12-3.2. Caractéristiques des espèces
principales.
Les reliques des formations végétales peu
altérées donnent une image plus ou moins bonne de stades
paraclimaciques régionaux ou locaux où persistent et se
développent les principales espèces forestières
constituant l'armature intéressante de la couverture
végétale. La flore forestière de la région comprend
un certain nombre d'essence ligneuse de premier ordre sur lesquels on se base
pour reconnaître les groupements ou les associations forestiers les plus
déterminantes et fondamentales. Ces espèces se résument
pour les feuillues à trois: Quercus rotondifolia, Quercus
faginea et Quercus suber. Pour les
essences résineuses il n'y a que deux: Pinus
halepensis et Tetraclinis articulata.
On est tenté après toutes les classifications faites
précédemment à inclure dans chacune des deux
catégories ci-dessus énumérées le
Quercus coccifera et Juniperus
oxycedrus.
Les diverses formations n'ont pas toutes la même
importance biogéographique, bioclimatique, écologique et
économique; c'est celle du pin d'Alep qui occupe, en compagnie de celle
du chêne vert, les plus grandes étendues et contribuent à
imposer leur physionomie et domaine de végétation. Elles
revêtent aussi, grâce à leur vaste extension une importance
économique qui a été souvent à l'origine de leur
dégradation. Le thuya arrive à occuper une place importante et
par ses caractéristiques écologiques, particulièrement
intéressantes déjà citées, c'est une espèce
qui naturellement recolonise son espace et son aire car les autres
espèces de la strate arborescente n'arrivent pas à se maintenir.
Le chêne zeen connu pour sa capacité de coloniser rapidement tout
espace libre dans les zones fraîches en exposition nord et nord-ouest
dans le subhumide et remplace souvent le chêne liège qui
éprouve des difficultés à se maintenir sur sol
légèrement argileux et humide. L'absence de
régénération naturelle et même artificielle de cette
essence la condamne à disparaître au profit du chêne vert et
du chêne zeen.
Toutes ces espèces se distinguent par des
caractéristiques importantes à connaître pour comprendre le
rôle qu'elles jouent ou doivent jouer dans les différentes
formations végétales modifiées et perturbées par
les activités humaines.
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
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1996
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1- Pinus halepensis: espèce
dont l'aire de répartition est remarquable conditionnée par des
exigences écologiques larges, des conditions de milieu qui lui sont
favorables et des facteurs humains auxquels il s'est adapté.
La dégradation des conditions édaphiques et
climatiques semble être à l'origine de l'extension des formations
à base de pin d'Alep. ALCARAZ (1969) affirme que le pin d'Alep est
spontané sur l'ensemble des reliefs de l'Atlas tabulaire et se localise
essentiellement dans les dépressions et la partie orientale de cet
atlas. Sa limite d'extension est imposée par les précipitations
qui oscillent entre 280 et 780 mm entre 280 et 470 mm le pin d'Alep est en
formation pure, entre 470 et 560 c'est la formation mixte de pin d'Alep et
thuya au delà de 600 c'est l'air du pin d'Alep et des chênes
(vert, liège et zeen) l'amplitude écologique du pin d'Alep est
définie par les valeurs de Q comprises entre 27 et 94.
Cette espèce a été étudié
par plusieurs chercheurs et est relativement connue .Sa plasticité
remarquable a fait de cette espèce qui prédomine dans toutes les
actions de reboisement, la production de plantes en pépinière est
dominée par le pin d'Alep à 93% sa généralisation
est à l'origine de sa vulnérabilité lors de son
installation dans des zones ou le pin d'Alep ne trouvent pas des conditions
édaphoclimatiques qui lui sont favorables.
Le reboisement axés essentiellement sur le pin d'Alep
ont montré leurs limites , le taux de réussite est faible,
l'accroissement est relativement lent, les peuplements sont attaqués par
la chenille processionnaire et leur durée probable de vie est
hypothéquée par les incendies très fréquents dans
ce type de formation a cela s'ajoute la densité, supérieur
à 1600 plants à l'hectare qui donne un peuplement très
dense ou la concurrence pour l'espace et pour l'eau est capitale et cela se
traduit par les plants stressés, affaiblis évoluant difficilement
et sujet à plusieurs maladies entravant la productivité et
l'accroissement. Malgré l'importance écologique et
économique de cette essence, elle n'arrive pas émerger comme
espèce réellement dominante pouvant assurer la formation de
groupements végétaux en équilibre avec les contraintes
naturelles du milieu et les pressions humaines. Cette espèce à
également montré ses limites en matière de
pérennité puisque la régénération naturelle
est quasiment absente dans toutes les formations du semi-aride. La
régénération naturelle après incendie est
remarquable, une littérature importante lui a été
réservée. Dans notre région l'importance des incendies
n'est plus à démontrée, puisque nous lui avons
réservé une partie détaillée, et implicitement la
régénération naturelle est abondante et occupe une surface
appréciable qu'il fallait bien gérer après avoir
déterminé les techniques sylvicoles à appliquer. Le
forestier de la région est resté (et le demeure encore de nos
jours) perplexe face à une régénération naturelle
après incendie, car la densité dépasse souvent 15.000
plantules à l'hectare. Cette haute densité pose des
problèmes insurmontables en matière de traitement et de conduite
pour arriver à l'âge adulte, généralement les
formations découlant de semis issus de régénération
sont la proie facile des incendies qui les détruisent avant l'âge
d'exploitation, avec une probabilité relativement élevée
(le chiffre de 30% est avancé).
Reléguée dans des zones relativement
accidentées ou les conditions édaphiques et climatiques sont
rudes, les formations forestières à base de pin d'Alep sont
essentiellement à caractère de protection.
Généralement elles ont un sous-bois faible ou dominent quelques
espèces sans importance, dans de telles conditions on a des forêts
fossiles âgées sans importance ni écologique ni
économique.
Ne rejetant pas de souche, la
régénération naturelle ne peut se faire que si les sujets
ont un âge supérieur à 20 ans et que des conditions
favorables à la germination des graines soient réunies (sol
à potentialités, meuble en surface permettant l'enfouissement des
graines), protection des jeunes semis contre le piétinement et les dents
du bétail. En formation pure cette espèce est sensible à
tous les facteurs dégradants et ne présente aucune
résistance quand elle est agressée. Abordant la notion de place
du pin d'Alep LOISEL (1975) note à juste titre: " Une espèce
végétale ne présente un intérêt pratique
réel dans un territoire donné que si les conditions
écologiques caractérisant ce territoire ou du moins certaines de
ses parties sont favorables non seulement à l'installation et au
maintien de espèce mais encore à son développement
harmonieux il faut que
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
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l'espèce puisse s'implanter ou être
implantée facilement, que la régénération naturelle
soit bonne et qu'enfin sa productivité, sa valeur esthétique ou
son efficacité au niveau de la protection des sols et de la
végétation correspondent aux objectifs que s'est fixé
l'utilisateur, souvent le forestier ."
Concurrencée par le thuya, le chêne vert, le
genévrier oxycèdre et surtout les espèces secondaires
notamment le lentisque, la filaire, le chêne bermes, l'alfa, le pin
d'Alep ne doit sa dominance qu'aux reboisements, à la résistance
de l'espèce déjà en place et qui offre exceptionnellement
lorsque les conditions le permettent une faible
régénération qui assure néanmoins une
pérennité à cette formation.
