INTRODUCTION
Occupant la frange littorale nord du Sénégal,
les niayes sont des dépressions interdunaires marquant un contraste
topographique avec les systèmes dunaires au creux desquels se pratique
une intense activité maraichère. Cette étroite bande
abrite une végétation typique par sa composition floristique
complexe et colonisant un substrat particulièrement sableux.
Soumise à des conditions climatiques relativement
modérées (au niveau de la température) notamment
grâce à une humidité relative qui est toujours
supérieur à 50%, la zone des Niayes est propice au maintien d'une
végétation à affinité plus méridionale et
à des cultures de légumes étalées sur toute
l'année. La région qui fait l'objet de cette étude se
présente donc comme un milieu au potentiel floristique important avec
plus d'une trentaine de familles représentées renfermant pas
moins de 80 espèces ligneuses et sous ligneuses, soit un total de 419
espèces si l'on considère toutes les strates.1Cette
richesse végétale (20% de la flore du Sénégal) est
d'autant plus spectaculaire que la bande considérée est d'une
surprenante étroitesse.
A ce cortège floristique se superpose ou plutôt
se substitue de plus en plus une activité maraîchère, elle
aussi, nécessiteuse d'espace. Les périodes successives de
sécheresse conjuguées à l'accroissement galopante des
centres urbains consommateurs de légumes finissent par exercer sur ce
milieu une pression de plus en plus insoutenable dont la diversité
biologique est la première à pâtir.
En raison du caractère atypique de cette zone sur le
plan géomorphologique et phytogéographique, elle a fait l'objet
d'un intérêt particulier pour les premiers investigateurs qui s'y
sont exprimés. C'est le lieu de rappeler ici, à titre indicatif,
les travaux d'Aubréville, de Giffard, d'Adam, de Trochain ou encore de
Raynal qui en ont étudié la végétation entre la
période de 1940 à 1980. Mais les enjeux économiques
grandissant ont mis un accent particulier sur les activités horticoles
qui représentent, selon les études menées par le CDH
(ISRA), 80% du total national. En dépit de cette riche documentation,
les rapports entre la végétation naturelle et le maraîchage
n'ont été que succinctement abordés d'où la
nécessité pour nous aujourd'hui de mettre un accent plus
prononcé sur les liens de cause à effet qui unissent sur un
espace restreint, une activité en extension et un potentiel en
régression.
Nous entendons, à travers cette étude, mettre en
lumière les mécanismes complexes qui lient les différents
acteurs aux composantes naturelles et artificielles dans cet espace que nous
avons convenu d'appeler un agroécosystème. Il s'agit de proposer
une lecture articulée d'une réalité spatiale qui
s'étudie souvent de manière distincte (le maraîchage d'un
côté et la végétation de l'autre).
Le premier intérêt accordé à un tel
objectif est bien sûr de vouloir mettre en évidence les relations
entre le maraîchage et au moins une strate de la
végétation. Car bien souvent pour expliquer la régression
du couvert végétal ou la raréfaction de certaines
espèces de l'intérieur des cuvettes, on allègue volontiers
la péjoration climatique ou l'érosion éolienne, or notre
conviction est qu'il est plus facile d'agir sur des causes humaines que de
vouloir contrôler les effets désastreux de la nature. La
réduction floristique dans les niayes plus particulièrement, nous
apparaît comme une conséquence (au moins en partie) de la mauvaise
coordination et du
1 -Monographie nationale sur la biodiversité au
Sénégal (ministère de l'environnement et de la protection
de la nature)
manque de planification entre les services des Eaux et
Forêts et des programmes de développement agricole qui semblent se
complaire à fonctionner dans l'indifférence les uns des autres
L'augmentation de la pression humaine sur cet espace sous
diverses formes provoque une importante dépendance de
l'écosystème vis-à-vis des apports extérieurs (de
nature anthropique) pour son fonctionnement. L'autorégulation
inhérente à tout écosystème naturel disparaît
progressivement, fragilisant énormément le milieu puisque
celui-ci devient victime d'une intervention humaine qui elle-même n'est
entretenue que par une ressource (la nappe phréatique) qui s'amenuise
dangereusement. La végétation dans son évolution est sans
doute ici l'un des indicateurs les plus fiables non seulement de la
variabilité climatique mais aussi de la dégradation
environnementale et du malaise social qu'il sous entend.
D'un point de vue méthodologique, la présente
étude s'appuiera sur une approche phytosociologique en ce qui concerne
la végétation suivie par la cartographie des surfaces
maraîchères. A cela seront associés d'autres travaux de
terrain avec notamment l'application de questionnaires et de guides d'entretien
pour les aspects socioéconomiques et les pratiques paysannes.
Nous nous inscrivons d'emblée dans une démarche
néopositiviste ou plus simplement une démarche déductive
qui nous permettra de partir de la formulation d'hypothèses pour
observer les processus en cours. La logique de cette démarche nous
conduira avant tout à préciser le cadre d'ensemble de
l'étude, nous aborderons par la suite plus spécifiquement la
végétation ligneuse et l'activité maraîchère.
La dernière partie de cette réflexion nous conduira à
étudier les rapports qui existent entre cette végétation
ligneuse et le maraîchage.
En dépit de cette approche quelque peu
réductionniste notre sujet se veut fondamentalement systémique
considérant le fonctionnement plus que les parties de cet
agroécosystème.
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