Ce mémoire se veut d'être un moteur pour le
développement économique, social et culturel du plateau dogon.
Pour cela, il convient d'appuyer les efforts des habitants qui s'organisent
pour changer et améliorer leur cadre de vie par le maraîchage et
le tourisme.
Le Cercle de Bandiagara a connu d'énormes
difficultés provoquées entre autres par :
· le déficit pluviométrique chronique ;
· le faible niveau de production ;
· la dégradation des écosystèmes et la
baisse de la fertilité des sols ;
· les dégâts causés par les
déprédateurs sur les cultures ;
· les difficultés d'approvisionnement en intrants
agricoles ;
· le sous équipement des producteurs ;
· le faible encadrement des paysans dû à
l'insuffisance du personnel des services agricoles;
· la mauvaise gestion des fonds alloués aux
différents programmes de sécurité alimentaire ;
· la faible prise en charge des questions de
sécurité alimentaire dans les PDESC ; etc.
Face à ces préoccupations de plus en plus aigues
et qui annihilent tout effort de développement, il urge pour le cercle
d'identifier et de mettre en oeuvre des stratégies tendant à
atteindre l'objectif de la problématique posée pour
l'amélioration durable des conditions de vies pour les populations.
Dans un contexte de décentralisation, ces
stratégies doivent être réfléchies à la base
pour prendre en compte les déshydratas des masses populaires et les
spécificités locales. Elles doivent
être traduites en activités économiques dont
l'objectif sera d'apporter une contribution et une valorisation des
activités locaux développés par la population
elle-même.
La problématique traitée était de savoir :
en quoi la culture d'oignon et le tourisme pouvaient être une source ou
un facteur de développement ?
En effet, au cours de notre étude, nous avons
démontré que la culture d'oignon à travers
l'échalote et le tourisme constituent les principales sources
d'activités économiques, en cela, un facteur de
développement. Certes, l'activité maraîchère et
touristique contribue à l'amélioration des conditions de vies
meilleures pour la population, ce qui contribue d'une part à la
réduction de l'exode rural et d'autre part à la création
de richesses. Cependant, il ne faut toutefois pas oublier les revers que qu'ils
peuvent aussi engendrer.
Les Maliens sont en effet d'importants consommateurs
d'échalotes et de ses produits dérivés, qui entrent dans
la composition de toutes les sauces accompagnant le riz. L'échalote
dogon présente un aspect physique proche des autres échalotes
maliennes, mais est connue pour son goût sucré, aromatique et
piquant. Des tests de dégustation ont permis, d'une part, d'attester de
cette différence de goût vis-à-vis des autres
échalotes maliennes, et, d'autre part, de dresser le profil sensoriel de
l'échalote dogon.
Cette qualité supérieure n'est toutefois pas ou
peu mise en avant sur les marchés, et ne permet donc pas aux producteurs
de percevoir un premium par rapport à l'échalote de l'Office du
Niger. L'arrivée de cette dernière sur les marchés
urbains, à partir du mois de février, fait chuter les prix,
jusqu'à obliger les producteurs dogon à retirer leurs
échalotes du marché pour les transformer or les prix des produits
transformés issus de l'échalote ne rentabilisent ni la
matière première, ni la main-d'oeuvre. Il s'agit donc d'une
stratégie visant à mieux conserver les produits. Concernant
l'échalote fraîche, les Dogon se sont ainsi positionnés sur
un créneau saisonnier (octobre-janvier) qui leur permet d'être en
quasi-monopole sur le marché, même si d'autres régions
remettent maintenant en cause cette exclusivité. Cependant, pour
parvenir à mettre leur échalote sur le marché avant que
n'arrive celle de l'ON, les Dogon ont tendance à la récolter
avant maturité.
Aussi, même si la réputation de l'échalote
dogon est partagée par les commerçants dogon, ainsi que certains
non-dogon, et par une part des consommatrices, d'autres lui attribuent des
caractéristiques de piètre qualité, liés justement
à ce premier cycle récolté précocement. De plus,
certaines consommatrices qui connaissent (ou pensent connaître) les
échalotes dogon
s'appuient sur des garanties de l'origine peu fiables (origine du
vendeur, lieu de vente), ce qui les amène à lui conférer
des attributs qui correspondent plutôt à l'échalote de
l'ON.
