Lors de nos enquêtes de nombreuses insuffisances ont
été relevées ; absence de coordination avec les acteurs
concernés. Par exemple à Dougar, le premier recrutement s'est
fait en l'absence du responsable du développement communautaire et de
l'Infirmier Chef de Poste. L'identification et le recrutement des BG
nécessitent un meilleur respect des critères de sélection
au niveau opérationnel. En effet, selon la Présidente des Badiene
de Diamniadio « il y'a des BG qui font correctement leur travail,
alors que d'autres ne savent même pas pourquoi elles ont
été formées ». Les BG doivent au minimum
être alphabétisées en français ou dans une langue
nationale, alors que certaines d'entre elles ne savent ni lire, ni
écrire dans aucune langue. Ce qui pose un problème dans la prise
de note lors des formations,
mais aussi dans le remplissage des carnets, elles font
souvent appel à quelqu'un scolarisé ce que certaines
bénéficiaires n'apprécient pas du fait de la
confidentialité des informations données. C'est en ce sens qu'une
enquêtée disait que le choix doit être plus objectif puisque
la Badiene Gox est avant tout une confidente. A cela s'ajoute d'autres
problèmes tels que :
~ le manque d'outils de travail des Badiene
Gox.
C'est l'une des préoccupations majeures qui est tout
le temps revenue lors des entretiens. Il s'avère que les Badiene Gox ne
disposent pas de téléphones portables pouvant leur permettre
d'aviser à temps la structure sanitaire la plus proche afin de prendre
en charge très rapidement une femme enceinte présentant des
complications, des badges afin de les identifier lors des visites à
domicile. De toutes les Badiene Gox rencontrées dans la commune de
DIAMNIADIO, aucune d'entre elles ne possèdent de matériel
didactique. Pour noter leurs activités, Certaines utilisent des feuilles
volantes qui s'égarent d'où notre doute sur la fiabilité
des données transmises au niveau du Centre de Santé Elisabeth
DIOUF puisqu'étant le point focal de la Division de la Santé dans
le département de Rufisque.
~ Le taux de couverture
Bien qu'en expansion, la répartition spatiale des
Badiene Gox dans la commune de Diamniadio n'est pas équitable dans la
mesure où certains quartiers sont largement couverts et d'autres pas. A
titre d'exemple, dans Dougar, il a été recensé 8(huit)
Badiene Gox pour 2371 habitants contre 4 (quatre) à Séby Ponty
pour 948 habitants. Nous tenons à préciser ici que les chiffres
démographiques indiqués ici nous ont été
communiqués par le fichier d'Etat Civil de la mairie de Diamniadio. Soit
une Badiene pour 296 habitants dans Dougar contre 237 ans à Séby
Ponty. Même si le document cadre stipule que chaque Badiene Gox doit
couvrir 1000 habitants ou 100 ménages. Cela est possible dans une zone
où les populations sont concentrées or cela n'est pas la
réalité sur le terrain.
~ L'identification et l'enrôlement
Le manque de badges est un problème criard que
connaissent les Badiene Gox dans l'exécution des activités.
D'après elles, les ménages sont très méfiants
d'où leur rétention dans la divulgation de certaines informations
relatives à leur vie privée. A titre d'exemple, une femme
à Séby Ponty étant enceinte de 7 (sept) mois et n'ayant
jamais fait de consultations prénatales avait confié à la
Badiène Gox qui l'avait interrogée qu'elle les avait faites or ce
n'était pas le cas. En ce qui concerne le Planning Familial, les
époux, malgré l'assurance de la Badiene Gox, sont très
réticents surtout dans l'ethnie Peuhl.
En ce qui concerne l'enrôlement des Badiene Gox, il est
nécessaire de revoir les critères de sélection car
certaines ne répondent pas à ceux-ci. C'est le cas de la limite
d'âge, le niveau d'instruction et l'aptitude physique. A titre d'exemple,
une Badiene Gox âgée de 30 (trente) ans est plus forte
physiquement qu'une de 60 (soixante) ans car apte à parcourir de longues
distances dans la journée contrairement à cette dernière
qui est souvent en proie aux maladies comme le rhumatisme.
~ L'incompréhension des populations et le manque
de synergie entre les acteurs.
