Paragraphe 2 : Nécessité d'une
coopération transfrontalière
Nous aborderons dans cette partie les
modalités d'une coopération
transfrontalière. Les recommandations à
l'endroit des différents acteurs feront également l'objet de
cette partie. Pour que l'étape d'une coopération
transfrontalière soit atteinte, il est nécessaire
d'établir ou de renforcer un plan d'action nationale consacré
strictement à la lutte contre la traite des enfants.
A- Modalités d'une coopération
transfrontalière entre le Bénin et le
Nigeria
Une coopération ne saurait se passer
d'un plan d'action national
efficace. Au Bénin, un
PAN54 établi et exécuté en toute
objectivité, a mis du temps à voir le jour contrairement aux
cas de certains Etats dans le monde55.
53 La question de l'effectivité de
l'application de la peine de mort dans le droit positif béninois
54 Une étude menée par le Centre de
Recherche Innocenti de l'UNICEF en 2001 faisait était de l'absence de
Plan d'Action National en matière de lutte contre la traite des enfants
en République du Bénin
55 « Un pays sur 4 poursuit un projet national de lutte
contre la traite des êtres humains... » : Extrait d'une
étude du Centre de Recherche Innocenti sur « La traite des
êtres humains en Afrique, en particulier des femmes et des enfants
» 2004
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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Le PAN de la période de 2006 à 2008, comme
toutes les politiques nationales ou sous-régionales de lutte contre la
traite des enfants, ne s'intéresse qu'aux questions liées
à la lutte contre la pauvreté, la vulgarisation. Nous avons
d'ailleurs trouvé peu efficace cette politique de vulgarisation et avons
proposé plus haut des solutions. Les frontières qui conditionnent
la traite transfrontalière des enfants, semblent être
ignorés dans le processus de lutte. Pourtant, la traite
transfrontalière des enfants est tout aussi importante, voire plus
préoccupante que la traite des enfants à l'intérieur des
frontières d'un Etat. Le cas de la traite transfrontalière pose
un problème international et de ce fait, est beaucoup plus
délicat. C'est peut être la raison pour laquelle, l'Etat
béninois n'est pas en mesure de proposer des solutions
transfrontalières de façon unilatérale -chose qui n'est
pas admise en droit international ; la réciprocité étant
la règle d'or en terme de relations internationales. Les seules actions
entreprises par l'Etat béninois et ayant obtenu le quitus et la
collaboration des autorités nigérianes grâce au dynamisme
de la diplomatie béninoise, sont relatives aux rapatriements des enfants
béninois, victimes de la traite au Nigeria et les extraditions de
trafiquants présumés ou jugés au Bénin, en vertu du
traité d'extradition existant entre les deux Etats. Une attention
particulière n'est pas mise sur la gestion des frontières comme
moyen efficace de lutte contre la traite transfrontalière des
enfants.
Néanmoins l'existence d'un PAN efficace se trouve
être une condition sine qua non pour une coopération
transfrontalière réussie. C'est pourquoi nous proposons à
l'Etat béninois d'effectuer les recommandations faites jusqu'ici dans
notre travail en thème d'approches de solutions. Nous suggérons
que l'Etat béninois se donne une identité frontalière
avant de s'engager dans tout projet de coopération
transfrontalière qui, en ce moment se trouve être une solution
importante en matière de lutte contre la traite des enfants.
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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En matière de lutte contre la traite
des enfants, les Nations Unies,
organe international de protection des droits humains dont
ceux des enfants, proposent aux Etats, des accords de coopération, comme
solution à la lutte contre la traite transfrontalière des
enfants. L'Union Africaine a fait la
même proposition ainsi que le Nouveau
Partenariat pour le Développement de
l'Afrique (NEPAD). La CEDEAO et l'UEMOA, sur le plan
sous-régional, en ont fait autant. Bien que le dialogue entre les Etats
ne prenne toujours pas en compte le caractère poreux des
frontières et la nécessité des accords de
coopération transfrontalière en matière de lutte contre la
traite des enfants, il faut reconnaître que les Etats sont conscients que
la traite est devenue une question transnationale et est facilitée par
l'absence d'une politique efficace de gestion des frontières. Ce
problème peut trouver un début de solution dans la mise en oeuvre
d'une bonne coopération transfrontalière.
