1-6 LE MILIEU HUMAIN
En Algérie, depuis le XVI ème siècle, au
moment de la domination turque, les courants nord-sud ont été
étouffés et l'essentiel de l'activité se concentrait sur
la mince frange littorale. Dés lors l'intérieur du pays se
figeait socialement et sombrait dans une économie qui se
sclérosait et devenait axée principalement sur l'élevage
et une agriculture de subsistance. Jusqu'au XVIIIème siècle
l'habitant de l'Algérie a utilisé les montagnes et les massifs
forestiers comme terrain de parcours. Devant l'abondance des herbages les
troupeaux se multipliaient et les besoins en pâturages s'accentuaient.
Ainsi le défrichement pris une allure remarquable et
les terrains de parcours s'étendaient. Dés le XIX ème
siècle certaines lois, issues de l'autorité coloniale,
protégeant le milieu naturel et notamment les forêts furent mises
en application et l'éleveur fut obligé de se discipliner, de
prendre certaines habitudes et d'abolir ses méthodes de libre
utilisation des formations végétales. Cette politique de
préservation du milieu forestier s'adressait uniquement aux populations
autochtones et ne laissait que deux alternatives aux éleveurs:
- limiter à outrance le nombre de têtes de leur
troupeau ou s'en passer, chose difficilement admise et inconcevable puisque ce
dernier constitue l'unique moyen de subsistance des familles touchées
par l'expropriation des terres,
- soit avoir recours au pâturage illicite sous toutes
ses formes et c'est cette solution qui semble être retenue malgré
les sanctions aussi lourdes étaient-elles. Ainsi le pacage sur les
terrains offrant la moindre ressource fourragère est devenu un droit
pour les éleveurs au nom de la survie faisant fi de la
répression.
En 1941 la région d'Oran comptait 125.000 usagers
permanents de la forêt auxquels s'ajoutent les 90.000 temporaires. La
population à laquelle on a imposé la vie pastorale était
difficilement dissociable de la forêt. Cette relation permanente a eu
pendant longtemps, de nos jours et prochainement pour conséquences les
phénomènes de défrichement, de pâturage, de droit
d'usage, de délits de coupe, d'incendies etc...
Souvent les conditions géographiques et naturelles
suffisent à informer sur les grandes lignes des peuplements humains mais
elles n'arrivent pas toujours à expliquer les traits, les
caractères et la répartition de la population. L'appel et le
recours à des facteurs historiques est nécessaire pour
maîtriser certains paramètres fondamentaux tel que la structure,
l'organisation et le comportement de cette population.
L'Algérie, pays du bassin méditerranéen
où la présence de l'homme est le plus anciennement
attestée, en Oranie en particulier. Elle a été depuis
longtemps, bien avant d'autres dans l'histoire du Maghreb, peuplée par
un mélange de population d'Orient, d'Afrique et d'Europe. La domination
romaine a été à l'origine du maintient de la paysannerie
du plat pays à l'écart de la possession de la terre et
l'archaïsme des structures communautaires refoulées dans les zones
montagneuses. L'Islam et l'arabisme apportés par des peuples dont la
structure juxtaposant une population rurale organisée en tribus, des
marchands caravaniers et des citadins.
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
Plus perméable que le reste du pays, l'Oranie a connu
une plus grande stabilité due aux diverses invasions qui ont
aggravé son sous-peuplement. L'Oranie a été soumise
à une forte emprise coloniale où les colons européens ont
mis la main sur la majorité des terres cultivables utilisées par
une agriculture spécialisée. Les exploitants tiraient l'essentiel
de leur revenu de la spéculation ovine associée à la
céréaliculture. Les montagnes, refuge des populations rurales
refoulées par l'expansionnisme colonial sur les plaines, sont
dégradées et où ne subsistent que des terres
épuisées et quelques lambeaux de forêts utilisés en
permanence par les troupeaux.
L'Oranie a ainsi hérité de la période
précoloniale et coloniale avec les particularités suivantes:
- des disparités régionales opposant des
montagnes refuges surpeuplées à des plaines intérieures,
associant céréaliculture et vie pastorale, sous-peuplées;
à des zones plates suburbaines,
- une vie urbaine se maintenant sur des
prélèvements permanents surtout alimentaires sur la population
productive précédente,
- les bouleversements causés par l'indépendance
ont rompu le pseudo-équilibre maintenu par le nomadisme et la
transhumance au profit d'une sédentarisation plus destructive. Ainsi les
anciens pasteurs sont devenus bergers en étroite dépendance avec
l'agriculture,
- céréaliculture, élevage et
industrialisation ont agit sur la répartition de la population qui a un
impact direct sur le milieu naturel,
- la faiblesse de la densité est compensée par un
habitat épars remarquable par sa distribution par rapport à la
couverture végétale forestière,
- l'importance des enclaves à l'origine de l'installation
et du développement des agglomérations dans les massifs
forestiers avec les divers problèmes causés par les populations
riveraines.
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