En effet les populations n'ont pas toujours compris le
travail de la Badiene Gox. Celui-ci se résume plus à la
médiation, au soutien, à l'accompagnement et à la
référence vers une structure sanitaire. Selon les
témoignages recueillis, il ressort que les Badiene Gox, en plus des
tâches qui leur sont confiées, font office d'Assistante Sociale
car Il arrive souvent que la Badiene Gox prend en charge aussi bien le
transport de la malade que les premiers soins. Les populations pensent que
cellesci détiennent « une caisse noire » pour
la prise en charge des frais des soins de la malade suivie or ce n'est pas le
cas. Leur assistance envers leur prochain vient non seulement du serment
prêté après leur formation mais surtout de l'esprit de
solidarité qu'exige la religion. La faible implication financière
et matérielle des populations constituent un handicap dans la mise en
place de mécanismes de solidarité pour mieux prendre en charge
l'évacuation des malades, les prestations de soins et l'achat des
médicaments.
Comment un programme pourrait-il atteindre les
résultats attendus s'il existe un manque de synergie ou de coordination
entre les différentes parties prenantes (Ministère de la
Santé, les bénéficiaires et les partenaires techniques et
financiers) ? Selon les explications fournies, il s'avère qu'il
y a un conflit de leadership et de compétence qui serait à
l'origine de cet état de chose. Le CHILD FUND, qui par exemple, est
censé être un partenaire technique forme à son propre
compte des relais communautaires et des Badiene Gox soit 25 (vingt-cinq)
recensées lors de notre passage. Même si c'est un appui, il
faudrait une sincère collaboration entre l'Etat et ses partenaires. Pour
l'illustrer prenons le cas d'une femme enceinte devant recevoir deux Badiene
Gox appartenant à des structures différentes à qui des
deux fera-t-elle confiance pour son suivi ?
~ Le suivi des activités
Depuis son lancement officiel en 2009, le programme n'a
jamais organisé, sur l'ensemble du territoire sénégalais,
une évaluation à mi-parcours, excepté quelques
supervisions faites à Matam, Tambacounda et Kolda en juin 2010 ou un
réel suivi de ses activités contrairement à son partenaire
technique CHILD FUND. Cela s'illustre par le témoignage accablant d'une
Badiene Gox de Dougar
qui disait : « comment saurais-je si je fais
bien ou pas mon travail dans la mesure où je ne suis pas
contrôlée et cela depuis que j'ai été formée
en 2009? ». Ce genre de propos prouve à suffisance
que rien n'est fait dans ce sens. Dans le même ordre d'idée,
toutes les Badiene Gox souhaitent se faire recycler ou se faire superviser afin
d'évaluer leur performance. Pour ces dernières, il est
inadmissible pour un programme d'une telle envergure mette en veille une telle
activité.
· Le manque de financement
Bien que programme à caractère communautaire,
la présentation des données financières par
activités ne nous donne aucune visibilité des dépenses
réalisées, dans la mesure où certaines informations
financières ont reçu le veto des responsables chargés de
la gestion du programme. Nous n'avons donc pas pu déterminer avec
exactitude la façon dont ont été répartis les
montants engagés.
Par ailleurs, il faut noter que des incertitudes demeurent
sur la suite à donner au Programme dans la mesure où les fonds
théoriquement alloués pour 2011 n'ont pas été
versés dans sa totalité.
· L'offre de santé
Si les Badiene Gox ont pour mission d'accroitre la
fréquentation des services de santé, l'offre quant à elle
ne suit pas. Cela est dû au sous équipements des structures
sanitaires en personnel qualifié (sagefemme) et en produits
pharmaceutiques mais surtout aux tarifs hospitaliers très excessifs pour
les ménages démunis. Ces structures ne disposent ni d'ambulances
ni de sages-femmes. C'est l'infirmier qui se charge des accouchements
aidé en cela par la matrone ; qu'adviendrait-il en cas
d'hémorragie du post partum ? La mort certaine de la parturiente. Afin
d'éviter de tels drames, il serait judicieux de mettre en place une
politique sanitaire reposant sur la gratuité des soins aux couches
sociales les plus défavorisés.
· Les croyances culturelles
Négliger celles-ci serait une erreur monumentale de la
part de toutes les parties prenantes du programme car persistantes dans
certaines ethnies tel est le cas de la pratique de l'excision bien qu'interdite
par la Loi. A cela s'ajoute les préjugés ancrés dans
l'esprit de certaines femmes enceintes qui pensent que les mauvais esprits ou
djinn porteraient atteinte à la vie de leur futur enfant d'où
leur décision tardive de déclarer leur grossesse auprès
des structures sanitaires.
Face à toutes ces faiblesses, il est impératif
pour les autorités sanitaires de revoir ou de corriger les
stratégies du programme avant 2015.