IV.1.2- Relation entre l'ethnie et le fonctionnement des
partis politiques
Nous allons, dans cette deuxième partie de notre
interprétation, nous focaliser sur les deux dernières
échéances électorales dans notre pays à savoir : la
législative de 2007 et la présidentielle de 2010, pour mettre en
évidence ce facteur ethnique sur le fonctionnement des partis
politiques. Ceci pour pouvoir corroborer les analyses du tableau n°20, qui
montre que 56,7% des enquêtés reconnaissent qu'il y a un rapport
entre les résultats du parti aux élections et le facteur
ethnique, bien même que la majorité (50,7%) des membres des partis
enquêtés rejettent le fait que le facteur ethnique influence leur
activité sur le terrain (cf. tableau n°21).
Mais avant cela, relevons que 53,3% des enquêtés
reconnaissent que le facteur ethnique joue sur la formation de leur bureau,
contre 34,7% qui disent non (cf. tableau n°14). Ceci sert à montrer
seulement que les partis politiques se structurent à partir de l'ethnie
majoritaire ou de l'ethnie du leader. C'est ce qu'un responsable de l'UFC nous
confie lors de l'entretien : << nous remarquons que les bureaux se
font par favorisation d'une ethnie, ce qui n'est pas juste. On ne tient pas
contre des autres » ; cette même préoccupation est
soulevée par un cadre sudiste de l'ex-RPT : << on ne fait pas
confiance en nous qui sommes du Sud, même si on nous confie une
responsabilité, on n'est toujours surveillé par un Kabyè
surtout, car on dit que nous sommes des traites ». Ainsi dans la
forme, certains partis politiques respectent ou pratiquent un <<
panachage ethnique » impeccable, mais dans le fond c'est un
saupoudrage.
En revenant donc aux activités des partis, surtout par
rapport aux élections, procédons à un croisement de ces
données avec l'appartenance au parti politique :
Tableau n°28 : croisement entre le rapport entre
l'ethnie et les résultats des élections et l'appartenance au
parti politique des enquêtés
Modalités
|
Non-
|
Oui
|
Non
|
Ne sais pas
|
TOTAL
|
CAR
|
0
|
82,9
|
8,6
|
8,6
|
100
|
ex-RPT
|
3,6
|
69,1
|
20
|
7,3
|
100
|
UFC
|
13,9
|
50
|
19,4
|
16,7
|
100
|
N.B. Les valeurs du tableau sont les pourcentages en ligne.
Ce croisement nous révèle de façon
concrète, quel parti politique est réellement sous l'influence
immédiate du facteur ethnique, surtout dans le contexte des
élections. Au sein du CAR 82,9% des membres enquêtés
répondent oui à cette question ; au niveau de l'ex-RPT on
trouve 69,1%, et dans l'UFC 50%. Essentiellement donc, tous
ces partis s'appuient sur une ethnie. En entretien avec un responsable du CAR
à qui nous demandions si l'élection du nouveau président
de leur parti n'est influencée par le facteur ethnique, il répond
en ces termes << le choix n'est pas influencé par le facteur
ethnique puisque c'est une élection avec plusieurs candidats, mais
toujours est-il qu'en votant les membres peuvent avoir le souci de conservation
de l'électorat acquis au CAR, qui est le Yoto, et par là les
Ouatchi ».
Tout ceci nous oriente vers le fait que des partis politiques
cherchent à établir un vote ethnique ou prennent en compte
l'identification partisane du paradigme de Michigan. Par cette
dernière, on montre que le comportement électoral est
analysé comme résultante d'un champ de forces psychologiques. On
arrive à prévoir le vote des électeurs, en
déterminant << l'orientation et l'intensité de leurs
attitudes à l'égard des divers objets politiques (candidats,
partis, programmes) ». (Danioue, 2009 : 13) C'est donc un attachement
effectif à un groupe de référence ou à un
leader.
En nous conférant aux annexes I et II de notre travail,
il est bien clair cet aspect. Au niveau de l'annexe II, l'ex-RPT à
l'élection présidentielle a raflé tous les votes de toutes
les régions sauf la région maritime qui a voté pour l'UFC
; exception faite aussi de la préfecture de Yoto qui est acquis au CAR.