Le pin d'Alep est en même temps une espèce
intéressante et dangereuse, c'est l'homme qui par son choix judicieux ou
irréfléchi, permet d'en faire une espèce forestière
participant activement à la composition et à la structure des
formations végétales ou une espèce caractéristique
de groupements de transition menacés de disparition à court terme
sachant que cette espèce, grâce à un concours de
circonstances, a colonisé des surfaces où elle ne se trouvait pas
naturellement. Présente et capable de se développer dans tous les
étapes bioclimatiques de la région, cette espèce a fini
par s'imposer au détriment d'autres espèces plus
intéressantes dans des aires qui ne lui sont pas recommandées. A
ce sujet LEUTREUCH-BELAROUCI (1981) notait: " ... le cas le mieux connu est
celui du pin d'Alep, présente et capable de prospérer dans tous
les étages bioclimatiques du pays, à partir de l'aride
supérieur, mais qui à l'état naturel n'occuperait sans
doute en permanence, à l'état de climax, qu'une aire
limitée à certaines portions des étages semi arides et
arides. Ailleurs, il ne pourrait jouer que le rôle d'une essence
pionnière occupant temporairement des surfaces nues, incendiées
ou érodées, et préparant le milieu au retour des essences
en place mieux adaptés et plus compétitives qui finissent par
l'éliminer" Espèce à utilisation controversée entre
les partisans de la généralisation de son utilisation et ceux qui
ne la voient que cantonnée dans son aire. Cette espèce ne s'est
pas imposée comme principale dans l'objectif recherché par cette
étude puisqu'elle ne permet pas une domination positive dans les
formations végétales ou elle est plus présente.
2-Quercus rotondifolia :
espèce à large spectre occupant une surface remarquable, son
amplitude écologique est supérieure à celle du pin d'Alep
puisqu'elle est tolérante à l'égard du froid, de la
chaleur, de la sécheresse et des conditions édaphiques.
Espèce basse et dense sous sa forme typique la plus
évoluée se présentant généralement en maquis
plus ou moins dense selon l'intensité des pressions qu'elle supporte.
Sous forme de taillis souvent dégradé arrivant à se
maintenir grâce à sa faculté de rejeter même à
un âge assez avancé. Ces rejets sont d'autant plus importants que
les agressions sont intenses. Résistante à la dégradation,
cette espèce colonise des groupements de pin d'Alep, de chêne
liège et même l'Oleo-lentisetum en
altitude, en versant nord lorsque le froid et l'humidité sont
élevés. Elle prend diverses formes physionomiques pour lutter
contre les facteurs dégradants et arrive à se maintenir là
ou les autres espèces disparaissent. Le chêne vert arrive à
coloniser tous les types de sol, à différentes altitudes, sous
les deux principaux étages bioclimatiques de la région (semi
aride et subhumide) et quelque que soit le type et l'intensité des
agressions elle participe activement à la formation de tous les
groupements végétaux identifiés et agit avec
prépondérance sur la composition et la structure en imposant une
physionomie. Son taux de présence et sa fréquence
élevée dans les strates buissonnante, arbustive et arborescente
soulignent l'importance écologique de cette espèce dans tous les
écosystèmes forestiers de la région. Les meilleurs stades
évolutifs rencontrés appartiennent aux groupements du chêne
vert. Les stades de dégradation offrant la plus grande résistance
aux pressions appartiennent également à cette espèce et
permettent d'avoir une matière organique remarquable en quantité
et en qualité. Le semis direct donne de bons résultats pourvu que
les glands soient enfouis dans le sol et mis en défens pendant quelques
années (au moins quatre), son accroissement est appréciable;
résistante naturellement aux incendies cette espèce est plus
qu'intéressante.
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
occidentale)
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Le chêne vert est présent dans toutes les
étapes de dégradation de pratiquement toutes les formations
végétales et occupe de ce fait une place écologique et
floristique déterminante et significative. Dans toutes les
classifications faites, reposant sur la résistante aux agressions, la
présence, la constance, la stabilité, la participation à
la détermination de la structure et de la physionomie des diverses
écosystèmes forestiers, le chêne vert se positionne parmi
les trois premières espèces. Plusieurs travaux
dendrométriques ont été faits sur cette essence pour en
apprécier les caractéristiques de production, de
productivité, d'accroissement, d'utilisation dans l'industrie du bois et
de la papeterie (BOUDY, 1954; BERRICHI, 1994; DAHMANI, 1984; MAHI, 1993); tous
confirment que les résultats obtenus sont intéressants
comparés aux autres espèces dites stratégiques tel que le
pin d'Alep, le pin maritime, le chêne zeen, le chêne afares. Le
chêne vert est une essence pouvant se développer dans des
conditions de milieu très diversifiées, colonisant les espaces
les plus dégradés et arrivant à un taux de recouvrement
remarquable qu'aucune autre essence n'est capable d'atteindre.
