6/ L'attractivité des festivals : une
stratégie de développement du tourisme local ?
Suite à ce constat assez défavorable au sein de
l'hypothèse principale de ce chapitre s'appuyant sur le fait que les
festivals ont un impact sur le développement territorial et culturel,
nous continuerons notre analyse sur les motivations de l'implication
financière des acteurs locaux à l'égard des festivals.
Ainsi nous nous interrogerons sur l'attractivité de ces manifestations
culturelles au sein de la stratégie du développement du tourisme
local.
Il s'agira d'une réponse à l'étude
quantitative des retombées des festivals sur l'industrie touristique
réalisée précédemment. Comme nous l'avons
évalué, l'impact des festivals sur le tourisme s'explique par
l'image et la notoriété qu'ils apportent à la
localité : les dépenses des festivaliers ainsi que les
retombées économiques sur les nombreux emplois des secteurs
gravitent autour de l'industrie touristique (hôtellerie, restauration,
transports et commerces en général).
Au cours de cette partie, nous verrons comment et par quels
moyens les festivals contribuent à cette stratégie du
développement touristique des territoires, qui est l'une de leur
priorité en termes de ressources économiques.
6.1 La crise économique actuelle : impact sur
les budgets loisirs et cultures des familles
Avant d'évoquer cette question, il convient
d'introduire cette partie par une brève analyse des budgets vacances des
familles en France. Étant en période de crise économique
il semble aussi important d'étudier ses éventuelles
conséquences sur les budgets loisirs et culture des ménages.
? Les budgets culture et loisirs
Il est inévitable que la crise modifie les besoins des
consommateurs étant donné qu'elle engendre une baisse du pouvoir
d'achat. Nous pouvons être logiquement amenés à penser que
les budgets loisirs et culture sont les premiers à connaitre une
baisse.
Cela s'atteste par une étude de Logic-Immo et
DirectPanel Research menée en 2009 auprès de 626
français : les consommateurs confirment réduire en
priorité leurs dépenses culturelles (64 % des sondés) et
de loisirs (62%) en vue de maintenir leurs budgets sur les postes jugés
essentiels (dépenses alimentaires, santé et bien-être,
Internet et téléphone).
Depuis cinquante ans les dépenses de loisirs et de
culture ont connu l'une des plus fortes croissances : de 1960 à 2007
leur part est passée de 10 à 16 %. D'après une
étude de l'INSEE réalisée en 2008, il ne s'agit pas
réellement d'une baisse du budget culture et loisirs enclin au
ralentissement du pouvoir d'achat, mais d'un simple repli de la part des
ménages qui arbitrent en faveur d'autres dépenses.
La part des dépenses réservée à la
culture et les loisirs varie fortement selon le niveau de vie. En 2008, les
ménages les plus aisés lui consacraient 11,1 % de leur budget
contre 6,4 % pour les ménages les plus modestes.
Si on analyse plus en profondeur les conséquences de la
crise économique, la nature des dépenses touchées ne sont
fort heureusement pas celles qui nous intéressent au sein de notre
étude. En 2002 à 2007, c'est la vente de disques qui a
été la plus atteinte avec une diminution de 50% ainsi que la
consommation de journaux dont la baisse s'est accentuée.
A l'inverse, il a été perçu une hausse de
la part du budget loisirs consacrée aux voyages à forfait, aux
week-ends ou aux spectacles culturels. Ainsi les dépenses pour les
spectacles culturels qui étaient en recul depuis les années 1990
connaissent une légère croissante depuis 2008. Ce fait est
notable en majorité au sein des ménages les plus aisés,
les plus modestes préférant quant à eux consacrer leurs
budgets loisirs pour les équipements de télévision ou
hi-fi, le jardinage ou les animaux de compagnie.
Même si le budget culture et loisirs des ménages
a subi une légère diminution, il reste tout de même bien
placé au sein de leur budget global quel que soit leur niveau de vie. En
2006, il représentait en moyenne 11 % des dépenses totales des
ménages, se plaçant entre la catégorie « biens et
services >> (13%) et « habillement >> (8%) (cf. graphique
7). Enfin, toujours d'après l'INSEE, l'année
2010 est marquée par une reprise des dépenses de consommation par
les ménages (+ 1,3% en volume, après + 0,1% en 2009). Ce
regain
concerne quasiment tous les secteurs en particulier les
dépenses en matière d'alimentation et d'habillement ainsi que
celles en hôtels, cafés et restaurant.
