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Conception d'un modèle spécifique d'accréditation des districts de santé: expérience de la Côte d'Ivoire

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par Diawara BASSALIA
Université de Liège faculté de médecine école de santé publique - Diplôme d'étude approfondie en sciences de santé publique 2006
  

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PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L'ETUDE

I. Définition du problème

Depuis les vingt cinq dernières années, la stratégie des soins de santé de primaires (SSP) s'est affirmée comme le paradigme sanitaire dominant notamment pour les pays en voie développement (Cueto, 2005 ; Segall, 2003 ; Dujardin, 2002 ; Gobbers, 2000). Dans un éditorial au titre évocateur (the promise of primary health care) et colle à l'actualité, Cueto a qualifié cette stratégie (les SSP) d'option prometteuse pour la réalisation de l'objectif de la santé pour tous et pour les objectifs de développement sanitaire du millénaire (ODM) (Cueto, 2005 ; Segall, 2003).

L'application des SSP a pourtant connu et continue de connaître des difficultés depuis la Déclaration d'Alma-Ata de sorte que le principal défi de la période post Alma-Ata a été de rechercher une approche pertinente de mise en oeuvre des SSP (Van Lerberghe et al, 1992 ; Dujardin, 1994 ; Grodos & Tonglet, 2002). La recherche de solution à ce défi a conduit l'OMS à initier deux rencontres décisives dont l'une à Gabaronne en 1985 et l'autre à Hararé en 1987. Ces rencontres ont conduit à dégager et à retenir l'approche de développement des soins de santé de primaires par le district de santé comme l'option la plus pertinente et adéquate pour l'opérationnalisation de cette stratégie (Monekosso, 1993 ; Dujardin, 1994 ; Segall, 2003). Dès lors, le district de santé, devenu le modèle de référence fait son chemin et occupe jusqu'à ce jour la position dominante qui est la sienne dans les politiques de santé de la plupart des pays en développement notamment d'Afrique subsaharienne (Gobbers, 2000).

Le concept de district de santé a été encore réaffirmé plus tard à Brazzaville en 1994 puis à Hararé en 1998 à l'occasion de rencontres initiées par le Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique (AFRO) (WHO, 1994 ; WHO, 1998). Dédiées à la recherche de modalités concrètes d'application, un scénario de développement sanitaires en trois phases ayant pour cadre le district de santé a été adopté à la rencontre de Brazzaville (WHO, 1994).

Ce scénario consiste :

· en premier lieu à créer des districts de santé,

· en deuxième lieu à définir un paquet minimum d'activités (PMA) pour l'application des SSP,

· et en troisième lieu à définir et à mettre en oeuvre un programme d'opérationnalisation des districts de santé (POT) et du PMA.

Ayant adopté ce scénario, la Côte d'Ivoire a mis en route un train de réformes de son système de santé commencée en 1994 par la création des districts de santé (MSP, 1994). Par la suite, elle a défini un paquet minimum d'activités (MSP, 1996) et élaboré un plan national de développement sanitaire (PNDS) (MSP, 1996) en 1996. Elle a également élaboré un programme d'opérationnalisation technique (POT) des districts de santé et du PMA depuis 1997.

Notons qu'après plusieurs années de mise en oeuvre des districts de santé, la Côte d'Ivoire, à l'instar de ses pairs de la région africaine, reste confrontée au défi de réalisation de bonnes performances et du développement de ces entités.

Dans la recherche de solution à ce défi, elle a choisi de s'appuyer sur l'accréditation, non pas
en substitution des instrumentations plus classiques et habituelles telles que la planification, la
supervision, la formation et la recherche, le monitoring et l'évaluation, les inspections et le

contrôles, les démarches d'assurance de la qualité et les méthodes visant l'incitation et la motivation des acteurs déjà en application mais complément de celles ci.

Ce choix a été fait en se basant non seulement sur des arguments techniques liés au contexte mais aussi sur des arguments en rapport avec ses valeurs de référence et morales.

Sur le plan technique, notons que pour développer les districts de santé et améliorer leur performance, la Côte d'Ivoire a essayé les instrumentations classiques et habituelles sans succès.

