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Les impacts du maraàŪchage sur la végétation ligneuse dans la région des Niayes centrales (Mboro- Diogo ) au Sénégal

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par Sierge NDJEKOUNEYOM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Diplôme d'études approfondies 2007
  

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CONCLUSION

Spontanée ou anthropogène, dégradée ou conservée, locale ou exotique, relictuelle ou conforme au domaine climatique, la végétation dans notre zone d'étude répond à bien des nuances de la notion de couverture végétale et de composition floristique. L'exercice qui consiste à en comprendre l'historique, l'évolution, la justification au contact du maraîchage en est rendu plus délicat.

En effet l'espace qui a été soumis à notre observation a subi une évolution de sa végétation qui s'est traduite graduellement par un éclaircissement de sa couverture. De la forêt dense guinéenne qui se prolongeait jusqu'au Cap-Vert, il ne reste plus grand chose. La formation originelle des niayes a subi une fragmentation qui en a isolé ses principaux vestiges dans les niches écologiques constituées par les niayes. Bénéficiant de conditions hygrométriques qui là soustrayaient aux rigueurs du climat soudano-sahélien, cette végétation relictuelle, en situation déjà précaire, a subi de plein fouet la sécheresse des années 1973 et 1984 qui a fragilisé ses habitats humides. L'important contingent guinéen qui a été recensé par les premiers chercheurs s'en n'est trouvé sévèrement réduit par l'assèchement des étangs et par la baisse du niveau de la nappe phréatique. A ces contraintes d'ordre naturel, il faut ajouter la pression des facteurs anthropiques divers.

Favorisé par des sols humifères et une fraicheur constante, la zone des Niayes est devenu le champ d'expression privilégiée des cultures maraîchères qui ont contribué a une diminution conséquente du couvert végétal général et des reliques hydrophiles. Aujourd'hui cet espace, presqu'entièrement investi par les activités humaines, est très irrégulièrement occupé par la végétation. Si dans les niayes de Mboro des surfaces relativement boisées s'observent encore, à Diogo par contre l'espace est simplement piqueté de quelques individus ou à la rigueur recouvert par un peuplement arboré ou buissonnant d'autant plus chétif que la pression maraîchère est grande.

La généralisation progressive du maraîchage a eu des conséquences diverses sur la végétation en termes de sélection et en termes de recouvrement. Ces conséquences sont d'autant plus difficiles à identifier et à isoler que les autres facteurs, notamment naturels, interagissent très fortement avec l'activité maraîchère tantôt en l'amplifiant tantôt en la limitant. Mais d'un point de vue spatial, l'augmentation démographique s'est traduite par une saturation de l'espace agricole, une mise en valeur de secteurs écologiquement sensibles comme les sommets fixés par une végétation xérophile.

La croissance de la population a provoqué, d'une génération à l'autre, un émiettement des parcelles entre les héritiers multiples. On sait que l'égard vis-à-vis de la végétation spontanée va de pair avec l'importance des surfaces disponibles, plus la parcelle exploitée est petite et moins les surfaces boisées et les individus d'espèces sont tolérées. Ce morcellement de surfaces d'exploitation à l'intérieur des cuvettes provoque fatalement une intensification des pratiques culturales à tous les niveaux : déboisement de plus en plus systématique, suppressions de la jachère arborée et arbustive, dopage des sols et des plantes légumières, surexploitation de la ressource hydrique disponible pour les plantes pérennes. Il en résulte un abandon de plus en plus fréquent de cuvettes qui sont exploitées au-delà de leur possibilité de reconstitution (en termes de végétation, de sol et de recharge de la nappe). Sur le plan floristique cette intensification des cultures à eu des conséquences non moins dramatiques par le remaniement important qu'elle a permis. Les associations végétales sont perturbées et

l'équilibre écologique rompu84. Si certains peuplements ont été favorisés par l'homme, d'autres par contre sont devenus marginaux. Les essences subguinéennes qui se refugiaient sur le bord des cuvettes inondables ont été progressivement réduites. D'abord par sélection (dégarni des sous bois) comme à Mboro puis par élimination de plus en plus systématique comme à Diogo.

Penser le maraîchage comme moyen de protection et de stabilisation du milieu est dès lors bien difficile. Le cas des associations multi-étagées de Mboro est ce qui s'en rapproche le plus mais dans l'ensemble l'activité s'inscrit dans une dynamique beaucoup plus destructrice en faisant de moins en moins de compromis avec la végétation ligneuse et notamment spontanée. Il en résulte un appauvrissement important des effectifs de la végétation hygrophile et un renforcement du cortège soudanien et sahélien.

On peut aussi remarquer que les pressions anthropiques et le durcissement des conditions climatiques ont pu provoquer des processus d'adaptation des caractères génétiques de la flore résiduelle des niayes qui est devenue plus résistante85. L'élimination de cette végétation serait non seulement une suppression des individus d'espèce mais également une perte du stock génétique exceptionnel que cette situation écogéographique a fini par générer.

L'activité maraîchère a provoqué d'abord une modification des rapports de l'homme avec son milieu mais également une modification des rapports entre les hommes autour de la ressource ligneuse qui tantôt est surexploitée86 et tantôt sous exploitée (par méconnaissance de sa valeur).

En effet le passage brutal d'une période d'abondance à une période de disette impulsé par la sécheresse conjugué à l'explosion des centres urbains qui encadrent la zone des Niayes a produit un effet d'entrainement sur l'intensification du maraîchage qui a favorisé à son tour la mise en veilleuse des valeurs écologiques et même la marginalisation de la ressource ligneuse. Cette situation de base alimentée par un contexte politique et juridico-institutionnel complexe et imprécis a provoqué des processus de dégradation incontrôlables sur l'écosystème. Or la gestion de ce dernier dans une perspective de durabilité ne peut s'entendre que sous l'angle étroit de la participation et de la prise de conscience des populations locales de la fragilité de leur milieu. S'il est vrai que tout système porte en germe les éléments de sa propre destruction, on peut dire que le système des niayes qui est à la fois écogéographique, agronomique et dunaire est particulièrement fragile. La végétation en est sans doute l'élément de consolidation le plus indispensable.

La perte de vue de cette valeur écologique au profit des préoccupations immédiates, fussentelles urgentes, peut finir par affecter profondément l'environnement et par compromettre ses possibilités de reconstitution comme nous l'avons observé pour les cuvettes abandonnées. De plus la poursuite des actions de développement agricole et de protection ou de restauration du milieu dans des trajectoires non conciliantes est le résultat d'une lecture partielle et erronée de cet agroécosystème qui ne doit être considéré que comme un tout.

84 -Nous pouvons le supposer même si ce dernier point a été difficile à démontrer

85 -Là encore nous n'avions pas de moyen techniques pour vérifier cette idée

86 -par les exploitants de vin de palme à qui le maraîcher loue illégalement les individus d'Elaeis guineensis

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus