2.2.2. Importance des espèces ligneuses dans les
cacaoyères
D'après Dupriez et De Leener (1993), l'utilité des
espèces ligneuses présentes dans les cacaoyères pour les
économistes agraires se situe sur trois plans :
1. la production des biens consommables par l'homme ou par les
animaux : fruits, légumes, graines, fourrages, bois, fibres et
médicaments ;
2. celui de la production des services écologiques :
limitation de l'érosion hydrique et éolienne, effet brise-vent,
et réduction de la température du sol.
3. celui de la production fertilitaire : dans certains cas, les
feuilles, les branches, les fruits et parfois les racines sont en effet
responsables de la production fertilitaire.
Du point de vue de la demande au Cameroun, les espèces
ligneuses qui entrent dans la médecine traditionnelle et la
pharmacopée sont relativement les plus demandées (Debroux et
Dethier, 1993). Au Burkina-Faso, les feuilles d'Azadirachta
indica, Eucalyptus sp et les fruitiers sont
appréciées pour soigner le paludisme et les maux de ventre
(Nouvellet, 1992). Le même auteur souligne que le noyau de
l'aiélé (Canarium schweinfurthii) posséderait des
propriétés pharmacologiques notamment pour les soins de
dysenterie, l'angine et les rougeurs fessières du nourrisson. C'est
pourquoi dans une communication prononcée au colloque du 4- 5-6 novembre
1993 tenu à Bruxelles (Belgique) Mandjo Medebe Alphonse, chef du
groupement de la boucle du Dja déclare : " La forêt dans laquelle
nous vivons est une pharmacie de surcroît et reste notre seul
hôpital"
Ensuite viennent les produits destinés à la
consommation locale (condiments, épices, excitants, et les liants). Ceux
destinés à l'exportation arrivent en 3e position et
ceux sollicités par l'industrie sont quantitativement les plus
exploités du point de vue volume. Quant à la diversité,
les produits destinés à l'industrie ne sont pas très
diversifiés (Ndoye et al., 1999). Du point de vue de la
disponibilité, Koppert et al. (1993) rapportent que les
espèces ligneuses sont les plus disponibles pour toutes les couches de
la société, et à la portée de toutes les bourses,
aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. Quant à l'aspect
socio-économique, Iqbal (1995) souligne que toutes les espèces
ligneuses qui entrent dans l'alimentation, l'artisanat, la construction, la
médecine traditionnelle et la pharmacopée jouent un rôle
déterminant dans la gestion de la crise économique au Cameroun.
Cet auteur renchérit que dans les communautés rurales où
les prix des matières premières et des cultures de rente ont
drastiquement baissé, l'apport en protéines animales et
végétales est assuré dans sa totalité par les
espèces ligneuses. Tous les repas sont à base de feuilles
diverses. Il existe des familles de producteurs de vin de palme de père
en fils et d'autres de distilleurs d' « odontol ». De nombreuses
familles en zone rurale vivent exclusivement de la vente des produits de
l'artisanat. D'autres vivent de la récolte des fruitiers sauvages et de
la récolte des différentes écorces pouvant leur rapporter
de l'argent. Les prix des produits pharmaceutiques devenant de plus en plus
élevés, les populations en milieu rural n'utilisent ces produits
que dans des cas d'extrême gravité et au cas où on aurait
un parent en ville pour la prise en charge. Dans le cas contraire, pour de
petites affections quotidiennes, ils utilisent les recettes de la
médecine traditionnelle.
En outre, Koppert et al. (1993) ; Iqbal (1995) ; Ndoye
et al. (1999) déclarent que dans les zones urbaines, la
situation est presque identique. Bien que la majorité des espèces
ligneuses qui rentrent dans l'alimentation n'apparaissent que
saisonnièrement, grâce à leurs prix
relativement bas, ces derniers aident beaucoup de
ménages en milieu urbain à assurer leurs repas quotidiens. Dans
ce milieu, les planteurs entretiennent des familles entières,
grâce à la revente quotidienne du vin de palme, des fruits et des
feuilles des espèces de toutes sortes se trouvant dans leurs
cacaoyères.
En ce qui concerne l'aspect social, Ngala (1997) constate que
les revenus que les populations tant urbaines que rurales tirent des
espèces ligneuses représentent une soupape de
sécurité permettant de dégager le trop plein de tension
sociale provoquée par la crise économique. Lorsqu'on a faim, on
trouve toujours, à moindre frais, de quoi assurer son alimentation. En
d'autres termes, grâce à l'apport des ligneux, on réussit
à des coûts relativement faibles à avoir une alimentation
variée.
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