B- APPROCHES
La diversité des approches théoriques de la RSE
témoigne de la complexité de ce concept souvent
étayé par des thèses contradictoires.
Les analyses et les réflexions de Capron et Quairel
(2007) sur la RSE permettent de distinguer deux grandes approches de la RSE :
l'approche anglo-saxonne et l'approche latine. La première approche part
du principe selon lequel la RSE est un engagement volontaire des entreprises et
qu'on peut faire confiance au marché pour réguler ce volontariat.
A l'opposé, la seconde l'envisage plutôt comme une contrainte, une
obligation, un devoir des entreprises à s'engager envers la
société, dans un cadre règlementé par l'Etat.
La RSE se caractérise par deux conceptions: la
conception normative où l'entreprise se voit prescrire ce
qu'elle doit faire concrètement en matière de RSE, et la
conception analytique qui explique la stratégie de mise en
place d'une politique de RSE, les motivations et les démarches des
entreprises dans le cadre de la mise en oeuvre de la RSE.
Le cadre théorique de la RSE se divise également
en trois approches assez nettement délimitées : la vision
néolibérale, réticente vis-à-vis de la notion de
RSE ; la conception en termes de parties prenantes5
(stakeholders) ; enfin la perspective institutionnaliste.
Prônée par Milton Friedman qui est à
l'origine de cette approche, la vision néolibérale fut
pendant longtemps le concept dominant connu sous le nom de Shareholder model ou
du Profit-centred model6. Pour Friedman (1970), l'entreprise est
responsable uniquement devant les actionnaires, et doit par conséquent
pour satisfaire ces derniers, se concentrer sur la réalisation de ses
objectifs de profit, et non chercher à faire du social. L'argument
principal qui soutient cette approche est qu'en faisant du profit, l'entreprise
contribue indirectement à la croissance économique et à la
création d'emplois, et donc d'une certaine façon, est
déjà socialement responsable.
Mais les scandales économiques et écologiques
des années 80 - 90 remettent en cause cette approche, prouvant le
caractère potentiellement dommageable des activités des
entreprises à la société, et donc la
nécessité, pour elles, de prendre en compte non seulement le
profit, mais aussi les sphères sociales et environnementales.
5 Les parties prenantes (théorie de
stakeholders) d'une entreprise sont les acteurs avec lesquels ces
dernières est en relation. On distingue les parties prenantes
internes (actionnaires, salariés, syndicats) et les parties prenantes
externes (Etat, ONG, etc.)
6 Shareholder désignant les
détenteurs d'actions. Ce modèle s'oppose à celui
de stakeholders, car ici l'entreprise se limite et se concentre seulement
à la satisfaction des intérêts de ses actionnaires, et non
des autres parties prenantes.
6
7
L'approche par les parties prenantes (approche
contractuelle ou approche par les stakeholders) quant à elle, promue
activement par Freeman, est celle qui domine actuellement les travaux sur la
RSE. Freeman (1984) propose une autre conception, opposée à celle
de Friedman. L'entreprise doit désormais être
considérée, non plus comme une unité dont
l'activité est seulement orientée vers la production et le
profit, mais comme un noeud de contrats, qui associe les parties prenantes,
avec lesquelles, elle tisse des liens pour assurer son développement et
sa survie.
Cela signifie que l'entreprise ne s'auto suffit pas et par
conséquent ne doit pas orienter toutes ses activités uniquement
vers un seul but : le profit. Elle ne peut pas se replier sur elle-même
sans tenir compte de la société dans laquelle elle opère.
Elle doit être responsable envers tous ceux qui ont des enjeux dans les
affaires qu'elle mène, qu'il s'agisse d'individus, de groupes
d'individus ou de la société dans son ensemble.
Cette approche présente aussi ses limites : primo, les
grilles d'analyse7 qu'elle propose nécessitent
l'omniprésence des entreprises, qu'elles aient toutes les informations
possibles sur les parties prenantes. Secundo, elle tend à occulter les
rapports de force qui existent entre les entreprises et leurs parties
prenantes.
Enfin, l'approche institutionnaliste ouvre des
perspectives nouvelles dans le domaine de la RSE. Elle reste dominée par
la théorie des parties prenantes, mais, à la différence
qu'elle intègre les rapports de force entre les parties prenantes, et
prend en compte les questions d'éthique et de morale.
L'approche institutionnelle, met en évidence la
nécessité d'un cadre institutionnel pour armer les dispositifs de
la RSE8. Ainsi, la RSE devient une préoccupation
cadrée et gérée dans un échelon
macroéconomique, et non plus reposant sur des capacités
individuelles des entreprises à l'échelle
microéconomique.
7 Grille d'analyse basée sur le rôle
évolutif des institutions formelles (acteurs publics ou privés,
réglementation, etc.) ou informelles (valeurs, croyances,
etc.).
8 Nicolas Postel et Richard Sobel (2011)
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