4.2 Analyse globale des financements : recettes et
dépenses des festivals
L'analyse suivante est symétrique à celle des
rôles et implications des partenaires des festivals. Par le biais de la
dynamique propre des festivals, nous verrons la structure de leurs recettes et
leurs orientations en matière de dépenses.
? Les recettes
L'échantillon d'Emmanuel Négrier repose ici sur
72 évènements, qui ont une structure moyenne, et où
dominent les subventions avec 51,5% sur les ressources propres qui sont
à 36,5%, et le mécénat et autres ressources qui sont quant
à eux à 12%.
En volume total, toujours pour les festivals de musiques tous
genres confondus, cela représente 21,5 millions de subventions, 15,2
millions de ressources propres et 4,9 millions de mécénat, soit
un montant global de recettes de 41,6 millions d'euros.
Encore une fois, il s'agit là d'une moyenne qui
dissimule des situations très différentes, compte tenu de la
diversité qui frappe les festivals en termes de fréquentation et
de partenariat. Mais elle nous permettra d'avoir une meilleure vue
d'ensemble.
Les subventions :
En dehors du festival qui n'en perçoit aucune, le plus
petit total des subventions se situent à hauteur de 15 000 euros, et le
plus important à plus de 2,5 millions d'euros. La moyenne établie
est à environ 300 000 euros, contre une médiane de 136 000 euros,
qui est donc bien inférieure. Deux tiers des festivals de cet
échantillon sont compris entre 60 000 et 600 000 euros, ce qui est le
signe d'un assez grand éparpillement en volume.
Volume de Subvention
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
18
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
15
|
De 121 000 à 260 000 euros
|
17
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
17
|
Plus de 1 000 000 euros
|
5
|
Reproduction du tableau de la page 101
Le mécénat :
Pour le mécénat, 11 festivals sur les 72 de
l'échantillon n'en déclarent pas, le plus petit montant effectif
étant de 1 400 euros, et le plus important de 741 000. La moyenne est de
68 000 euros, avec une médiane de 27 000 euros : c'est le plus petit
écart entre une moyenne et une médiane, ce qui signifie qu'ici,
les gros bénéficiaires ne tirent pas le groupe vers le haut.
Trois quarts de l'échantillon sont compris entre 8 500 et 60 000 euros
de mécénat.
Volume de Mécénat
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
54
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
8
|
De 121 000 à 260 000 euros
|
7
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
3
|
Plus de 1 000 000 euros
|
0
|
Reproduction du tableau de la page 102
On constate ici, par le biais des montants à chaque
fois égaux pour définir les fourchettes, l'importance relative
des subventions par rapport aux ressources propres, et surtout au
mécénat.
Par ailleurs, pour en revenir aux difficultés que
rencontrent les organisateurs à convaincre les mécènes
d'accroitre leur participation, il faut prendre conscience du contexte actuel.
Depuis les années 1990 se ressent en effet une baisse de l'implication
du mécénat au sein de la culture. Cela est tout d'abord due
à la réduction de leur budget, voire à leur suppression
mais surtout, comme nous l'avons mentionné précédemment,
cela est dû au fait que celui-ci tend à se montrer égal
face à trois autres domaines que la culture qui vont croissant :
à savoir le sport, l'environnement et le social. Dès lors, les
mécènes relèguent volontiers la culture au rang de «
luxe ».
De plus, il faut savoir qu'il existe deux «
catégories » de mécénats : le mécène
privé, qui démontre peu d'attirance pour la culture et le
mécène public qui, en revanche, s'affirme comme plus
désireux d'une image culturelle, mais cela en vue de se démarquer
au sein de la population locale et d'attirer les touristes et autres
investisseurs ciblés.