Ceci étant, tous les endroits où sont originaires les leaders de
parti politique, ont accordé leur voix au << fils du terroir
». La nuance est à faite concernant
l'ex-RPT qui a eu de voix presque partout, même si son
candidat à des liens familiaux kabyèet éwé de
Kloto, il faut souligner plus son expérience et surtout le fait qu'il a
presque de façon
égale les membres de la plupart des ethnies. (cf. tableau
n°24)
Toute cette implication du facteur ethnique entrainant la
division Nord/Sud comme le révèle le tableau n°8, n'est
qu'une pure manipulation à des fins politiques. Par conséquent,
une volonté doit animer tous citoyens togolais pour finir avec ce
phénomène, comme 54,7% contre 29,3% (cf. tableau n°22) juge
cela évitable. Mais la question qui se pose est de savoir à qui
imputer cela ? Et que faire pour éviter cette situation ? Pour la
première question, les personnes interviewer sont unanimes <<
c'est un fait colonial », mais d'autres ajoute le parti
politique RPT qui était au pouvoir depuis quarante. Selon le membre
de la société civile << il est clair que le RPT
à un moment donné, à commencer par insérer le
clivage Nord/Sud ou le clivage kabyè/éwé (guin) dans la
vie politique togolaise pour toujours garder l'électorat du Nord
». Pour la seconde question, par le graphique n°5, il ressort que
c'est dû à la discrimination ethnique qu'il faut donc
éviter. A cet effet, le rapport de Human Rights de 2010 sur le
Togo, révèle dans ce cas que
<< la dominance relative des groupes ethniques du Sud
dans le secteur privé, notamment dans le commerce et les professions
libérales, et la relative prédominance dans le secteur public et
particulièrement dans les forces de sécurité, des membres
du groupe ethnique kabyè, dont sont issus l'ancien et l'actuel
président, et des autres groupes ethniques du Nord, étaient
à l'origine de tensions politiques. Les partis politiques avaient
tendance à avoir des bases ethniques et régionales facilement
identifiables : ainsi, le RPT comptait plus d'adhérents des ethnies du
Nord que du Sud ; l'inverse était également vrai pour les partis
de l'opposition comme l'UFC et le CAR. » (2010 : 20)
Par ailleurs, dans le graphique n°5 toujours, 18,7% des
enquêtés demandent l'application des textes en vigueur pour
pouvoir éviter l'ethnicisation. On déplore donc, la
passivité des autorités compétentes dans ce domaine.
Au vue de tout ce qui précèdent, il est donc
important de faire face à l'ethnicisation des partis politiques,
d'autant plus que 84,7% des enquêtés contre 6,7%, pensent que cela
fragilise ou peut détruire la cohésion sociale (cf. tableau
n°19) ; et surtout que 52,7% des enquêtés pensent que c'est
une entorse de proposer un système de quota par l'ethnie dans la
politique togolaise (cf. tableau n°23). Dans les interviews de
façon unanime, les 6 personnes trouvent qu'à long terme <<
la manipulation ethnique du clivage Nord/Sud, engendrera un conflit
ethnique comme cela est le cas dans la plupart des pays d'Afrique ».
En plus d'un éventuel conflit, il est important de voir que cette
manipulation même si elle ne fragilise pas la cohésion sociale de
nos jours, elle peut à la longue la détruire. Ce que
révèle le tableau n°19. L'un des responsables de l'ANC dit
à cet effet : << le rapport entre le Nord et le Sud, ou le
kabyè et l'éwé (ou guin) est très convivial
aujourd'hui, puisque même les métissages continuent par des
mariages dont je suis la preuve, ma femme est du Nord. Il y a une cohabitation
parfaite dans les quartiers, dans les services, c'est seulement sur l'aspect
ethnique que la division survient ». << Fragilité
non, mais destruction de la cohésion, oui si rien n'est fait dans ce
sens » nous dit un membre de l'ex-RPT. Tout cela est rassurant
surtout venant des acteurs de la vie politique togolaise. Le reste c'est de
trouver comment arriver à endiguer << la pathologie »
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