La coopération transfrontalière
peut être définie comme la mise en commun de
toutes les mesures techniques, économiques, administratives,
socio-culturelles en vue de développer et/ou de consolider les relations
de bon voisinage entre deux ou plusieurs Etats ayant des frontières
communes. La coopération transfrontalière
peut également porter sur un problème
spécifique dont la résolution requiert la mise en commun des
forces. C'est dans cette approche que se situe la
coopération entre Etats ici désirée dans le cadre de la
gestion des frontières. Le cas qui est mis en exergue dans cette
étude, nous le précisons, est la coopération entre le
Bénin et le Nigeria.
La République du Bénin et la République
Fédérale du Nigeria, sont des Etats, voisins et amis, d'ailleurs
condamnés à vivre ensemble parce que partageant, au-delà
des mêmes frontières, le même environnement
géostratégique. Le Bénin et le Nigeria entretiennent de
grandes relations économiques, commerciales, politiques,
socio-culturelles... Aussi partagent- ils les mêmes problèmes
-chacun à des degrés divers. On comprend alors
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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pourquoi dans le cas de la traite des enfants, le
Bénin (pays d'origine) est en relation avec le Nigeria (pays de
destination). Les accords, les traités, les memoranda et autres existant
entre les deux Etats se justifient donc pleinement.
Il existe également entre eux, un projet de
coopération transfrontalière qui a débuté
en 1990 et qui a été toiletté et paraphé à
Cotonou en Mai 2005. Le Mémorandum d'Entente de Badagry a proposé
que ce traité soit signé au plus tôt entre les deux Etats,
pour ce qui est des questions transfrontalières. Puis depuis la
dernière rencontre de 2005, ce traité n'a pu être
signé. Il vise essentiellement à :
· préserver la sécurité au sein des
populations frontalières des deux pays ;
· faciliter les échanges commerciaux dans les zones
frontalières ;
· promouvoir sur chaque territoire les infrastructures
telles que les écoles, les hôpitaux, les services postaux, les
routes, l'eau, l'électricité ;
· former les responsables des localités
concernées à la gestion, au contrôle des zones
transfrontalières et à l'application des Accords
de coopération entre les deux Etats...
Le but principal de ce traité qui n'a pas pu
être signé à la dernière rencontre de 2005 est de
renforcer le brassage et l'intégration entre les populations des deux
Etats.
Comme on a pu le constater, l'accent n'a pas
déjà été mis sur la traite transfrontalière
des enfants. Le traité étant encore à
l'étape de projet, nous proposons qu'une clause claire relative à
la lutte contre la traite transfrontalière des enfants soit
introduite. Les formations à donner aux responsables des
localités environnantes concernées devront contenir un volet,
Lutte contre la traite des enfants. Que ces responsables soient formés
de manière à pouvoir déceler et arréter un
processus de trafic illicite d'enfants. S'ils n'en ont pas les moyens, ils
doivent mettre à contribution les autorités
compétentes d'un des Etats compte tenu de l'ère
géographique sur laquelle ils se trouvent.
La remarque selon laquelle mention spéciale n'est pas
faite de la lutte contre la traite transfrontalière des enfants, est
également observée dans le projet d'installation et de
fonctionnement des Bureaux de Contrôles
Nationaux Juxtaposés
(BCNJ) entre le Bénin et le Nigeria. Les Bureaux
devront être installés au niveau de la frontière
Sèmè-Kraké.
Les BCNJ désignent des bâtiments publics
où s'exercent les fonctions administratives frontalières par les
deux pays. Les locaux devant abriter les BCNJ sont construits par le
Bénin, sur le territoire béninois. Les fonctions des BCNJ sont
notamment :
· le contrôle de police pour l'immigration ;
· le contrôle de police pour les véhicules
;
· le contrôle de police pour les armes, munitions et
de tous produits prohibés ;
· l'inspection douanière des véhicules et
marchandises
· le contrôle de santé des passagers ;
· le contrôle phytosanitaire pour les produits de la
faune et de la flore...
Une fois de plus, il a manqué une mention
spéciale de la traite des enfants. Ce projet de traité
privilégie plutôt la promotion de l'intégration
économique et commerciale.
Pour la réalisation de ces objectifs, il a
été proposé comme mécanismes de la
coopération56
· un Conseil conjoint ;
· des comités frontaliers mixtes locaux ;
· deux secrétariats permanents.
56 Proposition faite par l'Ambassadeur
Théodore LOKO, alors DAJDH (MAE) à la rencontre de Mai 2002 entre
les parties nigériane et béninoise.
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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Ces organes devront permettre aux diverses autorités
des deux parties d'effectuer des tournées conjointes périodiques
et d'échanger des visites afin d'asseoir une meilleure gestion des
frontières. En principe, la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants pourraient être prise en compte et
donc se retrouver en bonne place.
La signature de ce traité a été ralentie
par la mésentente relevée entre les deux Etats au sujet des
activités réelles des Bureaux. En effet, pendant que le
Bénin parle de Bureaux de Contrôles Nationaux Juxtaposés,
les autorités nigérianes proposent un contrôle conjoint.
Dans le premier cas, chacun des Etats procédera au contrôle sur
son territoire et au niveau de sa frontière et peut se faire aider par
l'autre Etat en cas de besoin. Mais dans le second, un contrôle conjoint
suppose la mise en commun des efforts à fournir pour la gestion efficace
des frontières. Le Nigeria se base en effet, sur les exemples de la
France et du Royaume-Uni de Grande Bretagne et de l'Irlande du Nord. Les
contrôles conjoints sont simultanés.
Face à cette mésentente, nous proposons que
soient trouvées des solutions alternatives.
Chacune des parties effectue à temps plein des contrôles
nationaux qui pourront être juxtaposés et pour des périodes
spécifiques réputées favorables à un
phénomène ou pour un autre des
contrôles conjoints soient effectués.
Par exemple, pour ce qui est de la traite des enfants, les
périodes de congés annuels qui font suite aux cours
académiques et les périodes de saisons de pluie, favorables aux
travaux champêtres, suscitent d'intenses activités des trafiquants
qui fournissent aux demandeurs la main-d'oeuvre infantile, efficace et moins
coûteuse. Les deux Etats peuvent conjuguer leurs forces en ces
périodes spécifiques. Une telle solution -alternative- permettra
certainement le dénouement de la situation qui bloque u tant soit peu la
signature de ce traité.
Une fois cette situation rétablie, les BCNJ permettront
de mieux faire face à la lutte contre la traite
transfrontalière.
On pourra donc effectuer au niveau de ces Bureaux :
· des contrôles d'identité des enfants ;
· des contrôles justifiant la filiation avec les
adultes qui les accompagnent ou l'autorité de ces adultes sur le ou
les enfants ;
· la motivation de la traversée des
frontières par l'enfant ;
· la vérification des pièces
administratives relatives au déplacement des enfants comme
recommandée par la Loi n°2006-04 du 05 Avril 2006.
Pour la réalisation de ces objectifs, à
défaut de disposer d'agents spécifiquement destinés
à ces vérifications, il s'avèrerait nécessaire que
des formations soient organisées à l'endroit des forces de
l'ordre, chargées d'effectuer les contrôles au niveau des
frontières. L'objectif de ces formations est de leur expliquer, qu'elles
auront à charge ces diverses vérifications dans le but de
réduire, voire éradiquer la traite transfrontalière des
enfants.
La symétrie institutionnelle est essentielle pour ces
deux Etats. Les communications directes permanentes entre eux sont
nécessaires pour lutter contre la traite des enfants. L'exemple du Mali
et de la Côte d'ivoire en matière de coopération
transfrontalière, qui est d'ailleurs le premier cas en Afrique de
l'ouest peut être suivi et amélioré par les autres Etats.
La mise en oeuvre de ces solutions nécessitent l'intervention de tous
les acteurs engagés et ceux appelés à l'être.
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