Du secret professionnel du ministre de culte( Télécharger le fichier original )par Rémy MUNYANEZA Université nationale du Rwanda - Bachelor's degree en droit 2008 |
§2. Les possibilités de lever le secret professionnelD'après l'article 214 CPL II, les dépositaires des secrets qui les révèlent « hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice » seront punis. A première vue, il se dégage de cette disposition que les professionnels ont l'obligation de révéler ces secrets lorsque la justice le leur demande, mais il n'en est rien. Il est vrai qu'ils doivent rendre compte à la justice des faits qu'ils ont connus, abstraction faite de leur qualité professionnelle. Mais, lorsque le silence est pour celui dont on invoque le témoignage (un ministre du culte dans notre cas), un devoir avoué et reconnu par la loi, l'accomplissement de ce dernier est incompatible avec l'obligation de déposer comme témoin sur des faits lui étant parvenus en raison de son état ou de sa profession99(*). Dans ce conflit de deux devoirs contradictoires, Mineur écrit que les personnes dépositaires ne sont pas obligées de se taire si elles croient pouvoir révéler les secrets dont elles sont dépositaires. Dans ce cas leurs révélations ne sont pas punissables à défaut d'intention criminelle100(*). Il a d'ailleurs été dit par Piron et Devos dans ce sens que « la question de savoir si le dépositaire de secret se retranchera ou non derrière le secret professionnel est une question de conscience et de déontologie professionnelle101(*) ». Ainsi donc l'opportunité de la révélation du secret professionnel devant la justice est laissée à l'appréciation du ministre du culte. On ne peut dire en d'autres mots, qu'elle est non obligatoire mais facultative. « Sa conscience d'honnête homme, sa loyauté et sa sincérité sont mises à l'épreuve102(*) ». Cela étant, nous estimons que nos tribunaux ne peuvent reprocher ou écarter d'office un témoin pour le seul motif qu'il est tenu au secret professionnel. C'est ainsi que la validité d'une déposition régulièrement faite et recueillie d'un professionnel qui n'a pas jugé utile de se retrancher derrière le secret professionnel ne fait pas de doute. Elle vaut autant que toute autre déposition de témoins, et la conscience des juges aura à apprécier sa valeur probante ; mais ils ne pourront pas l'annuler ou la faire disparaître. En France l'article 226-13 du Code pénal (régissant le secret professionnel) n'est pas applicable à la personne qui informe les autorités publiques de privations ou de sévices infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne vulnérable103(*). Ainsi si un ministre du culte a connaissance de « privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles » infligées à un enfant de moins de 15 ans ou à une « personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique d'un état de grossesse », elle peut en informer les autorités judiciaires (Procureur de la République) ou administratives (Président du Conseil Général) (Art. 226-14 du Code Pénal Français104(*)) sans encourir de peine. Ainsi le ministre du culte a la possibilité : - Soit de révéler les faits sans qu'il puisse être poursuivi pour violation du secret professionnel, - Soit de ne pas les révéler, sans qu'il puisse être sanctionné pour non dénonciation de mauvais traitements comme les citoyens non tenus au secret, en vertu de l'Art.434-3 alinéa 2 du Code Pénal Français105(*). La jurisprudence rwandaise étant silencieuse en la matière, celle belge affirme à ce sujet qu'il appartient au ministre du culte d'apprécier quels sont les faits couverts par le secret professionnel, sauf au tribunal de contrôler leur appréciation en cas de doute ou de contestation106(*). Ainsi, seules les révélations indiscrètes méritent d'être punies, mais non celles qui sont faites devant la justice. Il n'y a donc pas de barrière à un ministre du culte qui, appelé en justice pour déposer sur les faits rentrant dans l'ordre des secrets qu'il dépose, croit de bonne foi, être obligé de révéler les secrets. Cette révélation n'est plus punissable parce que justifiée par l'absence de l'intention criminelle107(*). En ce qui concerne le Rwanda, le secret professionnel étant relatif, les personnes y assujetties ont la faculté d'apprécier l'opportunité de leur révélation ou de leur témoignage. Ils peuvent donc parler comme ils peuvent se taire108(*). Si l'interdiction de révéler le secret professionnel est à considérer comme un principe, le dépositaire du secret peut parler sur ordre ou sur demande de l'auteur de la confidence. L'autorisation du maître du secret enlève aux renseignements leur caractère secret. Si le secret a été confié par plusieurs personnes et qu'il les intéresse toutes, la révélation ne se fera qu'avec le consentement unanime. Nous pouvons citer le cas de maladie héréditaire par exemple109(*). L'obligation au secret professionnel découle avant tout de l'intérêt de celui qui a placé sa confiance dans la discrétion d'une personne appelée par profession à recevoir les confidences d'autrui110(*). Nous pouvons dès lors nous demander comment parlerait-on de la confiance et de secret là où celui qui a parlé autorise son interlocuteur à révéler ce qu'il lui a dit. Il est vrai que la révélation enlève à certaines professions la confiance qui devait les environner, mais cette considération s'incline devant le caractère de l'intérêt privé attaché à la répression de la violation du secret professionnel111(*). En effet, l'intérêt du maître du secret peut également justifier la révélation. Dans ce cadre, il y a violation licite lorsque le confident livre à un tiers certaines confidences du pénitent au profit de ce dernier. * 99 Pandectes belges, Scelles-séparation, cité par C. M. UMWALI, La protection du secret professionnel en droit pénal rwandais, mémoire, Butare, U.N.R., Faculté de droit, ......, p.80. * 100 G. MINEUR, Commentaire du droit pénal congolais, Larcier, 1953. * 101 PIRONT et DEVOS, Codes et lois du Congo belge, 1960, p.45 * 102 Pandectes belegs, op. cit., p.501. * 103 Voy. P. MORYAN, Quand la preuve se heurte au secret, en ligne sur http://patrickmorvan.over-blog.com/article-7076872.htm consulté le 28/08/2008. * 104 Art. 434-3 du Code Pénal Français, en ligne sur, http://www.legifrance.gov.fr consulté le 14/08/2008. * 105 X. Le secret professionnel, en ligne sur http://www.jeunesviolencesecoute.fr. le 14/08/2008 * 106 Cassation belge, 22/3/1888, in Pandectes belges, p.461. cité par C.M. UMWALI, op. cit., p. 84. * 107 NYPELS et SERVAIS J, Le code pénal belge interprété, T.2, Bruxelles, Bruylant, 1897, p.342. * 108 C.M. UMWALI, op. cit., p.84. * 109 C.M. UMWALI, op. cit., p.84. * 110 .M. UMWALI, op. cit.,, p.87. * 111 NIPELS et SERVAIS, op. cit., p.605. |
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