Avec la maîtrise de son implantation artificiel ou une
assistance à sa régénération naturelle le
chêne vert peut et doit constituer le pionnier en matière de
protection des formations basses dégradées car il peut permettre
l'installation d'une ambiance forestière indispensable au
développement d'autres espèces. BACHTARZI (1984) dans la
région de Télagh confirme qu'un semis direct de gland de
chêne vert donne des résultats appréciables avec un taux de
réussite de 65% à condition qu'une préparation du sol et
une mise en défens pendant les deux premières années
soient assurées. Le chêne vert est une essence capitale pour
l'installation d'un processus de dégradation de nos formations
végétales où le stade de dégradation atteint est
presque irréversible car il constitue dans l'état actuel de nos
connaissances, au même titre d'ailleurs que certaines espèces de
la strate arbustive et buissonnante déjà citées, la seule
espèce dotée de capacités physiologiques et
écologiques lui permettant de coloniser des espaces où les
conditions stationnelles sont défavorables pour l'installation d'une
gamme variée d'espèces forestières ou
préforestières.
3-Tetraclinis articulata: cette
essence forestière fait partie des principales espèces de la
région comme nous l'avons affirmé à maintes reprises de
part ses caractéristiques écologiques remarquables
(xérothermophile, calcicole). Elle se cantonne exclusivement dans le
semi-aride à variante chaude, douce, et même fraîche pouvant
se développer à une altitude maximale de 1400 m. Peu
résistante au froid, le thuya est largement répandu sur les sols
calcaires où elle se présente en formation pure mais le plus
souvent en mélange avec le chêne et le pin d'Alep. Essence assez
résistante aux incendies et aux agressions grâce à sa
grande faculté de rejeter de souche. Elle est concurrencée dans
les zones d'altitude froides et humides par les chênaies. Les conditions
écologiques difficiles de la région permettent à cette
espèce de se maintenir là ou d'autres espèces ne sont
présentes qu'à l'état de broussaille ou disparaissent. Le
thuya contribue efficacement à la composition et à la
constitution de divers écosystèmes forestiers
généralement très claires et dégradés
où il impose une structure particulière. Présent dans
toutes les strates de toutes les formations végétales où
il figure, il imprime une physionomie remarquable par l'impression d'occupation
de l'espace et de la colonisation du sol; la preuve de sa résistance et
de sa grande faculté d'adaptation à des conditions de milieu
difficiles. Cette espèce semble devancer son temps puisqu'elle parait
s'adapter à des zones où la dégradation est extrême
et où la seule végétation qui persiste et arrive à
se développer appartient aux groupements du thuya.
La qualité du bois de thuya, de couleur rouge brun,
à aubier mince, ne se fendant presque pas, à grain fin et
homogène; son bois se polit et se travaille convenablement, quasiment
indestructible son bois est très recherché et c'est ce qui
justifie les fortes exploitations illicites. Vigoureux, physiologiquement il
panse ses blessures et cicatrise ses mutilations rapidement et poursuit son
développement face à des agressions où d'autres
espèces auraient péries. Dés que la tige atteint un
diamètre supérieur à 5 cm, le thuya peut résister
à presque toutes les mutilations de l'homme et de son troupeau. Se
développant dans des conditions plus rudes que celles où
prospèrent le pin
« Aspects physionomico- structuraux de la
végétation forestière ligneuse face à la pression
anthropozoogène dans les
monts de Tlemcen et les monts de Dhaya (Algérie
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d'Alep et le chêne vert, le thuya n'est limité
dans son extension que par le climat. Avec le chêne vert il constitue
l'espèce caractéristique de l'étage bioclimatique
semi-aride sous des pressions authropozoogènes élevées et
permanentes il n'est pratiquement pas exclu de son habitat et il n'y a que la
lenteur de son développement qui peut être retenue au
négatif de cette essence. Toutes les autres qualités militent
largement en faveur d'une réhabilitation du thuya pour qu'il reprenne la
place qui lui revient dans les écosystèmes forestiers.
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