II.2. LE CADRE DE CONTRÔLE
À l'occasion de chaque mission d'audit, les faiblesses,
insuffisances, dysfonctionnements ou erreurs relevés par l'auditeur
trouveront toujours leur cause première dans la défaillance d'un
des dispositifs de contrôle interne mis en place par le responsable (ou
qui n'a pas été mis en place). Ces dispositifs peuvent être
regroupés sous les rubriques suivantes :
v' les objectifs ;
1' les moyens ;
v' le système d'information ; v' l'organisation ;
v' les procédures ;
1' la supervision.
1) Les objectifs
La politique et l'objet de la mission ayant été
précisé, le premier devoir du responsable est de définir
les cibles à atteindre, pour remplir la tache assignée.
Ces objectifs doivent naturellement s'insérer dans le
cadre des objectifs généraux du contrôle interne,
déjà analysés et qu'il nous suffit de rappeler :
· protection du patrimoine ;
· fiabilité des informations ;
· respect des lois, règlements et contrats ;
· efficacité des
opérations.(1)
Ces objectifs doivent avoir les critères suivants :
-L'adéquation entre objectifs et
mission
-Ils doivent être déclinés
à l'intérieur du service : chaque objectif
spécifique se réalise par la réalisation cumulée de
sous-objectifs assignés aux responsables opérationnels du
service. En bonne organisation, il doit donc y avoir :
o une construction pyramidale des objectifs dont la
totalité concourt à la réalisation de l'objectif
général ;
o des performances assignées à chacun en termes
d'objectifs afin que ceux-ci soient traduits dans la réalité
opérationnelle.
-Ils doivent être mesurables,
c'est-à-dire exprimés en termes numériques : valeurs
objectives à atteindre ou à dépasser, ratios, indicateurs
d'activité ou de qualité.
- Ils doivent pouvoir être suivis par le
système d'information à disposition du management,
lequel doit être construit en fonction de la nature des objectifs
assignés à chacun.
- Ils doivent se situer dans le
temps.
1Jacques Renard ; Théorie et pratique de
l'audit interne, op-cit ; 2010 ; pp168-169 .
- Ils doivent être ambitieux,
ce qui exclut toute confusion avec la norme.
Tout manquement à ces principes va constituer une
faiblesse du système de contrôle interne de l'activité
considérée, tout comme l'absence d'objectifs de l'entité
est une faiblesse de l'organisation tout entière.
2) Les moyens
Ils permettent la réalisation des objectifs : sont-ils
adaptés aux objectifs fixés ? Vérifier l'adaptation des
moyens c'est regarder :
a) Les moyens humains
Sans personnel compétent tout système de
contrôle interne est condamné et nombreux sont les cas dans
lesquels les anomalies rencontrées ont pour cause une formation
insuffisante ou, ce qui revient au même, une formation non mise à
jour. Cette observation concerne trois activités :
(1)
· Le recrutement
· La formation professionnelle permanente
· L'éthique
b) Les moyens financiers Les budgets
d'exploitation et d'investissements sont-ils en ligne avec les objectifs ?
c) Les moyens techniques
Il faut comprendre ce terme en son sens le plus large,
c'est-à-dire aussi bien techniques industrielles, que techniques de
gestion et techniques commerciales.
3) Les systèmes d'information et de
pilotage
Troisième dispositif de contrôle interne, et que
l'on trouve dans toutes les activités. L'observation des systèmes
d'information par l'auditeur interne doit le conduire à examiner les
cinq critères qui vont lui permettre de porter un jugement sur la
qualité de ces dispositifs.
a) Ils doivent être fiables et
vérifiables
On pourrait dire fiables parce que vérifiables. En effet,
une information n'est fiable que si elle est vérifiable et elle n'est
vérifiable que si on peut l'authentifier.
b) Ils doivent être exhaustifs
Un système de pilotage exhaustif est un système
qui comporte un indicateur par objectif individuel. Tous les objectifs
assignés à chaque activité doivent pouvoir être
mesurés et suivis et le système d'information doit y pourvoir.
c) Ils doivent être disponibles en temps
opportun
Il est nécessaire que les informations soient disponibles
au moment où l'on en a besoin, ce qui bien évidemment n'est pas
toujours le temps réel.
d) Ils doivent être mis-à-jour
e) Ils doivent être utiles et
pertinents
Ce qui correspond au critère de la qualité :
« satisfaire les besoins des utilisateurs ». La pertinence ajoute
à l'utilité en ce sens qu'elle permet de sélectionner
parmi les indicateurs et informations « utiles », ceux qui
répondent le mieux à l'objectif recherché et qui sont donc
les mieux adaptés.
