10-4.2. Méthode d'observation du dynamisme.
Pour l'étude quantitative de la succession en milieu
terrestre des formations végétales, on part fréquemment de
l'observation et de l'échantillonnage, à un moment donné,
des zones du territoire les plus proches possibles les unes des autres, mais
qui représentent différente étapes de la succession. Ces
dernières exprimeraient la réponse de l'écosystème
à un même type de perturbation qui est survenu à
différentes dates connues. A partir de l'information recueillie dans ces
stations, on peut déduire des tendances de la succession, à
conditions que les caractéristiques du milieu soient assez proches. " La
série de données spatio-temporelles possède l'avantage de
pouvoir considérer un large intervalle de temps. Les variations dues
à des fluctuations météorologiques s'atténuent
aussi."(DRUDY, 1973). Toutes les études écologiques partent d'une
approche statique pour comprendre le phénomène de succession. Il
y a aussi l'approche dynamique consistant à réaliser des
observations dans des parcelles permanentes à des dates successives.
(AUSTIN, 1981).
L'évolution de la végétation est
généralement très lente et les cas d'observation directe
sont naturellement rares. Le dynamisme le plus souvent se déduit
indirectement sur la base de comparaison entre les groupements
végétaux se développant sur des zones
homoécologiques pour rechercher des intermédiaires entre les
différents stades d'une série. Pour cela il est possible selon
OZENDA (1982):
- de faire une observation directe lorsque la succession des
groupements est rapide,
- d'étudier les cartes anciennes (description floristique)
et leur comparaison avec des récentes, - la reconstitution des paysages
végétaux (palynologie, anthracnologie ...).,
- la description des successions à l'intérieur
d'une série,
- l'étude comparée des groupements vivants
côte à côte.
Généralement c'est l'étude
comparée de groupements vivants dans une zone homoécologique et
isopotentielle qui permet de reconnaître le dynamisme. On peut rechercher
s'ils sont reliés entre eux par des états intermédiaires,
et après l'examen du degré de développement ou de la
vitalité de certaines espèces on peut reconnaître si
celles- ci représentent les restes d'un groupement
précédent ou bien annoncent l'évolution vers le stade
suivant.
La méthodologie d'approche repose essentiellement sur
les séries de végétation où des groupements ont
été identifiés à différents stades de
dégradation. Dans chaque série de végétation
reconnue dans les différents étages bioclimatiques et
étages de végétation des placettes d'observations ont
servi de base d'approche du processus de dégradation ou une
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
description floristique a été faite et par
comparaison dans des mêmes conditions de milieu et d'environnement il a
été possible d'identifier le mécanisme et le processus.
La végétation dans toutes ses composantes et ses
formes peut être caractérisée par les aspects suivants
ayant un impact certain sur le dynamisme: une physionomie
irrégulière, une stratification hétérogène,
une composition complexe, une structure particulière, une
régénération aléatoire, une faible
productivité et production, un impact constant d'une agression humaine
et animale et un déséquilibre avancé souvent
irrémédiable. A toute cette instabilité s'ajoute les
interventions programmées par l'homme pour rentabiliser les formations
végétales et qui le plus souvent ne font qu'accentuer leur
fragilité se traduisant par une accélération du processus
de dynamisme.
Les caprices climatiques, les conditions édaphiques
défavorables, les interventions antiévolutives, les agressions et
la fragilité de toutes les formations végétales font que
le dynamisme végétal est très puissant et actif et
n'obéit à aucune règle particulière ou
ordonnée pouvant être définie et schématisé
avec facilité et fiabilité. Il est quasiment impossible de
domestiquer la nature et donc de prévoir car tous les paramètres
intervenants ne sont pas quantifiables. A ce sujet HARROY (1967) soulignait: "
... se rend-on toujours assez compte de ce qu'il ne faudrait en principe jamais
demander à des innovations technologiques en matière de
développement agricole de produire d'éphémères
fruits immédiats s'ils doivent le faire au prix d'un appauvrissement du
potentiel naturel fondamental, en ouvrant la voie même indirectement
à une érosion des sols ou une désorganisation des
régimes hydrographiques, ou en entraînant la destruction
d'habitats de vie sauvage".
