II- PROBLEME
L'histoire migratoire donne à retenir que les
Bakola/Bagyelli entretiennent avec leurs voisins bantous des rapports
très anciens. Leur étroite parenté linguistique avec les
Kwassio (Ngoumba, Mabéa) laisse penser que leur histoire est plus ou
moins liée aux migrations ancestrales de ces derniers. Longtemps
basée sur un système d'échanges
déséquilibrés et motivée par une réelle
subordination, la coexistence des Bakola/Bagyelli avec les Bantou était
marquée par la domination et l'assujettissement des Pygmées par
les Bantou qui sont devenus leurs « maîtres »4. De
ces rapports de forces inégales, sont nés des conflits qui ont
permis la structuration des rapports de coexistence entre « Grands Noirs
» et Pygmées. La venue de la modernité a
contribué à l'évolution du mode de vie des Pygmées
qui s'est mué au fil des années du nomadisme au
semi-sédentarisme pour aboutir au sédentarisme. Le corollaire de
ce processus de sédentarisation fut l'apparition progressive d'habitats
précaires et permanents
3 Gauchotte, P. 1992, Le pragmatisme, Que sais-je ? Paris,
P.U.F.
4 NGIMA M.G ; 1993 Le système alimentaire des
groupes pygmées Bakola de la région de Campo ; Thèse de
Doctorat, Paris.
parfois proches, voire carrément au bord d'une piste,
et à proximité d'un village bantou. Cette transition a eu comme
conséquence l'émancipation des Bakola/Bagyelli qui les a conduit
à aspirer à l'amélioration des conditions de leur vie.
Cette mutation a amené les Pygmées à vouloir s'affranchir
de la domination de leurs anciens « maîtres-protecteurs ».
Ces aspirations à l'autonomisation ont
été mal perçues par les Bantou qui, à partir de ce
moment, ont multiplié des stratagèmes pour briser cet élan
de libération. Dès lors, sont apparus des conflits qui ont
grandement contribué à la détérioration des
rapports de coexistence entre Bantou et Pygmées. Le passé
récent de la cohabitation entre Ngoumba et Bagyelli à Bidjouka
d'une part, et Ewondo et Bakola à Ngoyang d'autre part,
révèle la permanence des conflits entre ces communautés.
Du vol de nourriture dans les champs des Bantou par les Pygmées,
à l'exploitation abusive des Bakola/Bagyelli par les Bantou, les
conflits n'étaient pas déjà, dans la majorité des
cas, à négliger. Car, on signale méme le
décès d'un Ngyelli en 1996 à Bidjouka des suites d'une
raclée qui lui avait été administrée par certains
habitants du village qui l'avaient accusé de vol des régimes de
banane-plantain dans leurs champs. Très souvent, les heurts jusqu'alors
signalés à Bidjouka et à Ngoyang étaient de faible
ampleur et se soldaient toujours par une issue pacifique.
La construction de logements par les partenaires au
développement (GRPS, SAILD/APE et CBCS) a été
initiée pour promouvoir l'autopromotion des Pygmées dans leur
environnement. Cette prise en compte de la cause pygmée visait, autant
que faire se peut, à recaser les Bakola/Bagyelli vivant sur la ligne du
tracé du pipeline (Doba-Kribi) et à les inclure dans le processus
de développement global de leur localité. Force est de
constater que la construction de ces infrastructures sociales est venue non
seulement accroître l'intensité des tensions et des conflits qui
existaient entre ces différentes communautés, mais aussi et
surtout créer une nouvelle forme de conflit : l'acceptation par les
Bantou que les Bakola/Bagyelli habitent des maisons mieux construites que les
leurs. Or, les Bantou se sont toujours considérés comme des Etres
supérieurs aux Pygmées. Ils vivent et conçoivent mal le
fait que les ONG préfèrent construire des maisons à leurs
« serviteurs » qu'à eux. Larvés et anodins qu'ils
étaient par le passé, ces conflits sont devenus en 2007(Ngoyang)
et 2008(Bidjouka) ouverts, entraînant comme conséquence la
détérioration des rapports de cohabitation entre Ngoumba versus
Bagyelli de Bidjouka et Ewondo et Bakola de Ngoyang.
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