Le risque pénal dans la constitution des sociétés commerciales en droit OHADA ( Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires )( Télécharger le fichier original )par El Hadji Abdoul Aziz FALL Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Master 2 juriste d'affaires 2010 |
Section 2: La mise en oeuvre de la responsabilité pénale des fondateurs
La responsabilité pénale des contrevenants à la loi régissant la constitution des sociétés commerciales OHADA ne se résume pas qu'en la commission d'infractions prévues dans le cadre de l'AUSC. Il ya en chaque catégorie d'infraction, parmi celles sur l'affirmation ou la réalité du capital social ou sur les actions irrégulières, des éléments légaux, matériels ou moraux qui peuvent êtres décelés ça et là, à un moment ou à un autre de la commission de ces actes incriminés. Si le droit pénal général nous informe qu'une infraction doit être constituée de ces trois éléments92(*), il faut dire que les éléments légaux ont constitué l'ossature de la première partie consacrée aux incriminations prévues dans le cadre de la constitution des sociétés commerciales OHADA. La mise en oeuvre de la responsabilité pénale des fondateurs, s'accompagnant des conditions pré étudiées relatives à l'action en responsabilité et la prescription, il convient de s'interroger sur les éléments matériels et moraux (paragraphe1) et éventuellement une absence d'exonération de la responsabilité pénale des contrevenants (paragraphe2). Paragraphe1: La recherche des éléments constitutifs des infractions.L'infraction est tout manquement à la loi pénale. Elle est prévue par un texte légal qui l'incrimine et éventuellement la sanctionne. Cela est traduit par le principe de la légalité des délits et des peines, exprimé dans l'adage « nullum crimen, nulla poena sine Legé93(*)». Rappelons que la révolution a consacré le principe de la légalité des délits et des peines et l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme indiquait que « nul homme ne peut être arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et dans les formes qu'elle a prescrites ». Cette consécration fut réconfortée par l'article 8 qui énoncera « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». Le droit pénal général consacre traditionnellement certaines infractions sanctionnant des omissions ou des abstentions. Concernant le droit pénal des affaires, on remarque une multiplication des dites infractions à telle enseigne que l'élément matériel de l'infraction est parfois réduit à peu de choses. Cette tendance est fortement marquée en droit des sociétés. De façon générale donc, se retrouvent touchés par les incriminations pénales, les fondateurs lors de la constitution des sociétés commerciales et dans le cadre de la vie sociale, les dirigeants sociaux qui n'auront pas rempli leurs obligations à l'égard des actionnaires ou les commissaires aux comptes qui n'auront pas révélé au Procureur de la république les faits délictueux dont ils auront eu connaissance. Il faut donc remarquer que le droit pénal cherche à imposer des règles de conduite. Mais en plus de cette légalité affirmée, la recherche de la matérialité et de l'intention criminelle s'avère importante pour établir la responsabilité de l'agent pénal. De manière générale, les éléments matériels et moraux de l'infraction se résument en des agissements palpables94(*) et intentionnels95(*), qui permettent d'établir l'existence d'un manquement à la loi pénale, celle des règles de constitution des sociétés commerciales même s'il faut noter cependant que l'élément moral n'exige pas toujours l'intention coupable. Dans le cadre de la recherche du capital social, la simulation de souscriptions ou de versements sous entend une idée d'existence d'agissements de simulation pour rechercher des souscriptions ou des versements même si « la simulation implique l'établissement du caractère fictif des souscriptions ou des versements d'une part et la preuve de leur affirmation sincère et véritable d'autre part »96(*). Etablir la responsabilité pénale de l'auteur d'une telle infraction serait donc lié à l'existence de ce fait matériel. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence française a retenu l'établissement du certificat du dépositaire accompagnant des affirmations inexactes de souscription intégrale du capital social ou le versement du premier quart comme étant une manoeuvre frauduleuse permettant de caractériser l'élément matériel de l'infraction97(*). Il faut dire que les délits de simulation deviennent punissables à partir du moment où les manoeuvres appellent à entrainer des souscriptions et des versements. L'élément intentionnel des infractions relatives à la recherche du capital social doit aussi être rapporté pour établir la responsabilité pénale des fondateurs. Il se matérialise souvent par la conscience du but poursuivi et la connaissance de la fausseté des faits98(*). La mauvaise foi est alors présumée car la conscience de l'agent pénal de réaliser un acte matériel interdit est cependant difficile à établir même si la Cour de Cassation française s'est prononcée sur l'élément intentionnel pour dire que l'intention délictueuse peut être rapportée du fait qu'ils ne peuvent ignorer la fausseté des faits publiés en raison des fonctions qu'ils remplissent. S'agissant de la publication de faits faux, l'élément matériel suppose l'existence d'un fait de publication, l'emploi de tout moyen d'information destiné à toucher le public. L'élément moral est alors comme celui de la simulation de souscription ou de versement, il faut que le délit soit commis sciemment, qu'il ait agi en toute connaissance de cause. Le droit pénal des affaires rencontre le problème général de l'absence de code pénal des affaires rassemblant les infractions qui sanctionnent les divers aspects de la criminalité d'affaire. Le droit pénal trouve donc ses sources à la fois dans les incriminations prévues dans les actes uniformes mais aussi de certaines lois nationales prises en application du textes communautaires et quelque peu des codes pénaux nationaux qui comportent parfois les incriminations d'infractions ou les sanctions prévues pour les infractions dont le domaine est fréquemment celui des affaires. Il est vrai que le droit pénal des affaires dans le cadre de l'OHADA est délimité par les incriminations notées entre les actes uniformes dans lesquels le législateur se borne à incriminer et à renvoyer la sanction aux Etats membres, il faut remarquer que la mise en oeuvre de la responsabilité des contrevenants aux règles pénales appelle au renvoi des règles de procédures du droit pénal en vigueurs dans les Etats où les infractions de constitution des sociétés commerciales sont commises. Si la procédure impose la recherche des éléments matériels et moraux des infractions, la mise en oeuvre d'une responsabilité pénale écarte toute idée d'exonération de cette responsabilité. * 92 Dans le cadre du droit pénal général, on démontre souvent l'existence d'un élément matériel, d'un élément légal et d'un élément moral pour établir l'existence d'une infraction. Mais si en présence de ces éléments, on arrive à établir l'existence d'une cause d'exonération totale ou partielle de responsabilité, la responsabilité pénale risque de ne pas être retenue. * 93 Ce principe exprime la légalité des délits et des peines depuis la révolution. * 94Cf. droit pénal général ou la loi retient L'élément matériel de l'infraction en rapport aux agissements constitutifs de l'infraction qu'il faut différencier des conditions de la tentative punissable, qui ont rapport au commencement d'exécution et à l'absence de désistement volontaire. * 95 Cf. l'élément moral de l'infraction. * 96 CISSE Abdoullah dans collection droit uniforme africain, Sociétés Commerciales et GIE, BRUYLANT, BRUXELLES, JURISCOPE, p. 241. * 97 Cass. Com. 27 janvier 1928, Journal des sociétés, 1928, p. 109. * 98 Expression empruntée de LARGUIER Jean. |
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