De plus, on note que certaines de ces méthodes ne font toujours l'unanimité selon les intervenants dans le secteur de la santé. Si nous prenons l'exemple de la planification, pendant les acteurs nationaux et certains partenaires plaident pour une planification de développement sur quatre ou cinq années suivie de planification annuelle, d'autres plaident pour une planification annuelle régulière dans les régions où ils interviennent. Si nous prenons encore l'exemple du suivi et de l'encadrement au premier échelon de soins, pendant que certains intervenants mettent l'accent sur le monitorage à l'exemple de l'UNICEF, d'autres privilégient la supervision. En somme, que ce soit la planification, la supervision et la formation, le monitoring et l'évaluation, les inspections et les contrôles, les démarches d'assurance de la qualité, les méthodes d'incitation et de motivation, elles ont toutes été appliquées soit à l'échelle nationale soit dans des districts spécifiquement soutenus par des projets de coopération au développement ayant un penchant particulier pour la promotion de l'une ou l'autre instrumentations de gestion.

A titre d'illustration, notons par exemple que les autorités sanitaires privilégient les inspections, les contrôles, les évaluations externes et les supervisions mais sans toujours en avoir les moyens. De plus, dans le cas des inspections, contrôles, évaluations externes, ils sont mal perçus et vécus par les acteurs.

Parmi les partenaires, l'UNICEF a toujours privilégié la formation et le monitorage dans les districts qu'il finance sans pouvoir soutenir durablement ces activités, de sorte que l'arrêt de son soutien à un district entraîne l'arrêt de ces activités.

Les coopérations belge (CTB) et allemande (GTZ) ont toujours privilégié la planification par objectif (PIPO et ZOPP) et la supervision ainsi que les méthodes d'assurance de la qualité respectivement dans les districts de leurs zones d'intervention sans qu'il y ait non seulement une véritable appropriation mais aussi sans que les niveaux d'appui disposent de moyens pour le suivi de ces processus.

La banque mondiale a soutenu une expérience de planification exhaustive de développement de deux districts sanitaires pilotes (Districts de Tiassalé et de Guiglo) qui n'ont pas pu être mises en oeuvre à cause de la complexité de la démarche pour les acteurs et à cause du financement.

L'OMS a soutenu une expérience pilote de qualité dans un district (District de Divo) qui a échoué parce que les moyens du suivi n'ont pas été prévu.

Ce n'est donc pas faute d'essayer l'une autre ou l'autre instrumentation qui est le problème, mais c'est plutôt devant les échecs enregistrés que ce pays s'est résolu à chercher des solutions complémentaires. Elle pense que devant les difficultés de mise oeuvre du district qui sont principalement liées à la faible culture du district, à l'appropriation insuffisante du concept et du processus de travail, à l'absence de leadership, de dynamique d'équipe, de communication et de coordination à différents niveaux, de formation spécifique des acteurs, etc, l'accréditation, au vu de ses potentialités, pourrait constituer une solution ce problème de performance et de développement des districts de santé.

Sur le plan de ses valeurs et de la référence morale, la Côte d'Ivoire est consciente que l'enjeu de la réalisation des objectifs sanitaires du millénaire passe par le développement des districts de santé. L'intérêt d'adopter cette approche vient de ce que le district est reconnu comme un cadre bien approprié pour le développement des SSP qui est la principale stratégie sanitaire du pays. Par ailleurs, par l'approche district, il est possible d'organiser des soins et des services de santé sur une base intégrée, égalitaire, solidaire et équitable pour tous et en particulier pour les plus défavorisés de la société (Rawls, 1993).

Le district de santé intègre à la fois et parfaitement une conception égalitariste et rawlsienne du service de santé s'opposant à la conception libérale dominée par la puissance du marché. Au contraire de la conception libérale, les conceptions égalitariste et rawlsienne préconisent respectivement une redistribution du service sur une base égalitaire et inégale mais avec une discrimination qui s'opère à l'avantage des plus défavorisés (Rawls, 1993).

C'est sans aucun doute la raison principale qui fait que la plupart des pouvoirs publics, notamment en Afrique, qui ont le devoir et la responsabilité d'organiser des services publics de santé pour leur peuple, à faire de la promotion des SSP et du district de santé l'épine dorsale de leurs politiques de santé publique (Salman et al., 2000). C'est également pour la même raison que l'OMS et les organismes qui défendent le service public de santé recommandent et encouragent la mise en oeuvre de cette approche.

La sauvegarde du service public de santé, qui offre une chance de réaliser les objectifs de santé du millénaire, constitue l'un des enjeux du choix de l'accréditation par la Côte d'Ivoire.

