INTRODUCTION
L'indépendance des Etats africains a fait miroiter pour
quelque temps une lueur d'une vraie autonomie, focalisée autour d'une
nation forte et unie, devant entrainer un développement effectif. L'Etat
post-colonial dans le contexte africain n'a pas réussi à fonder
une telle société qui serait l'expression d'un véritable
Etat-Nation. Remarquons que depuis lors, la représentation de <<
l'image [de la nation] joue un rôle éminent dans le processus
d'adhésion à l'idée de nation >> (R. Pourtier, 2010
: 153), créant un blocage systématique fonctionnel et structurel
au niveau des Etats.
Juan José Linz, sociologue politique espagnol, a
élaboré des modèles étatiques à partir des
régimes totalitaires qu'il qualifie de << non démocratiques
>>. De son analyse nous pourrons dire que les Etats africains
répondent à certains de ces différents modèles :
régimes du type << bureautico-militaire >>, <<
post-démocratique >>, << démocraties raciales ou
ethniques >>, << multiethnique sans consensus >>. (J. J.
Linz, 2006 : 174-441) On peut s'apercevoir que les régimes politiques
des Etats africains, cinquante ans après les indépendances, se
rapprochent encore aujourd'hui de ces modèles.
Les Etats africains après leurs indépendances
ont connu au cours de leurs processus politiques, l'<< autoritarisme
bourgeois >>, les coups d'Etat, le parti unique avec la <<
personnalisation du pouvoir >>, le népotisme, la dictature, qui
ont conduit à un processus de démocratisation dans les
années 1990. Ce processus entaché de corruption,
d'élection truquée, de gouvernement patrimonial et clanique, de
manipulation constitutionnelle, de multipartisme de pacotille, de manipulation
ethnique... demeure un échec sur le continent.
En outre, ces difficultés rencontrées sont en
partie expliquées aussi par le facteur ethnique. Ce dernier
considéré comme vestige du passé est vu comme un nouveau
paradigme de la situation politique actuelle africaine. (R. Pourtier, 2010 :
141-159) C'est une source de potentiels conflits qui minent l'Afrique, si cela
ne l'est déjà.
Dans ces Etats qui sont issus de la colonisation,
l'ethnicité se révèle comme l'un des obstacles au
fonctionnement de la société. Elle plonge l'Etat dans
l'incapacité d'assumer ses fonctions régaliennes et remet ainsi
en cause le constitutionnalisme qui le fonde. L'usage de l'ethnicité
confère de facto à des individus ou à des
groupes, des missions qui rentrent dans l'exercice de l'Etat. Cet aspect
consacre l'effondrement de l'Etat, et instrumentalisé, il est une bombe
destructrice de la stabilité de l'Etat et du tissu social. (Zartman,
1997 : 3-14) Dans une recherche (Etude sur les dissensions ethniques et
régionales au Togo) du Ministère des Droits de l'homme, de
la Démocratie et de la Réconciliation réalisée par
Boona Ketehouli en 2005, il
ressort de cela que << d'une manière
consciente ou inconsciente l'homme politique utilisera les différences
entre les ethnies et exacerbera les clivages nés de ces
différences. L'action du politicien surclassera les
préjugés et autres pesanteurs sociologiques. » (B.
Ketehouli, 2005)
A tort ou à raison donc, les partis politiques
pilotés par les politiciens revêtent un caractère ethnique
remarquable, dans leurs fonctionnements et organisations structurelles, et
aussi dans les milieux où leur côte de popularité est le
plus en vogue. Nous pouvons dire que << les dirigeants africains ont
tribalisé l'action politique en créant ou en réactivant
des stéréotypes ethniques et régionalistes » (K.
F.Hetcheli, 2007 : 82). Aussi, selon l'étude de Ketehouli, l'un des
catalyseurs ayant joué un rôle néfaste dans la
cristallisation des dissensions ethniques et régionales concerne les
<< partis politiques qui se créent sur des bases
ethnico-régionales que sur la base de projets de société.
» (Ketehouli, résumé, 2005)
C'est pour essayer de déterminer les facteurs
explicatifs de la place qu'occupe l'ethnie dans le processus d'adhésion
aux partis politiques et dans leur fonctionnement que nous avons mené
cette étude. Le thème de l'étude est ainsi
intitulé, << l'ethnie dans le fonctionnement des partis
politiques au Togo : cas du CAR, de l'ex-RPT et de l'UFC ».
Qu'est-ce qui peut expliquer ou orienter l'attitude ethniciste
des partis politiques ? Comment aussi, le peuple togolais se fourvoie-t-il sur
ces questions de clivages, jusqu'à les cristalliser comme un
agrégat légitime ou légal ? Les différences
culturelles et ethniques sontelles incompatibles avec la paix sociale et les
valeurs de la démocratie ? Le rôle que jouent les partis
politiques, dans la civitas togolaise, montre-t-il que cette situation
de précarité à laquelle est soumis le tissu social ou la
cohésion sociale, c'est-à-dire le risque de
dégénérescence d'un affrontement inter ou intra ethnique,
peut être dépassé ? Voilà les quelques questions
auxquelles nous tenterons de résoudre dans ce travail.
De toutes ces interrogations, notre étude ne prendra en
compte que l'aspect du facteur ethnique qui touche de façon directe le
fonctionnement des partis politiques. Nous nous limiterons dans ce cas à
l'Union des Forces de Changement (UFC), au Comité d'Action pour le
Renouveau (CAR) et à l'ex-Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), qui
sont les trois (3) partis politiques représentatifs lors des
élections législative de 2007 et présidentielle de 2010
et, qui ont marqué ou continuent de marquer la vie politique togolaise
depuis des dizaines d'années. Il s'agira de voir comment le facteur
ethnique influence, la formation des comités directeurs ou des bureaux
exécutifs de ces partis et leurs activités sur le terrain.
Le rapport de la mission d'établissement des faits
chargée de faire la lumière sur les violences et les
allégations de violations des droits de l'homme survenues au Togo
avant,
pendant et après l'élection
présidentielle du 24 avril 2005, dit rapport Koffigoh, a
suffisamment révélé cette situation : << la crise
Togolaise s'est également traduite par une exacerbation du facteur
ethnique et xénophobe dans la vie politique et sociale de ce pays
>> et il en ressort également que << l'implication des
partis politiques ne peut être écartée. >>
(Rapport Koffigoh, 2005 : 35)
Le phénomène toujours présent de
l'instrumentalisation de l'ethnie surtout sur le plan politique reste un
défi pour l'Afrique et pour le Togo. Aujourd'hui encore, la politique
est un cadre de groupement ethnique, que cela soit dans l'administration, ou
dans le social, l'ethnie dominante est celle du parti politique en exercice. A
en croire, tout concourt à maintenir une telle situation.
Pour la recherche ou pour ce présent mémoire, il
s'agira dans une première partie de poser le problème et
d'explorer ses contours, d'expliquer la méthode de collecte des
données en décrivant l'instrument et en spécifiant la
population-cible de l'étude à travers un cadre théorique,
conceptuel, physique et méthodologique. La deuxième partie sera
centrée sur la présentation, l'analyse et l'interprétation
des résultats de la recherche, qui débouchera sur la
vérification des hypothèses suivie de quelques suggestions ou
recommandations à l'endroit des structures concernées.
- CADRES THEORIQUE ET CONCEPTUEL
- CADRES PHYSIQUE ET METHODOLOGIQUE
PREMIERE PARTIE :
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