11-3.2. Facteurs à l'origine de ces processus.
Pour les raisons évoquées tout au long de ce
travail et notamment dans le chapitre réservé aux facteurs
dégradants, rares sont les formations en équilibre tant
écologique que biologique (les peuplements se maintiennent
homogènes et ne sont l'objet que de substitution d'essences).
Généralement, et malheureusement, dans notre région cet
équilibre est rompu car l'action de
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
l'homme ne se limite pas à l'orientation des
peuplements dans un but strictement sylvicole. L'homme sans s'assure de la
fiabilité de ses interventions et des résultats contribue
à la dégradation de la végétation ligneuse par une
élimination d'espèces déterminantes et d'une action
certaine pour l'avenir de cette formation végétale. La
prolifération d'espèces de moindre importance est alors
encouragée (ces dernières profitent des conditions temporaires
provoquées par l'action de l'homme ou de l'animal) et contribuent
à la formation de groupements végétaux
indésirables, symbole de dégradation constituant le point de
départ d'un processus de transformation. Le rôle économique
que jouaient les formations végétales a également
contribué à accentuer le processus de dégradation par une
forte exploitation sans commune mesure avec les possibilités et les
potentialités du peuplement. MARC (1916) justifie cette situation: "
Avant l'occupation française les immenses boisements de l'Algérie
tenaient dans la vie économique du pays, la place qui leur est
réservée dans les sociétés de civilisation
rudimentaire et de moeurs simples; ils servaient surtout de terrain de parcours
pour l'entretien d'un bétail qui constituait la principale si non la
seule richesse du pays, ils fournissaient, d'autre part, le combustible
strictement nécessaire à la préparation des aliments,
ainsi qu'au chauffage des habitants pendant la période de froid -
relativement courte - d'un climat peu rigoureux. Le bois, le liège
même, dont le commerce était à peu prés inconnu, se
rangeaient, comme une foule de menu produits divers, utilisés par les
populations pour leurs besoins où dont elles tiraient de petits profits,
dans la catégorie des produits accessoires".
Hélas cette situation n'a pu être
conservée, la colonisation provoqua une modification totale et profonde
de la société qui se répercuta sur une utilisation
économique de la forêt et même stratégique
(répondre aux besoins en combustible de l'industrie). Dés 1892
dans le budget annuel le rapporteur de la commission du projet de loi
(après MARC 1916), la notion de rentabilisation de la forêt
était à l'ordre du jour puisqu'on comparait déjà
les rendements insignifiants de la forêt aux charges de gestion qu'elle
engendrait. Cette notion existait bien avant, en 1872 TASSY in MARC (1916)
relevait que les produits à retirer des forêts ne pouvaient
être intéressants qu'à longue échéance. On
reprochait à l'administration de n'avoir pas su tirer profit du domaine
forestier. Malgré que certaines personnes attirent l'attention sur une
exploitation rationnelle des forêts algériennes, cela supposait
qu'il y avait une exploitation abusive et irrationnelle.
Les forêts de la région au regard de leur
situation géographique et orographique étaient et demeurent les
plus exposées aux diverses agressions qui persistent depuis plus de deux
siècles. Des spécialistes avertis tiraient la sonnette d'alarme
en 1827 lors de l'élaboration du code forestier. " Ce n'est pas
seulement par les richesses qu'offre l'exploitation des forêts sagement
combinée qu'il faut juger de leur utilité: leur existence
même est un bien fort inappréciable pour le pays qui les
possède, soit qu'elles protègent et alimentent les sources et
rivières, soit qu'elles soutiennent et raffermissent le sol des
montagnes, soit qu'elles exercent sur l'atmosphère une heureuse et
salutaire influence" notait un forestier anonyme. Malgré cela, l'attrait
de l'intérêt à retirer des forêts, souvent
gratuitement, les conséquences sont catastrophiques pour les formations
végétales. On a toujours affirmé durant plus d'un
siècle que les forêts de la colonie renferment, tant en bois
d'oeuvre qu'en bois de chauffage de larges ressources susceptibles de fournir
des revenus intéressants. Face à ces idées agressives et
aux différentes dégradations, dés 1916 MARC notait:"...la
végétation ligneuse se montre généralement en
Algérie d'une ténacité, parfois même d'une vigueur
remarquable: c'est ce qui a permis à nombre de boisements de survivre
aux causes de destruction qui menacent leur existence. Mais les conditions
climatiques des régions méridionales, considérées
aussi bien au nord qu'au sud de la Méditerranée, en Provence
qu'en Algérie ne sont pas, d'une façon générale,
favorable à la production des bois de grandes dimensions; la
constitution des forêts qu'on y rencontre et que peuplent en
majorité des essences de deuxième ou troisième grandeur,
ou des espèces simplement buissonnantes".
Selon la faculté des espèces à supporter
la sécheresse, la concurrence, les agressions et le couvert
végétal arrivent à imprimer aux peuplements leur structure
et une composition floristique définitives. Dans l'étage
semi-aride où la concurrence des racines se fait à longueur
d'année par
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« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
l'insuffisance d'eau, la densité et le recouvrement en
sont liés. De ce fait la composition de la formation se limite à
une ou deux espèces principales aux faibles exigences
hygrométriques. La concurrence, les actions de dégradation,
l'aire de répartition, les zones de transition, la résistance aux
pressions, le comportement des espèces sont à l'origine de la
composition, de la structure et de la physionomie des diverses formations
végétales. Ainsi par l'élimination graduelle des
espèces principales on obtient leur substitution par des formations
secondaires de dégradation le maquis, le matorral et la broussaille.
On reviendra que la ruine de la couverture ne se limite pas
à son appauvrissement ou à sa disparition partielle le plus
souvent superficiel et périodique mais à la destruction du
capital régénérateur que sont les potentialités
édaphiques et les facultés de régénération
de quelques espèces fondamentales dans la constitution des formations
végétales. Tous les stades de dégradation ne sont en
général qu'une forme d'évolution transitoire des types de
végétation liée au temps et aux facteurs de
l'environnement. Les stades régressifs peuvent évoluer le plus
souvent dés disparition ou atténuation du facteur
dégradant. Il est difficile de situer la ligne de démarcation
entre les différents stades de dégradation tellement la
végétation est en symbiose avec les conditions du milieu et les
autres paramètres l'influençant. Une étude comparative des
stades de dégradation avec les potentialités existantes laisse
supposer que dans un pourcentage de cas appréciables il y a
possibilité d'évolution.
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