Les producteurs dogon partagent des pratiques spécifiques
liées à leur adaptation à leur milieu : terre
rapportée, paillage, pépinière pour optimiser
l'utilisation des ressources en eau temporaires, fertilisation par compost,
transformation en boules d'échalotes écrasées.
L'homogénéité de ces pratiques à travers le plateau
dogon démontre que l'échalote et son mode de culture et de
transformation se sont répandus par le biais de nombreuses interactions
entre les producteurs.
De nos différentes rencontres avec les autorités
communales et les autorités coutumières, et suite au
dépouillement de nos questionnaires, nous avons pu établir des
objectifs prioritaires à atteindre et les activités opportunes
pour un meilleur développement de la préfecture de Bandiagara.
L'appropriation du développement touristique local doit
nécessairement passer par l'identification, la planification et la mise
en oeuvre de programmes endogènes.
Ceux-ci peuvent émaner des communautés en tant que
groupes sociaux structurés ou d'initiatives individuelles
privées. Il est toutefois primordial d'accepter que l'administration du
site doit requérir la participation communautaire et la prise en compte
de la dimension de l'économie locale.
72
CONCLUSION GENERALE
Le plateau Dogon représente aujourd'hui une destination
« à la mode » pour les projets de coopération. La
densité d'acteurs appelle quelques pistes de travail relevant d'une
culture de réseau. L'attrait touristique nous a permis de mieux
comprendre que la gestion durable d'un site comme celui du pays dogon doit se
faire dans un cadre de concertation qui réunit les acteurs du tourisme,
du patrimoine et les communautés locales qui doivent être au
début et à la fin de tout le processus. Le tourisme repose sur
les valeurs culturelles et naturelles locales qui doivent être
entretenues et transmises aux générations futures ; cette mission
cardinale est d'abord celle des habitants de site, détenteurs et
gardiens du patrimoine.
Par ailleurs, il est à noter que le tourisme n'apporte
pas de solution aux problèmes rencontrés par les populations
(eau, santé, éducation,....) mais peut contribuer à
l'amélioration des conditions de vie. Ainsi, le tourisme doit s'inscrire
dans un plan de développement durable (filières
économique) et non être un regard sur une « réserve
».Le tourisme n'est pas simplement une mystification marketing
exploitée par certains, mais est un perturbateur de
l'écosystème.
Aujourd'hui, l'islamisation, la délocalisation des
villages dans la plaine, le tourisme et l'arrivée du monde moderne ont
pour conséquence l'abandon progressif des coutumes et des croyances. Les
Dogon ont jusqu'alors réussi à résister à tous les
envahisseurs et à garder, jusqu'au plein coeur du XXe siècle, une
culture intacte.
La menace persiste et existe bien. Une évolution est
inévitable. Nul ne peut prédire s'ils sauront, au cours du
siècle qui s'ouvre, relever le nouveau défi qui se
présente à eux : conserver leur identité.
Les vieux sages dogon restent cependant optimistes et sont
persuadés que leur culture est immortelle : « Notre culture pourra
maigrir mais jamais elle ne mourra ». De par le mystère de son
origine, la culture dogon est unique en son genre. Peut-être nous
réserve-t-elle encore des surprises?
De plus, le développement implique le changement et
cela concerne des êtres humains qui doivent être concernés
par le processus de changement. Dans le processus de développement
où l'action joue un rôle important, la relation entre le
patrimoine et la communauté ne doit pas être ignorée. Il
est donc important, à la fois pour la conservation des valeurs d'un site
et pour l'amélioration des processus de développement local,
d'élaborer des stratégies dans lesquelles conservation dynamique
et action sont étroitement liées.
Il importe donc que cette approche soit
intégrée au sein d'une véritable politique de
développement durable de l'Etat. Ces changements d'attitude sont aussi
nécessaires dans le guide de l'ensemble des acteurs de la
décentralisation, qui devront impérativement faire des efforts
pour adapter leurs comportements et leurs structures à cette nouvelle
coopération.
De cette étude, nous invitons les autorités
à une plus grande prise en charge de certains paramètres,
à prendre en compte dans leur prise de décisions.