Le dynamisme fondamental guidant et président la
destinée des formations végétales est régressif car
toutes les formations végétales connaissent une
dégradation qui leur imprime un faciès remarquable par une
composition, une physionomie et une structure le plus souvent
particulières. Il est tributaire de plusieurs paramètres dont les
plus déterminants sont la composition floristique, la constance des
espèces, le taux d'occupation de l'espace, la densité, l'espace
vital réservée aux principales espèces et l'importance de
ou des pressions qui s'exercent. Plus l'impact de l'homme et de ses
activités est important plus on assiste à une artificialisation
des groupements végétaux qui se traduit par une disparition
graduelle des espèces selon leur sensibilité. L'occupation des
sols est le reflet schématique du dynamisme de l'espèce où
luttent évolution régressive et évolution progressive.
Cette mobilité dans l'occupation de l'espace est dépendante des
activités exercées par l'homme qui sont soit dominantes soit
effacées et qui impriment de leur passage les formations qu'elles
touchent.
" L'évolution de la végétation est le
résultat de l'action de deux mouvements antagonistes: l'un tendant
à appauvrir la végétation en place, l'autre, au contraire
l'enrichissant en espèces nouvelles exigeant des conditions
écologiques plus stables. Suivant que l'un ou l'autre de ces mouvements
l'emporte on assistera soit à un dépeuplement
végétal de la région, soit, ce qui est plus rare sur le
territoire étudié à la réalisation progressive d'un
groupement forestier en équilibre avec les conditions
écologiques" récapitule LOISEL (1975) les résultats de
l'action de l'homme sur la végétation dans le sud-ouest
français.
La mise en évidence de cette mobilité doit
être faite pour apprécier à leur juste valeur la
résistance et la stabilité des groupements végétaux
face à l'action anthropozoogène. L'identification des
espèces les plus menacées et leur comportement seront
déterminants pour toute tentative d'intervention dont l'objectif est la
remontée biologique seule garante de l'évolution. C'est sur les
espèces dominantes, déterminantes et contribuant activement
à la formation des groupements végétaux et à leur
identification qu'il convient d'axer le dynamisme dans un premier temps pour
apprécier et comprendre les transformations et leurs causes.
Les systèmes forestiers se succèdent selon le
degré d'anthropisation, au système forestier potentiel à
caducifoliés (modèle de stabilisation) a succédé
par anthropisation des systèmes forestiers à chêne vert
résistant aux perturbations humaines et des systèmes
préforestiers arbustifs dont les espèces elles même
appartenaient au modèle de résistance, comme le font remarquer
BARBERO, QUEZEL et LOISEL (1990). Les modelés de stabilisation et de
résistance se
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« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
confirment en Algérie occidentale, ce dynamisme se
poursuit de nos jours par le remplacement d'ensembles forestiers par des
ensembles caractéristiques de dégradation provoquée par
des altérations de divers paramètres (biologiques, biomasse, sol,
climat). Le modèle d'expansionnisme actuel est provoqué par la
disparition d'espèces caractéristiques de milieu et leur
remplacement par des espèces ubiquistes à forte faculté de
régénération et de colonisation de l'espace.
La faible dynamique naturelle de la végétation
en zone aride, voire semi-aride, a déjà été
soulignée par LE HOUEROU (1969). SHREVE (1972) a même
affirmé que l'on ne pouvait parler de successions sous ces bioclimats,
cependant les travaux les plus récents (KASSAS, 1976 et FLORET et al,
1981) concluent tout de même à l'existence de successions.
Mc CORMIK (1968) souligne: " Le remplacement de
communautés végétales par d'autres dans le même
espace a lieu au cours du temps. Cette substitution est pratiquement continue
et résulte de la variation des abondances des plantes en réponse
à des changements dans les conditions de milieu". AUSTIN (1977) a mis au
point une méthodologie "dynamique" consistant à réaliser
des observations dans des parcelles permanentes à des dates successives,
où on dispose de séquences plus courtes.
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