En second point il convient de mentionner la crise que
traverse actuellement l'industrie musicale. A-t-elle un impact sur la
production scénique et renforce-t-elle les apports des festivals de
musiques actuelles à ce sujet ?
Nous verrons au cours de cette partie que les points de vue des
labels et des artistes divergent sur la question de l'importance de la
production scénique à ce sujet.
? Du point de vue des tourneurs, programmateurs et
labels
D'après Jean-Jacques Toux, le programmateur des
Vieilles Charrues, depuis la crise du disque la musique live a pris une autre
dimension économique. Comme il le mentionne, << Il y a de plus en
plus de festivals qui poussent un peu partout, en Pologne, au Japon, avec des
grosses têtes d'affiche, mais qui pratiquent des gros tarifs. À
nous d'essayer d'attirer les groupes à travers autre chose que
l'argent... »
D'après Sean Bouchard, responsable du label Talitres,
la production scénique face à la crise de l'industrie musicale
est de plus en plus fondamentale. En effet, afin d'avoir son point de vue
professionnel je lui ai soumis un questionnaire auquel il a accepté
volontiers de répondre. Comme il l'a expliqué durant notre
entretien, la presse fait malheureusement peu vendre et il reste fondamental de
mener une promotion dite << classique > lors de la sortie de l'album.
La présence scénique du groupe s'avère ainsi indispensable
pour relayer cette promotion qui s'appuie sur la diffusion de l'information par
le biais des radios, d'Internet, etc. Toujours d'après Sean Bouchard, la
scène offre une nouvelle exposition un autre moyen de diffusion pour un
groupe. De plus, il a apporté cette mention très
intéressante, << la scène fait `'vivre `' le disque. »
Elle contribue en effet à lui offrir une exposition plus durable, par le
fait qu'elle engendre une actualité autour du projet et donc une remise
en avant d'un album donné. Pour illustrer ce point, j'ai
questionné Sean Bouchard sur l'importance de la production
scénique auprès du groupe phare du moment au sein du label
Talitres, Ewert and the Two Dragons.
* Source :
http://www.letudiant.fr/loisirsvie-pratique/loisirsvie-pratique-people/comment-je-suis-devenu-
programmateur-des-vieilles-charrues-14713.html
Ce groupe est actuellement en tournée pour promouvoir
leur album Good Man Down. Cette exposition scénique traduit deux points
forts en ce qui concerne la vente de leur album. Elle permet d'attirer les
médias qui génèrent assez naturellement de nouvelles
ventes, ainsi qu'à la vente directe (le merchandising) à la
sortie de leur concert.
Pour conclure ce point de vue, Sean Bouchard affirme
être de plus en plus persuadé que « plus un groupe est
diffusé plus il est diffusé. On réalise que la
réussite commerciale d'un groupe passe énormément par le
bouche à oreille, par le relai de fan sur Internet. Une bonne prestation
scénique permet de développer ces nouveaux canaux de diffusions.
»
? Du point de vue des artistes
Pour les artistes cette notion de crise n'est souvent pas
ressentie. Comme l'explique José Reis Fontao durant notre entretien, la
crise ne touche que les labels. Pour les indépendants, ils vivent
grâce au statut d'intermittent et donc essentiellement du live.
En revanche il affirme bel et bien que c'est fondamental pour son groupe de
tourner, voire vital. D'après lui le spectacle se porte très
bien, le public est présent. « Beaucoup de professionnels restent
encore très attachés à la vente du disque. Mais les choses
sont en train de se transformer. Le support se dématérialise.
»
En effet au sein de cette période de décroissante
commerciale du disque, celui-ci s'apparente de plus en plus à une simple
« carte de visite » pour les artistes.
J'ai par la suite posé la même question à
Samantha Cotte du groupe Hyphen Hyphen, afin de savoir si son groupe aussi
ressentait cette pression issue de la crise de l'industrie musicale. Le groupe
rejoint l'avis de Sean Bouchard, face à la crise se produire sur
scène est devenu primordial. Samantha Cotta rejoint par la suite l'avis
de José Reis Fontao en expliquant que l'économie du live est
complètement différente de celle du disque. Le merchandising
n'apparaît que comme un supplément à la
rémunération de leur cachet artistique.
Nous pouvons ainsi constater que la crise de l'industrie
musicale renforce l'intérêt de la production scénique pour
les artistes mais n'engendre pas une importante pression. Ainsi son impact est
moindre et il ne renforce que très peu la notion d'apports des festivals
de musiques actuelles en termes de promotion artistique.