Concernant le concept des actions, leur vision doit se
résumer au fait que : « Les actions de coopération
décentralisée intéressent des domaines variés qu'on
peut articuler autour de trois axes majeurs :
· Elle participe à la résolution partielle de
problèmes vitaux des populations et à l'amélioration de
leur cadre de vie ... aménagements hydrauliques de surface et
souterrain, interventions dans le domaine de la santé et dans le domaine
scolaire ;
· Elle participe à l'impulsion d'une dynamique de
développement...
· Elle favorise l'évolution des mentalités
vers l'auto développement et s'impose comme une véritable
école de la décentralisation. »
Concernant leur concept des dispositifs de leur vision doit
intégrer le repérage des facteu rs limi tant:
· « La maîtrise d'ouvrage encore largement
exercée de manière unilatérale par les partenai res
français freine la responsabilisation des partenaires malien s »
;
· La coopération décentralisée tend
à délaisser l'implication des autorités et des services
techniques. Elle n'offre pas toutes les opportunités de concertation que
l'on pourrait attendre et limite, par là même, son impact sur les
dynamiques de rapprochement entre populations et services de l'État
malien ;
· Le manque de connaissance des réalités
socioculturelles maliennes par les partenaires étrangers conduit parfois
à des blocages et des gaspillages (lorsque, par exemple, les projets
sont portés par des personnes d'abord soucieuses d'acquérir une
notoriété locale, ou pour une réélection)...
»
Concernant le renforcement de la coopération
décentralisée préconisé par l'étude insis
tait en particulier sur le besoin :
· De « clarifier le concept et la
problématique, notamment par rapport au processus de
décentralisation » ;
· « D'une plus grande responsabilisation des
partenaires maliens (collectivités) en matière de maîtrise
d'ouvrage » .
Nos recommandations s'articulent autour de sept axes
suivants :
> Préservation du patrimoine culturel et
naturel : Préserver l'architecture
traditionnelle sous toutes formes ; préserver tout ce
qui contribue à la culture locale (tradition outils et instruments de
musique artisanat ...) ; associer patrimoine culturel et patrimoine naturel
(Flore, faune, géologie...) pour une meilleure prise en compte de la
dimension environnementale ;
> Structures d'accueil touristique :
améliorer les structures hôtelières ;
favoriser l'utilisation des installations villageoises ;
favoriser l'utilisation des productions vivrières locales ;
que les touristes viennent avec des guides professionnels et se
fassent accompagner par des guides locaux.
> Economie locale maraîchère :
promouvoir des activités économiques
génératrices de revenus pour les populations
connexes au maraîchage ; agir pour que les populations soient mieux
associées au développement maraîcher et à ses
retombées financières ; l'activité économique due
au tourisme ne doit pas se substituer à l'activité
économique de base mais au contraire contribuer à son
développement.
> Pour un maraîchage durable : la
promotion de l'économie locale par le
tourisme et le maraîchage ; l'implication des
collectivités locales dans la mise en oeuvre de politiques et plans de
développement culturel, maraîcher et économique. Pour
combler les attentes des collectivités maliennes nous recommandons :
· des actions au niveau de l'ensemble de leur espace terri
torial ;
· de f édé rer les dynamismes locaux et
contribuer au développement ;
· Répond re aux « besoins du quotidien »
de leur population ;
· Prend re en compte l'existence et les demandes des
groupes sociaux minori taires.
La coopé ration décent ralisée , doit a p p
o r te r :
· Des financements pour réaliser les
équipements qui leur incombent et répond re ainsi aux attentes
des habi tant s ;
Des échanges et des appuis institutionnels en terme de
:
· Organisation des collectivité s ;
· Collecte et de suivi de l'information sur la situation de
la commun e ;
· Une multiplication des échanges et une ouvertu re
sur l'extérieur pour comp rendre les évolutions qui les
touchent.
Répond re à ces attentes change la natu re des
appuis à apporte r. Avec la multiplication des échanges entre
société s, l'appui institutionnel devient une composante pleine
et entiè re de la coopé ration décent ralisée ; les
appuis
techniques et financie rs en sont des corollai res.