Mais, ne nous leurrons pas et penser que le service public de santé ne compte que des défenseurs. Bien au contraire, Il faut savoir qu'à coté du courant d'opinion qui prône sa défense, il existe un autre courant qui plaide pour sa privatisation ou à tout le moins pour son évolution vers des systèmes qui prennent en compte les lois du marché et de la concurrence (Akin et al., 1987 ; Béjean, 1994 ; Bennett, 1997 ; Turshen, 1999 ; Segall, 2000 ; Zwi et al., 2001).

Les tenants de ce courant d'inspiration néolibérale basent leur argumentation sur la faillite économique et financière généralisée et l'insuffisance des performances observées à l'heure actuelle au niveau des systèmes de santé dans le cadre de l'administration publique (Sicotte et al., 1999 ; Segall, 2000 ; Ridde, 2004).

Ils se basent sur l'idée que l'administration publique, généralement engluée dans une logique de bureaucratie, avec des acteurs adossés à des logiques à la fois corporatistes et professionnelles, ne peut réaliser des performances parce qu'elle est prise au piège de sa propre logique. Laquelle logique ignore les méthodes de production et de gestion du privé qui privilégie une logique de profit et de rentabilisation du capital investi, d'équilibre producteurconsommateur et de maîtrise des coûts de production (Banque mondiale, 1994b; SchneiderBunner, 1994 ; Muschell, 1995 ; Leclet & Vilcot, 1999 ; Segall, 2000).

A ce niveau, il y a des interrogations fondamentales d'autant plus que la santé peut difficilement devenir un bien marchand et le service public difficilement substituable au service privé à cause des buts que ce dernier poursuit (Leclet & Vilcot, 1999 ; Segall 2000). Par exemple, à qui serait vendu les consommations de soins à retombée collective importante pour la santé publique telles les campagnes de vaccination et de prévention qui ont pour objectif d'améliorer l'état général de santé publique d'une population? Ou encore que deviendraient des personnes qui ne seraient pas solvables pour la consommation des soins s'il n'existe pas de service public ? Notons à ce niveau que la notion de consommation de soins est relative et incertaine pour les simples et bonnes raisons que la maladie et les accidents sont

imprévisibles (Leclet & Vilcot, 1999) et que par ailleurs un bien public, et donc le service public qui l'incarne, a trois caractéristiques qui sont l'impossibilité d'exclusion, l'obligation d'usage et l'absence d'effet d'encombrement (Schneider-Bunner, 1994).

Le service public de santé, qui prend donc en compte ces valeurs fondamentales en réponse à un besoin et à une mission de solidarité, d'équité et de justice sociale, est plus apte que le service privé à assumer ce rôle que le service privé ne peut se permettre au risque de courir à la faillite. Il est également important de noter que l'organisation du service public n'est véritablement appropriée que dans le cadre de l'administration publique dont l'objectif n'est pas de faire du profit mais de permettre à toutes les entités d'une même société l'accès à des services de base de manière égalitaire et juste (Schneider-Bunner, 1994).

La Côte d'Ivoire a choisi l'accréditation en se fondant sur les éléments techniques et les valeurs qui viennent d'être développés convaincue qu'elle fournirait la valeur ajoutée indispensable pour l'amélioration des performances et le développement des districts de santé même dans un environnement d'administration publique et de service public.

Le problème c'est que le modèle d'accréditation dans le domaine de la santé a été essentiellement conçu pour les établissements de santé et les hôpitaux (Mathews, 2000 ; ANAES, 2004). Hors ici, il s'agit de l'appliquer aux districts de santé qui sont des sous systèmes plus complexes formés d'un réseau d'établissements de premier contact et d'un ou plusieurs hôpitaux de référence. De toute évidence, une adaptation du modèle, pour tenir compte de la spécificité et de la complexité du modèle du district de santé, apparaît nécessaire avant son application.

L'enjeu final de ce travail, qui est en définitive d'établir une base d'évidence scientifique devant montrer que l'accréditation peut contribuer à améliorer la performance et le développement des districts de santé, ne peut se concrétiser avant l'indispensable adaptation du modèle.

L'objectif de la présente étude, qui est la première étape du travail, est de construire une démarche ou un modèle d'accréditation pertinent et adapté au système de district de santé en Côte d'Ivoire.

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