Ainsi, les conséquences de la crise économique
sur les budgets sont à relativiser. Le cinéma par exemple ne
s'est jamais aussi bien porté, malgré des tarifs qui ont
fortement augmenté ces dix dernières années.
La pression qu'exerce la crise économique sur les foyers
engendre un besoin de se divertir certainement en vue de <<
décompresser ».
Enfin, il faut tout de même noter que la culture se
positionne toujours après les dépenses de loisirs aux seins des
ménages.
? Les budgets vacances
Malgré la crise économique, plus de la
moitié des français a continué à partir en vacances
en 2008. Néanmoins ils ajustent leurs dépenses : ils
décident de partir moins loin et moins longtemps. La majorité des
familles choisissent de rester en France et de réduire leur budget
pendant leur séjour, en réalisant des économies sur la
restauration ou en pratiquant moins d'activités de loisirs payants. Par
ailleurs en 2008, 19 % des français ont bénéficié
d'une aide pour leurs départs, des « chèques vacances »
principalement.
Dans ce contexte, le Ministère a mis en place des aides
personnalisées, en fonction de la situation économique et sociale
des personnes concernées. Le ministère de la Culture et de la
Communication, en réponse à sa priorité politique de
faciliter l'accès à la culture et d'en favoriser une meilleure
diffusion sociale, en décrit ainsi les qualités : *
<< Le développement des << chèques
vacances », utilisables dans 4000 lieux culturels (701 musées, 523
théâtres et opéras, 362 cinémas, 257 festivals, 471
monuments historiques, 707 écoles de musique et conservatoires et 15
centres d'art contemporain...). »
D'après une étude du Ministère à
ce sujet en 1998, sur les 4 millions de français
bénéficiaires, 400 000 d'entre eux ont accédé
à un lieu culturel par ce moyen de paiement.
En 2008, 19 % des français ont
bénéficié de ces << chèques vacances
».
* Source :
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/politique/democratisation/faciliter.htm
? Tarification des festivals
Enfin, il semble intéressant de mentionner ici la
tarification des festivals. Cela évoque non seulement le niveau des prix
consentis mais aussi le lien entre le prix des places et l'ouverture des
concerts à des publics éloignés du spectacle vivant qui
est tout sauf direct. En effet nous pouvons noter le fait que la
distance entre le public et le spectacle n'est pas seulement
financière et spatiale mais aussi sociale et psychologique.
Cette brève mention de la tarification est aussi en
lien avec l'économie des festivals précédemment
étudiée, où nous avons pu voir combien les recettes
propres étaient cruciales dans les budgets : 36,5% en moyenne.
De même, elle nous amène à évoquer
la question de la gratuité, qui est divisée
entre deux positions opposées : ceux qui estiment qu'elle est une juste
contrepartie du fait que les festivals bénéficient de
volumineuses subventions publiques et ceux qui considèrent que le prix
n'est pas un facteur essentiel d'ouverture sociale et reste un marqueur
symbolique et pratique de tout spectacle.
Ainsi le prix moyen d'un billet de festival de musiques actuelles
est recensé à 19 € par le Centre National
de la Chanson, des Variétés et du Jazz -dit
CNV.*
Concernant la question de la gratuité, elle peut
être compréhensible et appréciable lorsqu'elle concerne un
festival hors norme et très fructueux. En revanche pour un festival de
musiques actuelles se développant en milieu rural et contribuant
déjà énormément au développement local, elle
ne semble pas être envisageable. Nous verrons durant la partie
7 que ce genre de festivals propose qu'en même des services
gratuits en dehors de leur programmation, en nous appuyant sur les exemples des
Vieilles Charrues, de Musicalarue et de Jazz in Marciac.
*
* Source : CNV, étude de la perception de
la taxe sur les spectacles de variétés, Eléments
statistiques sur la diffusion des spectacles de variété et de
musiques actuelles en 2005, Paris, 2006.
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