La part respective des trois sources de financement
:
Enfin, il convient d'examiner la part respective que pèse,
pour les festivals, chacune de ses sources de financement :
|
Subventions
|
Ressources propres
|
Mécénat
|
Moins de 10%
|
2
|
6
|
32
|
De 10% à moins de 20%
|
2
|
11
|
19
|
De 20% à moins de 40%
|
14
|
33
|
20
|
De 40% à moins de 50%
|
9
|
11
|
1
|
De 50% à moins de 60%
|
17
|
5
|
0
|
De 60% à moins de 80%
|
20
|
4
|
0
|
Plus de 80%
|
8
|
2
|
0
|
Reproduction tableau de la page 102
D'après ce tableau, nous pouvons en conclure que la
majorité des festivals dépend à plus de 50% des
subventions. D'après Emmanuel Négrier, les 28 festivals qui
dépassent 60% de subventions sont des festivals très liés
à une collectivité, en particulier à un conseil
général ou régional. Cela signifie que les festivals en
élargissant leur programmation, qui déborde alors sur la saison
avec des thématiques souvent assez vastes, sont des vecteurs de
développement de l'animation locale.
De même, nous pouvons constater que pour 20 festivals le
mécénat constitue un tiers de leurs ressources, ce qui n'est pas
négligeable. En revanche, il est vrai que deux tiers de
l'échantillon en tire moins de 20%.
D'après Emmanuel Négrier, ceux qui ont une forte
part relative de mécénat sont presque exclusivement urbains et
purement estivaux. Comme nous l'avons vu précédemment, si les
festivals implantés en milieu rural perçoivent moins
d'intervention de la part du mécénat, cela est lié au fait
qu'ils sont généralement dans des zones peu industrielles, et
donc présentant moins d'entreprises susceptibles d'être
mécènes.
Enfin, nous pouvons remarquer que l'essentiel des festivals,
55 sur notre échantillon de 72, se situe au-delà des 20% de
ressources propres ; la moitié, soit 36 festivals, en tire plus du tiers
de leur budget, et 11 manifestations dégagent plus de 50% de ressources
propres. Ces derniers sont souvent situés dans deux catégories :
de très gros festivals très médiatiques et de très
petits.
? Les dépenses
La structure des dépenses est plus fragmentée
que celle des recettes. Son volume global est de 42 millions d'euros, soit
légèrement supérieur à celui des recettes qui est
de 41,6 millions d'euros. Nous n'irons pas jusqu'à examiner la part
relative que chaque charge représente dans l'ensemble des
dépenses, cela serait pousser l'étude bien plus loin et nous
éloignerait de notre objectif principal.
Ainsi, il va sans dire que les volumes que nous allons
analyser n'indiquent en rien les différentiels de stratégies d'un
festival à un autre, tant l'envergure de ceux-ci est diverse. Il s'agit
donc encore une fois, d'une analyse globale ayant pour but de donner une
idée des répartitions des dépenses, toujours dans le but
de comprendre l'économie des festivals dans son ensemble.
En nous basant sur le graphique de la structure des
dépenses (cf. graphique 5), on peut classer les
résultats en cinq rangs :
En premier rang :
D'après le graphique 5, ce
sont les dépenses artistiques qui dominent les dépenses
totales avec une part de 50,63%. Cela représente 21 millions d'euros de
frais artistiques. Elles vont d'un minimum de 5 600 euros à un maximum
de 2,9 millions d'euros. La moyenne est établie à près de
300 000 euros par festivals, et la médiane est de 121 000 euros. 50 %
des festivals de musiques en tous genres ont un volume de dépenses
artistiques compris entre 57 000 à 215 000 euros.
Volume de dépenses artistiques
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
17
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
17
|
De 121 000 à 261 000 euros
|
21
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
10
|
Plus de 1 000 000 euros
|
5
|
Reproduction du tableau de la page 105
En deuxième rang :
Les frais administratifs, avec 20% sur les
dépenses totales. Les dépenses administratives varient de 1
800 euros pour les plus petites à 1,1 million pour les plus importantes.
La moyenne est de 119 000 euros par festival, avec une médiane de 39
000 euros. 50 % des
festivals ont un volume de dépenses administratives de 8
300 à 97 000 euros, ce qui traduit une
hétérogénéité relative plus forte que pour
les dépenses artistiques.
Volume de dépenses administratives
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
44
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
10
|
De 121 000 à 261 000 euros
|
6
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
10
|
Plus de 1 000 000 euros
|
1
|
Reproduction du tableau de la page 106
En troisième rang :
On trouve les frais techniques avec 12% sur les
dépenses totales. Les dépenses techniques varient des plus
petites qui sont de 500 euros, aux plus importantes qui s'élèvent
à 574 000 euros. Dans cet échantillon, cinq festivals n'en
déclarent pas. Par hypothèse, quelles sont
intégrées aux dépenses administratives. La moyenne des
frais techniques est de70 000 euros par festival, contre une médiane de
20 000 euros. 50 % des festivals ont un volume de dépenses techniques
compris entre 7 100 et 73 000 euros, ce qui correspond à l'écart
du volume des dépenses administratives.
Volume de dépenses techniques
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
51
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
11
|
De 121 000 à 261 000 euros
|
3
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
6
|
Plus de 1 000 000 euros
|
0
|
Reproduction du tableau de la page 106
En quatrième rang :
Les dépenses de communication qui sont de 11%
sur le total, et bien évidemment, tous les festivals de
l'échantillon ont un budget communication. La plus petite dépense
est de 4 000 euros, et la plus grosse de 490 000 euros. La moyenne du budget
communication par festival est de 65 000 euros contre une médiane de 36
000 euros. 50% des festivals ont un volume de dépenses de communication
compris entre 15 000 et 74 000 euros ; il s'agit ainsi de la plus grande
homogénéité des situations.
Volume de dépenses de communication
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
47
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
13
|
De 121 000 à 261 000 euros
|
8
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
2
|
Plus de 1 000 000 euros
|
0
|
Reproduction du tableau de la page 107
En cinquième rang :
Les charges de missions et réception des artistes
qui s'élèvent à 6% sur les dépenses totales.
Ces frais sont les moins répandus : 11 festivals n'en
déclarent pas et une partie de cette fourchette intègre ce type
de frais au sein du budget communication. La plus petite dépense est de
1 400 euros et la plus grosse est de 289 000 euros. La moyenne est de 34 000
euros, avec une médiane de 12 000 euros. On retrouve ici une assez
grande homogénéité des dépenses.
Volume de dépenses en
mission-réception
|
Nombre de festivals
|
Moins de 60 000 euros
|
57
|
De 60 000 à 120 000 euros
|
8
|
De 121 000 à 261 000 euros
|
5
|
De 261 000 à 1 000 000 euros
|
1
|
Plus de 1 000 000 euros
|
0
|
Reproduction du tableau de la page 107
? Conclusion : une précarité du montage
financier
Pour conclure cette analyse globale de « statistique
descriptive » des financements des festivals, il est intéressant de
lier l'étude d'Emmanuel Négrier avec celle de Luc Bénito.
En effet ce dernier, dans son ouvrage Les festivals en France,
marchés, enjeux et alchimie, propose au sein de son étude
personnelle la question de la précarité du montage financier des
festivals, qui se révèle enrichissante au sein de notre
réflexion.
Ainsi, bien que la plupart des partenaires soient fortement
impliqués en volume et en moyenne au sein des ressources des festivals,
il convient de mentionner les problèmes paradoxaux qu'ils peuvent
engendrer.
Le recours systématique des festivals à des
participations financières est l'élément principal, le
fond essentiel de leurs ressources propres. Pour certains directeurs
artistiques, le montage financier d'un festival s'apparente le plus souvent
à un véritable « défi » voire à un «
parcours du combattant ».
Comme le mentionne Luc Bénito dans son ouvrage, «
cette dépendance des festivals vis-à-vis de financeurs induit des
choix quai stratégiques dans les partenariats. » Il s'agit
là d'une contrainte que les organisateurs subissent
perpétuellement, étant donné qu'ils doivent alors
constamment renouveler leur méthode de sélection et de persuasion
auprès de ces dits partenariats.
En somme, beaucoup de festivals cherchent encore à
trouver un partenaire financier principal. Mais cela comprend le risque de se
voir imposer une contrepartie souvent contraignante de sa part et de perdre
ainsi en partie la maîtrise sur le projet artistique. D'après Luc
Bénito, il a été observé sur ce point que la forte
contribution d'un partenaire financier engendrait le plus souvent une forte
pression sur la direction artistique, celui-ci se montrant plus souvent
intéressé par le retour de l'image que de la qualité
artistique de l'événement.
Cela nous amène à introduire la dernière
partie de cette étude sur l'impact des festivals sur leur territoire. Si
les partenaires financiers démontrent parfois d'une forte possession sur
les organisateurs des festivals, cela amène à penser que ces
évènements produisent d'importants bénéfices.
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