Entendu au sens large « Les systèmes d'information et
de pilotage » comportent de nombreux éléments
:(1)
· le contrôle de gestion et le contrôle
budgétaire ;
· le tableau de bord et ses éléments ;
· tous les tests et contrôles préventifs,
défectifs et correctifs. Rentrent en particulier dans cette
catégorie tous les contrôles introduits ou à introduire
dans les systèmes informatiques, contrôles bloquants ou simples
messages d'alerte ;
· toutes les données statistiques utiles à
la gestion.
Et nous mettrons sous cette rubrique le système de
communication, grâce auquel chacun va avoir accès à
l'information dont il a besoin et rien que cela.
C'est-à-dire que les systèmes d'information
doivent être allégés de tout ce qui n'est pas utile
à l'appréciation de la réalisation des objectifs.
4) L'organisation
Une organisation de qualité doit respecter trois
principes généraux, elle se compose de quatre
éléments constitutifs :
4.1. Les trois principes à respecter a)
L'adaptation
Il n'y a pas de modèle unique qui pourrait servir de
référentiel pour tous ; on peut même dire qu'il n'existe
pas de panoplie de modèles dans laquelle on pourrait puiser. La
diversité des organisations est aussi grande que peut l'être la
diversité des entreprises : taille, nature d'activité, objectifs,
environnement, structures juridiques... sont autant de variables qui vont
générer des organisations différentes. Mais le principe
essentiel est que l'organisation doit être « adaptée »
à la culture, à l'environnement, à l'activité,
etc.
Dans cette adaptation que devront réaliser les managers,
trois écueils sont à éviter :
· L'organisation anarchique,
à laquelle on peut assimiler l'absence d'organisation : c'est celle dans
laquelle les responsabilités ne sont pas définies, on ne sait pas
qui fait quoi et l'entité vit au jour le jour.
· L'organisation excessive,
qui conduit elle aussi à la paralysie : ici la cohérence est
totale, mais la minutie de l'organisation, le pointillisme des règles
sont tels que rien ne bouge. Et cette situation est encore aggravée si
des sanctions menacent les contrevenants.
· L'organisation immobile : une
organisation adaptée, c'est aussi une organisation qui s'adapte. Ce
principe d'adaptation doit se conjuguer avec le second principe :
l'objectivité.
b) L'objectivité
Une organisation objective est une organisation qui n'est pas
construite en fonction des hommes.
c) La sécurité ou la séparation des
tâches
S'organiser, et s'organiser avec le maximum de
sécurité, c'est répartir les tâches de telle
façon que certaines d'entre elles, fondamentalement incompatibles, ne
puissent être exercées par une seule et même personne.
· La fonction de
décision : c'est celle de l'ordonnateur, détenteur
d'un budget d'exploitation ou d'investissement et qui a le pouvoir d'engager
l'entreprise dans les limites qui lui ont été
attribuées.
· La fonction d'enregistrement :
c'est la fonction comptable par laquelle toute opération fait l'objet
d'une écriture.
· La fonction
financière : c'est l'acte de paiement ou de recette qui
doit rester autonome. Cet acte de paiement ou de recette se matérialise
de diverses façons : signature ou encaissement de chèques, remise
ou encaissement d'espèces, ordres de virement, etc.
· La fonction de
détention : les titulaires de la fonction de
détention sont ceux qui détiennent et conservent des biens
physiques : magasiniers, gestionnaires de stocks. On peut également
ajouter les caissiers, à ceci près qu'il n'y a pas
d'incompatibilité entre la détention des valeurs et la fonction
financière.
· La fonction de
contrôle : le mot « contrôle » est ici
entendu au sens de vérification, et qui ne s'exerce que dans les cas
où les règles de l'entreprise exigent une autorisation
supplémentaire pour l'exercice de l'une des fonctions
précédentes.
La confusion de deux au moins de ces fonctions crée
des situations à risque qui mettent en péril les actifs de la
société et, dans le meilleur des cas, crée des risques
d'erreurs et de confusions qu'il convient d'éviter.
Dans les cas ou le personnel ou la taille d'une entité
sont limités, il n'existe guère que trois façons pour
réaliser la sécurité des taches : (1)
v' Faire tourner les tâches, en créant une
polyvalence au sein des personnes et en permutant les activités des unes
avec les activités des autres. sans modifier les rattachements
hiérarchiques,
v' Faire tourner les personnes : on a alors recours à
la mutation, qui exige moins de polyvalence que la formule
précédente car elle s'exerce selon un rythme plus lent.
v' Renforcer la vérification
Dans le respect de ces trois principes, le dispositif
d'organisation se traduit par la mise en place de quatre éléments
constitutifs.
4.2. Les quatre éléments
constitutifs
Ce sont :
o l'organigramme, hiérarchique pour savoir qui commande
à qui ;
o l'analyse de poste pour savoir qui fait quoi ;
o le recueil des pouvoirs et latitudes pour connaître les
limites des pouvoirs de chacun ;
o l'élément matériel qui organise
l'environnement.
Pour être bien maîtrisé, tout service, toute
fonction doit s'organiser autour de ces quatre points
a)L'organigramme hiérarchique
C'est le premier document que doit se faire communiquer
l'auditeur ; l'organigramme hiérarchique permet d'abord de bien
comprendre le fonctionnement de l'unité, il peut ensuite et par simple
lecture, signaler des pistes intéressantes. L'organigramme
hiérarchique doit comporter la mention de la date à laquelle il a
été établi.
b) L'analyse de poste
L'analyse de poste (ou description de poste) permet de
détecter des situations anormales. Ce document est donc un document
descriptif qui précise la nature des tâches effectuées :
décision, exécution, contrôle, coordination,
information...
Pour que l'analyse de poste joue pleinement son rôle, il
ne suffit pas qu'elle existe, encore faut-il qu'elle soit :
· communiquée au personnel concerné ;
· comprise par ce dernier (ce qui veut dire qu'il doit
avoir la formation pour comprendre et exécuter) ;
· mise à jour en fonction de l'évolution de
l'organisation ;
· archivée, donc conservée, par les
responsables.
c)Le recueil des pouvoirs et latitudes
Chacun doit connaître avec précision ce qu'il doit
faire, mais chacun doit savoir également dans quelles limites se situent
ces délégations de pouvoir.
On perçoit bien que ces délégations doivent
être :(1)
I écrites ;
I connues des bénéficiaires et de leur
hiérarchie ;
I éventuellement, connues de certains tiers
privilégiés (banques, administrations...) I et surtout : mises
à jour en fonction des changements, mutations, modifications.
d) L'élément matériel
Les éléments constitutifs de l'organisation
s'insèrent et se développent dans un environnement qui doit
être organisé pour leur permettre de fonctionner en assurant la
protection physique des biens et des personnes.
5) Les méthodes et procédures
Les méthodes de travail et procédures de
l'entreprise doivent être définies et concerner toutes les
activités et tous les processus. Ces documents doivent être :
· Écrits: Pas de
connaissance exclusivement orale ;
· Simples et spécifiques :
Ce doivent être des outils de travail auxquels se
réfèrent les exécutants pour connaître la norme
à respecter ;
· Mis à jour
régulièrement : Ce qui implique la
responsabilité de la hiérarchie, chargée de définir
ses propres méthodes de travail et qui doit donc les mettre à
jour. Ce n'est jamais une oeuvre accomplie une fois pour toutes, c'est un
travail permanent ;
· Portés à la connaissance des
exécutants : On peut même dire « à
portée de main » : outil de travail le recueil des
procédures ne doit pas être conservé sous clé,
à disposition de quelques privilégiés seuls
détenteurs du savoir.
On perçoit bien l'importance des procédures dans un
dispositif de contrôle interne.
6) La supervision
C'est le sixième et dernier dispositif de regroupement des
éléments du contrôle interne dont les auditeurs examineront
la qualité.
On peut d'abord définir la supervision par ce qu'elle
n'est pas :
~ ce n'est pas refaire le travail de ses subordonnés ;
~ ce n'est pas tendre des pièges pour déceler les
erreurs ;
~ ce n'est pas pratiquer en permanence l'examen attentif de ce
qui se fait, comme le surveillant dans la
classe.(1)
Superviser c'est :
> D'abord un acte d'assistance :
aider le collaborateur dans les tâches nouvelles et difficiles, lui
montrer le chemin, régler les conflits et ce faisant détecter ses
points forts et ses points faibles.
> Ensuite un acte gratifiant :
montrer aux autres que l'on s'intéresse à leur travail, que leurs
efforts ou leurs difficultés ou leurs performances ne sont pas
ignorés.
> Enfin un acte de
vérification : montrer que de temps à autre, selon
une périodicité tout à fait aléatoire, mais
certaine, quelqu'un vient regarder et vérifier comment les choses se
passent.
> toute supervision doit laisser une trace de
son passage : visa, note, compte rendu... la trace est
nécessaire pour apprécier la qualité du management et se
repérer dans la fréquence des actes de supervision ;
> la supervision doit être
universelle : toute tâche, quelle qu'elle soit, doit
être supervisée. Seule la fréquence de l'acte de
supervision distingue les tâches essentielles des tâches
subalternes.
La supervision va de pair avec un bon système
d'information et de pilotage qui permet au superviseur de mesurer les
progrès réalisés dans la poursuite des objectifs.
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