façon opportuniste de tirer avantage d'une relation contractuelle ou d'une relation de confiance. Terme repris par Gérard LARCHER, ministre délégué à l`Emploi, journal La Tribune, Vendredi 17 mars 2006, p. 4.

* 26 Le Balanced Scorecard ou tableau de bord prospectif (Kaplan R. et Norton D., 1996) répond au double objectif de gérer les demandes des différentes parties prenantes de l'entreprise et traduire les stratégies en actions opérationnelles. La notion de sustainable balanced scorecard est une extension `naturelle' du Balanced Scorecard dans la mesure où ce concept reste ouvert à l'intégration de toutes perspective ou partie prenante pertinentes, notamment la perspective environnementale et sociale.

* 27 Friedman M. (1970), « The socialeresponsaibility of business is to increase its profits» New York Times Magazine, 13 september;

* 28 Source : Fichier des entreprises implantées au Cameroun de la chambre de commerce, d'industrie et de l'artisanat (CCIMA).

* 29 Ce document provient de « http://fr.wikipedia.org/wiki/MTN_Cameroun ».

* 30 http://fr.wikipedia.org/wiki/économie_du_Cameroun

* 31 Extrait du cours d'épistémologie de la recherche dispensé par Bekolo Ebe B. (2010) dans le cadre des enseignements en Master Recherche (DEA)

* 32 Cours de Méthodologie de la Recherche, Master II Sciences de Gestion, Nkakleu (2010)

* 33 PPI : Parties Prenante Internes

* 34 PPE : Parties Prenantes Externes

* 35 Il s'agit des pourcentages valides liés à l'existence de systèmes manquants pour les deux dernières questions (relatives à la forme et la fréquence de partage de la valeur créée)






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard