Et le 11 Juin 1998, la C.I.J. rejette par un arrêt,
sept de huit exceptions soulevées par le Nigeria. Elle affirme sa
compétence pour traiter le différend et juge les requêtes
introductives et additionnelles du Cameroun recevables.
Le fait pour la C.I.J. d'avoir reçu les requêtes
du Cameroun a été un grand ouf de soulagement pour ledit pays.
En sus, la recevabilité par la C.I.J. de la
requête du Cameroun marque l'ouverture de la procédure sur le fond
de l'affaire de la frontière maritime et terrestre opposant le Cameroun
au Nigeria.
ANALYSE
JURIDIQUE SUR LES ARRETS, AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES DE LA C.I.J.
Dans cette section, nous aurons à analyser sur le plan
juridique les arrêts rendus par la C.I.J. (1) et les avis consultatifs et
ordonnances (2).
Analyse
juridique sur les arrêts rendus par la Cour
Il est d'une importance capitale que toutes les
« nations civilisées »((*)60) redonnent leur confiance en
la C.I.J. pour autant qu'elle est l'un des organes des Nations Unies à
qui incombe l'obligation de résoudre sur le plan du Droit bien entendu
le Droit International, les conflits internationaux lui soumis.
En effet, le rôle qu'a joué la C.I.J. dans
l'affaire de la frontière maritime et terrestre entre le Cameroun et le
Nigeria reste et demeure indéniable, incontesté et incontestable
pour un observateur averti. Ramener deux Etats frères et voisins,
longtemps plongés dans un différend frontalier insulaire ayant
causé des affres inestimables et tant d'autres conséquences
fâcheuses, néfastes dont la somme est difficilement calculable
pour ne pas dire impossible, n'est pas une mince affaire.
L'arrêt, faut-il savoir, est divisé en trois
parties à savoir.
- La première regroupe un ensemble
d'éléments disparates qui sont utiles à
l'individualisation de l'affaire : composition de la Cour, indication des
parties et de leurs représentants, analyse des faits, reproduction des
conclusions et des argumentations juridiques des parties.
- La seconde est consacrée à l'exposé
des motifs. En effet, la motivation de l'arrêt est obligatoire. Par ce
que sont en cause des Etats souverains dont le juge tient à
ménager la susceptibilité et par ce que le
règlement juridictionnel n'est souvent qu'un
élément d'un processus plus vaste de règlement du
différend, la motivation est nécessairement
très développée. Ce qui outre le style narratif
adopté explique la longueur des arrêts.
- La troisième consiste dans le dispositif,
c'est-à-dire l'exposé de la décision par laquelle la Cour
tranche le différend. C'est en fonction de lui que se détermine
le vote des juges, et non de l'exposé des motifs.
Le dispositif indique le nombre de voix obtenues par la
décision de la Cour. Pour déterminer l'appui obtenu par la
motivation auprès des juges, il est nécessaire de consulter les
« opinions individuelles et dissidentes ».
Quant aux arrêts rendus par la C.I.J., nous relevons
que :
· Par l'arrêt de la C.I.J. du 11 Juin
1998, la Cour rejette les sept des huit exceptions soulevées
par la République Fédérale du Nigeria dans l'affaire de la
frontière maritime et terrestre entre le Nigeria et le Cameroun.
Pour rappel, dans la première exception, le Nigeria
expose que la Cour n'a pas compétence pour connaître de la
requête du Cameroun. La Cour par son arrêt, soutient qu'en tout
état de cause elle est compétente pour connaître de la
requête du Cameroun. Dans la deuxième exception, le Nigeria
soutient que les parties au litige ont accepté de régler leur
différend frontalier au moyen des mécanismes bilatéraux
existants. Et la Cour par son arrêt, rejette dans sa totalité la
deuxième exception. Dans la troisième exception, la
république Fédérale du Nigeria soutient que le
règlement des différends frontaliers dans la région du Lac
Tchad relève de la compétence exclusive de la
commission du bassin du lac Tchad. Par son
arrêt su 11 Juin 1998, la Cour rejette cette troisième exception.
Dans la quatrième exception, le Nigeria expose que la Cour ne devrait
pas déterminer en l'espèce l'emplacement de la frontière
dans le Lac Tchad, dans la mesure où cette frontière constitue un
tripoint dans le lac ou est constituée par celui-ci. Par son
arrêt, la Cour rejette cette exception. Dans la cinquième
exception, le Nigeria expose qu'il n'existe pas de différend concernant
la « délimitation de la frontière en tant que
telle ». La Cour par son arrêt rejette cette exception. Au
niveau de la sixième exception, le Nigeria soutient qu'aucun
élément ne permet au juge de décider que la
responsabilité internationale du Nigeria est engagée à
raison de prétendues incursions frontalières. La Cour, par son
arrêt de 1998, procède au rejet de cette exception. Enfin, dans la
septième exception, la République Fédérale du
Nigeria soutient qu'il n'existe pas de différend juridique concernant la
délimitation de la frontière maritime entre les deux parties, qui
se prêterait actuellement à une décision de la Cour. La
Cour, par son arrêt, rejette la septième exception tout en
soutenant que la huitième exception n'a pas dans les circonstances de
l'espèce, un caractère exclusivement préliminaire.
L'on peut remarquer que la République du Cameroun,
très fidèle à la Cour, la prie dans sa requête, de
dire et juger : que la souveraineté sur la
presqu'île de Bakassi est Camerounaise, en vertu du droit international,
et que cette presqu'île fait partie intégrante du territoire de la
République du Cameroun ; que le Nigeria a
violé et viole le principe fondamental du respect des frontières
héritées de la colonisation (Uti possidetis juris) ; qu'en
utilisant la force contre la République du Cameroun, le Nigeria a
violé et viole ses obligations en vertu du droit international
conventionnel et coutumier ; que la responsabilité du Nigeria est
engagée par les faits internationalement illicites ci-dessus ;
qu'en conséquence, une réparation d'un montant à
déterminer par la Cour est due par le Nigeria à la
République du Cameroun pour les préjudices moraux,
matériels subis par celle-ci ; qu'afin d'éviter la
survenance de tout différend entre les deux Etats relativement à
leur frontière maritime, la République du Cameroun prie la Cour
de procéder au prolongement du tracé de sa frontière
maritime avec le Nigeria jusqu'à la limite des zones maritimes que le
Droit International a placé sous leur juridiction respective.
Cependant, le Nigeria conteste les arguments du Cameroun
contenus dans sa requête introductive d'instance et prie la Cour de
rejeter purement et simplement la requête camerounaise et de se
déclarer incompétente.
La Cour, par son premier arrêt, se déclare
compétente et juge la requête du Cameroun recevable.
La mission de la C.I.J. est de dire le Droit lorsqu'un
différend juridique d'ordre international est né. L'article 38
(1) du statut de la C.I.J., comme nous l'avions dit précédemment,
dispose que :
1°) La Cour, dont la mission est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique : les conventions
internationales, soit générales, soit
spéciales, la coutume internationale,
les principes généraux de droit, sous
réserve de la disposition de l'article 59, les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les
plus qualifiés des différentes nations comme moyen
auxiliaire de détermination des règles du droit. La
décision de la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litige et
dans le cas qui a été décidé.
2°) En outre, la Cour peut statuer ex aequo et bono,
c'est-à-dire selon l'équité, si les parties sont d'accord.
Toutefois, en plus des sources mentionnées par le
statut de la C.I.J., il existe aussi les « actes
unilatéraux des organisations internationales et des
Etats ». Il n'existe pas de hiérarchie entre ces
différentes sources du droit international. En revanche, les normes qui
en sont issues sont subordonnées entre elles à partir de deux
principes d'interprétation classiques : les normes spéciales
dérogent aux normes générales et la règle la plus
récente prime sur la règle la plus ancienne((*)61).
En effet, opinion juridique a généralement admis
que les juges internationaux recourent aux principes
généraux de droit pour
combler les lacunes du droit international. Considéré comme
l'épine dorsale du corps juridique international, Paul GUGGENEIM note
que « le recours aux principes généraux de droit permet
souvent de présumer l'existence d'un devoir juridique au lieu et place
d'un pouvoir discrétionnaire »((*)62).
Retenons que la Cour en jugeant recevable la requête
Camerounaise prouve aux yeux du monde, que dire le droit international
relève de sa compétence et surtout dans une matière
précieuse : la question de la délimitation
frontalière entre le Cameroun et le Nigeria. Rappelons que du 18
Février - 21 Mars 2002, c'était la plaidoirie devant la C.I.J. Le
05 Septembre 2002, ce fut la rencontre à Paris entre les
Présidents OBASANJO et BIYA, sous l'égide du secrétaire
général des Nations Unies Kofi ANNAN. Les deux parties s'engagent
à respecter la décision de la C.I.J.
· Par son arrêt du 10 Octobre 2002,
la Cour attribue la souveraineté de la péninsule de
Bakassi à la République du Cameroun. Cette nouvelle ne sera pas
bien accueillie au Nigeria. Mais, le Cameroun trouvera satisfaction intense
dans cet arrêt rendu à la Haye.
L'arrêt rendu par la Cour est définitif et
obligatoire. Mais puisque les Etats en litige sont les Etats souverains, il
faudra procéder par d'autres mécanismes pacifiques pour une mise
en oeuvre efficace et efficiente dudit arrêt.
Rendre un arrêt est une chose, l'exécuter est une
autre. Ce dernier dépend de la volonté des Etats parties en
litige. Il n'est pas aussi impossible pour la C.I.J. de contraindre un Etat
à mettre en oeuvre une décision de la Cour. Cette
procédure est minimalement appliquée par la Cour.
* ( 60) Par cette
formule archaïque de « nations civilisées », il
faut entendre « l'ensemble des nations » ;
MULAMBA MBUYI, Le Statut International des
réfugiés, Presse de l'Université Libre des
pays des Grands Lacs, Goma, 2005, p. 25.
* ( 61) PERRIN E.R.,
Les grands problèmes internationaux, Paris, Masson,
1994, p. 164.
* ( 62) GUGGENHEIM
P., Traité de droit international public,
2e éd., T.1, Librairie de l'Université Georges et Cie
S.A, 1967, pp. 296-297 ;
SIORAT L., Le problème des lacunes en
droit international, Paris, L.G.D.J., 1958, p.9.
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